Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

#2- Wane; Êtes-vous sûr de ne jamais avoir recours à l'aide sociale?

 

Bien- être social, aide sociale, assistance sociale : différents termes ont été utilisés pour désigner l’aide financière de dernier recours. Les programmes ont évolué au fil du temps et en fonction des gouvernements mis en place. De  nos jours, l’aide sociale vise à fournir un soutien financier aux personnes qui ne présentent pas de contraintes sévères à l’emploi. Les personnes considérées comme inaptes relèvent du budget de la solidarité sociale. La catégorisation apte /inapte au travail a été décriée par des organismes de défense de droits car elle sous-entend que les bénéficiaires aptes seraient responsables de leur situation et manquent de volonté pour se trouver un emploi. Être apte signifie t-il l’absence de maladie physique et mentale ? La personne doit elle accepter n’importe quel type d’emploi même si elle est surqualifiée ou que cet emploi entraine des conséquences néfastes sur la santé?

    

En janvier 2013, on dénombre 458 085 prestataires soit environ 7 % de la population. Le soutien financier de dernier recours occupe moins de 5% du budget du Québec mais fait couler beaucoup d’encre [1]. Les mythes et préjugés sur l’aide sociale sont monnaie courante. Combien de fois n’ai-je pas entendu dire que les assistés sociaux sont des fainéants et des incompétents qui vivent sur le dos de la société. Ces préjugés ont des conséquences désastreuses : souffrance, exclusion, atteinte à la dignité, perte d’estime de soi, déni de leurs droits. Ils sont malheureusement autant véhiculés par monsieur et madame tout le monde que par les fonctionnaires de l’État. Une grande partie des citoyens  ne font pas  la distinction entre les personnes aptes et les personnes inaptes au travail. Leur regard sur les « B.S », expression populaire désignant les assistés sociaux, est impitoyable voire méprisant.   

  

J’ose espérer que les personnes qui entretiennent une image négative à l’endroit de l’aide sociale auront un emploi garanti, pourront toujours bénéficier de l’assurance emploi, ne seront jamais malades physiquement ou psychologiquement, auront une assurance salaire, une assurance invalidité, un régime enregistré d'épargne-retraite (REER) suffisant. En un mot, elles auront réuni tous les moyens possibles pour échapper à la fatalité. 

 

Mon discours ne se veut pas alarmiste encore moins philosophique. Je ne peux m’empêcher de penser que nul n’est à l’abri d’un coup dur et dans un climat économique caractérisé par une grande incertitude nul ne peut prévoir l’avenir. Des ingénieurs, des hommes d’affaire, des avocats, des fonctionnaires, des professeurs, des psychoéducateurs ont eu recours à l’aide sociale. Ils n’on pas vu venir la maladie, la dépression, la faillite, la séparation, l’alcoolisme et tout une série de facteurs indéterminés.

 

La protection sociale instaurée par l’État-providence permet de faire face aux aléas de la vie. Au niveau économique, le rôle de l’État est de redistribuer les richesses. Chaque individu au cours de sa vie va bénéficier directement ou indirectement d’un des différents programmes sociaux élaborés par l’État [2]. La solidarité collective est indispensable pour réduire les inégalités et favoriser la cohabitation et la paix sociale.  Cependant, si  les prestations issues de l’assurance sont perçues comme la contrepartie normale de contributions passées et sont exigées sans état d’âme, le recours à la solidarité nationale est vécu bien souvent comme un retour à l’assistance[3].Le concept d’aide sociale renvoie essentiellement au fait de percevoir un revenu sans travailler et à la notion d’assistanat. Des citoyens qui seraient éligibles à des prestations d’aide sociale renoncent à leurs droits et refusent de les utiliser pour échapper à la stigmatisation. Certains extrémistes pensent même qu’il est préférable de mourir. Que faire lorsque des personnes éligibles et informées renient leurs droits sociaux?

 

La marginalisation et la stigmatisation des personnes assistées sociales compromettent fortement leurs chances d’insertion sociale et professionnelle. Il est facile de prôner la responsabilité individuelle et d’oublier les causes structurelles des problèmes sociaux et de la pauvreté. Les mesures incitatives au travail risquent de manquer leurs cibles si les bénéficiaires ne sont pas traités avec respect et dignité et si les préjugés ne sont pas combattus. Souvent, l’aide sociale constitue le dernier recours après avoir tout essayé en vain. Et, contrairement à la croyance populaire, la fraude et les abus sont minimes. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’aide sociale mais de porter un regard critique sur un programme social diabolisé par la majorité des citoyens et des administrateurs qui risque d’avoir un impact sur la capacité des personnes à réintégrer le marché du travail. Les citoyens ne considèrent plus l’aide sociale comme un tremplin pour s’en sortir mais comme un échec personnel.

 

Le gouvernement québécois a mis sur pied une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et a un rôle à jouer dans la déconstruction des préjugés, dans la vulgarisation des droits sociaux et dans la sensibilisation publique à propos des effets pervers de la stigmatisation. L’objectif n’est pas de faire  la publicité de l’aide sociale mais de faire en sorte que des citoyens dans le besoin se prévalent de leurs droits, puissent se sortir du cercle vicieux de la pauvreté et vivre dignement sans faire l’objet de critiques et de jugements incessants.  De plus, il serait intéressant de se questionner sur l’intégration en emploi à tout prix, quel qu’il soit, au détriment des compétences de la personne et des conséquences sur la santé physique et mentale.

 

Au niveau fédéral, dans le cadre des modifications de l’assurance-emploi, sur Radio-Canada, la ministre des ressources humaines et du développement des compétences du Canada a laissé entendre « qu'il serait mieux pour un enseignant de travailler dans un restaurant à temps plein que de travailler dans une école à temps partiel » [4].

 

Le travail peut être autant un vecteur d’intégration qu’un facteur de déshumanisation et de détresse sociale. Même s’il n’est pas le seul moyen de l’épanouissement individuel et du fondement du lien social, il demeure une valeur centrale dans la construction de l’identité et du statut social. Par peur du chômage, de l’inactivité ou en raison de la pression sociale et des règlements gouvernementaux, des individus vont occuper un « emploi alimentaire »où ils ne se réalisent pas et vont développer à plus ou moins long terme des problématiques de santé mentale. Un emploi pour tous devrait idéalement signifier  un emploi qui tienne compte des compétences, des aptitudes et des intérêts de chaque personne. 

 

En conclusion, la valeur d’un être humain ne peut être réduite à son statut socioéconomique et un changement de perception permettrait l’inclusion sociale des personnes défavorisées et prestataires de l’aide sociale. Les valeurs de la société québécoise sont basées sur la solidarité et la justice sociale. La pauvreté est un phénomène complexe et n’importe quel citoyen pourrait éventuellement avoir recours à l’aide sociale ou à d’autres formes de programmes sociaux.

 

 

Raqui Barédio Wane

 

 

 

Sources

 

[1]- http://www.mess.gouv.qc.ca/statistiques/aide-sociale/index.asp

 

[2]- Réjean Pelletier : « L’État-providence est là pour rester ». Journal de Montréal, 22 janvier 2012

 

[3]-http://sociologies.revues.org/3338#tocfrom1n2

 

[4]-http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201304/09/01-4639146-assurance-emploi-ou-lemploi-a-tout-prix-.php

 

 

Institution de recherche et d’information Socio-économiques. « Les prestations d’aide sociale sont-elles trop généreuses ? » Octobre 2012

 

MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États ?, Enjeux contemporains sur le plan social : concepts et évolution, p.609-p.630

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Penser que c'est toujours pour les autres limite la vue et l'entendement. Le contraire jette un êu d'humanité sur soie et les autres.
    Prof

  • Il s'agit d'un billet très intéressant et qui porte à réflexion.

Les commentaires sont fermés.