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Les limites de la reddition de comptes

 

La reddition de comptes est une étape très importante du processus budgétaire. Elle s'inscrit dans une dynamique de traçabilité de l’utilisation des deniers publics et se traduit par l’obligation faite à l'exécutif de rendre compte au parlement de la gestion des fonds publics. L’autorisation de dépenser ayant été donnée par le parlement, il est logique que le gouvernement présente à la même instance l'utilisation qui a été faite des ressources qui lui ont été consenties.

 Mais, malgré le fait que la reddition de comptes soit un principe affirmé en administration publique qui veut que tout soit approuvé et que tout fasse l'objet de reddition de comptes, dans la pratique, nous assistons à des situations où certains organismes ont tendance à se soustraire de ce principe. Cela ressort dans l’article publié par la députée d’Ahuntsic Maria Mourani qui critique le manque de transparence de l’aéroport de Montréal en ces termes : «on n’a aucune prise sur ADM, ils ne sont même pas assujettis au bureau du vérificateur général. Pourtant ils gèrent des biens publics, c’est aberrant». Cet avis est partagé par Michel Nadeau, directeur de l’institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques qui ajoute que : « en cas d’insatisfaction, des actionnaires peuvent changer les dirigeants et pousser l’entreprise vers une autre direction, mais avec ADM, on ne peut rien faire ».

 Ces situations mettent en doute l'effectivité du principe de reddition de comptes par tous les organismes qui gèrent des deniers publics, ce qui témoigne d'un manque de transparence réelle dans la gestion des fonds publics. Tout gestionnaire de fonds publics devrait en principe être assujetti au bureau du vérificateur général et ce qui est aberrant, c'est qu'aucune disposition n'est prise pour les obliger tous au respect de ce principe et généralement il n'est pas prévu de sanctions à l'encontre de ceux qui ne le respectent pas, ce qui les laisse croire qu'ils sont au dessus de la loi.

 Outre cette non justification qui limite la portée du principe, il est de constat que la procédure de reddition de comptes comporte en elle-même des insuffisances. En effet, si l’on part du postulat que la reddition de comptes a pour principal objectif de renseigner les citoyens sur l’utilisation faite des deniers publics, est ce qu'en déposant le rapport du vérificateur général devant le parlement on rend réellement compte aux citoyens.

 Théoriquement on peut répondre par l'affirmative si l'on considère que les députés sont mandatés par le peuple pour le représenter au parlement. Mais dans la pratique il n'en est rien car il est constaté qu'aucun retour n'est fait au peuple par ceux qui sont censés les mettre au courant de la gestion. Pour que le citoyen soit réellement renseigné sur la gestion publique, il eut fallu que le parlement lui présente le contenu du rapport du vérificateur général qui lui a été soumis alors que la plupart du temps on constate que le dialogue est rompu entre le peuple et ses répondants après les périodes électorales. De ce qui précède, on constate que la reddition de comptes reste une simple formalité entre le gouvernement et le parlement. Le citoyen qui devait être au cœur de ce compte rendu est mis à l'écart et n'a pas l'occasion d'apprécier la transparence de la gestion des fonds publics; ce qui diminue considérablement la portée du principe.

 Une autre difficulté sur la reddition de comptes est la non maîtrise du rapport du vérificateur par les élus eux mêmes. La plupart des élus n'ont pas les capacités nécessaires pour comprendre le contenu du rapport parce que n'ayant pas été initiés aux questions budgétaires. En effet, la majorité des élus dans de nombreux pays n'ont pas un niveau d'instruction leur permettant de s'approprier les questions budgétaires et surtout les termes techniques. En plus, le rapport du vérificateur n'est pas suffisamment détaillé pour permettre de faire un rapprochement entre ce qui a été prévu et ce qui a été réalisé; ce qui nécessite une très bonne maîtrise des aspects budgétaires pour l'apprécier entre les lignes. Donc, même si le dialogue n'était pas rompu entre les citoyens et les élus, il serait difficile pour ces derniers d'expliquer convenablement ce rapport aux citoyens. Il en est de même des citoyens qui sont pour la plupart analphabètes et ne disposent pas de capacités nécessaires pour s'approprier les éléments techniques qui leur seront présentés.

 Au regard de ces éléments qui limitent considérablement la portée du principe, il conviendrait de mettre en place des mécanismes de sanctions à l'endroit de tout gestionnaire qui viendrait à s'y soustraire. Il conviendrait également de replacer le citoyen au cœur de la reddition des comptes en mettant en place un mécanisme obligeant les élus à un retour vers eux pour les informer de l'utilisation qui a été faite des fonds publics. Pour ce faire, il importe de bien outiller les élus eux mêmes en renforçant leurs capacités pour une meilleure appropriation des notions contenues dans le rapport et de traduire le rapport dans un langage clair permettant une compréhension du peuple.

 Au Burkina Faso par exemple, ayant conscience du niveau d'instruction relativement faible du peuple, il y a des tentatives de traduction des documents budgétaires notamment le document de compte rendu d'exécution dans les langues nationales pour une meilleure compréhension. Des campagnes de communication sont organisées périodiquement en vue de présenter ces documents aux citoyens. Un exercice qui, de notre avis, même s'il comporte des insuffisances, permet aux citoyens d'être rassurés du soucis de leur accorder une place dans le processus.

 

 OUEDRAOGO Aïssata

 

Commentaires

  • Assiata... Bien reçu pour nourrir nos connaissances et mieux se former une opinion. Bonnes suites.

  • Salut Aissata, le sujet des Aéroports de Montréal m'intéresse beaucoup. En fait, j'ai étudié le sujet dans un cours précédant. Aéroports de Montréal (ADM), société à but non lucratif et sans capital-actions, est responsable de la gestion, de l'exploitation et du développement de l'Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (autrefois Aéroport international de Montréal-Dorval) et de l'Aéroport international de Montréal-Mirabel en vertu d'un bail d'une durée de 60 ans conclu avec Transports Canada en 1992. Le projet de loi C-27, intitulé Loi sur les aéroports du Canada (2003) , porte sur la modernisation du régime de gestion des administrations aéroportuaires et établis un cadre de divulgation et de reddition de comptes pour les principaux aéroports canadiens comme ADM. De plus, dans son rapport annuel de 2013, Aéroports de Montréal a pour principes à la fois de rendre des comptes à la collectivité, de pratiquer la transparence dans ses relations avec ses clients et ses diverses parties prenantes et de communiquer ouvertement avec le public.
    Je pense que l'exemple d'ADM est particulier dans son contexte. Je suis d'accord avec vous pour vulgariser l'information contenue dans les rapports pour la compréhension des citoyens mais d'un autre côté, le citoyen, de façon générale, a t-il les moyens de discerner le vrai du faut pour analyser le contenu des rapports, il faut plutôt laisser cette lourde tâche aux représentants du peuple...Merci

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