#2-Mat-Garceau-Le Vatican… un état de droit?-
Après seulement 8 ans de pontificat, la renonciation du Pape Benoît XVI nous a tous pris par surprise. L’intérêt porté à l’élection du nouveau pape François a capté l’attention du monde entier. Les paris étaient ouverts quant à savoir qui serait le prochain successeur de Saint-Pierre. Il n’y a pas que l’élection du pape qui retient l’attention, mais aussi toute l’histoire, les règles, la hiérarchie, le décorum et le mysticisme qui entoure l’institution qu’est l’État du Vatican.
Au fait, est-ce que le Vatican est un état de droit?
Au risque de décevoir plus d’un, le l’État du Vatican n’est malheureusement pas un état de droit. Il est considéré comme monarchie absolue élective. Toutefois, le Vatican est structuré de façon similaire à ce qu’on retrouverait dans un état de droit : il est constitué légalement et possède une constitution tout comme un code de loi régissant toutes les interventions de l’état. Nous y reviendrons plus tard. Le nouveau Pape, François 1er, est élu à vie. Il incarne à la fois le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Ce modèle est à l’opposé au modèle de Westminster qui préconise l’indépendance entre ces trois constituantes d’un état de droit.
L’État du Vatican est considéré comme le plus petit État du monde. Ses racines géographiques sont au cœur même de Rome en Italie. Sa superficie : 0,44 km². Sa population : 900 habitants. Sa population de fidèles vivant à l’extérieur de son enclave : 1,2 milliard de fidèles, presque autant que la population de la Chine. Considérant sa mission religieuse, c’est le seul état dont sa « population de fidèles » est à l’extérieur de ses frontières physiques.
L’État du Vatican que nous connaissons maintenant a été constitué en 1929, à la suite des accords de Latran avec l'Italie, afin de garantir l'indépendance de l'Église catholique et la liberté du Pape dans l'exercice de sa mission. Ces accords constituent le support temporel du Saint-Siège, c'est-à-dire du gouvernement de l'Église dont il garantit la liberté d'action et du contrôle de son territoire. Au même moment, le Saint-Siège adoptait le texte d’un document intitulé « Lois fondamentales » à titre de constitution d’un nouvel état. Comme tout état de droit, le Vatican a son propre code de loi appelé le droit canonique. Il regroupe l'ensemble des lois et des règlements adoptés ou acceptés par les autorités catholiques pour le gouvernement de l'Église et de ses fidèles.
L’État du Vatican est aussi considéré comme un (mini-)gouvernement par la communauté internationale. C'est d’ailleurs avec le Saint-Siège que les États entretiennent aussi des relations diplomatiques. En plus d’assumer ces relations privilégiées, le gouvernement du Vatican doit faire un budget annuel, l’équilibrer, assurer ses revenus, assurer sa défense territoriale, la sécurité du pape et des résidents, la gestion du patrimoine mobilier et immobilier inestimable, et ce, sans négliger toutes les questions d’ordre religieux. Il gère aussi un service postal, possède une banque et a même le droit de produire la monnaie européenne.
L’État du Vatican est aussi structuré comme un gouvernement qu’on appelle la Curie Romaine. Les ministères sont appelés dans ce cas des « dicastères » auxquels un cardinal est nommé à titre de responsable ou de « ministre ». Ces dicastères sont très variés et se rapprochent d’un gouvernement « laïc ». Notons la présence d’un secrétaire d’État, de trois paliers de tribunaux, neuf congrégations romaines à vocation ecclésiale essentiellement religieuse, douze conseils pontificaux et six commissions pontificales. Contrairement aux gouvernements canadiens et québécois, l’État du Vatican n’a pas d’assemblée législative. Le Pape détient l’autorité suprême dont il délègue certains ministères à des individus (cardinal, évêque ou archevêque) qu’il a nommés lui-même et qui lui sont imputables.
Ce qui vient complexifier les choses dans l’analyse c’est qu’il faut considérer l’État du Vatican de deux façons. La première comme le siège de la religion catholique romaine, donc dans une perspective religieuse, mais aussi comme le gouvernement d’un État souverain avec son lot d’impondérables tels la gestion budgétaire, gestion des ressources humaines, l’armée, le système judiciaire, politique internationale, diplomatie, etc.
L’État du Vatican apparaît être une institution bien structurée et bien rodée. Ses deux siècles de vie lui ont forcément permis de développer des mécanismes de gestion efficaces, surtout si l’on considère que la gestion opérationnelle de l’Église se fait de façon décentralisée, et ce, à travers une quantité importante de diocèses à travers le monde. De plus, l’État du Vatican a développé une culture de respect la hiérarchie et des décisions prises rappelant la solidarité ministérielle que l’on retrouve dans les gouvernements d’état de droit actuels.
D’autre part, quoi que nous puissions en penser, l’État du Vatican a un réel et indéniable poids politique. Il représente au moins 20 % de la population mondiale avec une très forte prépondérance en Amérique latine et en Europe, sans oublier une forte augmentation des fidèles en Afrique. Ce n’est donc pas pour rien que le Vatican a le statut d’État reconnu et possède le statut d'observateur permanent à l'Organisation des Nations-Unies (ONU) où son ambassadeur représente les intérêts de l'État du Vatican.
Enfin, le choix d’un nouveau Souverain pontife a certes fait couler beaucoup d’encre et a, à lui seul, accaparé une bonne partie de l’attention médiatique internationale. Les prochaines années seront déterminantes pour constater si l’élection de ce nouveau Pape a donné à l’Église catholique le nouveau souffle dont il avait besoin pour se renouveler.
Mathieu Garceau
Commentaires
Excellente réflexion!
Toutefois, il faut prendre bien garde de ne pas confondre État de droit et État démocratique.
L'État de droit "repose sur la valorisation du droit, l'application par la fonction judiciaire de règles objectives au-delà de la volonté des individus" (Secrets d'États, 2011, p.25). L'état de droit est une situation juridique permettant l'égalité de tous devant la loi, à la base de toute démocratie.
Mais ne t'inquiète pas, je ne t'enlève pas raison : une société fondée sur la prééminence du droit s'oppose au règne d'une seule personne, ici le Pape qui occupe les trois fonctions de l'État...
Selon ce qui est constatable, je pourrais dire que le Vatican n'a pas des normes d'un état moderne. déjà sa naissance dans son état moderne remonte aux fameuse négociations avec Bénnito Mussolini pour ne pas être annexer à la république d'Italie. faut dire la réalité que la Vatican a négocié avec les fascistes. cet état représente qu'une autorité religieuse. il est loin d'être un état avec des institutions démocratiques. même si le mode d'exercice du pouvoir se base sur des élections représentatives cela ne veut pas dire que c'est un état de droit.
L'actualité , au-delà des "légendes urbaines" doit nous servir de microscope pour saisir la réalité des faits au-delà des images beatifianates.
Les propos de M. Garceau appellent la lucidité.
Prof