D’une manière ou d’une autre, chaque personne est touchée par l’intervention de l’État en matière de protection sociale, peu importe son statut socioéconomique. Il existe différentes formes d’intervention de l’État au niveau de la protection sociale, comme les programmes d’assurance et d’assistance. Esping-Andersen distingue trois « mondes » de l’État-Providence, intimement liés aux luttes sociales et compromis sociétaux.
<!--[if !supportLists]-->1) <!--[endif]-->L’État-providence social-démocrate : Pays scandinaves. Mélange entre libéralisme et socialisme. Bien-être et travail sont interreliés. Protection sociale extensive, État omniprésent. Politiques sociales généreuses, accessibles, égalitaires (hommes/femmes).
<!--[if !supportLists]-->2) L’État-providence conservateur : Allemagne et France. Valorisation de la famille traditionnelle. Femmes au foyer exclues des politiques sociales. Protection sociale corporatiste (organisée selon le métier).
<!--[if !supportLists]-->3) L'<!--[endif]-->État-providence libéral : Canada, Royaume-Unis et Etats-Unis. Libre jeu du marché privilégié, transferts universels plus restreints, protection sociale ciblée à des groupes précis, programmes limités. Protection sociale associée à la responsabilité individuelle.
La pauvreté est un phénomène multidimensionnel et mondial. Cette problématique préoccupe toujours plus les responsables politiques, économiques et sociaux, mais aussi la société civile et l’opinion publique. Divers gouvernements et organisations internationales ont instrumentalisé des politiques et des programmes d’aide. Je vais m’attarder au modèle scandinave social-démocrate, plus spécifiquement à la Suède et à la Finlande, et aux politiques de lutte contre la pauvreté pour tenter d’apporter un éclairage sur le succès des pays scandinaves quant à l’emploi, à la croissance et à la qualité de vie.
Pour le régime social nordique, ou régime social-démocrate, qui regroupe la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège et l’Islande, le référent normatif du bien-être est l’égalité, basé sur la citoyenneté et la résidence. Au contraire, le bien-être du régime continental est basé sur la sécurité alors qu’il est basé sur l’assistance dans le modèle anglo-saxon ou libéral. Un autre élément constitutif du bien-être nordique est le caractère universel de la couverture populationnelle et des services publics. Le niveau des dépenses publiques est élevé, tout comme le taux de démarchandisation qui diminue la dépendance des gens face au marché. Il y a une protection sociale élevée des citoyens contre les risques sociaux et d’importants services publics collectifs. Les sources de financement de ce système sont les impôts. Ainsi, la pression fiscale dans les pays nordiques est l’une des plus élevées de l’Union européenne. L’État a un rôle prédominant dans ce régime, par opposition au régime libéral. Ainsi, le régime providentiel scandinave est plus cher que les autres modèles, mais il est également plus général et égalitaire. Ces caractéristiques se retrouvent dans la majorité des mesures de lutte contre la pauvreté en Finlande et en Suède.
Les objectifs des systèmes de protection sociale suédois et finlandais
Le système de protection sociale en Finlande et en Suède est très individualiste et se base sur l’assistance sociale, les services de santé universels et un système de sécurité des revenus. Le premier objectif du système suédois est d’inclure toute la population dans un système général de politique sociale et éviter les systèmes spécifiques. D’autres objectifs s’ajoutent annuellement sur le taux d’emploi et la dépendance à l’aide sociale. Pour accomplir ces objectifs, des plans d’action dans le milieu politique et des mesures de lutte contre la discrimination furent développés, en parallèle de la politique sociale déjà existante. Quant au système de protection sociale finlandais, il a comme objectif premier de fournir à toute la population des services financés principalement par les impôts, dont les fonctions organisationnelles sont décentralisées et confiées aux municipalités. Une priorité est accordée aux mesures préventives.
Les mesures pour réaliser les objectifs en matière de lutte contre la pauvreté
Plusieurs secteurs sont impliqués dans la lutte contre la précarité et l’exclusion, mais celui qui apparaît le plus important en Suède et en Finlande est celui de l’emploi. D’autres secteurs impliqués sont les pensions, la santé et l’aide aux immigrants. La lutte contre la pauvreté inclut des mesures de protection des groupes menacés par l’exclusion sociale, comme les immigrants, les enfants, les personnes âgées, les femmes, etc.
Les pays nordiques, de régime social-démocrate, ont un système de bien-être des plus complets et généreux au monde. Les principes de solidarité et de cohésion sociale sont les bases de ce système. Les bénéfices sociaux sont considérés comme un droit fondamental des citoyens et non comme une forme d’assistance charitable.
La suprématie du travail
Il existe une forte tradition en Finlande et en Suède qui démontre l’importance primordiale de l’emploi comme garantie contre la pauvreté. En effet, pour les gouvernements, l’emploi à temps plein peut être une protection efficace et suffisante contre l’exclusion sociale.
Le principe de la suprématie du travail dans ces pays inclut une vaste gamme de mesures pour donner les ressources adéquates aux personnes afin de trouver un emploi et subvenir à leurs propres besoins. La tendance générale de ces mesures en matière de prévention et de traitement de la pauvreté est la substitution des mesures passives par un processus d’activation.
Par exemple, en Finlande, les normes d’assurance-chômage ont été modifiées pour renforcer les incitatifs à accepter des postes de travail et la mobilité. Le gouvernement suédois développe le recours à des politiques actives du marché du travail pour lutter contre le chômage, avec pour but de maintenir les travailleurs dans le marché du travail, notamment par une garantie d’activité.
En plus des politiques actives du travail, le gouvernement suédois pait des subventions aux entreprises qui engagent des chômeurs de longue durée. Les subventions supplémentaires du gouvernement permettent à un individu de travailler à temps partiel et de couvrir l’indemnité de chômage pour les autres heures d’une semaine normale de travail. Ce système très généreux fait que le bénéfice marginal des heures supplémentaires est minimum.
La Finlande et la Suède ont développé différents mécanismes pour aider les chômeurs de longue date à trouver un emploi et prévenir la pauvreté de ceux qui travaillent à temps partiel. Par exemple, le « adjusted unemployment benefit » en Finlande aide les personnes en recherche d’emploi qui trouvent un travail de 28 heures et moins par semaine en leur fournissant une indemnité de chômage ajustée en plus de leur rente de travail, pour 36 mois maximum. Cette mesure aide particulièrement les femmes qui travaillent à temps partiel dans le secteur privé.
Ainsi, la stratégie de la Finlande et de la Suède de lutte contre la pauvreté demeure profondément connectée à la stratégie de promotion de l’emploi, de manière que ce soit difficile de distinguer les deux. La participation au marché du travail est le moyen principal de lutter contre l’exclusion. Il y a une promotion d’un marché du travail ouvert, un développement actif de la formation professionnelle et une formation constante pour éviter l’exclusion du marché du travail, et enfin le maintien d’une rente décente pour les travailleurs et les chômeurs.
Les politiques des pensions
Le système des pensions dans les pays nordiques est un autre élément fondamental de la lutte contre la pauvreté. Comme la majorité des pays de l’UE, la Finlande et la Suède connaissent des problèmes démographiques, dont le vieillissement de la population. L’originalité de ces systèmes de retraite est double. D’une part, ces pays se caractérisent par un haut niveau de dépenses sociales, pour l’ensemble des risques sociaux en général mais surtout pour l’assurance vieillesse. La Suède est le pays de l’UE avec la plus grande part de son PIB dédié aux prestations sociales (environ 33%), dont le tiers va aux pensions. D’autre part, ce haut niveau de prestations sociales se déploie sur l’architecture d’un système de retraite et de protection sociale qui implique de nombreuses caractéristiques « beveridgiennes ». Ainsi, une part importante des prestations d’assurance-vieillesse se paie dans le cadre de régimes « universels » où les assurés se soumettent à une simple condition de résidence, sans prendre en compte les bénéfices perçus durant leur carrière.
Ces problèmes démographiques impliquent naturellement un ajustement des politiques et normes. Par exemple, la Suède a introduit une législation réformiste en 1994. L’aspect primordial de cette réforme était de « fournir une pension de retraite adéquate en fonction des revenus avec une couverture universelle pour toutes les personnes qui travaillent et habitent en Suède, appuyée par une loi de sécurité qui garantit un niveau de vie raisonnable à toutes les personnes âgées ». En plus de cette réforme, il y a une pension par convention financée par les cotisations des employeurs et travailleurs. La réforme des pensions dans ces pays, surtout en Suède, établit une relation plus étroite entre l’activité du marché du travail et les résultats de la sécurité sociale, guidés par une approche individualisée qui facilite l’avancement vers une égalité entre les hommes et les femmes.
Parmi les autres mesures de lutte contre la pauvreté, les gouvernements finlandais et suédois s’occupent du problème des immigrants, qui sont très affectés par la pauvreté. En matière de prévention sociale, ils ont créé des plans d’installation individuels. Certaines initiatives spéciales en Suède incluent une formation professionnelle supplémentaire, des règles plus rigoureuses contre la discrimination, la validation des qualifications gagnées à l’étranger et la formation linguistique. Parmi les autres mesures, on retrouve par exemple le plan national d’action finlandais en faveur de l’inclusion sociale, en 2001. La majorité de ses mesures visaient à améliorer le système universel, mais d’autres plus précises concernaient le fonctionnement du système d’assistance sanitaire, l’établissement d’entreprises sociales, l’offre de loyers à prix modique, l’assistance sociale préventive, etc.
Les critiques du modèle nordique?
Le modèle social-démocrate a une réputation d’inefficacité vu son haut niveau d’emploi dans le secteur public. Il s’agit d’un énorme défi législatif mais aussi d’une charge très coûteuse pour le budget de dépenses publiques. Le modèle libéral, lui, dépend davantage du secteur privé comme fournisseur d’emploi, et ainsi il ne reste pas tant chargé du poids législatif et financier. Toutefois, le modèle social-démocrate a démontré un haut niveau d’emploi en contraste avec les pays du régime libéral, et encore plus avec ceux du régime conservateur. La complexité et la sophistication du modèle scandinave n’est pas seulement une charge mais a aussi aidé les pays nordiques à survivre à la crise des années 80 et 90, par sa combinaison des traits d’un marché capitaliste régulé et les institutions providentielles extensives.
Une critique peut être faite quant au haut niveau de congés maladie. Cela peut démontrer un chômage caché mais il s’agit plus probablement du résultat d’une culture où il est devenu normal prendre un certain nombre de jours de congé pour maladie chaque année. Plusieurs de ces congés maladie ont duré plus d’un an, ce qui coûte beaucoup à l’État. En 2004, le gouvernement suédois a dépensé 9,9 milliards d’euros en prestations pour les congés maladie.
En conclusion, le modèle social-démocrate, avec l’idéologie d’égalité des conditions, a eu plus de succès que l’idéologie libérale d’égalité des opportunités. L’idéologie nordique crée un sentiment de citoyenneté sociale forte, avec un appui fort pour le système universel. Les Scandinaves paient des impôts élevés mais reçoivent beaucoup de l’État-Providence. L’importance accordée au travail, surtout à l’emploi temps plein, est la garantie contre la pauvreté. Cela demeure essentiel pour comprendre ces régimes, qui ont les taux de pauvreté les plus bas au monde. Selon le Comité économique et social européen, le défi futur pour ces pays est de maintenir le leadership technologique, d’augmenter la productivité, de moderniser le marché du travail et de perfectionner le régime fiscal pour créer un système de bien-être social soutenable et amélioré qui appuie l’esprit de cohésion social, au cœur de la société suédoise. Quelles leçons pourraient selon vous s’appliquer pour les modèles québécois et canadien?
Joanie G.
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Comisión de las Comunidades Europeas, Informe conjunto sobre la inclusión social en el que se resumen los resultados del examen de los planes nacionales de acción en favor de la inclusión social (2003-2005) (Bruxelles : Comisión de las Comunidades Europeas, 2003), 210.
Comité économique et social européen.
Uwe Becker (2007). “The Scandinavian Model: Still an Example for Europe?”, International Politics and Society/Internationale Politik und Gesellschaft (mars), p. 41-57.