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Blog #2 - Une occasion à ne pas manquer

Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements qui se sont succédé à Québec font du développement des services de garde à contribution réduite, le volet central de la Politique familiale de l’État.

 

Ce fait n’est pas étranger à la pression qu’exerce en zone primaire sur l’État, une importante partie de la population (et de l’électorat) formée de jeunes parents qui ayant le sentiment de faire leur part en taxes et impôts, sollicitent le développement de programmes qui leurs sont plus particulièrement dédiés.

 

Pour d’autres, plus largement, les services de garde à contribution réduite représentent un levier, une mesure politique de répartition de la richesse en droite ligne avec notre modèle social-démocrate. Assurément, pour le gouvernement, il s’agit d’une allocation ciblée de nos ressources collectives vers un créneau à haute incidence politique.

 

Pour l’année 2011-2012, le soutien financier aux centres de la petite enfance (les CPE) et aux autres services de garde (garderies subventionnées et garderies en milieu familial) représentait une dépense réelle de près de 2, 2 milliards de dollars.

 

Le 7 février dernier, la ministre de la Famille, responsable de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, Mme Nicole Léger, conformément à la décision du Conseil des ministres, donnait le coup d’envoi à l’appel de projets pour la création de 15, 000 places additionnelles à contribution réduite dans le réseau des services de garde.

 

La décision prise par l’exécutif du gouvernement prévoit que 85 % de ces places seront créées dans les CPE et 15 % dans des garderies subventionnées.

 

Bien que la surveillance, le suivi du mécanisme d’appel de projets et la vérification de l’admissibilité des demandes reçues soient assurés par l’appareil administratif de l’État (les bureaucrates) il appartiendra aux comités consultatifs de chacune des régions du Québec de procéder à l’analyse des demandes admissibles et de faire ses recommandations à la ministre responsable. Il s’agit ici d’un bel exemple d’un processus décisionnel décentralisé et régionalisé qui privilégie les connaissances et compétences des acteurs du milieu et qui favorise la gouvernance régionale.

 

Rappelons en effet que sur chaque territoire concerné (17), cinq instances, soit la conférence des élus, l’Agence de la santé et des services sociaux, les commissions scolaires, un organisme représentatif des CPE et un autre représentatif des garderies subventionnées désignent une personne pour faire partie du comité consultatif.

 

 

 

Tout allait rondement, jusqu’à ce que le tonnerre de la presse écrite se fasse entendre : « La ministre Léger ferme la porte aux garderies privées non subventionnées qui voulaient obtenir leur part des 15,000 nouvelles places »; ou pire encore : « Un appel d’offres « inéquitables »/les garderies non subventionnées exclues à tort par Québec, selon la protectrice du citoyen ».

 

« Je suis déçue qu’elles n’aient même pas été considérées [les garderies non subventionnées] dans les 15 % de places qui sont offertes aux garderies privées. Je me serais minimalement attendue à ce que, sur le plan de l’équité, on puisse leur permettre de compétitionner » a affirmé Raymonde Saint-Germain [Protectrice du citoyen] à la Presse, hier. À ses yeux l’exclusion des garderies non subventionnées est d’autant plus déplorable que l’État « se prive sur le plan de l’admissibilité d’avoir des projets de bonne qualité » provenant de «  promoteurs d’expérience »

 

La contre-attaque gouvernementale ne s’est pas fait attendre. Moins d’une semaine plus tard, La Presse titrait à la Une de son édition du 18 janvier 2013 :

 

« Garderies privées non subventionnées, QUÉBEC ENVISAGE UN MORATOIRE. Le développement de ce réseau parallèle aux garderies subventionnées est devenu anarchique déplore la ministre de la Famille, Nicole Léger, qui blâme les libéraux ».

 

Il n’en fallait pas plus pour faire basculer le débat.

 

Mon intention ici n’est pas de prendre parti sur le fond des divergences de point de vue entre la ministre de la Famille et la Protectrice du citoyen.

 

L’intérêt de la situation repose sur la prise de parole publique de Mme Saint-Germain. Sur quelle base la Protectrice du citoyen se sent-elle autorisée à intervenir; au nom de qui s’exprime-t-elle sur une question où le gouvernement semble avoir fait un choix ferme. Sur quel principe repose sa légitimité?

 

Du point de vue institutionnel, la Protectrice du citoyen, comme le Directeur général des élections, le Vérificateur général ou le Commissaire au lobbying, entre autres, est désigné, suivant le vote des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale du Québec.

 

Ce faisant, la nomination de la Protectrice du citoyen relève de l’autorité législative (l’Assemblée nationale) plutôt que celle de l’exécutif assurant à sa fonction (et son exercice) le maximum d’indépendance dans l’exercice de ses responsabilités aux termes de sa loi constitutive.

 

 

Comme tant d’autres dirigeants de ministère ou d’organisme, le Protecteur du citoyen est imputable et doit rendre compte de la gestion des deniers mis à sa disposition. À quelle autorité désignée la présidente de l’institution que représente le Protecteur du citoyen est-elle redevable? À qui et à quel moment fait-il sa reddition de comptes?

 

Tout comme le Directeur général des élections , le Protecteur du citoyen « défend ses crédits », à l’occasion de l’étude des crédits des organismes en commission parlementaire.

 

Intervient ici (sans le savoir) le Président de l’Assemblée nationale du Québec!

 

Dans l’édition du Courrier parlementaire du 21 février dernier, nous apprenions :

 

« Une réflexion est en cours pour que les budgets du Directeur général des élections et du Protecteur du citoyen soient transférés et étudiés par le Bureau de l’Assemblée nationale. Le président Jacques Chagnon a annoncé hier que dans un des deux cas, il était question de légiférer en ce sens très bientôt ».

 

« Personnellement, je favorise ça » a-t-il dit lors de l’étude des crédits. « C’est au bureau à adopter les budgets de l’ensemble des gens qui sont nommés par l’Assemblée nationale ». Selon lui, il reste une personne sur les deux à « convaincre » du bien fondé de cette façon de faire ».

 

Rappelons ici que le Bureau de l’Assemblée Nationale (le BAN) est ni plus ni moins que le Conseil d’administration de l’Assemblée nationale sur lequel siègent des représentants de tous les partis politiques représentés à l’assemblée.

 

Pour l’instant, trois dirigeants nommés pour l’Assemblée nationale sur cinq voient leur budget approuvé par son bureau, il s’agit du Commissaire au lobbyisme, du Vérificateur général et du Commissaire à l’éthique et à la déontologie.

 

Un tel processus de nomination contribue à préserver l’indépendance de la personne désignée et son impartialité dans l’exercice de ses fonctions.

 

Le président de l’Assemblée nationale a parfaitement raison de vouloir rapatrier au BAN la comparution pour leur reddition de compte l’ensemble des personnes nommées par l’Assemblée.

 

Cette suggestion du président Chagnon se situe en droite ligne avec le principe voulant que l’institution qui détient le pouvoir de nommer, ait aussi celui de destituer. La détermination du lieu de cette reddition de compte, si l’on veut donner effet à ce principe, nous apparaît être le Bureau de l’Assemblée nationale du Québec.

 

Appuyons-nous sur l’exemple de la récente intervention de la Protectrice du citoyen pour reconnaître que l’étendue et la meilleure garantie de la liberté de parole des personnes désignées par l’Assemblée nationale dépendent du lieu où on les convie à rendre compte de leur gestion, à savoir celui qui les nomme.

 

Le président de l’Assemblée nationale doit profiter de l’occasion pour pousser sa brillante initiative institutionnelle un peu plus loin.

 

Je l’invite ici à considérer et réfléchir à l’idée d’ouvrir au public, par leur diffusion, les redditions de comptes des dirigeants nommés par l’Assemblée nationale devant le BAN.

 

Comment mieux asseoir l’autorité du Vérificateur général en regard des conclusions de ses multiples observations et recommandations que de rendre publique sa propre reddition de compte devant le BAN?

 

Ainsi, en cette période de questionnement, en grand serviteur institutionnel qu’il est, le président Chagnon ajouterait à l’édifice de la démocratie une pierre précieuse comme seuls les grands de ce monde peuvent offrir aux noms de ceux et celles qu’ils servent avec transparence et humilité.

 

Pour le reste, comme citoyen je fais confiance au sens des responsabilités des parlementaires qui siègent au BAN pour que ces exercices de reddition deviennent l’occasion de mettre en valeur nos institutions, plutôt que de les discréditer.

 

 

Jean Tremblay

 

 

Sources :

 

Le Devoir, vendredi 8 février 2013 – A3

La Presse, mardi 12 février 2013 – A6

La Presse, vendredi 15 février 2013 – A16/A17

La Presse, lundi 18 février 2013 – Une/A6

La Presse, mardi 19 février 2013 – A21

Le Courrier parlementaire, jeudi 21 février 2013 Éd. AM

 

Portail Québec/mfa.gouv.qc.ca

Commentaires

  • Éclairant.

    Voilà ce qui me semble être une belle illustration d’une institution, en l’occurrence la Protection du citoyen, qui malgré son titre, doit potentiellement subir beaucoup de pressions de la part du gouvernement en place, et y perdre une partie de son indépendance.

    Soustraire cette institution à des pressions politiques indues (que ce soit de tous partis confondus) ne peut que résulter en un renforcement de la valeur du mandat et une amélioration de la confiance de l’électorat envers cette institution, et incidemment envers nos élus.

    Comme il est mentionné, l’autorité et la confiance de la population envers le Vérificateur Général n’est plus à démontrer. J’endosse alors la suggestion de mon confrère incitant le président de l’Assemblée à poursuivre dans la même veine afin de s’assurer que le DGE et la Protectrice du citoyen aient les coudées aussi franches dans la réalisation de leurs mandats envers la société québécoise. Changer la structure et le processes de reddition de comptes dans le but de diminuer toute influence partisane est certainement la bienvenue.

    Encore une fois, en ces temps de turbulence politique il importe que la recherche de transparence et d’intégrité fasse partie des buts visés par toutes réformes.

    Merci d’avoir porté à mon attention cette situation qui doit être améliorée.

    François B.

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