Blogue 1 - Le sénat fait jaser... - Par Lulu
Au cours des dernières semaines, le sénat canadien s’est retrouvé à plusieurs reprises dans les manchettes. Tout d’abord, au début de février 2013, Stephen Harper annonçait qu’il avait finalement l’intention de présenter son projet de réforme du sénat à la Cour suprême du Canada, pour obtenir un avis sur le projet. Certains diront qu’il était plus que temps. Après cinq ans à refuser de soumettre son projet à l’avis de la plus haute cour au pays, le parti conservateur a finalement flanché. Cela fait suite aux différentes objections à cette réforme, dont celles des partis d’opposition, mais aussi de celle du Québec. D’ailleurs, en mai 2012 le gouvernement de Jean Charest avait demandé à la Cour d’appel du Québec d’étudier le dossier de réforme du sénat. M. Charest mentionnait que « les changements proposés à la Chambre haute [étaient] inconstitutionnels puisque les provinces [n’étaient] pas consultées »[1]. Certaines personnes croient que le gouvernement Harper agit de la sorte en espérant que la cause du Québec soit abandonnée. Par contre, ce n’est pas certain que cela fonctionnera ainsi. La Cour suprême s’est souvent appuyée sur les considérations des cours inférieures. Elle pourrait donc être tentée d’attendre que la Cour d’appel du Québec statue sur le dossier avant de faire de même. Seul l’avenir nous le dira.
Quelques jours plus tard, je recevais une alerte sur mon téléphone venant de Radio-Canada, qui mentionnait que le sénateur Patrick Brazeau venait d’être arrêté. Sur le coup, le nom ne me disait rien. Ce n’est qu’après quelques recherches que j’ai trouvé réponse à mon interrogation. Mais oui, il s’agit du type qui a affronté Justin Trudeau dans un combat de boxe ! Bon, je l’avoue, ce n’est peut-être pas l’élément le plus mémorable de Patrick Brazeau. Mais il y a beaucoup plus d’histoires entourant ce sénateur… quelque peu déchu. En effet, depuis sa nomination en 2009 à l’âge de 34 ans, les controverses entourant Patrick Brazeau ont été assez nombreuses. Parmi celles-ci, on retrouve le taux d’absentéisme très élevé du sénateur lors des séances du sénat. Par exemple, de juin 2011 à juin 2012, il était absent de25 % des séances. De plus, récemment il était parmi la liste de sénateurs qui étaient audités concernant leurs allocations de logement. Aussi, « il [a] été blâmé pour avoir critiqué le mouvement autochtone “Idle No More” et en plus d'avoir passé des remarques désobligeantes sur la chef d'Attawapiskat, Theresa Spence, qui menait une grève de la faim »[2]. Il faut rappeler que M. Brazeau est lui-même autochtone et que jusqu’au moment de sa nomination, il était chef du Congrès des peuples autochtones. Mais vraiment, la cerise sur le gâteau dans la saga Patrick Brazeau est certainement sa récente arrestation à sa résidence de Gatineau, suivie d’accusations d’agression sexuelle et de voie de fait. Ces dernières frasques ont eu comme conséquences son exclusion du caucus conservateur par le premier ministre Harper (le même qui l’asélectionné en 2009) et son exclusion du sénat pendant les procédures. Il est à noter qu’il continuera de recevoir son salaire de 132 000 $. Ce type de parachute doré est sans doute un des aspects qui irritent le plus ceux qui veulent la réforme, voire l’abolition de la haute chambre du pays.
À ces récents évènements s’ajoute l’enquête sur les allocations de logement de trois sénateurs, soit Mike Duffy, Mac Harb et Patrick Brazeau. Ce qui est reproché à ses sénateurs est d’avoir réclamé des allocations de logement, car leur résidence permanente se trouverait à plus de 100 km de la Capitale nationale. Ainsi, il recevait un généreux montant pour pouvoir se loger près d’Ottawa. Hors, certains faits viennent contredire les informations données par ces trois sénateurs, à savoir que leur résidence principale serait près d’Ottawa, et non pas celle indiquée dans leur dossier au sénat. Une enquête se poursuit d’ailleurs sur ce sujet. Les montants auxquels ont eu droit ces sénateurs tournent autour de 20 000 $ par année. Donc, quelques centaines de milliers de dollars venant des contribuables ont potentiellement été payés injustement à certains sénateurs.
Les évènements des dernières semaines n’ont pas nécessairement aidé à redorer l’image du sénat canadien. Le mode de nomination des sénateurs a d’ailleurs été souvent remis en question dans l’ouest du pays. Ce n’est donc pas une grande surprise que dès son élection le premier ministre Harper a voulu mettre en place une réforme de la chambre haute. En effet, il a déposé divers projets, dont l’établissement d’une durée de mandat maximale de huit ans. Il y a également eu une tentative d’implantation de la population pour l’élection de sénateurs, lorsque des sièges deviendraient vacants. On ne peut pas dire que le gouvernement Harper n’a pas essayé de réformer le sénat. Par contre, les partis d’opposition, certaines provinces et les sénateurs eux-mêmes n’ont pas participé à cette volonté de réforme. Ils s’y sont même opposés farouchement comme nous l’avons vu précédemment avec l’action du Québec.
Même s’il a tenté de changer le sénat, les récents événements qui ont touché certains membres du sénat dernièrement viennent également remettre en question les choix de nominations du premier ministre Harper, particulièrement dans le cas de Patrick Brazeau. De plus, au moment de l’écriture de ces lignes, de nouvelles révélations concernant les allocations d’un autre sénateur, Pierre-Hugues Boisvenu. Ainsi, au cours des deux dernières années, il a réclamé près de 420 000 $ pour divers types de dépenses, dont près de 55 000 $ en frais de subsistance pour une allocation de logement dans la région de la capitale nationale. Il porte maintenant le titre peu enviable du « sénateur québécois le plus dépensier »[3]. L’abus dans l’utilisation des fonds publics n’aide définitivement pas à faire apprécier le Sénat. Cela donne plutôt des munitions pour les partis d’opposition comme le Nouveau parti démocratique (NPD) qui réclame l’abolition pure et simple de l’institution. Considérant le nombre de sénateurs au pays (105), on s’entend que les dépenses en lien avec la haute chambre sont très importantes. En 2009-2010, les dépenses du sénat se sont élevées à 90 606 000 $[4]. Comment ces deniers publics auraient-ils pu être utilisés? Par exemple, l’utilisation de tels montants aurait permis de réduire l’ampleur des coupures dans la Fonction publique fédérale. Cela aurait aussi permis de conserver le registre des armes à feu ou encore offrir davantage d’aide aux victimes d’actes criminels. En bref, les fonds qui sont utilisés pour permettre au sénat de fonctionner pourraient servir à plusieurs initiatives, plutôt que de subventionner de tels individus et de telles actions. Considérant l’utilité réelle de la chambre haute, ses représentants occupent plutôt des titres honorifiques selon moi. Qu’adviendra-t-il du projet de loi de réforme du premier ministre Harper? Seul le temps nous le dira.
[1] VASTEL, Marie (2013) « Le projet de réforme du sénat prend la direction de la Cour suprême », Le Devoir, 2 février 2013 [en ligne] http://www.ledevoir.com/politique/canada/369939/le-projet-de-reforme-du-senat-prend-la-direction-de-la-cour-supreme (page consultée le 25 février 2013).
[2] SYMPATICO (2013) Patrick Brazeau suspendu avec salaire du sénat [en ligne] http://actualites.sympatico.ca/nouvelles/grands_titres/patrick_brazeau_suspendu_avec_salaire_du_senat/a9fa9fb6 (page consultée le 27 février 2013).
[3] GIBEAULT, Éric-Pierre (2013) « Le sénateur québécois le plus dépensier en frais de subsistance », La Presse [en ligne] http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/201303/02/01-4627086-le-senateur-quebecois-le-plus-depensier-en-frais-de-subsistance.php (page consultée le 3 mars 2013).
[4] Secrétariat du Conseil du trésor du Canada (2009). Budget principal des dépenses de 2009-2010 [en ligne] http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20092010/me-bd/PARL-fra.asp#bm01 (page consultée le 3 mars 2013).