Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog #1 Le Sénat dormait-t-il ?

Lemman

Le 6 janvier dernier, le gouvernement Harper a adopté son projet de loi omnibus C-38 visant à mettre en œuvre le budget fédéral de 2012. Le document qui comprenait environ 400 pages a été surnommé par l’opposition, le projet de loi mammouth. Avec l’adoption de ce projet de loi, le gouvernement a modifié près de 70 lois fédérales qui n’ont pas fait l’objet de consultations préalables et ont été votées à la hâte par le Parlement [1]. Malgré les tentatives du parti de l’opposition de retarder l’adoption du projet de loi en apportant près d’un millier d’amendements, le gouvernement a tout de même passé aux actes et obtenu par la suite, la sanction royale du Sénat. [2] 

Le sénat dispose en théorie de pouvoirs considérables. Il dispose en effet d’un veto absolu à l’égard des projets de loi adoptés par les Communes et les Communes disposent également d’un pouvoir de veto absolu à l’égard des textes adoptés par le Sénat.  Comme le projet de loi C-38 portait sur le budget, celui-ci devait  être présenté en premier lieu à la Chambre des communes. C’est le cas pour la très grande majorité des projets de loi. Alors l’essentiel du débat a souvent déjà eu lieu lorsque le texte est transmis au Sénat. Il est donc souvent difficile d’y ajouter quelque chose.

Pourtant, dans une démocratie comme la nôtre, le processus décisionnel pour l’adoption d’un projet de loi fait l’objet de plusieurs discussions. L’adoption d’un projet de loi au fédéral fait d’abord l’objet d’une première lecture, puis, au moins une semaine après pour laisser le temps aux députés de se préparer, une deuxième lecture a lieu, durant laquelle un débat sur le principe du projet de loi permet aux députés de l’Opposition de présenter leurs positions. Par la suite, un comité se penche sur le projet de loi pour l’étudier article par article, puis dépose un rapport avec ou sans amendement. À l’étape de l’étude, des témoins peuvent être entendus pour faire part de leur point de vu. Au dépôt du rapport, un autre débat peut avoir lieu sur les amendements proposés. Le tout se termine par une troisième lecture. À ce moment-là un autre débat a lieu sur le projet de loi et les amendements. Ce même projet de loi est par la suite transmis au Sénat et suit à peu près le même processus. C’est dire à quel point on parlemente.

Parmi les modifications qui ont été apportées par le projet de loi omnibus C-38, la réforme de l’assurance-emploi fait beaucoup jaser en ce moment. Selon la ministre Finley cependant, il n’y a pas eu de réforme, seulement un rappel des règles et une clarification des règlements qui existent depuis plusieurs années [3].En effet, les chômeurs ont toujours eu la responsabilité de faire une recherche d’emploi responsable et d’accepter d’être embauchés si on leur offre un emploi raisonnable, mais cette fois, la nouvelle réglementation sur l’assurance-emploi vient définir quelles sont les démarches raisonnables et habituelles à faire dans le but d’obtenir un emploi convenable. Elle vient aussi définir ce qu’est dans les faits un emploi convenable et définit des catégories de prestataires d’assurance-emploi.

Le gouvernement Harper a ainsi créé trois catégories de chômeurs, les travailleurs de longue date, les prestataires fréquents et les prestataires occasionnels. Selon leur catégorie, les chômeurs disposeront d’une période plus ou moins longue pour se trouver un emploi. Après cette période, ils seront contraints d’accepter un emploi de 70% à 90% de leur salaire de référence. Les prestataires fréquents devront accepter dès leur licenciement, tout nouvel emploi similaire correspondant à 80% de leur salaire horaire précédent. Après six semaines de recherche d’emploi, ils devront se contenter d’un emploi “pour lequel ils sont qualifiés” à 70% de leur ancien salaire. Pour être considéré convenable, le lieu du nouvel emploi devra se trouver à moins d’une heure de déplacement du lieu de résidence du chômeur, sauf pour certaines régions, comme les grandes villes, où le temps de transport est normalement plus long. [4] 

On estime que cette nouvelle réglementation générera des économies de près de 12,5 millions de dollars en 2012-2013 et 33 millions pour les années suivantes.  En effet, en forçant les chômeurs à devenir plus responsables face à leur recherche d’emploi, ceux-ci ne pourront plus s’en tenir à la recherche d’un emploi auquel ils étaient habitués et à un taux de salaire équivalent. Ils devront prendre en considération des possibilités d’emploi plus larges. On s’attend donc à ce que les mesures de conformité améliorées entraînent l’interruption des prestations d’environ 8 000 prestataires jusqu’à ce qu’ils puissent démontrer qu’ils exercent leurs responsabilités en vertu des règlements.Le gouvernement pense d’ailleurs investir 7,2 millions de dollars dans des mesures de contrôle pour s'assurer que les prestataires sont bel et bien à la recherche d'un emploi. [4] 

Pour certains, il s’agit là d’une déclaration de guerre pour les travailleurs saisonniers qui sont surtout au Québec et en Atlantique. On peut imaginer que la situation n’aurait pas été la même s’il avait fallu que le travail saisonnier soit plus fréquent dans l’ouest du Canada.

Avec cette réforme, le gouvernement Harper punit les travailleurs saisonniers comme si ceux-ci avaient été des paresseux et des voleurs depuis plusieurs années. Je crois que ce dernier fait erreur, car il ne s’agit pas ici d’une pratique voulue et exercée de façon à profiter du gouvernement, mais bien plutôt d’un type de travail qui de par sa nature, consiste en un travail qui dépend de la température et pour lequel les employés sont souvent spécialisés et difficiles à former. On peut penser à des emplois dans les pourvoiries, la sylviculture, le tourisme, l’agriculture.

Le problème pour les entreprises qui vivent d’emplois saisonniers et qui donc ne peuvent garder les employés à l’année, est le fait qu’ils risquent de perdre de bons employés qui iront chercher un emploi à l’année ailleurs. Avec le temps, l’entreprise sera affectée par le départ d’employés expérimentés et aura de la difficulté à survivre. Cette situation pourrait affecter l’économie des régions.

Il est aussi possible que les employeurs profitent de l’obligation qu’ont les travailleurs saisonniers de se trouver un emploi à 70% de leur salaire pour offrir des conditions d’emploi à la baisse. Certains affirment qu’ils devront se tourner vers l’aide sociale pour assurer la survie de leurs familles.

Peut-être que les mobilisations populaires et les groupes de pression arriveront à faire changer d’avis le gouvernement qui n’a probablement pas réalisé l’ampleur des dégâts que causera sa nouvelle réforme. Après tout, aucune consultation n’a été faite en amont auprès des communautés pour connaître leur avis sur la question. Le gouvernement Harper étant majoritaire n’a pas cru bon consulter avant de prendre sa décision. Mais où était donc le Sénat ? Il est tout de même étonnant que les sénateurs qui sont sensés protéger les régions n’aient rien fait pour empêcher cette réglementation d’entrer en vigueur.N’est-ce pas là leur rôle ? Quoiqu’étant nommés par le gouvernement et non élus, la majorité d’entre eux sont actuellement des amis du premier ministre, il est alors facile de comprendre qu’actuellement ils ne servent pas à grand-chose… Dommage…

Lemman

Sources :

MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États ?, chap.7, p. 145 – 174.

[1] : RADIO-CANADA, 18 octobre 2012, «C-38 : un mammouth au Parlement »[en ligne], http://www.radio-canada.ca/sujet/c-38

[2] : RADIO-CANADA, 19 juin 2012, «C-38 : un mammouth au Parlement -Le projet de loi C-38 adopté à Ottawa» [en ligne], http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/06/19/001-projet-loi-omnibus-c-38-adoption-chambre-des-communes.shtml

[3] : LE DEVOIR, 17 janvier 2013, « Assurance-emploi - Finley n’est pas émue par Québec» [en ligne], http://www.ledevoir.com/politique/canada/368573/finley-n-est-pas-emue-par-quebec

[4] : RADIO-CANADA, 7 janvier 2013, «Assurance-emploi : entrée en vigueur des nouveaux règlements[en ligne], http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2013/01/06/001-assurance-emploi-nouveaux-reglements-entree-vigueur.shtml

Commentaires

  • Sujet a de longs débats sur l'utilité de cette Chambre. Une contribution ici à lire...

  • On a vu depuis la rentrée au pouvoir du gouvernement conservateur une idéologie contre tout ce qui touche le Québec. La loi C38 vient qu’ajouter aux nombreuses politiques que le gouvernement de Stephen Harper a faite contre le Québec. Cette loi demande de nouvelles règles pour obtenir de l’assurance emploi. Comme tu le mentionnes dans ton texte, il a beaucoup de travailleurs saisonniers qualifiés qui devront se trouver un autre emploi, cela se fera au détriment d’entreprise Québécoise qui devra année après année reformer une partie de sa main-d’œuvre. Si je prends exemple sur un travailleur gagnant 20$/heure, il devra accepter un salaire de 14$ de l’heure à un maximum de 1h de chez lui. Je n’imagine pas les coûts reliés à l’achat de l’essence et à l’entretien de l’automobile. Tu te demandes où est le sénat, je ne sais pas, mais eux ne seront pas touchés par cette mesure.

Les commentaires sont fermés.