Blogue #2. LE MODÈLE QUÉBÉCOIS : le modèle d’état basé sur l’interventionnisme de l’état a atteint ses limites? La mondialisation a imposé les règles du marché pour tous
Blogue #2 LE MODÈLE QUÉBÉCOIS : le modèle d’état basé sur l’interventionnisme de l’état a atteint ses limites? La mondialisation a imposé les règles du marché pour tous ?
L’avenir de l’État-providence est une question qui brûle d’actualité. On entend souvent dire dans les médias que le modèle québécois est désuet, qu’on devrait diminuer la taille de l’État, le rendre moins interventionniste et permettre au privé de dispenser certains services à la population en totalité ou en partie.
Afin de bien saisir les enjeux qui s’y rattachent, il faut d’abord voir ce qu’est l’État-providence, sur quel système il repose, quels sont les moyens de régulation et de justice social dont s’est doté le Québec et finalement, qu’elle est son historique dans le monde occidental. Nous verrons également quels sont les moyens de régulation et de justice sociale au Québec. Nous traiterons également des contradictions qui sont inhérentes à sa nature et qui interfèrent à son bon fonctionnement.
Pour terminer, nous verrons quelles sont les solutions préconisées par les partis politiques québécois pour le rendre plus conforme au modèle socioéconomique de l’Amérique du nord et du reste du monde.
QU’EST-CE QUE L’ÉTAT PROVIDENCE
L’État-providence est fondé sur le système économique dit capitaliste. Le système capitaliste a vu le jour au 19e siècle après que la bourgeoisie eut pris possession du pouvoir économique et politique, d’abord aux États-Unis et en France, puis ailleurs dans le monde. Bien que certains pays demeurent de nos jours théoriquement monarchiques, comme le Royaume-Uni et le Canada, ces monarchies de type constitutionnelles ne sont pas un frein à l’essor de leurs bourgeoisies respectives ; bien au contraire, leurs traditions et leur ancrage dans le temps peuvent ajouter stabilité et légitimité au système politique et
économique.
Les principales caractéristiques du capitalisme sont la propriété privée des moyens de production, la liberté de commerce, la liberté d’entreprendre, la possibilité d’accumulation de capital et le salariat . L’un des premiers à analyser ce mode de production et à le critiquer fut Karl Marx (1818-1883). Bien que les transformations subies par les diverses sociétés capitalistes depuis le 19e siècle rendent nécessaire l’ajout de plusieurs variables à son analyses, il n’en demeure pas moins que les assises du capitalisme demeurent aujourd’hui essentiellement les mêmes (Etienne Hallé).
Le système capitaliste repose sur la nécessité d’un accroissement continu de la productivité, c'est-à-dire sur la diminution du temps de travail nécessaire pour manufacturer les biens de consommation. Comme les entreprises sont placées entre elles dans une situation de compétition perpétuelle, elles n’ont individuellement d’autre choix que d’accroître leur productivité car leur survie en dépend.
Toutefois, lorsque la capacité industrielle globale est telle que le marché devient saturé de produits (trop d’offre vis-à-vis la demande), plusieurs entreprises se retrouvent en difficulté et doivent diminuer leurs prix de vente pour demeurer concurrentiels et écouler leurs stocks, ou encore fermer si elles n’en ont pas la capacité.
Lors des crises, comme celle de 1929, il est très difficile de redémarrer l’économie étant donné le fort chômage et le faible pouvoir d’achat de la population.
Dans un système capitaliste, période de prospérité économique ne signifie pas nécessairement une hausse du niveau de vie de la population. Ce système a pour caractéristique de créer de la richesse sans nécessairement la redistribuer équitablement : seule la bourgeoisie et quelques hauts cadres salariés y trouvent automatiquement leur compte. Les iniquités sociales qui en découlent sont un des
fondements de l’émergence de l’État-providence.
Deux caractéristiques propres au système capitaliste, et qui sont inter reliés, sont à l’origine de l’émergence de l’État-providence : le besoin de régulation du système économique et la réduction des injustices sociales.
LE MODÈLE QUÉBÉCOIS
Pour répondre à ce besoin de régulation économique et de justice sociale, l’État québécois a principalement emprunté des caractéristiques à deux modèles : le modèle anglo-saxon et le modèle français.
La situation géographique du Québec, avec les influences anglo-saxonnes qui en découlent politiquement et culturellement, joint à sa proximité culturelle et en partie identitaire avec la France, a mené à un État-providence hybride des deux modèles précédemment cités.
Selon Trudel (Octobre 2014), le modèle québécois est basé sur :
- l’intervention de l’État dans l’économie,
- la répartition de la richesse par des services,
- la concertation et la solidarité sociale,
- la version nord-américaine de la social-démocratie,
- un état défenseur de la francophonie en Amérique du Nord.
Les Québécois sont desservis par les deux paliers gouvernementaux, nous commencerons par voir les principales protections sociales offertes par le fédéral, et par le provincial. Ensuite, nous regarderons brièvement les principaux leviers économiques, les institutions démocratiques, de même que les droits sociaux dont le Québec s’est doté afin d’être davantage égalitaire à l’intérieur de ses rapports
sociaux. Le gouvernement fédéral gère la caisse d’assurance emploi, qui accorde un revenu minimal au chômeur cotisant pour une période limitée et qui est financé à la fois par l’employeur et le salarié admissible. Les autres formes d’aides du gouvernement fédéral se traduisent principalement en avantages non imposables, en congés d’impôt ou encore en subventions. Ces formes d’aide se retrouvent par exemple dans les Régimes d’épargne retraite (RÉER), les Régimes d’épargne étude (RÉE) et bien d’autres.
L’État québécois, quant à lui, offre une gamme importante de programmes sociaux visant à dispenser des services universels et à offrir un seuil minimum de sécurité sociale à sa population. Les principaux services offrant un seuil minimum sont composés de l’aide sociale, qui assure un revenu très modeste de dernier recours aux sans-emploi non éligibles à l’Assurance emploi du gouvernement fédéral par le biais du Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale, du Régime public d’assurancemédicament, obligatoire pour les non titulaires d’une assurance privée, des indemnités de soutien aux familles, des indemnités en cas de décès et des rentes d’invalidité et de vieillesses, versées par la Régie des rentes du Québec (RRQ).
Les principaux services universels, c'est-à-dire ceux qui sont dispensés sans égard aux revenus, sont relatifs aux domaines suivants : la santé et l’éducation. En ce qui a trait au domaine de la santé, le Québec est doté d’un système universel d’assurance-maladie défrayé par la Régie de l’assurance maladie du Québec, relevant du Ministère de la santé et des services sociaux. Diverses infrastructures, comme les
Régies régionales de la santé et des services sociaux, viennent s’articuler autour du principe de gratuité.
Les différents programmes sociaux universels, les protections sociales minimales, les organisations gouvernementales et paragouvernementales composées de conseils,comités, commissions et sociétés d’État, témoignent de la place qu’occupe l’État québécois dans la vie de ses citoyens.
LA PROBLÉMATIQUE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE QUÉBÉCOIS
Un aspect fondamental de la crise que vit actuellement l’État-providence québécois est en relation directe avec sa capacité de se financer adéquatement sans générer, année après année, des déficits budgétaires.
Le rapport annuel de gestion 2013-2014 du Ministère de Finance indique que d’ici 2015, le déficit s’établira à 3 100 millions de dollars en 2013-2014 et à 2 350 millions de dollars en 2014-2015. Certains politiciens, appuyés par les médias privés, reviennent constamment sur le sujet de son remboursement pour justifier les coupures dans le financement des services et les privatisations. Mais pourquoi a-t-on tant de difficulté à avoir un budget équilibré ?
La raison principale réside-t-elle vraiment dans ses coûts ou encore dans nos moyens financiers ? Alors que nous touchons pratiquement le plein emploi, sommes-nous réellement une province trop pauvre pour continuer à nous payer de bons services ?
Se pourrait-il que tout cela ne soit qu’une question de choix, de priorités ? En premier lieu, une étude de la Chaire d’études socio-économiques de l’UQÀM révèle qu’un « déséquilibre fiscal s’installe au fil des ans entre l’imposition des revenus des particuliers et ceux des compagnies, tant au niveau fédéral que provincial. (Michel Bernard et Al ars 2006, p 8)
L’étude en question démontre que la proportion des revenus de l’État provenant des particuliers augmente, tandis que celle des entreprises diminue. En 1964, les contributions des particuliers comptaient pour 64% des recettes fiscales du Québec,contre 38% pour les entreprises. En 2004, ce comparatif s’établissait à 88% pour les particuliers et 12% pour les entreprises. Aujourd’hui, les compagnies québécoises paient 42% moins d’impôts qu’il y a quarante ans. Leurs bénéfices ? Ils ont triplé. (Michel Bernard et Al ars 2006, p 11).
Durant cette période, les entreprises ont augmenté « leur importance relative dans la composition du revenu national, alors que la charge fiscale imputée à ces profits baisse. Les compagnies sont de plus en plus prospères et contribuent de moins en moins au trésor du Québec et, conséquemment, au financement des services publics.
Deuxièmement, comme le financement de nos services repose davantage que par le passé sur la population active et non sur les entreprises, les pertes d’emplois dans le secteur manufacturier et la création d’emplois dans le secteur des services (notamment dans le commerce au détail) laissent entrevoir d’autres difficultés quant au financement de l’État-providence québécois.
Ces pertes d’emplois dans ce secteur soit 133 000 depuis novembre 2002 (FTQ) – touchent de plus en plus d’emplois de qualité, comme dans le cas des papetières, et sont remplacés par des emplois dans le secteur des services, notamment dans l’alimentation et le commerce au détail. Il est à prévoir que les salaires modestes offerts par ces emplois créés entraîneront des conséquences néfastes sur les finances publiques.
LES CONTRADICTIONS AU SIEN DE L'ÉTAT PROVIDENCE
Au Québec, comme dans la majorité des pays occidentaux, la population éprouve beaucoup de difficulté à se définir en tant que membre d’une classe sociale donnée. La seule classe dont il est parfois question est la classe moyenne à la quelle tout le monde affirme appartenir.
L’individualisme amène le citoyen à se détacher de la société et à l’observer comme un phénomène externe à lui-même. Ainsi, plusieurs personnes éprouvent de la difficulté à saisir que leurs gestes sociaux et politiques contribuent soit à changer ou à consolider l’infrastructure actuelle et que c’est cette même infrastructure qui détermine la superstructure, c'est-à-dire l’État et les règles qui régissent la collectivité.
Ce même individualisme et cette disposition à se percevoir comme un élément neutre et externe à la société a pour effet de déresponsabiliser l’individu face à la collectivité et l’amène à se sentir comme un client qui paie pour un service.
Une deuxième contradiction qui s’insère dans le cadre de l’État-providence est celle entre la non-rentabilité de l’appareil administratif et le système économique au sein duquel il s’insère.
La difficulté d’équilibre des finances publiques comme un des fondements du libéralisme est la liberté d’entreprise, l’État laisse la plupart des activités lucratives au privé. De cette façon, il doit principalement collecter taxes et impôts pour financer ses activités. Toutefois, afin d’attirer des investisseurs, l’État doit leur offrir des opportunités intéressantes. Il doit donc permettre un certain équilibre entre leurs activités lucratives et les contraintes qu’il leur impose. Avec les entreprises qui ont leurs activités dans des pays peu contraignants (social dumping), cet équilibre glisse de plus en plus vers l’intérêt de ces entreprises au détriment de celui de l’État. Comme le système capitaliste restreint les activités lucratives de l’État et limite les possibilités de taxation des entreprises, il ne reste donc que la taxation des particuliers, qui a aussi une limite, mais qui a surtout le dernier mot lors des élections.
En somme, les contradictions inhérentes à l’État-providence s’articulent autour de l’axe idéologique et l’axe économique. L’État-providence entre en confrontation avec l’idéologie libérale et avec le système économique mondialisé dans lequel il s’insère. De plus ce modèle d’État, notamment par l’éloignement et la lourdeur administrative de ses institutions, a contribué à individualiser davantage ses citoyens et à les rapprocher de l’idéologie libérale.
CONCLUSION
Le Québec, dans les années 1960, a adopté un modèle d’État-providence se situant entre le modèle anglo-saxon et le modèle social-étatiste français. Or, depuis les années 1980, l’État-providence vit une crise de légitimité à la fois idéologique et économique. Vers 1990, cette crise a atteint le Québec, qui a depuis entrepris d’alléger son État et sa participation à une certaine forme de justice sociale et ce, afin de favoriser davantage les entreprises, que ce soit par des mesures fiscales, par l’intrusion du privé dans le domaine public, ou encore par des mesures incitatives à l’emploi.
Bien que l’État-providence ait permis à la majorité de la population d’accéder à un niveau de vie plus acceptable, cette dernière conteste sa légitimité.
Que Faire pour assurer un degré de justice sociale à sa population et faire face à la mondialisation des marchés ?
Le Québec aura alors à choisir entre créer une société empreinte de justice et de solidarité dans un contexte de développement durable.
Références
Capitalisme, wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Capitalisme
L’autre déséquilibre fiscal : le déplacement du fardeau des compagnies vers les particuliers au cours des dernières décennies, Michel Bernard, Léo-Paul Lauzon, Marc Hasbani, Gabriel Ste-Marie, Chaire d’études socio-économiques de l’UQÀM, http://www.cese.uqam.ca/ (Mars 2006 , page 8 et page 11).
Qu’est-ce que ça va prendre pour réveiller les gouvernements, communiqué de presse, FTQ,http://www.ftq.qc.ca/modules/communiques/communique.php?id=859& langue=fr&menu=2&sousmenu=34 ( FTQ, Mars 2007)
L’avenir de l’État providence par Etienne Hallé
www.pcq.qc.ca/Dossiers/PCQ/Etat providence
Rapport apport Annuel de gestion 2013-2014 du Ministère de Finance, Octobre 2014
Remy Trudel. Note du cours Enjeux et principe de l’Administration publique (Octobre 2014).
Par PANGNI