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Responsabilité ministérielle et imputabilité à la canadienne

Voila deux principes fondamentaux de l’administration publique qui tiennent de deux traditions différentes voire contradictoires à maints égards. Cette contradiction pose problème au Canada, dont l’administration publique s’inspire à la fois du système britannique qui prône le principe de la responsabilité ministérielle et du système américain qui favorise la reddition des comptes (Accountability).

De tradition britannique, le principe de responsabilité ministérielle est une conséquence systématique du principe administratif de confiance entre le politique et l’administratif. Ce principe veut que le ministre soit le seul à répondre des choix et de l’action de son ministère devant le législatif, et partant, devant l’opinion publique. Le corollaire en est que le ministre se voit contraint de démissionner si un haut-fonctionnaire relevant de sa tutelle commet une faute grave.

En revanche, le principe de reddition des comptes ou d’imputabilité (Accountability), qui est un principe administratif américain, se veut un principe administratif fondamental et un gage contre les abus de pouvoir délégué à la bureaucratie. À cet égard, la complexité du secteur public fait que les fonctionnaires investis d’une charge publique peuvent être tenus individuellement responsables et redevables à la fois envers leurs supérieurs et envers la population toute entière.

La contradiction vécue au Canada…

L’intégration de ces deux principes contradictoires dans un même système de gouvernance publique s’avère paradoxale et est de nature à créer des confusions dans la pratique. C’est d’ailleurs bien le cas au Canada, où l’on a des difficultés à déterminer à qui incombe la responsabilité quand il est établi qu’une mauvaise gestion de la chose publique a eu lieu. Ce fut précisément le cas dans l’affaire des commandites administrée par Travaux Publics et Services Gouvernementaux Canada (TPSGC), où le comité des comptes publics n’a pu déterminer qui était responsable de ce qui a mal tourné dans cette affaire. Aucuns des témoins comparu devant le comité – anciens ministres et hauts fonctionnaires – n’a accepté d’en assumer la responsabilité. L’absence de responsabilité et de reddition des comptes mise en lumière par l’enquête du comité des comptes publics dans cette affaire illustre bien la confusion que peut créer l’adoption simultanée de ces deux principes opposés quant à la manière de concevoir la responsabilité et l’imputabilité.

Au fait, selon la doctrine du Bureau du Conseil Privé, responsabilité et reddition des comptes sont liées à la charge (et non à la personne) et à son titulaire actuel, et les ministres ne sont pas responsables quand des fonctionnaires commettent une faute. La doctrine dit que lorsque des erreurs ou des fautes sont commises par ces derniers, les ministres doivent intervenir rapidement pour y remédier et fournir au Parlement l’assurance que les mesures correctives nécessaires ont été prises. Or, toujours selon la doctrine, les sous-ministres sont responsables et redevables envers le gouvernement (ministre de tutelle, premier ministre et conseil du trésor) et donc il semblerait que les ministres sont responsables et redevables devant le Parlement de l’exercice des pouvoirs que la loi confère aux sous-ministres. Au bout du compte, et comme les ministres et les sous-ministres changent souvent, personne, comme ce fût le cas dans l’affaire des commandites, ne sera tenu responsable ni redevable des fautes commises.

Un autre exemple qui illustre la confusion que l’on a dans la manière de concevoir la responsabilité et l’imputabilité chez les ministres et les haut-fonctionnaires canadiens fût l’affaire de Maher Arar (voir le devoir dans son édition du 13 octobre 2006), où ni les ministres en poste à l’époque ni le commissaire de la GRC n’ont accepté d’être tenu responsables et redevables des erreurs commises dans ce dossier.

Ceci dit, il faut faire en sorte que la responsabilité incombe à des personnes précises pour qu’on puisse donner au principe de la reddition des comptes toute la plénitude de son sens. À cet égard, la solution adoptée par la Grande Bretagne consistant à ériger les administrateurs permanents en agents comptables peut être une piste à explorer, d’autant que les arguments qu’avancent les opposants à cette approche demeurent loin d’être fondés en pratique.

 

ARN.

Enp-7505 (Mardi Soir)

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