#1 Religieusement Ottawa
Par Laurent T.
Religieusement Ottawa!
Le Premier Ministre du Canada Stephen Harper vient d’annoncer le 19 février dernier la création d’un organisme gouvernemental dénommé Bureau de la liberté de religion. Cet organisme aura particulièrement comme mission fondamentale la protection des minorités religieuses à l’étranger. Cette institution fait partie intégrante du ministère des affaires étrangères du Canada et le budget alloué s’élève à cinq millions de dollars selon les informations.
Monsieur Harper nomme à la tête de cet organisme monsieur Andrew Bennet à titre d’ambassadeur dans le but d’orienter la politique étrangère canadienne. Le nouveau responsable, en l’occurrence monsieur Bennet, est un universitaire et leader chrétien reconnu dans le milieu. La question qu’on doit se poser, quelle est la motivation du gouvernement conservateur en accordant une telle mission à cette instance nouvellement créée?
Depuis tout le tout le temps, la politique et la religion ne se cohabitent pas au point que l’État au service de la politique avait contribué à pas mal de persécutions à l’égard de la religion en particulier des minorités. Mais fort est également de constater dans les annales de l’histoire que l’État a été pendant longtemps un outil de répression au service de la religion.
Pour illustrer cet état de fait, on pourrait rappeler à titre indicatif du geste posé par la plus haute autorité d’une institution religieuse planétaire qui, avant sa mort, a du demander pardon pour les crimes commis par l’église. Ce pardon pourrait également se répéter dans d’autres confessions religieuses, dit-on? L’église n’a pas toujours été tolérante et le dogmatisme a été primé pendant longtemps sur la liberté individuelle. Alors, le fait même de nommer un chrétien à la tête du bureau fraichement créé signifierait d’attribuer un caractère chrétien à une institution politique qui devrait, selon toute vraisemblance, être indépendante, neutre et impartiale .Et, ceci pourrait remettre en question sa création et ternir l’image de l’État qui devrait être au service de la collectivité nationale. Dans un tel contexte, on est en droit de questionner la notion de neutralité et de laïcité de l’État canadien.
Dans un état de droit, il est de bon ton que l’État garantisse les droits et libertés de tous les citoyennes et citoyens et à l’échelle internationale de tous les êtres humains. Mais si le gouvernement du Canada crée cet organisme avec comme orientation politique de garantir la liberté de religion à travers le monde,c’est qu’il démontre sa volonté de laisser le champ libre à l’église delui dicter ses vœux. De ce fait, pour les autres groupes sociaux qu’en est-il? L’État a pour obligation de protéger la liberté de religion à l’échelle nationale et même internationale comme il doit le faire pour les autres droits et libertés, mais la velléité de créer un tel organisme ne va-t-il pas favoriser une religion au détriment d’une autre ou entre une grande religion au détriment d’une plus petite en terme de nombre de membres ou encore promouvoir une discrimination entre les religieux et les non-religieux. Pourquoi donc la primauté de la liberté de religion sur les autres droits en particulier les droits d’association, de la parole, de réunion et les droits des femmes, des enfants entre autres. Le premier ministre est animé par quelle motivation pour prendre une telle décision.
Sans vouloir interpréter la pensée de Monsieur Harper, on se pose la question, à savoir est-ce qu’il a créé le bureau de la liberté de religion dans l’intention de mieux contrôler les minorités religieuses dans tous les sens du terme. La création d’un tel bureau est-il un prétexte pour réintégrer la religion dans les sphères politiques canadiennes?
Rappelons que la charte des droits et libertés prône la laïcité qui, à son tour, s’assoit sur deux principes fondamentaux, à savoir la séparation de l’église de l’État et la neutralité de l’État à l’égard des différentes croyances ou non-croyantes. Ce principe nous enseigne que l’État gère ses affaires et l’église fait de même sans interférence de l’un dans les affaires de l’autre et ceci pour le bon fonctionnement de la collectivité.
Pourquoi pas un État neutre comme condition sine quoi non à la bonne marche des institutions publiques. Pourquoi pas un État neutre qui constituerait un sérum pour la santé de la démocratie et d’un état de droit.
Publié le 25 février 2013
Sources
1- La PRESSE, la presse canadienne, (page consultée le 20 février 2013)
«Harper annonce la création du bureau de la liberté de religion », (en ligne).
www.la presse.ca/actualités/Québec-canada/politique-canadienne/201302/19/01-462…
2- La ligue des droits et libertés, (page consultée le 24 février 2013)
http:/liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/laicite-final-final.pdf
Commentaires
Une autre question qui soulève bien des enjeux quand on dit que l'adm. pub. est à la fois une science et un enjeux !
La religion a toujours été très présente dans la politique canadienne. Les groupes de pression ont été bien moins visibles au cours du dernier règne des libéraux - mais ils assuraient toujours une présence. Le parti conservateur a compris que ces lobby religieux détiennent un certain pouvoir de persuasion auprès de leurs fidèles - les politiciens utilisent donc ce canal pour rejoindre des électeurs. Les conservateurs ont aussi compris que, malgré le fait que les canadiens sont de plus en plus laïques, les nouveaux arrivants sont beaucoup plus religieux et ces derniers tiennent à leurs coutumes. Le bureau créé par le premier ministre ce veut rassurant pour eux - ce qui se traduit par des votes pour le parti. La machine conservatrice s'est efforcée de comprendre et décoder l'utilisation de la religion pour l'obtention de votes. Ingénieux. C'est à se demander si les libéraux ou les néo-démocrates emprunteront les même tactiques...
C’est assez inquiétant quand on entend ça surtout que le gouvernement conservateur a fait plusieurs coupures dans la plupart des ministères, notamment l’Agence canadienne de développement internationale. Cette agence aide les pays en voie de développement ( et dans le Canada) à développer des outils efficaces et durables pour aider la population, elle n’existe plus, elle a été intégrée récemment dans le ministère des Affaires étrangères. Le Canada s’était forgé une belle réputation au niveau international. Le fait de voir les conservateurs créer un nouvel organisme qui est basé sur la protection de la religion me prend perplexe. Je me demande également si ce n’est pas une manière détourner de rentrer la religion dans la politique canadienne. C’est à coup sûr une politique très idéologique.