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Blogue #1: Sommet et structures

François B

Au moment d’écrire ces lignes différents acteurs du milieu universitaire et politique se rencontrent dans le cadre du Sommet sur l’enseignement supérieur. Malgré les précédents de l’an dernier, il semble que ce Sommet aura réussi l’impensable: réunir tout ce beau monde pour discuter, entre autres, de l’émotive question de l’accessibilité aux études supérieures.

Il est en effet intéressant de voir à quel point tout ceci a évolué ces derniers mois. En effet, personne n’a oublié toute cette effervescence vécue au printemps dernier, des revendications étudiantes et de leur mobilisation presque sans précédents au niveau de la province. Tout le monde se souvient avec grande acuité de la force de persuasion des dirigeants étudiants, de la détermination et la tenacité du nombre dans la tenue de diverses manifestations. En dépit des exagérations propres à ces manifestations, il faisait bon de voir que la nouvelle génération étudiante (que les précédentes aiment toujours accabler des pires travers) était en mesure de se tenir debout afin d’exprimer clairement ses convictions.

Tous se rappelleront également l’intransigeance, voire le mépris affiché par l’ancien gouvernement formé à l’époque par le Parti Libéral du Québec (PLQ). On se rappelle que loin de vouloir calmer le jeu, le PLQ semblait souvent chercher la confrontation directe en caricaturant à dessein les différents protagonistes étudiants. En sa qualité de Premier Ministre M. Charest aurait pu, devant le soulèvement populaire soutenu, chercher à calmer le jeu en usant de son pouvoir sur les institutions politiques par le contrôle de l’agenda politique ou encore par l’octroi de pouvoir de négociations réels aux différents ministres de l’éducation en place par exemple. On aime croire également qu’il aurait dû assumer avec sérieux son rôle de premier représentant de la collectivité devant veiller au calme dans la cité.

De son côté, le Parti Québécois (PQ) a saisi cette opportunité de se rapprocher davantage la population étudiante en assurant qu’une fois élu il saurait se montrer à l’écoute des intervenants lors d’une grande rencontre sur l’éducation supérieure.

Chose maintenant faite: le PQ est maintenant au pouvoir. Il est temps maintenant qu’il se montre à la hauteur de la tâche en établissant une structure assurant la perennité du réseau d’éducation supérieur et son accessibilité aux étudiants.

En entrée de jeu, nomination spéciale de M. Pierre Duschesne comme ministre pour l’éducation supérieure. Celui-ci a comme principal mandat de veiller à la bonne marche des discussions à venir sur les enjeux tels le financement, la gouvernance et l’accessibilité à l’éducation supérieure. Durant l’automne dernier il y a eu tenue de nombreuses rencontres préparatoires mais aujourd’hui, finalement, la table est mise pour le Sommet tant attendu: les attentes de la population, si divisée sur la fameuse question des frais de scolarité, sont grandes.

Première constatation: il semble d’ores et déjà acquis que le gouvernement proposera un indexation des tarifs selon une méthode comptable devant être dévoilée. Cette position semble la plus équitable entre toutes, assurant une accessibilité constante à l’éducation supérieure pour tous les étudiants en plus d’être juste pour tous les autres citoyens fortements taxés. Les autres options, du gel à l’augmentation drastique des frais tels que proposés à l’origine par le PLQ, sont visiblement laissées de côté puisque ne bénéficiant pas d’un tel assentiment de la population, sondages à l’appui. Avec les différentes restrictions budgétaires annoncées, résultat de finances publiques particulièrement problématiques, et avec la prise de conscience du caractère crucial de l’éducation dans le développement de toutes sociétés il semble qu’enfin on soit en présence d’un gouvernement responsable envers son électorat.

Deuxième point: dans le but d’améliorer la gouvernance des universités le gouvernement propose de faire revivre le Conseil des Universités, organisme qui avait été aboli en 1993. Cet organisme indépendant, remis à l’ordre du jour, n’aurait toujours pas de mandat défini ni de personnel attitré mais il semble qu’il pourrait être calqué sur la version de 1993. Constitué à l’époque de 17 personnes dont la moitié issus du milieu universitaire, son mandat (purement consultatif) consistait à formuler des avis au ministre sur des sujets tels le financement, programmes et projets de développements des différentes universités. De plus, le Conseil des Universités version moderne devrait opérer à coût nul, selon ce qui a été rapporté dans La Presse. Comment cela va-t’il se faire? En rappatriant des mandats actuellement sous la gouverne de la CREPUQ (Conférence des Recteurs et des Principaux des Universités du Québec)! En d’autres termes, on affaiblit la CREPUQ pour créer un nouvel organisme. Du jamais vu…

Soit, le ministère de l’Éducation reconnaît qu’il a perdu le contrôle et admet qu’il doive revoir le processus de reddition de comptes, mais est-ce que cela nécessite la création d’une nouvelle structure? Et pourquoi pas, comme le suggère Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, procéder plutôt par l’élargissement du mandat du Vérificateur Général (VG) dans le but de surveiller la gestion des universités? Pourquoi en effet se rabattre constamment sur la création de nouveaux organismes de contrôle, si ce n’est que pour allonger la liste d’exemples à la fameuse loi de Wagner? Le gouvernement pourrait, en donnant un mandat clair au VG, profiter d’une structure de contrôle efficace qui, puisque jumelée à une reddition de comptes obligatoire devant la Commission de l’administration publique, obligerait les institutions contrôlées à donner suite rapidement aux recommandations faites par le vérificateur. En ces temps de difficultés financières il semble que ce serait responsable de veiller à la bonne utilisation des fonds publics en n’alourdissant pas inutilement l’État québécois.

Pourquoi alors ce besoin compulsif du gouvernement de créer sans cesse de nouvelles entités aux pouvoirs circonscrits, seulement consultatifs et aucunement coercitifs? Ça ressemble drôlement aux bons vieux réflexes de gouvernement qui cherche à étouffer une affaire en procédant par une bonne vieille structurite, méthode souvent inutile mais aux résultats faciles à prédire: aucuns scandales ne seront déterrés ici puisque tous (surveillants et surveillés) sont de la belle grande famille universitaire. En toute transparence, il serait totalement justifié que le gouvernement péquiste fasse tout en son pouvoir pour que la reddition de compte soit assurée par ce mécanisme éprouvé et efficace qu’est le VG. Son action serait rapide, mènerait à des recommandations viables, transparentes et dignes de confiance. Dans le passée de telles enquêtes, tant au fédéral qu’au provincial, ont su déboucher sur de véritables réformes en profondeur des systèmes politiques, parfois après avoir écorché certaines fonctions décisionnelles périphériques, leurs dirigeants ou encore des amis du parti.

Est-ce là la crainte du gouvernement en place?


François B.


Références:

MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États? chap. 8, p. 176-193, et chap. 20, p.464-485.

JOANIS, M. et C. MONTMARQUETTE. La dette publique, en ligne: http://www.irpp.org/fr/choices/archive/vol10no9.pdf

 

http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201302/21/01-4623858-sommet-sur-lenseignement-quebec-ouvre-un-peu-son-jeu.php

 

http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201302/16/01-4622391-pour-un-conseil-des-universites-le-ministere-a-perdu-le-controle.php

 

http://www.ledevoir.com/societe/education/371676/le-sommet-sur-l-enseignement-superieur-en-direct

Commentaires

  • Les enjeux de sommet étaient et sont toujours multiples pour l'administation publique et la gouvernance de l'État et ses ...organismes !

  • À propos de la question concernant les frais de scolarité, je me demande si la solution imposée par le gouvernement péquiste est bien « la plus équitable entre toutes » ? Bien que les frais de scolarité seront indexés à un taux de 3 % (pourquoi parle-t-on d’indexation plutôt que de hausse puisque le taux ne suit pas l’inflation), je ne croirais guère que les revenus des étudiants soient à leur tour « indexés » à un taux similaire pour que soit assuré « une accessibilité constante à l’éducation supérieure pour tous ». On peut considérer cette mesure équitable dans le sens où elle respecte une des lois de la théorie économique soit l’ajustement des prix des biens et services à l’inflation globale de l’économie.

    N’oublions pas que les contribuables («payeurs de taxes» étant une traduction littérale de l’anglais « taxpayer ») bien qu’assumant des niveaux élevés d’imposition ont, eux aussi, profité du choix collectif et politique d’investir une partie importante des ressources de l’État dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement supérieur depuis les années 1960. Évitons de creuser un fossé entre les générations en diminuant les chances de mobilité sociale des jeunes d’aujourd’hui au profit d’une privatisation de la responsabilité collective prise par notre État d’éduquer sa population sans y discriminer les individus par des critères d’ordre économique.

    Pour ce qui est de la décision, prise avant la tenue du sommet, d’ « indexer » les frais de scolarité, elle ne fait que confirmer la décision du gouvernement de s’inscrire dans le modèle de la « bonne gouvernance » qui constitue une « logique d’exclusion [car] s’arroger le pouvoir de déterminer qui sont les dépositaires légitimes de la décision publique revient implicitement à désigner qui sera au ban des centres de délibération » (Deneault 2013, 40). Croyant que cette question en était une de gouvernance, le gouvernement en a complètement occultée le fondement politique, c’est-à-dire, son caractère populaire qui relève du peuple et non de l’administratif. On dit qu’en politique six mois c’est une éternité, les étudiants qui ont fait la grève au printemps dernier ont pu le constater au cours des derniers jours.


    Références :

    Deneault, Alain. 2013. Gouvernance. Le management totalitaire. Montréal : Lux éditeur.

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