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La Loi 115: principes et enjeux de l'administration publique vs l'identité culturelle

Ce thème regroupe tellement d’éléments, par où commencer?  L’affaiblissement de la Loi 101?  Les modifications apportées à la Charte des droits par la loi 103? Les plus fortunés qui pourront s’acheter une éducation anglophone?  L’utilisation de la «procédure législative d’exception » pour faciliter l’adoption d’un projet de loi linguistique? À ce propos, il me semble que les enjeux de l’administration publique sont de taille.  Rappelons donc que le 19 octobre dernier, le gouvernement du Québec a légalisé l’accès à l’école anglaise pour les francophones et allophones. 

Pouvoir parler français en Amérique du Nord est une richesse.  Originaire du Saguenay, région presqu’unilingue française, j’ai été confrontée pour la première fois à l’anglais comme langue d’usage qu’à mon arrivée à Montréal. Même à l’UQAC, pendant les trois années où j’y ai étudié, les professeurs n’osaient pas nous remettre des textes ou documents en anglais.  Pourquoi? Parce que personne ne l’aurait accepté. Tous auraient crié à l’injustice.   Quant à moi, j’avoue que ça faisait bien mon affaire… Je disais donc, à mon arrivée à Montréal, à l’âge de 22 ans et mon baccalauréat sous le bras, je débutai ma maîtrise à l’Université de Montréal.  Quelle ne fût pas ma surprise d’avoir à lire des livres entiers en anglais.  Je me suis prêtée à l’exercice, car je n’avais pas vraiment le choix.  D’ailleurs, pour les autres étudiants, cela semblait normal. Je pourrais donc être de ceux qui se sentent amoindri devant la «contrainte» anglaise, qui pourrait privilégier l’immersion anglaise dès le jeune âge pour mes propres enfants pour qu’ils ne subissent pas le même affront.  Mais c’est loin d’être le cas. En fait, je suis très fière aujourd’hui d’avoir surmonté cette « lacune».  Je me sens privilégiée de pouvoir me débrouiller en anglais comme une grande majorité de québécois ouverts sur le monde.  D’ailleurs, la mondialisation nous amène inévitablement à vouloir développer des moyens pour entrer en contact et développer des liens avec des individus vivant dans d’autres pays que le nôtre et l’anglais devient un outil fort utile dans ces cas.

D’une part, c’est donc avec mon expérience personnelle et celle de nombreuses personnes provenant de régions éloignées de Montréal que je m’appuie pour affirmer qu’un jeune adulte peut, s’il en fait le choix, apprendre l’anglais : en voyageant, en s’inscrivant dans des cours d’immersion, etc..

Je ne crois donc pas qu’il soit essentiel qu’un enfant d’âge scolaire soit immergé dans un milieu d’apprentissage de langue anglaise pour développer une aisance à parler anglais. Je crois même qu’il s’agit d’une grave erreur : le fait d’offrir un environnement unilingue anglais à de jeunes francophones à l’école primaire et secondaire a comme effet pervers que l’apprentissage de sa langue première s’en voit affecté.  De toute façon, le système d’éducation québécois offre une base d’apprentissage de l’anglais.  Par la suite, il en revient à chacun d’entre nous de s’investir dans une activité d’immersion, si tel est notre besoin.  Et il est toujours temps de le faire lors de camps d’été d’immersion  ou avec un stage à l’étranger.  Lorsqu’on est d’âge à aller au CEGEP et à l’université, partir quelques mois suffit pour «attraper» l’anglais pour de bon.  Tout cela sans avoir nui à notre apprentissage du français.

D’autre part, le fait que l’utilisation du bâillon par gouvernement ait été nécessaire pour faire adopter le projet de loi sur les écoles passerelles démontre bien à quel point la question linguistique demeure controversée et provoque des débats au Québec.   Or, avec notre situation de « gaulois résistants », 5 000 000 de francophones dans une mer d’anglophones tant canadiens qu’américains, fait en sorte que l’administration publique DOIT se faire le chien de garde de la langue française. Il s’agit de notre identité culturelle, ce qui nous distingue des autres en Amérique du Nord.

Questionné sur cette façon de faire, le gouvernement invoquait l’urgence d’agir en raison du vide juridique causé par l’invalidation de la loi 104.  Pourquoi alors avoir attendu 8 mois avant de déposer ce projet de Loi?  Pourquoi ne pas l’avoir fait plutôt? Il semble que le gouvernement ait planifié d’utiliser cette stratégie pour arriver à l’adoption de cette loi.  La question à se poser est : à qui profite ce projet de loi?  Fort probablement aux électeurs du PLQ (…), à  ceux qui désirent que leurs progénitures baignent dans un environnement scolaire anglophone.  Pourquoi et à quel prix?  Est-ce que ce choix individuel doit primer sur l’avenir du français au Québec?

« …L’avancement de la francisation va dépendre essentiellement

de la volonté politique du gouvernement au pouvoir. »

Jacques Parizeau (La souveraineté du Québec, 2009)

Actuellement, la simple protection de la langue française ne constitue pas une volonté politique du gouvernement en place.  Dans notre état de droit, est-ce que l’utilisation du bâillon sur un sujet aussi primordial pour notre société est acceptable, démocratiquement parlant? Si nous ajoutons à cela le fait qu’au Québec, le processus politique implique fréquemment un volet de consultation publique, en ce qui concerne le français, le gouvernement a choisi de ne pas entendre ni l’opposition  en suspendant les règles de procédures parlementaires, ni les simples citoyens.   Tout ceci pour faire adopter un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité au Québec.  La ligne de parti du gouvernement était donc l’adoption de cette loi sans opposition.  En ce sens, est-ce que les députés représentent réellement leurs concitoyens? Ne font-ils pas seulement suivre les idées mises de l’avant par leur parti? D’aller vers leurs objectifs électoralistes? Le principe de  solidarité ministérielle est-elle un frein à l’expression des idées minoritaires et des dissidences?  Sans aucun doute. 

Ajoutons à tout ceci le fait que l’application de cette loi se fera par des fonctionnaires qui auront comme mandat d’évaluer le parcours de chacun des étudiants qui voudront s’en prévaloir.  Certains diront qu’il ne s’agira que de quelques cas.  D’autres disent que de nombreux fonctionnaires devront être mis à contribution. Alors que la presse d’aujourd’hui fait encore la manchette avec les pauvres résultats des étudiants québécois aux tests de français (Journal de Montréal, 2 novembre 2010), le gouvernement choisit avec cette histoire d’écoles passerelles d’investir dans l’ajout de fonctionnaires pour évaluer les candidatures de francophones et allophones pour leur intégration dans les écoles anglaises non-subventionnées plutôt que d’ajouter des ressources pour améliorer les cours de français dans les écoles francophones du Québec.

“Notre langue n’a pas de prix, la Loi 101 n’est pas à vendre! »

(Coalition contre la Loi 103)

 

Cindy Lapointe

Maîtrise ENAP - Jeudi AM

Commentaires

  • Que dire de plus? J'appuie tout-à-fait ta position Cindy. Ta réflexion est très intéressante et les enjeux que tu soulèves sont significatifs.

  • Je suis tout à fait d'accord avec toi Cindy.
    Cependant je pense que la question de la langue française en Amérique du nord ne doit pas être seulement quelque chose de bien "encré" dans la constitution. Elle doit également se refléter dans la vie courante de tous les francophones de cette région du monde. En effet, très souvent, j'ai eu à rencontrer des francophones, Québécois de souche ou non, amorcer une conversation par des termes anglophones avant de ce rendre compte que leur interlocuteur ne peut s'exprimer clairement en anglais!!! Cette situation nous montre que malgré tous les efforts visant à institutionnaliser la langue française au Canada, la langue anglaise planera toujours et encore pour longtemps dans l'inconscient des citoyens Québécois comme étant la langue dominante. Face à cette situation, je pense que la question de la survie de la langue française au Canada passera par une bonne sensibilisation de tous les citoyens Québécois sur la nécessiter de parler les deux langues : l'anglais pour des raisons professionnelles et le français pour des raisons identitaires. Aussi il est temps d'éviter de se faire des préjugés sur la langue de son interlocuteur et toujours nous exprimer en français quelque soit les circonstances en ne faisant recours à l'anglais que quand la necessité s'impose.

  • Très belle réflexion sur notre langue française. J’ai tellement l’impression que depuis quelques années, elle est en nette régression. Nous n’avons qu’à nous promener dans les rues de Montréal à l’ouest de la rue St-Laurent pour constater l’omniprésence de la langue anglaise. Maintenant, c’est au tour de notre propre gouvernement, celui qui devrait défendre les intérêts de la collectivité, de mettre d’autres obstacles à notre belle langue. Comme vous le dites si bien, le gouvernement de Jean Charest est plus préoccupé à défendre les intérêts de sa classe partisane que ceux du reste de la population. Rappelons-nous, il y a quelques temps, Jean Charest avait permis à une école privée juive d’être subventionnée en totalité par nos fonds publics. Il avait dû reculer après le tollé de protestation que cette décision avait amené.

    Vous dites également : « il n’est pas essentiel qu’un enfant d’âge scolaire soit immergé dans un milieu d’apprentissage de langue anglaise pour développer une aisance à parler anglais. Je crois même qu’il s’agit d’une grave erreur : le fait d’offrir un environnement unilingue anglais à de jeunes francophones à l’école primaire et secondaire a comme effet pervers que l’apprentissage de sa langue première s’en voit affecté». Je suis tout à fait d’accord avec cette réflexion. Il existe, près de chez moi, une école primaire privée où l’enseignement privilégié est l’anglais. Les enfants apprennent également l’espagnol et le français. Le constat dégagé de cet enseignement est que ces enfants ont de la difficulté à écrire et à s’exprimer en français. Je crois donc que nos enfants doivent, en premier lieu, apprendre le français et ensuite développer d’autres langues au cours de leur développement.

    Finalement, il est désolant de constater que parmi un groupe de personnes bilingues, s’il y a une personne dont la langue première est l’anglais, les autres auront tendance à parler anglais, alors qu’une personne dont la langue première est le français parmi un groupe de personnes bilingues, c’est le francophone qui parlera anglais. C’est ce que l’on appelle l’assimilation.

    Stéphane Castilloux
    ENP-7505 Jeudi matin

  • Je trouve très important, comme vous le faîte de séparer l'éducation en plusieurs niveaux. Je ne pense pas qu'il est préférable de laisser des francophones ou allophones aller dans des écoles passerelles au niveau du primaire ou au secondaire, pour la simple raison qu'il me semble que c'est bien évidemment le français qui va prendre le bord dans l'apprentissage. Alors que le français qui est le dénominateur commun qui assure une cohésion social et qui permet de préserver l'identité québécoise.
    Par contre, au niveau du Cegep ou de l'université, les étudiants sont devenus des individus, des citoyens à proprement parlés, et devraient pouvoir choisir dans quelle langue qu'ils veulent étudier.
    Cette séparation permet de s'assurer que tous sont vraiment capables de s'exprimer en français et donne la chance à chacun de bien maîtriser l'anglais. Il faut rappeler dans les universités anglophones, on peut remettre les travaux en français, donc les francophones ne sont pas pénalisés du tout (de mon expérience je peux même avouer qu'on est avantagé car les professeurs ont moins tendance a remarqué les fautes grammaticales ou d'orthographes !!).
    Mais ce que je trouve déplorable c'est qu'on ne permette pas aux anglophones de remettre leurs travaux en anglais dans les universités francophones, au moins pour le premier semestre par exemple. Je comprends bien l'esprit de la loi 101 et je ne conteste pas son utilité. Néanmoins, je pense que cette mesure serait équitable et surtout bénéfique pour les universités francophones qui pourraient de ce fait attirer plus d'étudiants et aussi avoir une vision plus cohérente. Pour illustrer ce propos je me permets de raconter l’expérience d’une de mes connaissances qui étudie présentement en art visuel à une université francophone. Un de ces projets est de type autobiographique. Elle est anglophone, donc elle voulait mettre insérer un peu d’anglais pour que son projet puisse bien la représenter. Son professeur a refusé mais a accepté qu'une hispanophone fasse ce qu'elle ne pouvait pas. C'est à ce niveau que les universités francophones sont incohérentes, ils encouragent la diversité pour peu qu'elle ne soit pas d'origine anglophone canadienne !
    Il me semble qu'au niveau du Cegep et universitaire, on devrait encourager le bilinguisme et l'apprentissage d'autres langues sans pénaliser un côté plus que l'autre.

    Catherine Périllat
    ENP 7505-jeudi am

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