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  • Mourir dans la Dignité

    Le droit fondamental

     

     

    Mourir dans la dignité devrait être une question simple qui suscite une réponse claire, simple et logique.

     

    Cependant cette affirmation éveille beaucoup d’interrogations et de questionnement. Ce type de décision qu’elle soit personnelle ou en regard à un être chère ne sera vraisemblablement jamais facile.

     

    Je suis convaincu que dans une telle situation, non abstenant la décision, elle entrainera de sérieuse confrontation au sein de la famille immédiate et même auprès d’amis. D’ailleurs je suis convaincu que ce type de décision changera a tout jamais une vie puisqu’elle entrainera des frictions irréparables au sein de l’entourage immédiat.

     

    Dès la naissance nous acceptons le fait que la mort est inévitable. Ce qui est moins acceptable est le fait que la souffrance nous dirige inévitablement vers une mort qui souvent nous soustrait de notre dignité. La souffrance est toujours associée à une maladie grave reconnue. Des lors, pour une raison ou une autre nous sommes contraint à prendre des décisions considérées radicales que ce soit pour préserver la vie ou pour mettre un terme a la souffrance que nous ne pouvons humainement supporter.

     

    Plusieurs facteurs viennent influencer notre décision ou notre prise de position, comme par exemple, la recherche, un traitement ou un médicament expérimental. Il existe toujours l’espoir, la chance, la foie, etc. Avoir l’opportunité de vivre quelques années de plus peut être pour certain un vœu qui n’a pas de prix. Cette affirmation est souvent partager par les proches tant et aussi longtemps que la souffrance extrême ne viennent entacher cet image d’espoir et de longévité.

     

    Plusieurs facteurs peuvent influencer la décision d’un ou plusieurs membres de la famille. Encore là, plusieurs questions se posent lorsque confronté a ce type de décision. Qui est la famille ? Une question simple qui peut devenir très complexe avec la tendance de famille reconstituée. Lorsqu’aucun accord n’est possible en famille, qui devra trancher? Les intérêts du malade sont ils vraiment considérés ou est-ce qu’il y a des intérêts personnels qui motivent un choix? Est-ce une prise de décision purement économique? Bien d’autres questions me viennent à l’esprit et je les anticipe avec beaucoup d’anxiété.

     

    Je souhaite que l’État, le gouvernement, qui a pris la décision d’aborder une question aussi délicate et importante, pour une société, va poursuivre ses travaux pour en arriver a un processus qui en quelque sorte va contribuer à alléger ce fardeau décisionnel. Il est clair que d’aborder un sujet aussi délicat que MOURIR DANS LA DIGNITÉ va provoquer un débat politique selon les options retenues.

     

    Je crois qu’il est essentiel que l’État statu et implante des lignes directives qui tiennent compte des droits de la personne concerné et du pouvoir de la famille aux prises avec une telle décision. L’État ne peut satisfaire tous le monde mais doit intervenir pour le bien du

    concerné, de la famille et de la collectivité. Après tout l’État c’est déjà porter à la rescousse des droits de la personne pour l’inclure dans une charte législative.

     

    Cette Charte peut être bénéfique non seulement pour les individus en bonne santé mais également pour ceux aux prises avec des problèmes de santé grave et irréversible. Dans ces cas ou la souffrance prime sur le bien être d’une personne et affecte leur dignité, le choix de vivre ou de mourir n’est-il pas un droit qui mérite d’être protéger par une législation; qui érige des règles claires afin de leur permettre d’exhausser leurs dernières volontés? Elle mérite sûrement d’être étudiée et débattue.

     

    Le Code Civil du Québec prévoit certaines dispositions qui se limitent au droit de refuser des soins. Cette disposition avait comme objectif premier, protéger les personnes œuvrant dans le domaine de la santé. En plus, l’État s’était engagé à produire des soins à tous les citoyens. Ce qui est très responsable. Cependant, rien n’est prévu pour les personnes souffrantes qui veulent mourir dans la dignité.

     

    Pour ma part, je ne suis pas d’accord avec le suicide assisté mais j’ai une certaine ouverture pour l’euthanasie. Je crois qu’il est important de recueillir toutes les opinions, les différents points de vue et toute l’information disponible sur le sujet.

     

    Je suis certains que les experts sur le sujet, que ce soit en matière de santé, de droit, des services sociaux, se sont souvent penché sur la question afin d’en évaluer toutes les possibilités et les conséquences d’une telle décision.

     

    Je souhaite que l’État nous revienne sur le sujet avant de prendre une décision finale. Je crois qu’il est important d’assimiler tout ce qui à été recueillie et ce que l’État en pense.

     

    De plus, les scénarios proposés ou envisagés par le gouvernement peuvent, une fois de plus, susciter de nouvelles idées et/ou préoccupations.

     

    Je termine en vous identifiants certaines inquiétudes et suggestions:

     

    * Il ne faudrait pas banaliser l’euthanasie

    * Il ne faudrait pas minimiser la recherche médicale mais plutôt en guise de confiance envers le public y injecter plus d’argent de façon progressive

    * Une décision testamentaire ne devrait pas être considérer

    * Je crois qu’il est important de déterminer qui peut prendre la décision (définition de famille et/ou personne désigné ayant droit)

    * Déterminer des critères stricts d’admissibilités pour l’euthanasie

    * Créer un comité ad hoc (au moins 2 personnes de la famille, le médecin traitant et un médecin indépendant apte à évaluer les critères d’admissibilités)

    * Mise sur pied d’un comité spécial pour évaluer et approuver toute décision apporter par le comité ad hoc. (Nommé par le Cabinet du Ministre)

    * Le Québec devrait être divisé en région pour éviter que les comités spécial puissent approuver tous les dossiers – éviter la lenteur bureaucratique

    * Toutes modifications de la législation ou des critères doit faire l’objet d’approbation par le Conseil des Ministres et par l’Assemblée Nationale.

    * L’âge de la personne est un facteur important (ex : mineur)

    * Tenir compte de la capacité de décider pour soi-même ou pour autrui, état de santé physique ou psychologique – mécanisme de rechange si besoin

    * La ou les motivations des personnes impliqués

     

    Je salue le courage de l’État qui s’engage sur un sujet aussi sensible et controversé que la mort. Cette initiative va éviter toute forme éventuelle d’abus. Conséquemment cela va permettre d’alléger la décision et apaiser certaines frictions au sein des proches qui ont à vivre avec une telle décision. Mais qu’en pensent les diverses religions?

     

    Enlever la vie n’est jamais sans conséquence.

     

    Jean Durand

    ENP 7500

    Principes et enjeux de l’administration publique

    Jeudi matin 

  • Pénurie d’infirmières : qu’en est-il réellement et comment en venir à bout?

    Y a-t-il trop de cadres dans le réseau de santé du Québec ? Pourquoi a-t-on de la difficulté à y recruter le nombre nécessaire d’infirmières ? En fait, je crois qu’on peut relier ces deux questions en avançant l’hypothèse que si l’on embauche trop de cadres dans le réseau de santé du Québec, c’est en partie en raison de la pénurie d’infirmières. En effet, d’aucuns affirment que les effets négatifs de la rareté d’infirmières seraient probablement compensés, du moins en partie, par l’embauche de cadres effectuant des tâches à caractère clinico-administratif autrefois confiées au personnel infirmier. Cela permettrait au personnel clinique de se concentrer uniquement et entièrement sur leurs fonctions cliniques. Ceci dit, jusqu'à quel point la hausse sensible du nombre de cadres dans notre réseau de santé depuis quelques années pourrait être attribuable à la pénurie d’infirmières ? Difficile, bien sûr, de répondre spontanément à cette question… mais quel beau sujet de recherche ! Quoi qu’il en soit, la polémique entourant le nombre trop élevé de cadres dans le réseau, polémique reprise il y a quelques semaines par le Dr. Gaétan Barrette, constitue l’une des conséquences d’une problématique que nul n’oserait nier : le Québec doit composer depuis quelques années avec une pénurie d’infirmières. Qui plus est, il s’agit d’une tendance lourde puisque l’écart entre l’offre et la demande d’infirmières croît continuellement. Mais au-delà de ce fait généralement reconnu de tous, j’aimerais savoir ce qu’il en est exactement. D’abord, peut-on chiffrer la pénurie d’infirmières ?  Ensuite, cette pénurie est-elle généralisée dans tout le réseau de santé ou plutôt limitée à certaines régions du Québec ? Finalement, est-elle concentrée dans certains secteurs cliniques bien précis? Je crois qu’il importe d’obtenir réponse à ces questions puisque cela nous aidera à nuancer notre opinion par rapport à la question suivante : comment venir à bout de manière durable de la pénurie d’infirmières au Québec ?

     

    1- À combien se chiffre la pénurie d’infirmières au Québec?

     

    Selon les calculs du Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec[1], le recrutement nécessaire pour résorber complètement la pénurie d’infirmières se chiffrait à 1807 infirmières au 31 mars 2007.  On comptait alors 65 573 infirmières exerçant la profession au Québec en 2007. On peut donc estimer que le ratio « infirmières en pénurie versus infirmières actives » était d’environ 2.75% au Québec en 2007. D’autre part, certains chercheurs avancent que les chiffres du Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec surévaluent la pénurie d’infirmières. En effet, selon Laberge et Montmarquette[2], il suffirait « simplement » que toutes les infirmières actives du Québec travaillent le même nombre d’heures par année que leurs consœurs ontariennes (ce qui implique également le même nombre de journées de vacances et le même taux d’absentéisme qu’en Ontario) pour que le nombre d’infirmières à embaucher pour éliminer la pénurie passe de 1807 à 1277 au 31 mars 2007. Notre ratio  « infirmières en pénurie / infirmières actives » diminuerait alors à 1.95%. Conclusion : peu importe les méthodes de calculs utilisées, le taux de pénurie d’infirmières au Québec tournerait actuellement autour de 2 à 3%.

     

    2- La pénurie est-elle généralisée dans tout le réseau de santé ou plutôt limitée à certaines régions du Québec ?

     

    Toujours selon le Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec, les régions les plus touchées par le manque d’effectifs infirmiers en 2007 étaient Montréal (671 infirmières), la Montérégie (210), la Capitale-Nationale (142) et la Mauricie (108). Toutefois, le portrait diffère si l’on utilise notre ratio « infirmières en pénurie / infirmières actives » : le Nord-du-Québec (7.31%), la Maurice (4.54%), la Côte-Nord (4.44%) et la Gaspésie (4.11%) étaient les régions les plus durement touchées par la pénurie en 2007. À l’opposée, la Capitale-Nationale (1.61%), l’Estrie (1.75%), le Saguenay-Lac-St-Jean (1.77%) et Chaudière-Appalaches (1.77%) étaient les régions qui s’en tiraient le mieux pour combler les postes vacants d’infirmières.  Par ailleurs, les régions à proximité de Montréal (Montréal, Laval, Lanaudière, Laurentides et Montérégie) affichaient des taux se situant aux alentours de la moyenne du Québec de 2 à 3%.

     

    Pour ce qui est de la situation par établissement de santé, le Québec comptait en 2007 une dizaine d’hôpitaux où la pénurie estimée était de quarante infirmières ou plus. Sans surprise, les cinq hôpitaux en tête de liste étaient situés à Montréal : le CHUM (121 infirmières), le CUSM (96), l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (66), le CHU Ste-Justine (65) et l’Hôpital général juif (53). On voit ici la relation positive évidente entre la taille d’un établissement et le nombre d’infirmières qui y sont en pénurie.

     

    3- La pénurie est-elle limitée à certains secteurs cliniques ?

     

    Il est faux de croire que le manque d’infirmières dans notre réseau de santé est un phénomène qui touche également tous les secteurs cliniques. Selon l’OIIQ[3], cinq domaines de pratique en particulier sont touchés par la pénurie d’effectifs en soins infirmiers, soient les soins critiques, les soins de première ligne dans la communauté, la santé mentale, les soins périopératoires ainsi que la prévention des infections.

     

    Selon les données du 31 mars 2007, 22 224 infirmières exerçaient leur profession ce jour-là dans l’un de ces cinq secteurs, soit environ 30% des effectifs infirmiers totaux du Québec. Des raisons démographiques expliquent pourquoi ces secteurs sont plus affectés par la pénurie. Dans les domaines des soins de première ligne dans la communauté, de la santé mentale et des soins périopératoires, la moyenne d’âge des infirmières qui exercent la profession dépasse celle de l’ensemble des infirmières du Québec. Inversement, pour les soins critiques, la pénurie serait la conséquence d’un rajeunissement du personnel infirmier. Le défi à court terme pour ce domaine de pratique consistera à intégrer et à améliorer la rétention de cette main d’œuvre plus jeune que la moyenne québécoise, sans quoi il sera ardu de combler les postes disponibles. Finalement, on explique la pénurie d’infirmières spécialisées en prévention des infections par le fait qu’il s’agit d’un domaine qui occupe maintenant une place hautement prioritaire dans le système de santé québécois suite aux événements des dernières années tels que ceux liés au SRAS, au C. difficile ou à l’épisode de pandémie d’influenza H1N1.  

     

    En conclusion : Comment venir à bout de manière durable de la pénurie d’infirmières au Québec ?

     

    Je crois bien sûr que l’amélioration des conditions de travail de nos infirmières inciterait les jeunes à se tourner vers cette profession et limiterait le nombre d’infirmières qui, à bout de souffle, quittent le réseau de santé. Par contre, je ne pense pas que la solution réside simplement en des salaires plus élevés, en de meilleurs avantages sociaux ou en une hausse du nombre de journées de vacances annuelles. Il faut chercher les remèdes ailleurs.

                                  

    Premièrement, il semble exister une énorme différence entre la théorie enseignée au collège ou à l’université et la réalité des unités de soins. Un nombre très élevé d’étudiantes abandonnent leur programme d’étude avant d’obtenir leur diplôme ou délaissent la profession d’infirmière lors des premières années de pratique. Pour éliminer l’effet surprise de la « vraie vie », je pense qu’on doit mettre l’accent sur l’encadrement des nouvelles infirmières dans leur milieu de travail. Ces dernières se sentent souvent abandonnées, laissées à elles-mêmes dans leur nouvel environnement. Le recours systématique au mantorat permet d’éliminer ce sentiment d’abandon.

     

    Aussi, le climat de travail est également un facteur qui influence grandement le taux de rétention des infirmières. Les hôpitaux qui veulent attirer et retenir des infirmières en nombre suffisant doivent leur permettre d’évoluer dans un milieu de travail stimulant et valorisant. Pour y arriver, il faut, par exemple, mettre à la disposition des infirmières un programme de formation continue, des locaux propres, de l’équipement médical adéquat, etc. Par-dessus tout, on doit s’assurer de la qualité des relations humaines, que ce soit avec les médecins, les gestionnaires ou l’ensemble du personnel clinique. Bref, il faut tout mettre en œuvre pour que les infirmières comprennent qu’elles ne sont pas considérées simplement comme du personnel de soutien aux soins. Démontrons-leur tout le respect qu’elles méritent !

     

    Finalement, et contrairement à l’étude de Laberge et Montmarquette évoquée précédemment, je ne suis pas d’avis que l’adoption de règles qui viseraient à hausser le nombre d’heures travaillées par nos infirmières entraînerait une baisse de la pénurie. Au contraire, cela découragerait encore plus la pratique de la profession d’infirmière. En fait, les heures supplémentaires obligatoires sont un non sens, autant du point de vue de la valorisation de la pratique infirmière que de la sécurité des soins prodigués. À long terme, il faudrait que le recours au temps supplémentaire obligatoire devienne une mesure d’exception plutôt qu’une pratique établie pour palier au manque de personnel.

     

    JFM

    ENP-7328, jeudi PM,  automne 2010

    Enjeux contemporains de gestion dans les organisations

    des services de santé et de services sociaux



    [1] Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec. (2008). Calcul de la pénurie d’infirmières par établissement au 31 mars 2007. Québec : Gouvernement du Québec.

    [2] Mathieu Laberge et Claude Montmarquette. (2009). Portrait des conditions de pratique et de la pénurie des effectifs infirmiers au Québec. Centre universitaire de recherche en analyse des organisations.

    [3] Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. (2007). Une nouvelle approche de planification des effectifs infirmiers : des choix à faire de toute urgence!

  • collaboration interprofessionnelle utopie ou réalité? Une histoire vécue!

     

    Au cours de mes 22 années de pratique dans le réseau de la santé et des services sociaux, j'ai vu et surtout vécu beaucoup de mutation du système de la santé et des services sociaux. Plusieurs de ces mutations, se sont produits par nécessité : soit d’économie ou d’optimisation du service. Malheureusement, à plusieurs reprises, ces changements n’ont pas améliorés la prestation des services et encore moins la rétention du personnel.

    Avec cette pénurie de personnel, toutes catégories confondues, que le système vit depuis plusieurs années, il est devenu difficile voire impossible de garder les mêmes pratiques pour prodiguer les soins aux patients. En 2007, la crise était tellement intense au CHUM que nous devions couper plusieurs salles de chirurgies quotidiennement car il manquait trop de personnel. C'est pourquoi mes deux collègues et moi; chefs des blocs opératoires du CHUM,  avons décidé de revoir le rôle des intervenants dans les blocs opératoires...Nous tenions à avoir la bonne personne à la bonne place, au bon moment et qui fait la bonne chose.

    Nous avons donc fait table rase de nos habitudes de pratiques et nous sommes questionné sur le qui fait quoi et le pourquoi. La main d'œuvre principale dans les blocs opératoires est les infirmières. Pour faire fonctionner une salle d'opération pendant 8 heures, il en faut 3. Nous avons décortiqué les tâches des infirmières au bloc et nous sommes demandés s'il n'y avait pas d'autres professionnelles qui pouvaient exécuter certaines de ces tâches. Il s'est avéré qu'après notre recherche, les infirmières-auxiliaires pouvaient exécuter beaucoup des mêmes activités que les infirmières, et ce depuis la promulgation de la loi 90. La loi 90 a élargie le rôle de certains professionnels comme les infirmières-auxiliaires et les infirmières. Fin 2007, nous avons élaboré et débuté un projet pilote pour tester si la collaboration infirmière/infirmière-auxiliaire était faisable, utile et surtout viable dans les blocs opératoires. La réintroduction, en 2003, des infirmières-auxiliaires ne s’étaient pas faite sans heurt. Leur retour dans les blocs opératoires s’est fait en service interne seulement, ce qui enlevait cette pratique aux infirmières. Le service externe étant réservé aux infirmières depuis la nuit des temps mais la pratique en interne leur devenait plus difficile (c’est le rôle d’interne qui a le plus de gratification des chirurgiens). Il va sans dire que les infirmières étaient en complet désaccord avec cette ingérence des infirmières-auxiliaires dans leur champ de pratique. Nous avons dû leur expliquer les raisons et en démontrer les bienfaits. Ce projet-pilote, qui ouvrait le service externe aux infirmières-auxiliaires, nous a apporté certaines problématiques qui nous ont permis d’identifier de d’apporter des correctifs afin que cette collaboration soit fonctionnelle, sécuritaire et qu'elle respecte les limites des champs de pratique réciproque. Les résultats ont été des plus que concluants, malgré tout nous ayons dû défendre notre projet auprès d'instance telles que la direction générale du CHUM, la FMSQ (Fédération des Médecins Spécialistes du Québec), l'OIIQ (Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec), l'OIIAQ (Ordre des Infirmières et Infirmiers-Auxiliaires du Québec) et la CIISOQ (Corporation des Infirmières et Infirmiers en salle d'Opération du Québec). Toutes ces instances à l'exception de la CIISOQ n'ont pu que se rallier à notre démarche. Depuis ce temps, nous avons refait nos devoirs et sommes arrivés à des possibilités de partage des tâches et d’une dynamique de travail en dyade entre les infirmières et les infirmières-auxiliaires. Pour ce qui est de l'OIIQ, de l'OIIAQ, de la FMSQ, ils nous suivent de près! Car nous allons beaucoup plus loin que n’importe quelle organisation dans la révision et le partage des tâches entre les professionnelles des blocs opératoires. La CIISOQ, quant à elle, refuse toujours d'intégrer les infirmières-auxiliaires dans ses rangs, pourtant sa raison d'être est de s'assurer d'une transmission d'informations, des connaissances pour que les infirmières des blocs opératoires donnent des soins sécuritaires aux patients. Il est important de noter qu'il s'agit d'une association volontaire (pour les infirmières de bloc) et qui a bon an mal an environ un peu plus de 200 membres sur une possibilité de 1600 infirmières (nombre décroissant depuis plusieurs années). Plutôt que de s’ouvrir au partage des tâches et de légitimer cette collaboration interprofessionnelle, elle s’entête à promouvoir le rôle essentiel des infirmières en salle d’opération. Chose que nous n’avons jamais remis en doute dans toute notre démarche.

    Donc, depuis septembre 2009, les infirmières-auxiliaires pratiquent dans les blocs du CHUM en service interne et en service externe. Elles détiennent 30% des postes des blocs opératoires. Grâce à cette collaboration entre les infirmières et les infirmières-auxiliaires, nous n'avons plus de pénurie sur 2 des 3 sites et ce n'est qu'une question de mois pour que nous puissions fonctionner à plein (soit 28 salles de chirurgies quotidiennement). Les infirmières ne sont plus épuisées comme auparavant, elles font du temps supplémentaire volontaire (pas de temps supplémentaires obligatoires), elles ne font pratiquement plus de soirs ni de nuits, etc. Je suis sûr que si vous leur demandiez de revenir en arrière, elles vous diraient non...car maintenant elles peuvent se concentrer sur leurs tâches, compter sur de l'aide et assurer de rendre des soins sécuritaires aux patients. Il a beaucoup moins de tension interprofessionnelle avec les autres catégories de professionnels œuvrant dans les blocs opératoires car chacun peut procéder à son travail en sachant que l'équipe est là toute entière! Donc la collaboration interprofessionnelle et le partage des tâches c'est faisable, utile et viable mais pour que cela fonctionne, il faut que les acteurs connaissent les limites de leurs champs de pratique et qu'is soient à l'aise au sein de celle-ci. Notre travail nous a permis de trouver une nouvelle manière de faire, d’assurer un service de qualité et sécuritaire à la population tout en favorisant la rétention du personnel et une meilleure qualité de vie au travail. Que demander de plus?

     

    Éric Tétreault

    ENP-7328

  • Canada ou tiers-monde?

    Et bien, j’aurai tout vu. Allez faire un tour à la pharmacie la plus proche de chez vous : il y a bien des chances que vous ne trouverez plus de pénicilline. HEIN? Pas de marque originale, ni d’ersatz ou de générique. C’est «back order» en bon français. Oui, comme au tiers-monde, pas d’accès à cet antibiotique de base. Une pharmacienne bien avisée m’a conseillé de me faire des provisions si je pouvais en trouver car elle n’en a plus depuis un mois et n’en recevra pas avant mars 2011! Je dois avouer que l’idée m’a tenté de me faire un mini stock de réserve puisque j’ai un enfant qui doit prendre une dose prophylactique (en prévention) deux fois par jour pour au moins la prochaine année…

                On dit que quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le virus pas longtemps après. La légende urbaine du sur-approvisionnement de médicament des américains dans la perspective de l’établissement de leur régime de santé public devient réelle. Et ce, même si M. Obama s’est fait administrer une gifle royale aux partielles la semaine dernière…

                Mon expérience vécue est mineure. Un antibiotique «de base» non-disponible… Que faire quand il s’agira des médicaments d’exception, déjà diffusés au compte-gouttes? Que faire quand des personnes âgées ou celles avec des troubles cardiaques ne pourront plus accéder à leur prescription de Coumadin? (Il n’y a pas de plan B avec ce médicament en passant, comme pour bien d’autres) Est-ce que l’ensemble de la population est informée et saura composer avec cette nouvelle pénurie?

    Imaginez un peu la nouvelle perte de temps pour les médecins et les pharmaciens ainsi que la surcharge pour les infirmières et les labos du réseau… À chaque prescription «back order», on rappelle le médecin qui sera sans doute disponible pour planifier un nouveau traitement et ordonner de nouveaux tests; chaque médicament peut interagir avec les autres prescrits… on doit contrôler les bilans sanguins… Enfin, quelle anxiété pour ces patients qui sont souvent stabilisé par la chimie inaccessible de ces comprimés? Et l’approvisionnement des régions?

    Et tout cela car nos belles compagnies pharmaceutiques nord-américaines ont décidé d’écouler leurs stocks plus vite chez Oncle Sam? Pour le profit immédiat? */$%?& de belle conscience sociale pour des compagnies dont les sites web vantent leurs implications à collaborer avec les réseaux de santé… leur vision d’être plus que des producteurs de médicaments… Ils doivent bien rire dans leur barbe… d’autant plus qu’ils viennent de rabrouer notre duo Bolduc-Charest quant à leurs idées de sabrer les coûts…

    Vivre dans notre pays industrialisé vient avec la notion de capitalisme. Malheureusement pour notre réseau de la santé, une nouvelle tuile est en train de s’abattre sur ses membres et ses clients. Je ne suis pas du genre à m’énerver et à créer des propagandes sur des «légendes urbaines». Mais celle-ci semble particulièrement inquiétante et son impact pourrait être majeur.

    Doit-on espérer un retour des républicains? (J’ironise…) Doit-on espérer une solution miraculeuse de notre duo dynamique cité précédemment? Refuse-t-on de diffuser l’information pour éviter la panique? (Peut-être anticipée à ce stade) Doit-on espérer un ajustement rapide de la production des compagnies pharmaceutiques?

    Je suis en général du type optimiste, «tout va s’arranger»; cependant, cette fâcheuse perte de temps vendredi dernier (7 pharmacies pour trouver la pénicilline requise- une chance que je suis sur l’île de Montréal!) me préoccupe. Probablement pas assez puisque je n’ai finalement pas décidé d’acheter le reste du stock disponible chez le pharmacien. En fait, je ne m’inquiète pas vraiment pour ma famille immédiate, tout le monde est en santé heureusement. Cependant, je me fais le choix d’écrire ce blog par souci pour la population en général et pour les impacts qu’il pourrait en découler.

     

    Frédérick Boulé

    ENP-7328

  • La Loi 115: principes et enjeux de l'administration publique vs l'identité culturelle

    Ce thème regroupe tellement d’éléments, par où commencer?  L’affaiblissement de la Loi 101?  Les modifications apportées à la Charte des droits par la loi 103? Les plus fortunés qui pourront s’acheter une éducation anglophone?  L’utilisation de la «procédure législative d’exception » pour faciliter l’adoption d’un projet de loi linguistique? À ce propos, il me semble que les enjeux de l’administration publique sont de taille.  Rappelons donc que le 19 octobre dernier, le gouvernement du Québec a légalisé l’accès à l’école anglaise pour les francophones et allophones. 

    Pouvoir parler français en Amérique du Nord est une richesse.  Originaire du Saguenay, région presqu’unilingue française, j’ai été confrontée pour la première fois à l’anglais comme langue d’usage qu’à mon arrivée à Montréal. Même à l’UQAC, pendant les trois années où j’y ai étudié, les professeurs n’osaient pas nous remettre des textes ou documents en anglais.  Pourquoi? Parce que personne ne l’aurait accepté. Tous auraient crié à l’injustice.   Quant à moi, j’avoue que ça faisait bien mon affaire… Je disais donc, à mon arrivée à Montréal, à l’âge de 22 ans et mon baccalauréat sous le bras, je débutai ma maîtrise à l’Université de Montréal.  Quelle ne fût pas ma surprise d’avoir à lire des livres entiers en anglais.  Je me suis prêtée à l’exercice, car je n’avais pas vraiment le choix.  D’ailleurs, pour les autres étudiants, cela semblait normal. Je pourrais donc être de ceux qui se sentent amoindri devant la «contrainte» anglaise, qui pourrait privilégier l’immersion anglaise dès le jeune âge pour mes propres enfants pour qu’ils ne subissent pas le même affront.  Mais c’est loin d’être le cas. En fait, je suis très fière aujourd’hui d’avoir surmonté cette « lacune».  Je me sens privilégiée de pouvoir me débrouiller en anglais comme une grande majorité de québécois ouverts sur le monde.  D’ailleurs, la mondialisation nous amène inévitablement à vouloir développer des moyens pour entrer en contact et développer des liens avec des individus vivant dans d’autres pays que le nôtre et l’anglais devient un outil fort utile dans ces cas.

    D’une part, c’est donc avec mon expérience personnelle et celle de nombreuses personnes provenant de régions éloignées de Montréal que je m’appuie pour affirmer qu’un jeune adulte peut, s’il en fait le choix, apprendre l’anglais : en voyageant, en s’inscrivant dans des cours d’immersion, etc..

    Je ne crois donc pas qu’il soit essentiel qu’un enfant d’âge scolaire soit immergé dans un milieu d’apprentissage de langue anglaise pour développer une aisance à parler anglais. Je crois même qu’il s’agit d’une grave erreur : le fait d’offrir un environnement unilingue anglais à de jeunes francophones à l’école primaire et secondaire a comme effet pervers que l’apprentissage de sa langue première s’en voit affecté.  De toute façon, le système d’éducation québécois offre une base d’apprentissage de l’anglais.  Par la suite, il en revient à chacun d’entre nous de s’investir dans une activité d’immersion, si tel est notre besoin.  Et il est toujours temps de le faire lors de camps d’été d’immersion  ou avec un stage à l’étranger.  Lorsqu’on est d’âge à aller au CEGEP et à l’université, partir quelques mois suffit pour «attraper» l’anglais pour de bon.  Tout cela sans avoir nui à notre apprentissage du français.

    D’autre part, le fait que l’utilisation du bâillon par gouvernement ait été nécessaire pour faire adopter le projet de loi sur les écoles passerelles démontre bien à quel point la question linguistique demeure controversée et provoque des débats au Québec.   Or, avec notre situation de « gaulois résistants », 5 000 000 de francophones dans une mer d’anglophones tant canadiens qu’américains, fait en sorte que l’administration publique DOIT se faire le chien de garde de la langue française. Il s’agit de notre identité culturelle, ce qui nous distingue des autres en Amérique du Nord.

    Questionné sur cette façon de faire, le gouvernement invoquait l’urgence d’agir en raison du vide juridique causé par l’invalidation de la loi 104.  Pourquoi alors avoir attendu 8 mois avant de déposer ce projet de Loi?  Pourquoi ne pas l’avoir fait plutôt? Il semble que le gouvernement ait planifié d’utiliser cette stratégie pour arriver à l’adoption de cette loi.  La question à se poser est : à qui profite ce projet de loi?  Fort probablement aux électeurs du PLQ (…), à  ceux qui désirent que leurs progénitures baignent dans un environnement scolaire anglophone.  Pourquoi et à quel prix?  Est-ce que ce choix individuel doit primer sur l’avenir du français au Québec?

    « …L’avancement de la francisation va dépendre essentiellement

    de la volonté politique du gouvernement au pouvoir. »

    Jacques Parizeau (La souveraineté du Québec, 2009)

    Actuellement, la simple protection de la langue française ne constitue pas une volonté politique du gouvernement en place.  Dans notre état de droit, est-ce que l’utilisation du bâillon sur un sujet aussi primordial pour notre société est acceptable, démocratiquement parlant? Si nous ajoutons à cela le fait qu’au Québec, le processus politique implique fréquemment un volet de consultation publique, en ce qui concerne le français, le gouvernement a choisi de ne pas entendre ni l’opposition  en suspendant les règles de procédures parlementaires, ni les simples citoyens.   Tout ceci pour faire adopter un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité au Québec.  La ligne de parti du gouvernement était donc l’adoption de cette loi sans opposition.  En ce sens, est-ce que les députés représentent réellement leurs concitoyens? Ne font-ils pas seulement suivre les idées mises de l’avant par leur parti? D’aller vers leurs objectifs électoralistes? Le principe de  solidarité ministérielle est-elle un frein à l’expression des idées minoritaires et des dissidences?  Sans aucun doute. 

    Ajoutons à tout ceci le fait que l’application de cette loi se fera par des fonctionnaires qui auront comme mandat d’évaluer le parcours de chacun des étudiants qui voudront s’en prévaloir.  Certains diront qu’il ne s’agira que de quelques cas.  D’autres disent que de nombreux fonctionnaires devront être mis à contribution. Alors que la presse d’aujourd’hui fait encore la manchette avec les pauvres résultats des étudiants québécois aux tests de français (Journal de Montréal, 2 novembre 2010), le gouvernement choisit avec cette histoire d’écoles passerelles d’investir dans l’ajout de fonctionnaires pour évaluer les candidatures de francophones et allophones pour leur intégration dans les écoles anglaises non-subventionnées plutôt que d’ajouter des ressources pour améliorer les cours de français dans les écoles francophones du Québec.

    “Notre langue n’a pas de prix, la Loi 101 n’est pas à vendre! »

    (Coalition contre la Loi 103)

     

    Cindy Lapointe

    Maîtrise ENAP - Jeudi AM

  • Les Coops de santé: être membre ou ne pas l’être telle est la question!

    Les dernières semaines ont été riches en information autour des Coopératives de santé, des cliniques VIP ou exécutives, tant dans les médias écrits, comme La Presse et Le Devoir, que télévisés, notamment le reportage à l’émission La Facture    du 21 septembre. Les histoires relatées par les journalistes tournent, pour la plupart, autour de « l’obligation » du patient à devenir membre de la coopérative santé, donc à payer une part sociale et une contribution annuelle, afin d’avoir accès aux services médicaux. Dans les cliniques VIP ou exécutives, la formule est un peu différente, mais la procédure est identique : une batterie de tests à subir et bien sûr à payer avant de voir le médecin (tests soi-disant soutenant le diagnostic du médecin). Ce qui est remarquable c’est ce sentiment d’obligation ressenti par les gens à devenir membre ainsi que leur désir, et surtout besoin, d’avoir accès à un médecin. Les responsables des Coops de santé de même que la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec affirment que les gens ne sont absolument pas obligés de devenir membres pour accéder aux services médicaux tout en faisant état des avantages d’être membre comme l’accès à des services de nutritionniste, de psychologue, etc. Ils expliquent aussi que la structure en coopérative permet d’assumer les frais administratifs, comme le secrétariat, de même que des loyers à bon prix pour les professionnels y œuvrant.

     

    Premièrement, j’avoue mon agacement lorsque des gens estiment que ces « structures » se situent dans une zone grise. La zone n’est pas grise et ma foi j’aurais tendance à croire que les politiciens le savent mieux que personne, entre autres mieux que monsieur et madame tout le monde. Les lois sont claires sur ce sujet, à commencer par la Loi canadienne sur la santé (LCS) qui repose sur cinq grands principes, notamment celui de l’accessibilité. Ce dernier stipule que l’accès ne peut être restreint directement ou indirectement par des frais modérateurs, une surfacturation ou d’autres moyens (discrimination fondée sur l’âge, l’état de santé, ou la situation financière). Dans le cas qui nous occupe, ce principe n’est pas respecté; les liens entre le paiement et l’accessibilité ont été mis en évidence tant dans le reportage de la Facture que dans l’article de La Presse. Pour sa part, la Loi de l’assurance maladie (LAM) est elle aussi on ne peut plus claire. Elle précise à l’article 22 alinéa 4 qu’un professionnel soumis à l’application de l’entente, entendre ici rémunéré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), ne peut exiger ou recevoir pour un service assuré que la rémunération prévue à l’entente. De plus alinéa 9 du même article dit qu’il est interdit d’exiger ou de recevoir toute forme de paiement d’une personne assurée pour un service assuré rendu par un professionnel soumis à l’application d’une entente. Ainsi, il ne peut y avoir d’aucune manière un lien entre une rétribution financière ou autre donnée par les patients aux médecins, en échange de service, si ce dernier est rémunéré par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

    Comme le dit si bien Madame Marie-Claude Prémont, professeure de droit de la santé à l’ÉNAP, dans son entrevue à Pierre Graig, journaliste à l’émission la Facture: « Si ont veut changer les grands principes du système de santé, il faut le faire démocratiquement, pas par la bande, par des astuces, de façon détournée ou en niant la réalité ». En résumé, faisons les changements dans les règles de l’art, si c’est ce que l’on souhaite comme société, en modifiant le cadre législatif le régissant plutôt qu’en fermant les yeux.

    Deuxièmement, si les gens étaient informés que l’accès aux services médicaux n’est pas lié au fait d’être membre, croyez-vous que le membership serait suffisant pour maintenir la structure administrative des Coops de santé? La réponse est probablement non! Car si tel était le cas, il m’apparaît plausible de penser que la plupart des Coops de santé se verraient dans l’incapacité, faute de moyens financiers, de soutenir la partie administrative et locative pour les médecins et professionnels en place.

    Troisièmement, les frais inhérents aux cabinets privés (loyers, administration) semblent être problématiques puisque les médecins sont de plus en plus nombreux à choisir la structure coopérative. Il est possible que les médecins estiment désormais trop coûteux de faire vivre un cabinet privé, et ce, malgré le 30 % additionnel prévu dans la rémunération pour les actes réalisés en cabinet. Toutefois, la solution à ce problème ne doit pas résider dans la constitution de Coops de santé qui, par l’intermédiaire de part sociale et de contribution annuelle payées par les patients, permettent aux médecins de diminuer leurs frais de cabinet et ainsi d’augmenter leur rémunération. Je trouve tout à fait inadéquat que la facture soit refilée aux membres des Coops de santé. Il faut une solution plus large négociée entre le Ministère et les fédérations médicales.

    Cela dit, les situations mises en lumière, tant dans les Coops de santé que les clinques VIP ou exécutives au cours des dernières semaines, sont grandement liées à la pénurie d’omnipraticiens. Cette dernière favorise la surenchère et nous fait entrée dans une logique de marché régie par l’offre et la demande, où les occasions d’affaires sont grandes compte tenu de la rareté des ressources. Je crois que si le Québec comptait le nombre de médecins par population de certains pays, entre autres d’Amérique du Sud, ces situations seraient pratiquement inexistantes puisque les ressources médicales y sont abondantes. Malheureusement, cet aspect du problème ne peut être réglé à court terme, même si les facultés forment depuis quelques années plus de médecins.

     

    En résumé, si on souhaite conserver les principes régissant le système de santé actuel, assurons-nous qu’ils soient respectés sinon modifions le cadre législatif en conséquence. Adressons et réglons le problème de rémunération en cabinet privé enfin, continuons de faire connaître le modèle de pratique en Groupe de médecine de famille (GMF) qui répond au besoin de soutien des omnipraticiens par la collaboration avec le personnel infirmier et technique.

     

    RG

  • Mourir dans la dignité

    Mourir dans la dignité

    Actuellement au Québec il y a une consultation générale sur la question : «Mourir dans la dignité» qui suscite plusieurs réactions tant favorables que défavorables à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Ce questionnement de plus en plus insistant de la part de la population, de plusieurs Fédérations de médecins et d’associations a amené notre gouvernement à mettre sur pied cette consultation générale. Est-ce le rôle de notre gouvernement d’intervenir? Je ne peux qu’être favorable à l’implication de notre gouvernement face à cette épineuse question relative au droit de mourir. C’est un débat de société et notre société est gouvernée par un État de droit ou communément appelé principe de primauté du droit dont les institutions du législatif, de l’exécutif et du judiciaire en constituent son fondement. De plus, cet État de droit permet aux lois : 1- d’être connues (publiques), 2- personne ne peut y échapper, 3- elles doivent s’appliquer réellement et 4- la transgression de la loi doit entraîner des sanctions. (Source : Perspective Monde : État de droit)  

    Mort, suicide, douleur émotive et physique, souffrance, acharnement, fin de la vie… de sa vie. Voilà des mots qui font frémir la plupart d’entre nous. Plusieurs personnes évitent consciemment de discuter de la mort et même d’y songer. Ce n’est pas pour eux, c’est pour les autres. Cependant, il y a une certitude au moment même de notre naissance, c’est celle de notre mort. Pour certains, ce sera une mort naturelle, un accident, mais pour d’autres se sera la résultante d’une longue et douloureuse maladie. Je suis également persuadé que chacun de nous a déjà réfléchi sur sa mort. Nous souhaitons tous mourir de vieillesse durant notre sommeil sans avoir connu les souffrances de la maladie. Mais la vie n’est pas un film. Nous ne sommes pas le scénariste de ce film, mais bien l’acteur. La fin n’est pas écrite à l’avance et certaines personnes subiront les foudres de maladies graves ou dégénératives qui diminueront leur qualité de vie.

    Je crois que nous avons tous le droit de mourir dans la dignité. D’ailleurs les articles 1 et 4 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec stipule que : Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne, qu’il possède également la personnalité juridique et que toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

    Mon questionnement face à l’euthanasie et au suicide assisté m’amène à prendre position en faveur de l’euthanasie mais contre le suicide-assisté. Je considère qu’il y a une différence énorme entre ces deux actions. La définition de l’euthanasie que l’on retrouve à l’intérieur du document de consultation sur la question «Mourir dans la dignité» est la suivante : «Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d’autrui pour mettre fin à ses souffrances» alors que celle du suicide assisté est : «Fait d’aider quelqu’un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l’information sur la façon de procéder, ou les deux». Je suis contre le suicide assisté, car je considère que cet acte amènera des débordements dans son interprétation. Comment justifier ou prouver qu’un individu s’est suicidé suite à de l’information reçue sur la façon de procéder. Serait-il probable que cet individu soit victime d’un homicide et que l’on veuille camoufler cet acte. Selon moi, il serait difficile d’encadrer ce type d’action. Par contre, je suis en faveur de l’euthanasie, mais à  plusieurs conditions. Nous vivons dans un État de droit qui permet à notre système d’établir des lois strictes pour tous. Cet acte, qu’est l’euthanasie doit nécessairement être encadré par des équipes multidisciplinaires qui auront pour tâches d’évaluer les demandes. Malgré le fait que chaque cas est différent, les demandes devront répondre à certains critères qui se retrouvent dans le document de consultation «Mourir dans la dignité». En voici quelques exemples : la personne souffre d’une maladie grave et incurable, elle est informée et elle fait sa demande librement, elle fait une demande écrite, les médecins ont un rôle à jouer, allant de la prescription de médicaments létaux jusqu’à leur administration. Les personnes aidantes ou possédant un mandat en cas d’inaptitude pour leurs proches devront également être soumis à des critères très strictes. 

    Par cette commission spéciale de l’assemblée nationale du Québec sur la question de «Mourir dans la dignité», nous nous questionnons sur l’euthanasie et le suicide assisté. Actuellement, dans nos hôpitaux et dans nos centres de soins de longue durée, n’est-ce pas une forme d’euthanasie déguisée que l’on pratique sur les patients en phase terminale! L’aspect médical a laissé place à l’apaisement de la douleur par l’administration de morphine. Puis l’augmentation de cette substance à forte dose amène inévitablement à la mort. N’est-ce pas un exemple d’euthanasie?  

    De plus, je suis en droit de me poser les questions suivantes : est-ce que les personnes ayant vécu de près la souffrance d’un être cher avant sa mort sont plus susceptibles de considérer l’euthanasie ou le suicide assisté comme un acte de compassion ou de solidarité humaine? Est-ce utopique de penser que le fait de vivre dans un pays développé dont les conditions de vie sont excellentes, dont la recherche et l’avancement médical sont importants nous amène à espérer trouver des remèdes pour chacune des maladies incurables? Est-ce que la religion joue un grand rôle dans l’opinion des gens face à l’euthanasie ou le suicide assisté? Je n’ai pas de réponse à ces questions, mais je veux simplement amener les lecteurs à réfléchir également aux facteurs qui guident notre opinion et nos décisions face au libre choix de mourir. 

    Avant de terminer, j’aimerais partager les douze dernières années de vie d’une tante. Au cours de l’année 1995, elle consulte un médecin pour ses pertes de mémoire. Quelques semaines plus tard, le verdict tombe : Alzheimer. Au cours des dernières années de sa vie, elle est devenue aveugle, ne pouvait plus marcher et se nourrir seule. En 2002, elle est admise dans un centre de traitement de longue durée. Pendant les cinq dernières années de sa vie, elle semblait n’avoir plus conscience de la réalité. Lors de nos visites, elle n’avait plus aucune réaction. Son corps était présent, mais son «moi» ne semblais plus exister. Son existence se limitait à son lit et à sa chaise. Elle était déplacée, bien entendu par un aide-soignant. Pour ses proches, elle ne souffrait probablement pas, mais ils étaient tous d’accord qu’elle n’avait plus de qualité de vie et que sa dignité humaine était bafouée.       

    Finalement, une personne atteinte d’une maladie grave sans possibilité de guérison, ni d’apaisement de la douleur ou atteinte d’une maladie dégénérative a le droit de choisir le moment de sa mort. Elle a le droit à sa dignité et c’est son choix.

    Stéphane Castilloux

    Étudiant à la Maîtrise

    ÉNAP

  • Pour ou contre: Nos impôts servent à financer la procréation assistée?

    Par Anouk Racette

    ENP-7505 (cours du mardi 18h- session automne 2010)

    En août 2010, le ministre Bolduc annonce le lancement de son programme pour financer la procréation assistée dans le régime centralisé de l’assurance maladie.  Le programme comprend le remboursement des activités médicales, des médicaments liés à l’insémination artificielle et trois (3) cycles de fécondation in vitro.  Ce programme prend ses racines dans la loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée et les deux (2)  règlements encadrant ces services.

     

    L’objectif avoué de ce programme est de réglementer afin de mettre en place de meilleures pratiques et de diminuer le nombre de grossesse à bébé multiple.  Ces dernières entraînant, au Québec, des frais importants dus à l’hospitalisation, les soins postnataux et l’invalidité à long terme des bébés de petits poids imputables à ces grossesses.  En effet, 50% des grossesses in vitro aboutisse à des grossesses à bébé multiple.  En Suède, un programme similaire a permis de réduire les grossesses multiples à 5%.  Dans les 25 pays qui ont adopté des programmes similaires, force est de constater que ce genre de programme semble efficace.

     

    La mise en place de ce programme est clairement un choix politique et social.  À aucun endroit dans la charte canadienne des droits et libertés, ou dans la charte québécoise, on ne retrouve une référence au droit à avoir des enfants mais au Québec les enfants sont une valeur,  à défaut d’être constitutionnelle, disons sociale. Ce programme a pu voir le jour car le gouvernement a accepté de reconnaître l’infertilité comme une maladie (comme l’avait déjà fait l’OMS en 2006).  Des milliers de couple québécois veulent des enfants mais sont incapables de se reproduire. Devant ce constat, et les manifestations en faveur de l’intervention de l’état, l’état est intervenu.

     

    En adoptant ce programme, le gouvernement prend une position ferme pour la natalité au Québec (cette mesure s’inscrit dans la lignée des programmes tels que le congé parental depuis janvier 2006, les garderies à 5$ en 1997 puis 7$, …).  Bien que le choix d’avoir des enfants est un choix personnel, les groupes d’intérêt ont prôné que si plusieurs personnes avaient le même problème (au Québec 1 personne sur 8 soufrerait d’infertilité) et que le gouvernement pouvait agir, en vertu du principe d’équité, le gouvernement peut légiférer pour aider ce groupe dans leur demande, voir s’assurer que les soins fournis à travers la province soient harmonisés et ce, à des coûts comparables.  D’autre part, dans un état où la population veut un meilleur équilibre, ou partage des richesses, il n’est pas surprenant que le gouvernement intervienne dans des sphères traditionnellement sous juridiction du privé.

     

    Comme toute décision en administration publique elle est soumise à la critique de la population.  Dans notre état de droit tous ont la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication » d’où les pages noircies par la passion que cette décision a soulevée.

     

    Les opposants à cette législation s’appuieront sur deux principes de base soit la capacité, ou l’incapacité, de l’état à payer et le caractère universel de la législation déposée.  La majorité des citoyens ne peuvent être contre une mesure de santé publique, tant pour les mères que pour les enfants à venir mais, ne peut-on pas simplement réglementer sans financer?  L’état québécois a de ressources limitées, des besoins grandissants dans les CHSLD, dans les urgences pour ne nommer que ces deux derniers.  Pourquoi ne pas s’occuper des québécois existants plutôt que d’en ajouter?  Ce programme coûtera 25 millions la première année et jusqu’à 80 millions à terme en 2012.

     

    D’autre part, pourquoi appliquer universellement ce programme? Certains citoyens ont les moyens de payer, ils pourraient payer.  D’autres veulent des enfants mais ne vivent pas selon les conditions naturelles pour se reproduire.  Pourquoi l’état devrait-il payer pour les gais, les femmes monoparentales ou les femmes qui sont à la porte de la ménopause?  Les couples composés d’individus de 18 à 40 ans, seraient plus susceptibles d’être concernée par la “maladie” de l’infertilité.  D’autre part, en lien avec les quotas, une sélection restrictive diminuerait probablement les listes d’attente qui seront inévitables avec l’arrivée de ce programme.

     

    À l’opposé, les partisans défendront que ces nouveaux enfants, provenant de toutes les classes sociales, fourniront 1400 nouveaux contribuables.  Ils considèrent l’importance du besoin humain basé sur des principes sociaux à défaut de légaux.  Ils considèrent que le financement diminue le stress, la frustration, la dépression, les malaises physiques ainsi que le déséquilibre des individus et des couples qui entament une démarche pour enfanter mais qui vivent la déception entraînée par l’échec du plan de vie.  Sans s’opposer au concept de la capacité de l’état à payer, ces derniers diront qu’il faut continuer d’investir dans les enfants au Québec si on veut ralentir la tendance de notre courbe démographique inversée. D’autre part, ils rappellent que des quotas sont imposés pour chaque année contrôlant les coûts associés à ce programme.

     

    Sur la base des éléments mentionnés précédemment, je suis obligée d’admettre que ce programme n’augure pas une rentabilité financière digne d’une grande entreprise même si, d’après les prévisions, les économies en soins périnataux devraient compenser les coûts du programme.  Heureusement pour le Québec, les décisions en administration publique ne sont pas essentiellement prises en fonction de la rentabilité et du profit.  L’administration publique se préoccupe des intérêts de la société et des générations futures. 

     

    En contre partie, les dépenses doivent être approuvées et conformes aux ententes préétablies.  Le ministre de la santé est imputable des dépenses de ce programme. Les dépenses associées à ce programme deviennent des dépenses actives avec des objectifs sociaux pour remédier aux inégalités, pour soutenir tous les québécois qui veulent des enfants.  D’autre part, la réponse à la préoccupation en lien avec l’universalité trouve son fondement en partie dans les principes de la Loi Canadienne sur la santé.  En effet, en plus de la gestion publique, de l’intégralité, de l’accessibilité et de la transférabilité, le régime québécois, pour être subventionné, doit également être universel.  Ce principe peut être contesté mais, dans les faits, il est incontournable s’il n’y a pas de contre-indication médicale.  D’autre part, la charte québécoise des droits et libertés garantie l’égalité.  Bien qu’elle ne soit pas constitutionnelle (contrairement à la charte canadienne), elle fait partie des lois constituantes de l’état québécois. 

     

    Finalement, je conclurai en rappelant que l’administration publique est au-delà de la science, il comprend une part artistique.  Lorsqu’il y  a des besoins qui émergent et que l’état a la volonté d’aller dans une direction, de répondre à ce besoin, l’état peut innover en se basant sur différents modèles. 

     

  • PAS ENCORE ASSEZ DE « SUPERS INFIRMIÈRES » DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS : ANALYSE À PARTIR DES PRINCIPES ET ENJEUX DE L’ADMINISTRATION PUBIQUE

     

     PAS ENCORE ASSEZ DE « SUPERS INFIRMIÈRES » DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS : ANALYSE À PARTIR DES PRINCIPES ET ENJEUX DE L’ADMINISTRATION PUBIQUE

     

    Quels enjeux de l’Administration Publique (A.P.) interviennent dans l’implantation de « supers infirmières » ou infirmières praticiennes spécialisées (IPS) dans le système de santé québécois? L’analyse en cinq points :

    -          les principes fondamentaux du système public de santé et services sociaux au Canada;

    -          le caractère « public » du système de santé québécois;

    -          la composition complexe de l’A.P.;

    -          les relations entre le politique et l’administratif;

    -          les processus budgétaires.

     

    Les IPS aident à rencontrer de façon plus efficace un des principes fondamentaux de la « Loi canadienne sur la santé » : l’accessibilité. Ce principe fait référence à « l’accès raisonnable aux services hospitaliers et médicaux médicalement nécessaires pour les personnes assurées […] ». Dans différentes régions du Québec, on se rend compte que la notion de délai raisonnable est très élastique… Alors pourquoi n’avons-nous pas encore d’IPS?

    Une chose que je retiendrai de ce cours de Principes et enjeux de l’Administration Publique est que « TOUT DOIT Y ÊTRE APPROUVÉ…» (Trudel, 2010).

    Cependant, accomplir cela est extrêmement complexe dans le secteur public à cause de la multiplicité des parties prenantes. Dans le cas des IPS, le législatif a joué son rôle en adaptant les lois régissant le champ de pratique de cette nouvelle catégorie de professionnels (article 36 du projet de loi 90 sur le code des professions dans le domaine de la santé). L’exécutif s’attarde, depuis au moins 5 ans maintenant à trouver les moyens de financer leur formation et leur arrivée dans le système de santé.  Il doit en plus gérer les intérêts (ou le manque d’intérêt) de différents groupes impliqués (OIIQ, Collège de Médecins, différentes universités, etc.) Tout cela est un exercice exhaustif et complexe relié au fait que l’A.P. doit tenir compte de divers organismes influençant distinctement l’exécutif.

    Même si, en théorie, les fonctionnaires de l’État ne sont pas toujours tenus « d’obéir » à leurs supérieurs de l’Exécutif, en pratique, cela est parfois difficile à croire. Le technocrate est souvent un expert dans son domaine et c’est par sa compétence qu’il exerce son autorité (Trudel, 2010). Par exemple, même si de par son évaluation d’expert, ce dernier est convaincu de l’importance de l’intégration des IPS au système de santé, il ne peut que conseiller les acteurs politiques et attendant que ces derniers lui donnent le feu vert. En ce sens, les fonctionnaires de l’État sont tenus « d’obéir » à leurs supérieurs de l’exécutif. Cet assujettissement ralenti considérablement le dossier des IPS. Mme Desrosiers, présidente de l’Ordre de Infirmières et Infirmiers du Québec (OIIQ) illustre mes propos :

    «Tout le monde convient pourtant que l'IPS est une solution importante aux problèmes que connaît la première ligne, fait valoir Mme Desrosiers. Partout où elles exercent, [ces infirmières] font une différence notable sur les délais d'attente et sur l'accès aux soins de santé.» Selon les projections du ministère de la Santé, 500 IPS permettraient à près d'un demi-million de personnes d'avoir accès à des services de première ligne. » (Le Devoir, mars 2010)

    Si le gouvernement a reçu l’avis de poids de ses technocrates, où bloque-t-il encore? Une  fois de plus, selon Mme Desrosiers : « Le problème des IPS est en effet double. Non seulement Québec [le gouvernement] ne finance pas leur formation, mais il tarde à financer des postes pour les accueillir » (Le Devoir, mars 2010). Donc il serait adéquat de dire que le budget et les finances publique est un contrepoids considérable dans le dossier des IPS.

     

    En somme, il est dommage que le travail des administrateurs du système de santé québécois ne puisse pas user d’un atout supplémentaire, d’efficacité prouvée dans d’autres systèmes de santé canadiens, pour régler le problème criant d’amélioration de l’efficacité d’accès aux soins de santé. L’A.P. possède les compétences pour la phase de renseignement et la mise en place de politiques publiques. Le travail des technocrates et bureaucrates est déterminé par la rigueur et  la neutralité qu’ils mettent dans l’accomplissement de ces fonctions. Les politiciens doivent tenter d’arrimer les différentes composantes et les différentes parties prenantes pour arriver à une solution convenable. Cette façon de faire est légitime au régime démocratique d’un État de droit. Mais il serait pertinent de s’intéresser aux conséquences de l’inertie quelle engendre dans le système public. Devrait-on redéfinir l’interdépendance de l’administration et du politique?

    En attendant, plusieurs malades attendent dans les urgences du Québec.

     

     Moi

    SOURCES

     

    -          http://www.ledevoir.com/societe/sante/285130/superinfirmieres-rien-ne-va-plus

    -          http://www.ledevoir.com/societe/sante/285130/superinfirmieres-rien-ne-va-plus

    -          Notes de cours du cours Principes et enjeux de l’Administration Publique, par M. Rémy TRUDEL, ENAP, automne 2010.

     

     

  • Les mesures d'équité à l'embauche pour les minorités visibles

    Par Elsa Mouana - ENP7505 - Mardi soir 

      Le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur l’équité en matière d’emploi en 1986. Presque une décennie plus tard, elle a été remplacée par la nouvelle Loi sur l’équité en matière d’emploi de 1995 visant à :

    • corriger les désavantages subis, dans le domaine de l’emploi, par les quatre groupes désignés, soit les Autochtones, les femmes, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles;
    • appliquer le principe selon lequel l’équité en matière d’emploi requiert, outre un traitement identique des personnes, des mesures spéciales et des aménagements adaptés aux différences. 

      En 2000, le gouvernement du Québec a enchaîné le pas en mettant sur pied la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics. À ce sujet et selon le ministère des ressources humaines et du développement social du Canada, certains progrès ont été accomplis entre 1987 et 2000 en ce qui concerne l’équité à l’embauche pour les minorités visibles :

     « En 1999, les minorités visibles ont obtenu 10,7% de l’embauche, comparativement à leur taux de disponibilité de 10,3% et 14,1% des promotions, comparativement à leur taux de représentation de 10,5%. En 1987, elles avaient bénéficié de 4,8% de l’embauche et de 7,3% des promotions. [1] »

       L’aspect qui nous préoccupe plus particulièrement est celui des mesures d’équité à l’embauche, spécifiquement auprès des personnes issues des communautés culturelles, puisqu’il s’agit d’une étape cruciale pour réussir l’accès à l’emploi. D’ailleurs, dès 1975, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec condamnait à l’article 10 toute discrimination fondée sur la race, la couleur (…) et les articles 16, 18 et 18.1 réfèrent à l’embauche et à certaines étapes du processus telles que : la réception, la classification et le traitement d’une demande d’emploi (a. 18) ainsi qu’à l’information demandée dans un formulaire d’emploi ou lors d’une entrevue. On peut donc facilement comprendre pourquoi ces étapes font l’objet d’une attention particulière chez la plupart des employeurs soucieux de se conformer aux lois et d’être et de demeurer des employeurs équitables.

       En 1997, dans une étude de la fonction publique, intitulée Les minorités visibles et la fonction publique du Canada, le sociologue ontarien John Samuels démontrait que les groupes de minorités visibles étaient confrontés à de nombreux obstacles lors du processus de recrutement. Il met en évidence certains aspects du système de dotation qui constituent une barrière pour les candidats des minorités visibles lors du processus d'embauche. Il parle notamment des méthodes d'embauche inflexibles, des processus « manipulées en faveur de candidats présélectionnes », des préjuges « culturels » lors du processus de sélection et de la déresponsabilisation dans le processus d’équité en matière d'emploi. Il conclue que le taux d'embauche des minorités visibles au gouvernement fédéral était inférieur à celui des entreprises privées.

      Une étude datant de janvier 2004, réalisée par la Direction de la population et de la recherche au Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, a mis en lumière les difficultés éprouvées par les immigrants pour trouver du travail dont une attitude négative par rapport au fait d’être immigrant pour 21 % des répondants ou relative à l’origine pour 19 %. Par ailleurs, 40 % des répondants originaires de l’Afrique hors Maghreb ont expérimenté, lors de leurs démarches de recherche d’emploi, des difficultés liées à leur origine ou au fait d’être immigrants, une proportion deux fois supérieure à la moyenne de l’ensemble des répondants.

      Récemment, la publication des chiffres du dernier recensement par Statistique Canada est venue relancer le débat et tout particulièrement au sein de la communauté maghrébine. En effet, alors que le Québec affiche un taux de chômage de 7 %, celui-ci grimpe à près de 28 % chez les immigrants maghrébins, 20 % pour les personnes issues d’Afrique noire et à 17,8 % pour la communauté haïtienne. Les recherches de nature qualitative comme quantitative semblent donc refléter la réalité dont on peut être observateur au quotidien, celle de la discrimination en matière d’emplois, bien souvent basée sur une peur de la différence car incomprise.

      Parmi les programmes mises en place par la fonction publique canadienne, on compte le Programme fédéral de soutien aux organismes volontaires (1978) conçu pour l’industrie privée et qui a été étendu un an plus tard (1979) aux entreprises publiques et aux organismes ayant une relation d'affaires avec le gouvernement. En 1983, ce programme était entièrement établi dans tous les ministères de la fonction publique. La même année, la juge Rosalie Abella met sur pied une commission d'enquête pour analyser la problématique de l'égalité des chances en emploi. En novembre 1984, dans son rapport nommé Égalité en matière d'emploi, la juge Abella note que « l’équité en matière d'emploi est une stratégie conçue pour effacer les effet actuels et résiduels des actes de discrimination et pour rendre équitable la concurrence pour les possibilités d'emploi pour ceux et celles qui ont été arbitrairement exclus ».

      Par ailleurs, la Commission de la fonction publique (CFP) du Canada s’est vue attribuée la responsabilité de créer un système de nomination impartial et exempt d’obstacles afin d’assurer la prise de mesure d’adaptation pour les personnes participant à un processus de nomination. De fait, « la Loi canadienne sur les droits de la personnes établit, en partie, le principe de l’égalité des chances et elle interdit les pratiques d’emploi discriminatoires fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur de la peau (…). » Ainsi, « elle décrit les obligations juridiques par rapport à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation – jusqu’au point d’une contrainte excessive et elle autorise l’établissement de programmes spéciaux pour réduire les désavantages.[2] »

      Une autre initiative de la CFP fut son partenariat avec le Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale. Cette association a permis l’élaboration d’un plan d’action intitulé Faire place au changement. En effet, depuis l’approbation de ce dernier par le Gouvernement du Canada en 2000, la CFP a contribué au recrutement à la fonction publique fédérale de plus de 4 000 personnes issues des groupes de minorités visibles. Avant l’accomplissement de celui-ci, les nominations des membres de minorités visibles à la fonction publique s’établissaient à 6,4 %. En 2000-2001, ce pourcentage s’est fixé à 8,3 % alors qu’en 2001-2002, l’on comptait 10,3 % de minorités visibles dans la fonction publique fédérale.

      Toutefois, même si la CFP a identifié des pratiques exemplaires dès l’an 2000, elle a rapidement réexaminé la gestion des pouvoirs de recrutement et de dotation en matière d’équité en emploi dans la fonction publique au début de l’année 2003. Elle a soulevé, entre autres :

    §      un manque de souplesse pour répondre aux changements démographiques dans la société canadienne et aux initiatives comme Faire place au changement ;

    §      la nécessité d’une interprétation plus large de la « sous-représentation » à la base de l’utilisation et de l’application des programmes d’équité en emploi ; et

    §      la nécessité de renforcer la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

      De toute évidence, l’absence d’un cadre comportant des principes directeurs n’a pas  permis à la CFP de combler les écarts souhaités. Le Cadre pour les programmes d’équité en emploi accède justement à l’atténuation des écarts grâce aux critères suivants :

    1.      le programme d’équité en emploi doit faire avancer l’égalité ;

     2.      le programme d’équité en emploi doit corriger un désavantage authentique ;

    3.      le programme d’équité en emploi doit être proportionnel au degré de sous-représentation ou au désavantage ;

    4.      les incidences du programme sur des tiers, comme des membres de groupes non désignés, doivent être prises en considération ; et

    5.      les programmes d’équité en emploi sont temporaires et leur nécessité doit être examinée périodiquement.

       À ce sujet, l’Initiative d’intégration de l’équité en emploi (IIÉE) mise justement sur la mise en œuvre de politiques et de pratiques positives dans les systèmes de recrutement ainsi que de l’acquittement des autres obligations de l’employeur, comme la détermination d’obstacles à l’emploi et les mesures d’adaptation, tel que stipulé dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Donc en pratique, IIÉE concentre ses efforts sur le recrutement, compte tenu de la situation actuelle de la dotation dans la fonction publique fédérale.

      Dans un autre ordre d’idées, Joseph Facal, président en 2003 du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'administration et de la fonction publique du gouvernement du Québec, déclarait: «  Si nous souhaitons une fonction publique représentative de l’ensemble des personnes qui composent le Québec aujourd’hui, il reste beaucoup de travail à faire… Il faut sensibiliser les gestionnaires du gouvernement qui font preuve d'une sensibilité insuffisante envers la diversité ». (Le Devoir, 25 février 2003). Cette « insensibilité » envers les minorités culturelles se retrouve même dans les milieux de travail syndicalisés, car les syndicats se voient obligés de protéger les droits acquis par leurs membres historiques soit les Québécois de souche. Pour réduire l’exclusion des minorités culturelles dans le monde du travail, le vrai défi est celui de convaincre les majorités dominantes de vraiment appliquer les programmes d'accès à l'égalité existant pour ainsi répondre à la diversité culturelle et ethnique du Québec.

      Le rapport de Condition féminine Canada (1998 : 69) signale que « Les immigrantes se heurtent à d'importants obstacles qui entravent leur accès à l’emploi et leurs possibilités d'avancement. Des études menées tant en français qu’en anglais ont souligné que les immigrantes doivent composer avec de multiples niveaux de discrimination en raison […] de leur « race » ou de leur « origine ethnique ». Ces éléments de freinage à l’insertion professionnelle interviennent indépendamment du « profil sociodémographiques » des femmes immigrées, car même les jeunes très scolarisées sont victimes d'inégalité, injustice et précarité. Résultent ainsi leur situation précaire et le retardement dans l'intégration sociale et culturelle, car elles ne peuvent pas profiter « des différentes conditions facilitateurs du milieu du travail comme microcosme symbolique des […] valeurs  de la société d'accueil » (Jacob et Blais, 1992; Bernier, 1993).  

      Selon le recensement de 1996, 17% des Canadiennes des minorités visibles détenaient un diplôme universitaire en comparaison de seulement 12% des autres Canadiennes. Pourtant, seulement 15% des premières étaient sans emploi contre 9% des secondes. Comme le souligne un rapport de l'Institut canadien de recherche sur les femmes, Vivre le racisme au féminin, le racisme des employeurs soulève de gros problèmes à cet égard, car la majorité d'entre eux porte un jugement erroné et préconçu envers les immigrantes, en tenant compte de leur couleur, leurs habitudes de travail, leurs aptitudes et compétences et leur capacité d'intégration. Cette situation persiste même si ces femmes sont surqualifiées pour les postes occupés et même dans le cas d'un emploi mal rémunéré.

    Références dans le texte :

    [1] Source: Site Internet, Ministère des resources humaines et du développemnt social du Canada. L’équité d’emploi au Canada et progrès accomplis ente 1987 et 1999.

    [2] Commission de la fonction publique du Canada, Le rôle de la CFP dans l’équité en emploi, http://www.psc-cfp.gc.ca/ee/role_f.htm

    Références bibliographiques :

    Équité en milieu de Travail pour les Autochtones et les Groupes de minorités visibles – préparé par Le groupe de la politique, des rapports et de l'élaboration des données, Normes de travail et équité en milieu de travail et Ressources humaines et Développement des compétences Canada, juin 2004.

    JACOB, A., et D. BLAIS, 1992. Les réfugiés, tout un monde. Recension des écrits sur les politiques, programmes et services aux réfugiés. Montréal, Université du Québec à Montréal.

    Références webographiques :

    BOURQUE, O., Chômage des Maghrébins: «Une honte pour le Québec» http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/article/20080328/LAINFORMER/80328167 

    Cadre pour les programmes d’équité en emploi – Commission de la fonction publique du Canada : http://www.psccfp.gc.ca/ee/framework/framework_f.htm

    Commission de la fonction publique du Canada, Le rôle de la CFP dans l’équité en emploi http://www.psc-cfp.gc.ca/ee/role_f.htm

    Faire place au changement et la Commission de la fonction publique (CFP)  http://www.psc-cfp.gc.ca/ee/ec-fact_f.htm

     

    GODIN J-F., sous la supervision de Gérard Pinsonneault, (Janvier 2004), L’insertion en emploi des travailleurs admis au Québec en vertu de la grille de sélection de 1996, Direction de la population et de la recherche, Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration.BERNIER, D. 1993. Le stress des réfugiés et ses implications pour la pratique et la formation, Service social, 42, 1: 88-99.

    Initiative d’intégration de l’équité en emploi – Commission de la fonction publique fédérale du Canada 

    http://www.psc-cfp.gc.ca/ee/eemi_f.htm

    Profil de carrière et représentation des groupes désignés – Commission de la fonction publique du Canada  : http://www.psc-cfp.gc.ca/ee/best_practices/docs/irb-02_f.htm

     

     


  • MOURIR DANS LA DIGNITÉ

    Réflexion sur la question de mourir dans la dignité

    Préparé par NL cours Enap 7328, Gr : 21 Automne 2010, Montréal

     

    Cette réflexion portera sur la question de mourir dans la dignité.  La question de mourir dans la dignité est d’actualité et suscite beaucoup de débat dernièrement. Elle a été portée récemment au public par la Commission de la Santé et des services sociaux du Québec en vue de réfléchir aux pistes d’actions proposées dans les meilleures conditions possibles. Elle nous renvoie à des enjeux aussi fondamentaux que la légalisation de l’euthanasie et du suicide assistée, mais plus globalement aussi à des notions telles que, l’acharnement thérapeutique, le refus et l’arrêt de traitement, les soins palliatifs, la sédation palliative voir même terminale. Comme l’affirme les auteurs du document de consultation de cette Commission[1] : « les valeurs de dignité, d’autonomie de la personne, de compassion, de respect du caractère sacré de la vie s’entrechoquent, et nous amènent parfois à remettre en question nos convictions les plus profondes» (p. 9). Après avoir présenté les idées forces du document de consultation préparé par la Commission auprès d’experts, je ferai part de mon point de vue personnel sur cette question tout en faisant des liens avec les enjeux éthiques et de gestion relatifs à l’imputabilité.

     

    Le code civil du Québec, qui a compétence en matière de santé, encadre le consentement aux soins. Celui-ci permet à une personne de refuser un traitement même si cette décision peut entraîner la mort (p. 12). Il permet aussi aux proches de prendre une telle décision si la personne est inapte. (p. 13). De plus, les soins palliatifs ont vu le jour il y a plus de quarante ans pour soulager ou offrir des soins de confort à la personne en fin de vie. Dans certains cas, les soins accordés (médication) peuvent avoir pour effet d’abréger la vie. Quant à l’euthanasie (provoquée par le médecin) et le suicide assisté (provoqué par la personne elle-même sous prescription médicale), ceux-ci ont pour but de provoquer la mort.  Le code criminel du Canada prévoit qu’il s’agit d’actes criminels. Quelques pays ont rendu ces pratiques légales sous certaines conditions (Belgique, États-Unis (Washington, Oregon), Luxembourg et Pays-Bas).

     

    Les opposants à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté formulent les arguments suivants : appréhension d’une dérive avec le temps, négation du caractère sacré de la vie, vulnérabilité de la personne, relation de confiance ébranlée avec le médecin, baisse potentielle de l’offre de services en soins palliatifs et du développement de la recherche dans ce domaine.

     

    Quant à ceux qui revendiquent la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, leurs arguments sont les suivants : respect de l’autonomie, de la dignité humaine et du droit de décider pour soi, élimination des pratiques clandestines, conformité à la réalité de la pratique juridique dont les sentences sont, soient légères ou symboliques, sentiment de confiance accru pour ceux qui craignent l’acharnement thérapeutique. Par ailleurs, bon nombre de ces personnes font une distinction entre la pratique de l’euthanasie et celle du suicide assisté en étant ouvertes pour la première mais plus réservées pour la seconde (p.17-19)

     

    Pour ma part, je suis de ceux qui voient d’un bon œil la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, même si j’éprouve pour ce dernier plus de réserve. J’y suis favorable dans la mesure ou ces pratiques sont encadrées médicalement, que la situation de la personne est sans issue, que la souffrance physique ou psychologique est constante et insupportable et avec, bien sûr, le consentement de la personne ou de ses proches en cas d’inaptitude.

     

    C’est à ces conditions, à mon avis, qu’il sera possible de se prémunir contre toutes dérives potentielles, qu’il s’agisse de rendre le suicide trop facilement attrayant (ou moins culpabilisant) à toutes personnes ayant des idéations suicidaires ou qu’il s’agisse, à l’autre extrême, d’utiliser l’euthanasie comme solutions de rechange, voir même d’alternative aux manques de ressources en soins palliatifs.

     

    C’est dans de telles conditions, que l’on pourra comme société, se donner les moyens de traiter avec dignité, humanisme et considération les personnes et leurs proches qui font faces à ces situations tragiques. Pourquoi les personnes dont la mort est annoncée, qui souffrent et qui sont consentantes ne pourraient-elles choisir le moment et les conditions ou elles souhaiteraient dire adieu à leurs proches?

     

    Par ailleurs, du strict point de vue éthique, il est évident que cette question du mourir dans la dignité est au cœur de plusieurs conflits de valeurs qui nous rappelle les débats autour de l’avortement. À cet égard, je crois que l’initiative de l’assemblée nationale est heureuse et fait preuve de maturité. La légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté est une question complexe et ambiguë. L’initiative permettra justement, dans un climat propice à l’échange de mettre en valeur la diversité des points de vue par delà les frontières du système de santé. Ceci ne rendra pas les choix plus faciles. Mais nous pouvons penser qu’elle permettra de les rendre mieux éclairés et plus acceptable pour une majorité. D’où l’importance d’en débattre ouvertement.

     

    Enfin, du strict point de vue de la gestion et de l’imputabilité, il faut se donner les moyens d’en assurer le contrôle pour éviter les dérapages et continuer d’alimenter la réflexion. Il serait intéressant de ce point de vue que l’on prévoit d’ores et déjà les conditions de mise en œuvre des pratiques d’euthanasie et du suicide assisté et que celles-ci soient balisées. Ceci permettra aux responsables de son application d’en rendre compte publiquement. Dans ce même ordre d’idée, une place importante devra être faite pour le développement de la recherche dans ce domaine. Elle pourrait se faire à partir des données tirées de l’expérience tant sur les conditions de pratique de ces interventions que sur leurs effets auprès des personnes, de leur proche et plus largement du système de soins. Des échanges avec les pays déjà engagés dans cette voie suivis de moyens concrets favorisant le transfert des connaissances, la réflexion et le débat devront être prévus pour rassurer tant les opposants que ceux qui en revendiquent la légalisation. De cette façon, nous laissons toujours ouvertes la place aux débats mais à partir de données probantes.

     

    Je considère qu’il faut aller de l’avant avec la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté mais de façon ouverte et encadrée médicalement. Plus précisément, je recommande à la Commission de :

     

    ·        Rendre légal l’euthanasie et le suicide assisté

    ·        mais encadré par la pratique médicale et à certaines conditions (consentement, pronostic de vie faible, souffrance);

    ·        Se donner les moyens d’assurer le suivi de ces pratiques dans le respect des conditions de mise en place en s’engageant avec fermeté à en assurer le suivi auprès du public;

    ·        Continuer d’en débattre ouvertement et de façon transparente sur la base des données probantes issues de la recherche et de protocoles d’évaluation de programmes.



    [1] Assemblée nationale Québec, Commission spéciale, Mourir dans la dignité, Document de consultation, Mai 2010.

  • Augmentation des « entrées par effraction politique » au Canada

    par Francis Brown, étudiant à la maîtrise en administration publique, ENP-7505, Mardi soir.

    Délais irréguliers du traitement des demandes d’accès à l’information, censure, diffusion d’informations personnelles, congédiements et nominations partisanes, force est de constater que les cas d’ingérence et d’« entrées par effraction politiques »  dans notre système gouvernemental fédéral augmentent ces dernières années. Actuellement, les ministres Christian Paradis et Jean-Pierre Blackburn se retrouvent sous le feu des projecteurs: le premier esquive l’idée d’une quelconque responsabilité dans les interventions de son ministère dans le processus d’accès à l’information, et le second promet tel un bon père de famille de chauffer les fesses des fonctionnaires ayant osé faire circuler des renseignements personnels et hautement confidentiels d’un militant destinés à un ministre. Dans le coin gauche, la censure des informations gouvernementales. Dans le coin droit, un zèle très indiscret pour mieux informer les ministres. Et au centre de l’arène, ce sont nos institutions qui reçoivent les coups.

    Les deux cas susmentionnés partagent la même caractéristique d’entacher la qualité de la fonction publique et ce, par l’utilisation diffuse des responsabilités dites ministérielle et administratives, qui mine par la même occasion les relations entre le politique et l’administratif.

    Dans le cas de Christian Paradis, il demeure évident que la faute incombe à son personnel politique et la récente démission de M. Togneri tend à le confirmer. Suivant le principe de la responsabilité ministérielle selon lequel un ministre est le seul tenu de répondre de son ministère (Mercier, 2008, p.54), M. Paradis devrait pleinement assumer la responsabilité et faire amende honorable en cherchant à mettre de l’ordre dans ses rangs. En décidant il y a quelques mois que seuls les ministres devaient rendre des comptes en comité parlementaire et non plus le personnel politique, le Bureau du premier ministre envoyait le message que le concept de responsabilité ministérielle était renforcé. (Sur le concept de responsabilité ministérielle, je vous invite à lire ce billet-ci et ce billet-là, tous deux publiés sur ce blogue par de savants et prestigieux collègues.)

    Le ministre Paradis s’en remet à la Commissaire de l’information et à l’attente de ses recommandations pour aller de l’avant. En renvoyant la balle de ce côté, il se désiste de sa propre responsabilité en tant que ministre et « normalise » - voire judiciarise – le problème. Le projecteur est alors redirigé vers une administration publique déjà débordée, à qui incombe maintenant la responsabilité de faire le ménage à sa place.

    Analysons maintenant cette situation avec le regard de « monsieur-madame-tout-le-monde ». En voyant les médias décrier haut et fort un acte possiblement illégal de leur gouvernement, les sourcils frondent. En écoutant le ministre responsable et intrinsèquement lié à l’affaire répondre qu’il s’agit d’une simple « erreur de jugement », d’un triste événement isolé et qu’il suffit d’attendre les recommandations d’une commissaire pour régler le problème (Castonguay, 2010), le citoyen se trouve perdu dans les méandres administratives, les délais de réponse, les recommandations,… Bref, rien de concret pour s’assurer que le gouvernement fonctionne selon les principes établis.  C’est généralement à ce moment où l’opinion publique a tendance à lancer la serviette.

    Dans le cas du ministre Blackburn, nous sommes en droit de nous demander ce que le dossier médical d’un militant faisait entre les mains des ministres et fonctionnaires depuis des années. Seulement, le ministre Blackburn a réagi d’une toute autre façon en assumant le caractère embarrassant du fait que des informations délicates et confidentielles aient pu circuler au sein de son ministère. Certes, l’espace temps lui est plus favorable (puisqu’il est possible de dire que l’erreur a été commise il y a plusieurs années) et il serait absurde de désigner d’office un coupable à ce stade-ci de l’affaire.

    Or, la stratégie de M. Blackburn laisse à croire que les fonctionnaires sont déjà pointés du doigt : il a annoncé qu’une enquête était en cours afin de trouver le fonctionnaire fautif et que les modalités de travail de ces derniers seront revues. Il priorise donc une initiative susceptible de le favoriser à court terme, caractéristique essentielle d’un élu. (Parenteau, 1996, p. 255).

    Analysons maintenant la situation selon le regard de « monsieur-madame-tout-le-monde ». En voyant les médias décrier haut et fort un acte possiblement illégal de leur gouvernement, les sourcils frondent. Une fois de plus.  En voyant le ministre décrier lui-même la situation, la qualifier d’« embarrassante » et de « grave, très grave » et l’entendre dire que des mesures sont présentement mises en place pour trouver les fonctionnaires coupables de ces erreurs (Radio-Canada, 2010), c’est la carte rassurante qui est joué, alimentant toutefois cette perception négative envers les fonctionnaires.

    Bien entendu, cela laisse l’impression à la population que le ministre prend ses responsabilités en cherchant le coupable. Seulement, le ministre oublie que quelqu’un, quelque part, a demandé ces informations et qu’elles ont circulé pendant des années, entre autres au sein du personnel politique du ministère. En pointant tout de suite les fonctionnaires comme responsables de la bourde, M. Blackburn brandit le concept d’imputabilité des fonctionnaires et dirige l’attention vers eux, esquivant lui aussi le rôle possible du personnel politique et des ministres.

    Dans les deux cas, nous notons un transfert de responsabilité, de ministérielle à administrative (imputabilité), créant une certaine confusion constitutionnelle (Bourgault, 1997, p.33-35). Qui plus est, le développement du concept d’imputabilité, dans le système canadien, rend la fonction publique nerveuse et plus méfiante envers les élus, affectant ainsi la qualité de la coopération dans le travail ministériel (Mercier, 2008, p.55). Selon Bourgault, « un fonctionnaire peut devenir le bouc émissaire pour une politique qui a mal tourné » (Bourgault, 1997, p. 25) et c’est précisément le risque dans ces deux cas. Le transfert, parfois très subtil, de la responsabilité ministérielle vers la responsabilité administrative en revient à brandir au-dessus de la tête des fonctionnaires une épée de Damoclès, puisque, s’ils ne sont pas responsables de l’erreur, le fardeau de la preuve leur incombe, et s’il y a apparence de faute, tous les moyens sont solidement mis en place pour les pointer du doigt.

    Ces tactiques mises en place pour affronter les tempêtes politiques mettent à mal l’ensemble des institutions politiques et la qualité de la démocratie dans son ensemble. Cette obsession à jouer sur une définition diffuse des responsabilités alimente en retour, de la part des citoyens, un mécontentement envers l’appareil gouvernemental, mécontentement qui se transforme trop souvent en cynisme envers les personnes qui se dédient au service public.

     

    Références :

    BOURGAULT, J. (dir.), DEMERS, M. et C. WILLIAMS (1997). Administration publique et management public – Expériences canadiennes, Québec, Les publications du Québec, pp.17-41.

    CASTONGUAY, Alex. « Ingérence systématique au bureau de Paradis », Le Devoir (Montréal), 2 octobre 2010, http://www.ledevoir.com/politique/canada/297387/ingerence-systematique-au-bureau-de-paradis, page consultée le 3 octobre 2010.

    MERCIER, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec, Presses de l’Université Laval, 518 pages.

    PARENTEAU, R. (dir), (1996). Management public, comprendre et gérer les institutions de l’État, Sainte-Foy, PUQ, pp. 249-299.

    Radio-Canada. « Sean Bruyea reçoit des excuses », 25 octobre 2010, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2010/10/25/003-bruyea-excuses-blackburn.shtml, page consultée le 25 octobre 2010.

     

     

  • Le désengagement du CSSS de la Montagne dans l’action communautaire locale

    Peut-on se poser la question, si c’est la meilleure méthode pour améliorer un partenariat avec les organismes du milieu de Côte-des-Neiges?

     

    Côte des Neiges  est  le quartier  plus multiethnique de Montréal, on remarque plus de 60,000 résidants (2 sur 3) sur les 91,000 sont issus des communautés culturelles. Plus de 45,000 résidants (1 sur 2) sont des immigrants nés à l'étranger.  On y retrouve en effet une population immigrante composée de, tamouls, philippins, chinois, africains, roumains et asiatiques... Plus de soixante-dix organismes se sont impliqués dans le quartier pour soutenir et accompagner ces résidants pour leur offrir des services qui répondent à leurs besoins.

    Les organisateurs communautaires délégués par les CSSS de la Montagne jouaient un rôle clé dans le dynamisme, et l’évolution des organisations du quartier.  Ils étaient présents dans le milieu appuyaient  professionnellement les organismes, soutenaient,  contribuaient aux résolutions des problèmes du milieu, participaient à la concertation et à la mobilisation tout en soutenant les projets. Ils participaient à la concertation ainsi qu’à la mobilisation des ressources du milieu. L’appui des organisateurs communautaires facilitait grandement les liens entre la communauté et les institutions publiques.  

     

    C’est en 2006 que la direction du centre local de santé et des services sociaux de la Montagne informait les organismes du virage qu’ils appelaient « communautaire » et qu’elle venait d’embaucher une firme privée dont le mandat consistait à consulter les organismes du quartier pour analyser le partenariat entre eux et le CSSS.

     

    Ces organismes ont librement partagé leur idéologie et leurs attentes pour le développement du partenariat. Les quelques organisations qui ont été consultées ont souligné l’importance et la nécessité des organisateurs communautaires comme essentiels au développement du partenariat. Ils ont tous reconnu leurs inquiétudes face à la loi 25 et la mise en œuvre des projets cliniques. En effet la présente loi 25 vise « à rapprocher les services de la population et à faciliter le cheminement de toute personne dans le réseau de services de santé et de services sociaux. »L.R.Q.,chapitre A-8.1

     

    Les organismes du quartier qui ont participé à cette consultation n’ont jusqu’présent reçu aucun rapport de la part  du CSSS de la Montagne.  Par contre ils ont reçu une lettre leur annonçant l’abolition des postes d’organisateurs communautaires qui seraient remplacés par d’autres postes tels que : un poste de directeur du partenariat et quatre postes d’agent de planification,  programmation et  recherche. Une décision farfelue puisqu’elle ne représente aucunement la volonté exprimée par le milieu lors de la consultation du milieu communautaire. Une déception totale des organismes qui se voient abandonnés par le CSSS de la Montagne.

      

    Les Conséquences

     

    Les organismes sont tous surpris de cette décision qui suscite incompréhension et indignation. Ils disent tous que les organisateurs communautaires restent un réel besoin dans le quartier pour le lien avec les institutions publiques. Aussi tout le processus entourant la démarche qui a mené à cette décision remet en cause les acquis  de confiance et de collaboration établis au fil des années.  Cette décision traduit une rupture drastique du partenariat bâti depuis longtemps. Et que dire des organismes qui ont été créés à demande de la santé publique telle que la table jeunesse et la table familles, Table de concertation des ainés pour ne nommer que ceux-là et qui du jour au lendemain n’on plus accès au soutien en plus de ne plus avoir de répondant au niveau public.

     

     De plus cette décision a un impact sur les relations privilégiées établies entre les organismes communautaires et le CSSS quant à la connaissance mutuelle des sphères d’intervention propre à chacun et la concertation en vue de mieux desservir la population. En effet le nouveau personnel nommé (le directeur du partenariat et les postes agents de planification,  de programmation et  de recherche) pour entretenir le lien avec les organismes communautaires n’ont tout simplement pas le temps devenir aux différentes réunions organisées, car leur agenda est surchargé.

     

     

    On constate que l’approche dite « communautaire » du CSSS de la Montagne est en fait  une approche de services. Certaines tables de concertations ont été fragilisées tout d’un coup par le retrait des organisateurs communautaires.

     

    Ce manque d’implication de la part du CSSS dans la concertation du quartier se reflète par leur absence lors des fêtes de quartier par exemple et donne l’impression d’un désintéressement envers la population qu’il est censé desservir.

     

    S’il y a un aspect positif suite de ce virage dit « communautaire »c’est sans aucun doute le raffermissement des liens de solidarité entre les organisations  quartier pour établir un plan d’action menant à des conférences de presse, des manifestations, des pétitions afin de continuer à montrer leur désaccord face à cette décision.

     

    Malgré le retrait des organisateurs communautaires depuis plus de deux ans, cette rupture a occasionné plusieurs pertes. Les organismes des milieux continuent de réclamer une reprise de dialogue entre le CSSS de la Montagne et le milieu communautaire pour réfléchir ensemble sur les avenues possibles pour relancer un partenariat profitable pour les résidants du quartier.

     

     

    Ismaila Sougou

    Groupe mardi soir Montréal

  • Responsabilité ministérielle et imputabilité à la canadienne

    Voila deux principes fondamentaux de l’administration publique qui tiennent de deux traditions différentes voire contradictoires à maints égards. Cette contradiction pose problème au Canada, dont l’administration publique s’inspire à la fois du système britannique qui prône le principe de la responsabilité ministérielle et du système américain qui favorise la reddition des comptes (Accountability).

    De tradition britannique, le principe de responsabilité ministérielle est une conséquence systématique du principe administratif de confiance entre le politique et l’administratif. Ce principe veut que le ministre soit le seul à répondre des choix et de l’action de son ministère devant le législatif, et partant, devant l’opinion publique. Le corollaire en est que le ministre se voit contraint de démissionner si un haut-fonctionnaire relevant de sa tutelle commet une faute grave.

    En revanche, le principe de reddition des comptes ou d’imputabilité (Accountability), qui est un principe administratif américain, se veut un principe administratif fondamental et un gage contre les abus de pouvoir délégué à la bureaucratie. À cet égard, la complexité du secteur public fait que les fonctionnaires investis d’une charge publique peuvent être tenus individuellement responsables et redevables à la fois envers leurs supérieurs et envers la population toute entière.

    La contradiction vécue au Canada…

    L’intégration de ces deux principes contradictoires dans un même système de gouvernance publique s’avère paradoxale et est de nature à créer des confusions dans la pratique. C’est d’ailleurs bien le cas au Canada, où l’on a des difficultés à déterminer à qui incombe la responsabilité quand il est établi qu’une mauvaise gestion de la chose publique a eu lieu. Ce fut précisément le cas dans l’affaire des commandites administrée par Travaux Publics et Services Gouvernementaux Canada (TPSGC), où le comité des comptes publics n’a pu déterminer qui était responsable de ce qui a mal tourné dans cette affaire. Aucuns des témoins comparu devant le comité – anciens ministres et hauts fonctionnaires – n’a accepté d’en assumer la responsabilité. L’absence de responsabilité et de reddition des comptes mise en lumière par l’enquête du comité des comptes publics dans cette affaire illustre bien la confusion que peut créer l’adoption simultanée de ces deux principes opposés quant à la manière de concevoir la responsabilité et l’imputabilité.

    Au fait, selon la doctrine du Bureau du Conseil Privé, responsabilité et reddition des comptes sont liées à la charge (et non à la personne) et à son titulaire actuel, et les ministres ne sont pas responsables quand des fonctionnaires commettent une faute. La doctrine dit que lorsque des erreurs ou des fautes sont commises par ces derniers, les ministres doivent intervenir rapidement pour y remédier et fournir au Parlement l’assurance que les mesures correctives nécessaires ont été prises. Or, toujours selon la doctrine, les sous-ministres sont responsables et redevables envers le gouvernement (ministre de tutelle, premier ministre et conseil du trésor) et donc il semblerait que les ministres sont responsables et redevables devant le Parlement de l’exercice des pouvoirs que la loi confère aux sous-ministres. Au bout du compte, et comme les ministres et les sous-ministres changent souvent, personne, comme ce fût le cas dans l’affaire des commandites, ne sera tenu responsable ni redevable des fautes commises.

    Un autre exemple qui illustre la confusion que l’on a dans la manière de concevoir la responsabilité et l’imputabilité chez les ministres et les haut-fonctionnaires canadiens fût l’affaire de Maher Arar (voir le devoir dans son édition du 13 octobre 2006), où ni les ministres en poste à l’époque ni le commissaire de la GRC n’ont accepté d’être tenu responsables et redevables des erreurs commises dans ce dossier.

    Ceci dit, il faut faire en sorte que la responsabilité incombe à des personnes précises pour qu’on puisse donner au principe de la reddition des comptes toute la plénitude de son sens. À cet égard, la solution adoptée par la Grande Bretagne consistant à ériger les administrateurs permanents en agents comptables peut être une piste à explorer, d’autant que les arguments qu’avancent les opposants à cette approche demeurent loin d’être fondés en pratique.

     

    ARN.

    Enp-7505 (Mardi Soir)

  • Nos ministres sont-ils responsables ?

    Auteur : Maxime Giguère, étudiant à la maîtrise en administration publique- ENAP (cours du mardi soir)

    Le journal La Presse du 18 novembre 2009, nous apprenait que le Parti québécois réclamait la démission de deux ministres libéraux, après le dépôt du rapport du vérificateur général, car ils seraient responsables d'irrégularités dans l'octroi de contrats publics au ministère des transports. Vous savez qu'il n'est pas rare d'entendre un député de l'opposition demander au Premier ministre le rappel à l'ordre ou la démission de son ministre, lorsque sa confiance est mise en doute. Cette demande légitime a pour objectif de déstabiliser le gouvernement en place, de miner sa crédibilité et de gagner des points dans les sondages afin de se faire élire aux prochaines élections. Ce stratège, vu aussi comme une forme de contrôle sur l'exécutif, est connu de tous les députés de l'Assemblée nationale québécoise et du Parlement canadien.

    Lorsqu'un député accepte l'offre du Premier ministre de gouverner un ministère, c'est pour lui une réelle promotion. Il aura désormais le pouvoir de poser des actions, de prendre des décisions, d'élaborer et de proposer des projets de lois et finalement, de laisser sa marque sur le plan politique. Ce nouveau statut amène toutefois un lot de responsabilités et d'obligations.

    Il devrait, tout d'abord, s'engager à respecter l'un des principes fondamentaux de la gouvernance, soit la responsabilité ministérielle. Selon Mercier, c'est le principe selon lequel « un ministre est entièrement et seul responsable des actes de ses fonctionnaires devant le parlement ». (Mercier 2008, p. 265) Bref, il est imputable devant l'Assemblée ou le Parlement et les commissions. Il est aussi le seul responsable de la mission et des lois qui sont imparties au ministère. Chaque loi votée par le législatif est associée à un seul ministère. En résumé, le pouvoir émane de la Couronne, il est exercé par les ministres qui sont responsables envers le Parlement.

    Il est louable de questionner ce principe de responsabilité ministérielle, si l'on tient compte que ses fonctionnaires sont répartis d'un océan à l'autre du pays ou aux quatre coins de « La Belle Province ». Imaginez aussi toute la pression subie par le nouveau député promu ministre, si l'on considère qu'il faut plus d'un an pour comprendre le fonctionnement de son ministère. Alors, comment pouvons nous le rendre responsable des fautes commises par ses fonctionnaires ?

    Il est important de mentionner que, historiquement, ce principe avait été pensé pour des actes politiques centralisés, tels que des conseils données au Roi. La croissance progressive de la taille de l'État, causée en partie par son appareil administratif, a donné naissance à des actes qui sont davantage administratifs, donc décentralisés et nombreux.

    Pour l'aider à s'initier à son ministère, à répondre aux diverses questions de l'opposition et de la population et à gouverner, le ministre nomme des sous-ministres ou utilise celui de son prédécesseur. Ils sont, en règle générale, compétents, qualifiés et neutres sur le plan politique. Plus précisément, ils jouent un rôle de gestionnaire, de concepteur politique, de manager gouvernemental et de radar politique. Ils sont eux aussi imputables. « Ce principe veut que le fonctionnaire soit obligé de rendre des comptes à ses supérieurs (le ministre) et aussi, éventuellement au Parlement et à l'exécutif. » (Mercier 2008, p. 265) Les sous-ministres ne sont pas à l'abri des erreurs de parcours. C'est que que La Presse a laissé savoir au mois de janvier dernier. Les trois partis de l'opposition de la Chambre des communes avaient demandé la démission du Ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis, parce que des employés supérieurs de son ministère, auraient fait de l'interférence dans des demandes d'accès à l'information. Comme dans ce cas-ci, les fautes reprochées peuvent être assez répréhensibles pour licencier un sous-ministre, mais pas suffisantes pour remettre en doute la confiance du ministre. Cependant, la responsabilité du ministre ne se veut pas amoindrie, car c'est le ministre, lui seul, qui prend la décision finale et signe les documents officiels. Il doit savoir tout ce qui se passe dans son ministère.

    Selon le Bureau du Conseil privé du Canada (BCP), qui conseille et soutient le Premier ministre et le Cabinet, nous devons nuancer la rigidité de cette responsabilité, de par sa subjectivité, car elle est tributaire de la volonté de la Chambre ou de l'Assemblée, de tenir le ministre responsable. Toujours dans l'affaire du ministre Christian Paradis, les parties d'opposition « Libéraux, néo-démocrates et bloquistes affirment que le gouvernement utilise le principe de responsabilité ministérielle uniquement quand cela fait son affaire. »

    À cette obligation, s'ajoute celle de la responsabilité personnelle du ministre. Il doit aussi rendre des comptes sur ses propres actions individuelles. En avril dernier, le gouvernement Charest a du demander la démission de son ministre de la famille, Tony Tomassi, parce que des allégations sérieuses de favoritisme au profit des donateurs du Parti libéral du Québec pesaient contre lui. Malgré tout, s'il est rare qu'un ministre soit démis de ses fonctions, c'est davantage l'effet de ses erreurs sur sa crédibilité et, par le fait même, celle de son parti qui est comme une sanction. Ce qui est non négligeable, surtout si l'on souhaite rester longtemps en politique.

    La responsabilité du ministre ne s'arrête pas là ! Après sa nomination, le nouveau ministre sera invité à se présenter au Conseil des ministres et à tous les comités ministériels ou commissions qui l'exigent. C'est à cette occasion que, à titre de conseiller privé du Premier ministre, il pourra poser des questions, défendre ses idées sur les sujets du jour et présenter ses projets de lois. À la sortie de cette réunion secrète et confidentielle, il ne pourra toutefois pas partager avec la presse les désaccords survenus ou même affirmer son propre désaccord sur les décisions adoptées par le parti. Le ministre doit être solidairement responsable des décisions prises par le Conseil des ministres et sur toutes les affaires gouvernementales. C'est la base même du principe de la solidarité ministérielle. Il lui sera toutefois permis, par solidarité, d'agir ou de répondre en Chambre ou à l'Assemblée au nom d'un autre ministre. Et ce, pas uniquement sur ses propres dossiers. Cette responsabilité doit par exemple être respectée, lors d'une mesure fiscale ou d'une législation et même lors d'un vote de confiance en vers son propre gouvernement. Sans quoi, le ministre pris à tort ou en défaut devra démissionner du Cabinet sur le champ.

    Si un ministre venait à s'écarter légèrement de ce principe, il se peut que, lors du remaniement ministériel, il ne soit pas appelé par le Premier ministre pour diriger l'un ou l'autre des ministères. Si le ministre tient à garder sa fonction ou prétendre à obtenir un ministère d'importance, (finances, santé, éducation), il a intérêt à être solidaire au Cabinet et à respecter à la lettre la ligne de partie. Sans quoi, son mandat peut s'avérer bien long dans le coin sa « Chambre ».

    Finalement, la responsabilité ministérielle, personnelle, l'imputabilité des ministres et la solidarité ministérielle assurent, en partie, la stabilité du gouvernement. Le gouvernement élu ne pourrait survivre à des démissions perpétuelles ou aux contestations des décisions du parti par ses propres ministres. La population et les fonctionnaires perdraient toute confiance envers l'appareil politique.

    À la question, est-ce que les ministres sont responsables ? Je répondrai, oui !

    Qu'en pensez-vous ?

     

    Références :

    TREMBLAY, Pierre P. (2009). « L'État administrateur : modes et émergences », Québec, Presse de l'Université du Québec, p. 89-118.

    MERCIER, Jean (2008). « L'administration publique : De l'École classique au nouveau management public », Québec, Les presses de l'Université Laval, p. 239-271.

    Bureau du Conseil privée du Canada, (Page consultée le 15 octobre 2010). Site du Bureau du Conseil privé [en ligne], http://www.pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&page=information&sub=council-conseil&doc=description-fra.htm

    L'opposition réclame la tête de Christian Paradis, (Page consultée le 12 octobre 2010). Site du Journal Le Soleil [en ligne] http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201010/01/01-4328795-lopposition-reclame-la-tete-de-christian-paradis.php

    Le PQ réclame la démission de MacMillan et Boulet, (Page consultée le 12 octobre 2010). Site du journal Le Droit [en ligne] http://www.cyberpresse.ca/le-droit/actualites/actualites-nationales/200911/18/01-922859-le-pq-reclame-la-demission-de-macmillan-et-boulet.php

    Charest largue Tomassi: une controverse de trop, (Page consultée le 12 octobre 2010). Site du journal Le Presse [en ligne] http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201005/06/01-4277982-charest-largue-tomassi-une-controverse-de-trop.php