Le décrochage scolaire au Québec : quel impact pour les jeunes et la société ?
Malgré l’importante ressource financière consacrait par les gouvernements Québécois au cours des dernières années à la lutte contre le décrochage[1] scolaire, et malgré « la forte décentralisation de l’administration scolaire et la large autonomie laissée aux établissements pour trouver localement les solutions »[2] ainsi que l’élaboration d’une politique nationale de lutte contre le décrochage, les résultats sont loin d'être reluisants.Le décrochage scolaire au secondaire reste un enjeu majeur de l’administration scolaire et de la société au Québec.Le décrochage touchait 16,2 % des élèves du réseau scolaire public québécois en 2011-2012. En analysant les données selon le genre, le taux de décrochage scolaire se situait à 19,8% chez les garçons et à 12,9 % chez les filles (ministère de l’éducation, loisir et de sport 2014).
Le décrochage est plus critique chez les premières nations (Robert-Falcon Ouellette 2013)[3]. Le taux de décrochage scolaire au secondaire des adolescents des Premières Nations est pratiquement cinq fois plus élevé que celui des autres élèves au Québec(discours de Saskatoon –Saskatshewan 2013). Dans le Nord-du-Québec, où la large majorité de la population est autochtone, seulement 39 % des élèves obtiennent leur diplôme d'études secondaires après sept ans (Radio canada 2014). 62,5 % des Autochtones résidant dans une communauté n'ont pas de diplômes d'études secondaires et 70,3 % des Autochtones résidant dans une communauté entreprennent leur cinquième secondaire avec au moins une année de retard par rapport à l'âge normal[4].
Le problème de décrochage scolaire des jeunes de moins de vingt ans génère des effets néfastes sur l’individu et la société toute entière. Les jeunes qui quittent l’école, « se trouvent confrontés à un marché du travail exigeant et compétitif » (Michel Janosz, Sophie Pascal, Luc Belleau, Isabelle Archambault, Sophie Parent etLinda Pagani 2013) ce qui rend leur intégration professionnelle difficile. De ce fait, le taux de chômage des décrocheurs est le double de celui des finissants du secondaire. Par exemple en 2009-2010, le taux de chômage des décrocheurs est de 23,2 % contre 11,9 % auprès des finissants des secondaires (statistique canada 2010). En outre, « Les jeunes qui quittent l’école sans diplôme sont plus susceptibles d’occuper des emplois moins bien rémunérés, moins prestigieux et moins stables, d’être sans emploi » (Ibid). Cette précarité économique des situations des jeunes décrocheurs engendre eux même des problèmes de santé et d’ordre social. Les jeunes qui quittent l’école faire face aux problèmes de santé physique et mentale à cause de l’abus d’alcool. Le décrochage est également associé à la criminalité et la pauvreté.
S’agissant des effets de décrochage sur la société, le décrochage non seulement prive l’économie nationale de la main d’œuvre qualifié et par conséquent la contribution à la création de richesse nationale, mais aussi il représente une perte au gouvernement en matière de taxes et d’impôts non perçus (impôts et taxes de vente). Ainsi, ils contribuent à l’alourdissement des dépenses publiques par les dépenses sociales additionnelles que le gouvernement réserve aux décrocheurs (assurance-emploi, assistance sociale, justice, etc.). Les décrocheurs sont nombreux à recevoir de l’aide sociale et de l’assurance chômage.
S’agissant des implications de décrochage sur la société de premières nations, elle est plus dramatique que celle des non autochtones. La société de la première nation est une société jeune. Le nombre des jeunes de moins de trente ans représente plus de la moitié de la population autochtone du Québec. Plus de la moitié de ces jeunes n’ont pas obtenu un diplôme d’étude secondaire, et par conséquent ils ont moins de chance pour trouver des emplois. Le taux élevé de chômage au sein de la population autochtone était près du double du taux de chômage pour la population non autochtone, 12 ,8 % contre 7.2 % en 2012 (enquête sur la population active annuelle de Statistique Canada). Dans un environnement marqué par le sous développement, le chômage des jeunes favorise le recours à la l’alcool, au drogue et à la criminalité.
Après un diagnostic de l’ampleur de décrochage scolaire et son importance comme un enjeu social et d’administration, il nous semble opportun de faire une évaluation de la politique actuelle de la lutte contre le décrochage, surtout qu’elle a englobé toute les mesures et les actions existantes en la matière. Ainsi, nous pensons qu’il soit important de réfléchir de nouveau sur les actions les plus adéquats qui aident à la lutte contre ce problème et à la mise en place d’une politique de lutte contre le décrochage plus effective.L’objectif de ce travail est d’insister sur la révision de la politique actuelle de lutte contre le décrochage qui est caractérisé par l’inclusion de trois types d’action( prévention, intervention et remédiation ) vers une politique qui mettra d’avantage l’accent sur les solutions préventives et effectives pour la réduction de ce problème et ce, en vue de maitriser les coûts et la bonne allocation des deniers publics tout en assurant les meilleurs résultats[5]. Le taux actuel de décrochage scolaire démontre la limite des solutions jusqu’alors réservées à ce problème et l’utilité d’une réflexion sur les facteurs qui y sont déterminants. Le problème doit être attaqué à la base et les mesures qui doivent être mises en place doivent être plus préventives.Des solutions d’intervention et de remédiation ne peuvent pas avoir des résultats performants. Les actions de raccrochage sont difficiles à gérer et coute cher sur les deniers publics.
A ce titre nous recommandons la recherche des façons dont les écoles, les classes, les programmes et les cours sont conçus afin que tous les élèves puissent s’attacher à l’école. Une recherche des mesures de motivation des jeunes, d’incitation à l’apprentissage et de faciliter l’obtention d’un diplôme d’études secondaires avant l’âge de 18 ans sont fortement recommandés. La lutte contre le décrochage consiste à notre avis à découvrir des méthodes d’enseignement différentes afin que tous les enfants soient impliqués activement dans les classes, telles que par exemple, la découverte de nouvelles façons de développement de la communication entre les élèves et les enseignants de l’école.
Pour l’avenir de nos jeunes et généralement notre société, la lutte contre le décrochage doit être l’affaire du gouvernement, de l’administration scolaire, des parents et de tous les acteurs sociaux publics et privés.
Par ailleurs, l’accroissement de l’investissement en la matière demeure un facteur de réussite de la politique envisagée en la matière. En effet, le gouvernement et l’administration scolaire sont appelés à augmenter le budget réservé à l’éducation. En outre, un renforcement de la décentralisation de l’administration scolaire est souhaitable en vue d’augmenter leur autonomie et leur pouvoir décisionnel. Elles doivent avoir plus de possibilité de décider de ses priorités. Pour renforcer le rôle de l’administration scolaire dans la lutte contre le décrochage, celle-ci doit disposer d’une décentralisation avancée pouvant aller jusqu'à l’élaboration des programmes. Les établissements scolaires doivent aussi renforcer leurs pouvoirs.
Il va sans dire que la lutte contre le décrochage coûte cher, mais ne pas agir coûterait nettement plus cher sur le développement économique et social de la société québécoise. En effet, l’économie Québécoise repose de plus en plus sur le savoir, dont les entreprises ont davantage besoin ce qui implique le recours à une main-d’œuvre qualifiée. Il s’ensuit que le décrochage scolaire coûterait cher à l’économie québécoise, la lutte contre le décrochage étant une des solutions les moins dispendieuses et des plus évidentes. En outre, la lutte contre le décrochage est en soi un moyen très important pour lutter contre le chômage, la pauvreté et la criminalité ; il permet généralement d’améliorer le bien-être du citoyen québécois.
Sur un autre plan, le gouvernement doit soutenir les jeunes autochtonesà travers la reconnaissance et la consécration de l’égalité de tous les individus dans l’accès à l’éducation. La reconnaissance de l’égalité des chances va permettre aux autochtones de bénéficier des investissements que l’État Québécois fournit pour l’éducation. En outre, l’inclusion des actions particulières aux jeunes autochtones au sein de la politique nationale de lutte contre le décrochage va beaucoup aider à réduire le taux de décrochage des jeunes autochtones.
Bibliographie
- Ministère de l’éducation, loisir et de sport cité par le Secrétariat a la jeunesse Québec 2012
- Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, « Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée », Rapport- n° 2013-059 Juin 2013, p14
- http://www.statcan.gc.ca/pub/81-004-x/2010004/article/11339-fra.htm#e
- http://www.aadncaandc.gc.ca/fra/1384969717827/1384969878867, consulté le 25 octobre 2014, Discours de Bernard Valcourt, 4e Sommet national de la jeunesse de l’Assemblée des Premières Nations .
- http://www.jeunes.gouv.qc.ca/strategie/defi-regions/soutenir-jeunes-autochtones.aspconsulté en ligne le 20 octobre 2014, Soutenir l'implication des jeunes Autochtones dans leur communauté et dans la société québécoise
- Clairandrée Cauchy « Très coûteux, le décrochage scolaire », http://www.ledevoir.com/societe/education/240231/tres-couteux-le-decrochage-scolaire, 2009
- Robert-Falcon Ouellette, Le décrochage scolaire reste important chez les Premières Nations, Radio canada, radio canada.ca/regions/manitoba/2013/11/25/003-ecole-diplomes-premieres nations.shtml
[1]Le décrochage est l’abandon du parcours scolaire minimal attendu. Il signifie l'interruption définitive ou temporaire des études avant l'obtention d'une reconnaissance des acquis (diplôme, certificat, attestation d'études, etc.) de la part d'un établissement d'enseignement.
[2]Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, « Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée », Rapport- n° 2013-059 Juin 2013, p14
[3]Robert-Falcon Ouellette, Le décrochage scolaire reste important chez les Premières Nations, Radio canada, radio-canada.ca/regions/manitoba/2013/11/25/003-ecole-diplomes-premieres-nations.shtml
[4] Ministère de l’éducation, loisir et de sport cité par le Secrétariat a la jeunesse Québec 2012
[5] Les solutions préventives sont plus économiques que les deux autres types de solutions. Elle coute mois chère et plus efficace en termes de résultat
Chiraz. KHATERCHI