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Infanticide et lois au Canada

Chaque année, au Québec, il y aurait entre 12 et  14 enfants qui sont tués par leurs parents. Un peu plus que la moyenne canadienne. Lorsqu’interrogés certains meurtriers expliquent leur acte pour mettre fin aux souffrances d’un enfant malade, d’autres pour des motifs religieux ou tout simplement parce qu’eux-mêmes ils sont souffrants et ont  du mal à se remettre d’une séparation. Certains cas tels que  Pascal Morin, qui a tué ses nièces en visite chez sa mère en 2012 et Allan Schönborn qui a assassiné ses trois enfants en 2008 à Merritt, en Colombie-Britannique, ont conduit à une modification de la politique fédérale.

Ces situations nous amènent à nous questionner sur le plan sociétal et légal. Nous voulons illustrer notre analyse à partir du cas du cardiologue Guy Turcotte. Le 20 février 2009, découragé par une escalade d'événements liés à sa séparation, et ayant lu la correspondance passionnée entre son ex-conjointe et son nouvel amant, GT blessé, décide de s'enlever la vie. Dans son rationnel du moment comme il était en compagnie de ses enfants, il jugea que ces derniers ne doivent pas le  retrouver mort, il décide de les amener avec lui vers l’au-delà. Plusieurs aspects peuvent être utilisés pour  tenter de comprendre ce qui est arrivé tout en mettant en lumière le rôle de l’État en tant qu’institution et la gestion qu’il fait de ces situations.

Rationnel : Dr Turcotte a admis admet qu'il a été dévasté par la rupture de son couple. Il mentionne que sa femme l'a quitté pour un ami de la famille qui était devenu l’entraîneur personnel de celle-ci. Devant cet état de fait, la souffrance de cet homme était tellement intense, qu’il était atteint dans son estime de soi. Cet homme n’a pas su prendre la  distance nécessaire lui permettant de réfléchir. Tout ce qu’il voyait c’était de mettre fin à ses jours.

Victimes : L’action de Dr Turcotte a  été au-delà de sa personne. Il a causé plusieurs victimes en tuant ses enfants et du coup il a tué en partie sa femme. Parce qu’il savait que la mort  des enfants serait un enfer et inoubliable pour cette mère.  Dr Turcotte est aussi victime à notre avis de ses actions. Comment composera-t-il avec le regard social (parents, amis, collègues)?

Légal : Au tribunal, le cardiologue a admis avoir poignardé ses jeunes enfants 46 fois.
Bien que le comment, l’intention, et autres paraissaient confus à certains égards durant son témoignage. Il n’en demeure pas moins qu’il reconnait être le meurtrier. Souffre-t-il de problèmes mentaux ? Si non il ne peut être jugé responsable de ses actes, pour cela il devra être traité comme un malade et recevoir les soins psychiatriques dont son état requiert ; Si oui, il devra être jugé pour ce qu’il a fait et en payer les conséquences.

Notons que pour être reconnu  coupable, un accusé devrait préméditer ses gestes, donc avoir l’intention de tuer  et passer  à l’action. En ce sens, la prison n’est pas l’alternative privilégiée.

Le gouvernement Harper par le  projet de loi C-54  prévoit restreindre la liberté des personnes qui ne sont pas emprisonnées pour des atrocités qu’elles ont commises par ce qu’elles  souffrent de troubles mentaux  et jugées non criminellement responsables de leurs actes. Ce projet de loi veut renforcer davantage la sécurité du public et  garder un contrôle sur ces personnes qu’il désigne à haut risque. Elles pourraient être détenues  jusqu’à 3 ans avant que leur statut ne soit révisé et voir si elles sont aptes à vivre dans la société.

Le problème en fait n'est pas la loi, puisque la personne est reconnue avoir commis l’acte qui lui est reproché, mais que celle-ci étant atteinte de troubles mentaux n’a pas pu  comprendre le caractère de ses actes, ou le fait qu’ils constituaient un méfait. Par ailleurs, il est prévu que :

«Le placement en institution psychiatrique  en vue d'un programme de traitement ou en établissement peut être de durée indéterminée, mais la personne est réexaminée chaque année et le poursuivant doit présenter le cas au juge tous les deux ans pour évaluation. La personne pourra être envoyée à son procès si elle devient apte à le subir».

Si le juge ou la commission d’examen estime que l’accusé ne présente pas une menace importante pour la sécurité du public, celui-ci peut obtenir une absolution inconditionnelle.  Ces agresseurs jugés non criminellement responsables sont encadrés et suivis selon la gravité de leur maladie. Par ailleurs, une place importante est accordée aux victimes. Elles  peuvent présenter une déclaration écrite ou verbale exposant les dommages ou les pertes qu’elles ont subies suites aux agressions. Ces informations peuvent être prises en compte au moment de déterminer les conditions à imposer à l’agresseur.

Le cas Turcotte irrite la population pace qu’elle avait perçue  le Dr Turcotte comme un fin manipulateur durant le procès et le verdict de non-responsabilité criminelle qui a été rendu à son égard  n’est pas considéré comme une peine ni juste. Le Dr Turcotte a été interné à L’institut psychiatrique Philippe- Pinel et devra recevoir les traitements et soins dont il a besoin. Plus tard, un comité thérapeutique évaluerait son évolution et ferait des recommandations.

Tel que prévu, le Comité d’examen des troubles mentaux (tribunal administratif) a décidé, d’accorder à GT une libération avec des conditions : il devra, entre autres, revenir devant la Commission d'examen des troubles mentaux à tous les ans, poursuivre sa psychothérapie, éviter tout contact avec son ex-conjointe et "garder la paix".

GT a obtenu  une libération avec des conditions : il devra, entre autres, revenir devant la Commission d'examen des troubles mentaux à tous les ans, poursuivre sa psychothérapie, éviter tout contact avec son ex-conjointe et "garder la paix".  Par ailleurs il ne peut y avoir de rétroaction des nouvelles dispositions de la  loi (projet de loi c-56) dans le cas de Dr Turcotte. Bien que le public soit en total désaccord avec le dénouement de cette situation, il reste qu’il y a une loi, un processus d’application et de gestion.

En dépit de tout, nous croyons qu’il  il y a d’autres  choses qui sont encore possibles. Nous pouvons comprendre qu’il y a une détresse intraduisible qui se vit lorsqu’un parent parvient à tuer son enfant suite à une séparation. Sur le plan social, chaque individu en apprenant ces actes de barbaries peut vivre un sentiment d’injustices, de révolte ou bien  tente de comprendre ce qui a pu se passer. Est-ce que il n’y pas une responsabilité beaucoup plus élargie, c’est-à-dire ne pas traiter ces situations comme si elles étaient isolées et réagir  lorsqu’elles se posent. Il ne serait pas surprenant à notre avis, qu’il y ait des parents qui probablement lors d’une séparation penseraient à mettre fin à leur jour et à ceux de leurs enfants selon certains raisonnements qu’ils croient vrais. Il y a des parents qui ne tuent pas physiquement, mais font des victimes autrement. Nous croyons, à part le niveau législatif,  il y aurait de  la place pour la prévention et la sensibilisation du public. Dans le système des services sociaux et de santé, pourraient être développés des programmes ou spécialisations qui s’adresseraient aux parents et aux enfants qui vivent une  séparation ou un divorce. Par exemple, un programme de sensibilisation qui se fait auprès du public afin qu’elle puisse chercher  l’aide  de professionnels pour passer à travers les difficultés et soubresauts profonds que peuvent présenter un divorce. Les individus pourraient s’adresser aussi à des professionnels en privé et ces derniers seraient rémunérés par l’État à même un tarif pré défini.  Le service de  médiation est un exemple parfait de ce que le législateur peut faire. Pour nous,  le social n’exclut pas l’État ni le politique.

 

 CLDL

Commentaires

  • Le fait d'emprisonner une personne qui a commis un crime n'est effectivement pas toujours la sanction la plus appropriée. Toutefois, lorsqu'un Juge détermine une sentence, il doit se fier sur plusieurs aspects très importants. Vous en avez cité quelques uns, mais je désire préciser qu'il doit se pencher sur la preuve qui lui est présentée et admise, les antécédents de l'accusé, la gravité des gestes pour lesquels il a été déclaré coupable et le risque de récidive. Dans le cas de monsieur Turcotte, ce dernier ayant été déclaré inapte, le juge n'a eu d'autre choix que d'imposer la sentence qu'il lui a donné. La population en est effectivement choquée.... monsieur Turcotte ayant posé des gestes extrèmement choquant... Toutefois, la sentence qui a été rendue l'a été selon les lois qui sont en vigueur... Que dire de plus?

  • Le système judiciaire s'appuie en grande partie sur les témoignages et les serments. Du coup, la validité des jugements rendus sont non seulement douteux, en raison des preuves sur lesquels ils s'appuient, mais aussi en raison de la loi qui est tenue, dans notre État de droit, au plus haut égard. Cependant, le cas de monsieur Turcotte (tout comme plusieurs cas concernant des individus dont la santé mentale est remise en question) me semble plus fondé comparativement aux jugements rendus sur des crimes moins violents. Un simple cambrioleur peut se retrouver en prison en raison d'un témoignage ce qui, selon moi, est une forme de preuve bien moins crédible qu'un tueur qui est analysé par plusieurs psychologues. Soit des scientifiques avec une technique, une éthique de travail et un souci pour la vérité.

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