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Blog-1: la loi C-38 et la chasse aux chomeurs

1- étrangement, au même moment où les États-Unis avec Obama renouent avec le social, Harper s’enfonce dans la logique néolibérale d’austérité et de compression budgétaire.

 

2- c’est sur fond d’affaiblissement inquiétant du politique et de prolifération de la misère dans les pays jusqu’ici privilégiés, que le gouvernement fédéral a adopté la loi controversée C-38, encadrant l’assurance chômage, entrée en vigueur le 3 janvier 2013. 

 

3-d’emblée on peut néanmoins observer que ce gouvernement est schizophrénique. D’un coté, en vertu du principe de redressement budgétaire, il réduit les dépenses publiques et semble peu préoccupé de répondre aux besoins et inquiétudes des demandeurs d’emploi, et de l’autre coté, il se montre généreux et prétend porter aide et assistance aux peuples étrangers au nom de la « morale ».

Cette pratique nous semble extrémiste. Elle coûte non seulement cher en vie humaine et financièrement, mais ne permet pas de réaliser les promesses que le gouvernement s’est assignées.

Il n’est guère besoin de prouver longuement que dans la société internationale ce ne sont pas les valeurs morales qui commandent la conduite des États, ce sont les intérêts stratégiques. Pourquoi, dés lors, chercher à libérer, par exemple, les libyens ou les maliens, tout en faisant fi du traitement inhumain infligé aux civils palestiniens ?

L’intervention comme la présence sélective militaire des américains, des français, des canadiens, ou autres, ici et là, en Afrique ou ailleurs, sont le résultat de l’inconfort suscité par le poids économique grandissant de la Chine. Nul ne peut contester d’ailleurs que la diplomatie chinoise aspire moins à obtenir des bases militaires que des parts de marché.    

 

4- au-delà, afin de rendre acceptable la nouvelle mouture et obtenir l’appui des citoyens, le gouvernement fédéral, relié par les médias, nous paraît travailler à diffuser une image négative des chercheurs d’emplois. Il contribue à produire la boucle récursive, d’Edgar Morin, où la haine de l’un et la haine de l’autre se coproduisent l’une l’autre.

Il montre son désir pressant de lutter contre le chômage « volontaire » (à défaut d’être subi), sans toutefois montrer la même ténacité à l’égard de la lutte contre la fraude fiscale, le clientélisme, la cooptation entre élites.

Si ceci peut être considéré comme un manquement au principe de neutralité, ce qui nous surprend, tout particulièrement, est de considérer que les pertes visibles occasionnées par la fraude à l’assistance chômage sont plus importantes que celles invisibles liées à la grande délinquance économique.

Brigitte Alepin met en avant qu’il existe effectivement des riches qui ne paient pas leur juste part d’impôts, que le manque à gagner pour l’État est énorme et que nous n’avons plus les moyens de le supporter[1]. En 2005, Statistique Canada, a estimé que les montants virés du Canada vers les paradis fiscaux se sont multipliés par huit entre 1990 et 2003, pour atteindre 88 milliards de dollars[2].

 

5-bien entendu, comme les vieillards pauvres et encombrants, ou les personnes itinérantes chassées et exclues des parcs et des rues, les chômeurs, étiquetés comme paresseux, sont également mis au banc et stigmatisés. Et ce, quand bien même que l’emploi stable, à plein temps et assuré pour des années, tend à devenir un privilège (A.Corz).

Pourtant, il nous faut relever qu’il revient à l’État de protéger les libertés et de garantir une existence digne à sa population la plus déshéritée.

Nous pensons que ce nouveau dispositif n’améliore pas les rapports humains puisqu’il entraîne l’asocialité ou la dyssocialité. Il tend non seulement à faire naître deux catégories d’individus, mais concoure à l’appauvrissement des chômeurs et des travailleurs. Il offre un plus bas salaire et une main d’œuvre manipulable, corvéable à souhait (Forrester, 1996).

Comme la femme violée coupable de ce qui lui est advenue, il s’agit ainsi de maltraiter encore davantage les vulnérables, les punir du mépris qu’ils attirent et surtout à les oublier. (Forrester, 1996).

Si ce positionnement reflète la mentalité des dirigeants et des juristes qui ont promeut cette loi, ce régime conforte l’idée de l’homme sans intériorité, c’est à dire une sorte de transparence unilatérale (Alain Supiot, 2005). Il entraîne un contrôle spécifique sur la vie des chômeurs qui sont soumis à une surveillance accrue[3] en raison de leur état, sans engendrer une surveillance intrusive sur la vie des privilégiés qui restent libres et sans responsabilités.

 

6-simultanément, compte tenu que les assistés sont pressurisés tout autant que la classe moyenne (Stiglitz, 2012), ce qui nous étonne est que l’entreprise n’est jamais traitée d’assistée. Et ce, bien qu’elle se voit offrir subventions, exonérations pour qu’elle embauche…mais sans pour autant se conformer à ce souhait.

Ce sont les suppressions d’emplois qui sont une source d’économie prioritaire, un agent essentiel de profit pour l’entreprise (Forrester)[4].

En se penchant sur ce sujet, Léo-Paul Lauzon écrit qu’en 1961 les particuliers contribuaient 47% et les compagnies 53% aux recettes fiscales du gouvernement fédéral en impôts sur le revenu et en taxes de vente. En 2001, les particuliers en versaient 82% et les entreprises seulement 18% (Lauzon, 2004)[5].

 

7-quoiqu’il en soit, pendant que la Suisse s’apprête à limiter la rémunération des grands chefs d’entreprises[6], le gouvernement fédéral adopte une loi favorable au patronat, malgré la réticence du salariat.  

Ce revirement ne vise pas à améliorer les conditions de vie des malheureux, ni à augmenter le salaire minimum déjà insuffisant pour mener une vie décente.

Comme le dit François Mitterrand, à propos du salaire minimum, il s’agit seulement d’accorder un moyen de survivre à ceux qui n’ont rien, qui ne peuvent rien, qui ne sont rien.

Le résultat est que dans cette « société duale », une minorité de travailleurs protégés doit faire face à une masse croissante d’individus fluctuant entre l’exclusion, les emplois précaires et les réseaux de formation (Charvin, Sueur, 1994).

Au Québec, Louise Leduc indique que le taux de chômage des immigrants est de deux à trois fois plus élevés que celui des québécois d’origine. Elle ajoute que du point de vue salarial, l’écart se creuse. En 1980, les nouveaux immigrants au Canada gagnaient en moyenne 85% du salaire des natifs, cette proportion avait chuté à 63% en 2005[7].

Ceci est une preuve de l’échec des politiques publiques d’équité salariale, tout comme un indice de l’échec de l’insertion dans la vie économique d’une partie de la population[8].

 

8- tout au plus, si ce nouveau règlement encourage à accepter de se faire exploiter, il évacue, en revanche, le fait que les qualités personnelles ne suffisent pas pour réussir dans la vie (Bourdieu,1989). Ce qui permet d’entretenir l’illusion de l’égalité des chances que l’État est censé défendre et assurer pour tous[9].

N’est ce pas que si l’on se retrouve sans aide ou à la limite avec une aide calculée pour être insuffisante…on sera prêt à accepter, supporter, subir n’importe quelle forme d’emploi, à n’importe quel prix, dans n’importe quelles conditions…des emplois au rabais qui ne sortiront guère de la misère (Forrester, 1996). Il en va ainsi des étudiantes endettées, incitées à se prostituer pour payer leurs études en fréquentant des hommes matures[10].

 

9-du reste, relevons que ceux qui ont les travaux les plus pénibles ont une retraite plus brève et moins bien rémunéré[11]. L’exécution d’un travail parcellaire et répétitif sous contraintes de temps sévères…celui-ci favorise l’apparition de problèmes de santé nombreux et divers (Vinet, Brisson et Vézina, 1986).

Il va s’en dire que, les cols bleus ont une rente inférieure et ils meurent plus jeunes que les cols blancs, sous l’effet conjugué de leur itinéraires professionnels particuliers, de leurs conditions de travail et de leur régime de retraite (David et Bigaouette, 1986). Donc, est-il normal de perdre sa vie en la gagnant (Renaud, Simard, 1986)[12].

 

10- A mesure que l’homme moderne manifeste son désir de plus en plus de sécurité et de stabilité, la précarité est renforcée. Ce phénomène concerne la plupart des pays Occidentaux (France, Belgique, etc.)[13]. On retrouve des personnes qui travaillent plusieurs mois ou années pour la même société en contrat journalier… certaines semaines ces individus travaillent qu’une seule journée tandis qu’une autre semaine, si le besoin s’en fait sentir pour l’employeur, le travailleur prestera beaucoup plus (Bouchez, 2005). Sous ce rapport, comment les citoyens pourraient-ils se projeter dans l’avenir ?

 

11- c’est ainsi que devant l’échec des politiques publiques l’administration a mis en place des solutions répressives.

Comme le recours des juges à la verbalisation des itinérants… (malgré qu’ils) n’ont pas les moyens de payer leurs contraventions[14], les chômeurs sont également pénalisés en raison de l’absence d’un emploi satisfaisant. Ceci se réalise, entre autres, par la loi sur la délation et par la limitation du droit de recours contre les décisions administratives.[15] 

 

12-de plus, à la pression exercée sur les sans-emploi se superpose l’harcèlement moral des agents publics chargés d’appliquer les nouvelles mesures[16].

Cette pression constitue une atteinte au respect de l’intégrité morale et psychique des travailleurs[17]. Tout autant, les directives de l’administration constituent un changement de mission ou d’activité des agents publics, censés initialement apporter aide et accompagnement aux demandeurs d’emplois.

Comme le dit Yvon Godin on ne demande plus aux fonctionnaires de livrer un programme qui appartient aux travailleurs, mais on leur dit comment on peut faire pour ne pas livrer le programme. Et on les félicite selon les économies faites, ce qui veut dire au nombre de personnes coupées[18].

 

13-somme toute, en attendant mieux, si personne ne peut prédire à l’ère de la société du risque l’aboutissement de ces politiques publiques, souvenons-nous néanmoins que la crise des années 1920 a fait naître le New Deal aux États-Unis et les camps nazis en Allemagne (Charvin, Sueur, 1994).

 

 AMIR.



[1] Alepin (B), Ces riches qui ne paient pas d’impôts, 2004.

[2] Vaillancourt s’est étonné « de la passivité avec laquelle les citoyens acceptent ces injustices ». Il ajoute qu’« on considère trop souvent ces privilégiés de riches comme des fatalités, des vices d’un système contre lesquels on ne peut rien. Pourtant, les conséquences de cette démission sont énormes : chaque année, des milliards de dollars échappent a l’impôt, ce qui en vient a détruire peu à peu des programmes sociaux bâtis difficilement après d’âpres combats, à rendre impraticables des lois qui assuraient pourtant plus de justice ». V. Claude Vaillancourt, Mainmise sur les services. Privatisation, déréglementation et autres stratagèmes. Éd. Écosystèmes, 2006, p79.

[3] Ils doivent prouver qu’ils ont cherché activement et intensément un emploi.

[4] Le modèle qui prévaut a l’heure actuelle est la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Le sauvetage des entreprises et des banques de la faillite avec l’argent du contribuable en est la preuve.

[5] Léo-Paul Lauzon ajoute que « le Québec verse aux investisseurs privés des subventions annuelles de l’ordre de dix milliards contre trois milliards pour l’Ontario, sans qu’ils ne paient un cenne d’impôts sur le revenu ». V. du même auteur, « utilisateur- payeur pour le public et utilisateur-encaisseur pour les compagnies. La politique minière du deux poids deux mesures », l’Aut’journal, février 2013, n316.

[6] V. Jean-Francois Besson, «une votation pourrait limiter le salaire des grands patrons », 21/02/2013, www.francebleu. Fr.

[7] V. Louis Leduc, « taux de chômage criant chez les immigrants, particulièrement au Québec », la Presse 27/11/2012.

[8] Toutes proportions gardées, Sylvain Martin soutient que  40% des emplois au Québec sont des emplois précaires. V. Sylvain Martin, «le rapatriement de la caisse d’assurance emploi devient incontournable. L’assurance emploi est une conquête ouvrière», l’Autr’journal, février 2013, n316.

[9]V. Bernheim (E) et Commaille (J), «quand la justice fait système avec la remise en question de l’état social», revue droit et société, 2012/2, n81, p 281-298.

[10] Visiblement, à proportion des étudiantes qui s’adonnent à ce type de pratique, la riche université McGill se place au 4e rang, tandis que l’Udem et l’UQAM figurent respectivement à la 20e et 13e position.  V. Maxime Huard «les sugar daddies ont la cote auprès des universitaires montréalaises», 22/01/2013.

[11] En France, selon l’INSEE, le taux de mortalité prématurée des ouvriers- employés est trois fois plus élevé que celui des cadres supérieurs et deux fois plus élevés que celui des cadres moyens. V. Viviane Forrester, L’horreur économique, 1995.

[12] «Travail, santé, prévention», revue Sociologie et société, n 2, octobre 1986, presses de l’université de Montréal.

[13]V. Freddy Bouchez, « la nocivité du plan Vandenbroucke confirmée sur le terrain», Pensée plurielle, 2005/2, n10, p 39-48.

[14] V. Commaille, Bernheim, 2012

[15] V. Sylvain Martin, précité

[16]Le journal de référence le Devoir a révélé la pression exercée sur les fonctionnaires de Service Canada…qui sont soumis à des quotas mensuels ou à des objectifs d’économies établis par la direction centrale. V. Guillaume Bourgault-Coté «Assurance-emploi- les fonctionnaires ont des quotas de prestations à couper », le Devoir, 1 février 2013.

[17]Parmi les effets délétères engendrés par ces harcèlements rapportés par les médias, on trouve : le stress, l’inquiétude, les traumatismes et les drames. V. Bartoli, Keramidas, et autres, « vers un management public éthique et performant», RFDA, 2011, p629-639.

[18]Un employé a confié que « le problème, c’est que le système met beaucoup de pression pour qu’on coupe les gens, qu’on trouve une faille dans leur déclaration. Il ajoute qu’on est poussés à être agressifs dans nos questions, à coincer les gens. Il renchérit qu’il y a certainement des fraudeurs dans le système, mais actuellement, c’est comme si on considérait tout le monde comme un fraudeur potentiel ». V. Guillaume Bourgault-Coté précité. 

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