Mohamed Souhail Ftouh
Voici un exemple du fonctionnent d'un État de droit : c'est la première fois dans l'histoire des États-Unis que le choix du Président américain pour diriger le Département de la Défense fait l'objet d'une obstruction.
Les Républicains du Sénat (chambre Haute) ont réussi, jeudi 14 février dernier, à empêcher temporairement la nomination à la tête du Pentagone de Chuck Hagel. Lors d’un vote tendu, il aura manqué une seule voix aux Démocrates pour surmonter l’obstruction des Républicains.
Ce vote de défiance est un camouflet pour le président Obama. Il donne la mesure de l’animosité suscitée par Chuck Hagel au sein de l’opposition républicaine, qui lui reproche ses déclarations passées sur l’Iran, Israël et la guerre en Irak. Conservateur atypique ayant combattu au Vietnam, Chuck Hagel s’est en effet opposé à l’intervention américaine en Irak en 2003, ce qui a scellé sa rupture avec le Parti républicain.
De plus, l’ancien Sénateur du Nebraska aurait prononcé des déclarations anti-israéliennes ou il aurait touché des revenus d’organisations radicales depuis qu’il a quitté le Sénat. Les Républicains exigent qu’il leur transmette des documents supplémentaires sur tous ses revenus reçus dans les cinq dernières années. Ses excuses, lors d’une audition éprouvante le 31 janvier, n’ont pas suffi à apaiser les esprits.
Le blocage ne fait toutefois que décaler la nomination. Un nouveau vote aura lieu, après l’ajournement pour une semaine de la session du Sénat, le 26 février, lors duquel les Républicains ont annoncé qu’ils lèveraient leurs objections. Les Démocrates contrôlant 55 des 100 voix du Sénat, la validation du choix est garantie. Il suffira alors d’une simple majorité de 51 voix. Mais pour forcer un vote, il leur fallait une majorité qualifiée de 60 Sénateurs, qu’ils n’ont pas obtenue le 14 février dernier.
" Mon sentiment et mon espoir, c’est que Chuck Hagel, qui mérite amplement le vote du Sénat, sera confirmé en tant que Secrétaire à la Défense ", a réagi Barack Obama lors d’une séance de questions-réponses sur Internet : "Il est simplement malheureux que ce genre de manœuvres politiciennes survienne alors que je suis encore en train de diriger une guerre en Afghanistan" a ajouté le locataire de la Maison Blanche (1).
Les 55 sénateurs démocrates ont échoué à rallier 5 Républicains pour obtenir les 60 voix nécessaires sur 100 pour surmonter l'obstruction républicaine, lancée grâce à une procédure parlementaire rarement utilisée contre un candidat à un poste ministériel.
Signe de la controverse entourant Chuck Hagel, c'est la première fois dans l'histoire des États-Unis que le choix du président pour diriger le département de la Défense fait l'objet d'une telle obstruction. Celui-ci devrait toutefois vraisemblablement être confirmé dans la semaine du 25 février, après la semaine d'ajournement du Sénat, plusieurs républicains dont John McCain ayant assuré qu'ils lèveraient leurs objections après ce délai.
Depuis la sélection de Hagel par Barack Obama ,le 7 janvier dernier, certains Républicains s'opposent à lui qui a pourtant siégé parmi eux au Sénat de 1997 à 2009, notamment pour ses déclarations controversées sur Israël, l'Iran et la guerre en Irak, à laquelle il s'est rapidement opposé. Lors d'une audition parlementaire tendue, Hagel s'est excusé pour certaines de ses déclarations passées, mais ses opposants continuent de réclamer des documents supplémentaires sur ses discours et revenus depuis 2008, sous-entendant qu'il ait pu avoir été payé par des organisations radicales ou anti-israéliennes.
Le Sénat des États-Unis est la chambre Haute du Congrès, dont la chambre Basse est la Chambre des Représentants. Le Congrès constitue la branche législative du gouvernement fédéral des États-Unis. Le Sénat représente avant tout les États fédérés ; chaque État y dispose d'un poids égal, puisque deux sénateurs sont élus dans chaque État, pour un mandat de six ans. Tous les deux ans, les mandats d'un tiers des cent sénateurs sont renouvelés, lors de l’Election Day .Ces 435 membres sont élus au suffrage universel direct pour six ans.
Les pouvoirs exclusifs conférés au Sénat américain sont considérés comme plus importants que ceux de la Chambre de Représentants. Ses responsabilités sont plus étendues que celles de la Chambre des Représentants. Le rôle du Sénat des États-Unis est principalement de voter les lois fédérales. Le Président des États-Unis ne peut ratifier des traités ou faire des choix importants sans l'avis et le consentement du Sénat..
L'accord du Sénat est nécessaire, par exemple, pour la nomination par le Président des États-Unis aux postes de ministres, d'ambassadeurs, de juges à la Cour Suprême et de hauts fonctionnaires. Cette procédure de confirmation prend la forme d'un vote à la majorité de la Chambre.
De ce fait les pouvoirs du Président américain sont moins importants que ceux du Premier ministre du Canada par exemple. Ce dernier est le chef du gouvernement qui est habituellement le chef du parti politique détenant le plus de sièges à la Chambre des Communes du Canada.
La majorité des lois canadiennes prennent leur origine dans le Cabinet du Canada, un corps nommé par le Premier ministre principalement à partir des députés de son propre parti. Le Cabinet doit avoir un consentement "unanime" sur toutes les décisions qu'il prend, mais en pratique c'est le Premier ministre qui décide si l'unanimité a été atteinte.
Un député élu à la Chambre des Communes du Canada est habituellement supposé suivre une discipline rigide de son parti, et un vote contre la ligne du parti peut avoir de sérieuses conséquences, jusqu'à son expulsion du parti. La plupart des votes à la Chambre des Communes sont traités comme des votes de confiance, engendrant un climat de solidarité née d'une nécessité stratégique.
Le système de Westminster tend à avoir des partis extrêmement disciplinés au sein desquels il est très inhabituel pour un élu de voter contre son parti, et contre lesquels le vote d’une motion de censure est très rare. De la même manière, le système de Westminster produit des cabinets forts dont les membres sont des hommes politiques bénéficiant d’une base de soutien indépendante (2). Inversement, les commissions parlementaires sont plutôt faibles, même si elles conservent la capacité à forcer un gouvernement à révéler certaines informations, particulièrement lors de parlements minoritaires.
La survie du gouvernement du Canada ne dépend pas donc du Sénat. Le Sénat canadien est composé de 105 membres nommés par le gouverneur général sur la recommandation du Premier ministre.
Si le Sénat canadien est la « Chambre Haute » du Parlement et la Chambre des Communes est la « Chambre basse », cela ne signifie toutefois pas que le Sénat détient plus de pouvoir que la Chambre des Communes.
Au contraire, par tradition, la Chambre des Communes domine largement, bien que l'approbation des deux chambres soit nécessaire pour l’adoption d’une loi. Le Sénat ne rejette pratiquement pas des projets de lois adoptés par la Chambre élue démocratiquement. Le Sénat canadien ne possède aucun contrôle de ce genre.
Bien qu'un projet de loi puisse être introduit dans l'une ou l'autre des deux Chambres, la majorité des projets de loi du gouvernement est d’abord présentée à la Chambre des Communes. Selon la Constitution, les projets de lois financiers doivent toujours émaner de la Chambre Basse.
Aux États Unis par contre, les pouvoirs exclusifs conférés au Sénat sont considérés comme plus importants que ceux de la Chambre de Représentants. Ses responsabilités sont donc plus étendues que celles de la Chambre des Représentants.
Le Président des États-Unis ne peut ratifier des traités ou faire des choix importants sans l'avis et le consentement du Sénat. Ses membres qui bénéficient d'un mandat trois fois plus long que celui des Représentants disposent de larges compétences et donnent leur aval aux nominations faites par le président des États-Unis pour les postes de membres du Cabinet présidentiel, les Secrétaires (équivalent de ministres) ; aux nominations des hauts fonctionnaires et des diplomates.
Les Sénateurs américains ont voté, par exemple, en janvier dernier par 94 voix contre 3 en faveur de John Kerry comme ministre des Affaires étrangères, après un premier vote favorable de la commission des Affaires étrangères du Sénat.
La nomination de John Kerry n'a nécessité que quelques jours, preuve du consensus entourant la personnalité du Sénateur, qui a passé 28 années dans la chambre Haute du Congrès. Les Démocrates comme les Républicains ont salué son expérience et sa compréhension des dossiers qu'il devra gérer en tant que chef de la diplomatie américaine. Ils ont validé le choix du Président Barack Obama pour John Kerry, fils de diplomate et vétéran de la guerre du Vietnam, pour remplacer Hillary Clinton, qui quitte son poste après quatre ans.
Mohamed Souhail Ftouh
1 Source http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Le-Senat-americain-repousse-la-nomination-a-la-tete-du-Pentagone-_NG_-2013-02-15-91135
2 La plupart des procédures du système de Westminster trouvent leur origine dans les conventions, pratiques et précédents du Parlement du Royaume-Uni, et qui font partie de ce qui est connu comme la Constitution britannique. À la différence du Royaume-Uni, la plupart des pays utilisant le système de Westminster ont codifié le système dans une constitution écrite. Toutefois, les conventions, pratiques et précédents, continuent à jouer un rôle important dans ces pays, dans la mesure où les constitutions ne détaillent pas d’importants éléments de procédure : par exemple, d’anciennes constitutions utilisant le système de Westminster, comme la Constitution canadienne ou la Constitution australienne, ne précisent même pas l’existence du Cabinet et le titre du chef de gouvernement (Premier Ministre), car l’existence de ces charges et leur rôle ont évolué en dehors du cadre constitutionnel d’origine.