Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

collaboration interprofessionnelle utopie ou réalité? Une histoire vécue!

 

Au cours de mes 22 années de pratique dans le réseau de la santé et des services sociaux, j'ai vu et surtout vécu beaucoup de mutation du système de la santé et des services sociaux. Plusieurs de ces mutations, se sont produits par nécessité : soit d’économie ou d’optimisation du service. Malheureusement, à plusieurs reprises, ces changements n’ont pas améliorés la prestation des services et encore moins la rétention du personnel.

Avec cette pénurie de personnel, toutes catégories confondues, que le système vit depuis plusieurs années, il est devenu difficile voire impossible de garder les mêmes pratiques pour prodiguer les soins aux patients. En 2007, la crise était tellement intense au CHUM que nous devions couper plusieurs salles de chirurgies quotidiennement car il manquait trop de personnel. C'est pourquoi mes deux collègues et moi; chefs des blocs opératoires du CHUM,  avons décidé de revoir le rôle des intervenants dans les blocs opératoires...Nous tenions à avoir la bonne personne à la bonne place, au bon moment et qui fait la bonne chose.

Nous avons donc fait table rase de nos habitudes de pratiques et nous sommes questionné sur le qui fait quoi et le pourquoi. La main d'œuvre principale dans les blocs opératoires est les infirmières. Pour faire fonctionner une salle d'opération pendant 8 heures, il en faut 3. Nous avons décortiqué les tâches des infirmières au bloc et nous sommes demandés s'il n'y avait pas d'autres professionnelles qui pouvaient exécuter certaines de ces tâches. Il s'est avéré qu'après notre recherche, les infirmières-auxiliaires pouvaient exécuter beaucoup des mêmes activités que les infirmières, et ce depuis la promulgation de la loi 90. La loi 90 a élargie le rôle de certains professionnels comme les infirmières-auxiliaires et les infirmières. Fin 2007, nous avons élaboré et débuté un projet pilote pour tester si la collaboration infirmière/infirmière-auxiliaire était faisable, utile et surtout viable dans les blocs opératoires. La réintroduction, en 2003, des infirmières-auxiliaires ne s’étaient pas faite sans heurt. Leur retour dans les blocs opératoires s’est fait en service interne seulement, ce qui enlevait cette pratique aux infirmières. Le service externe étant réservé aux infirmières depuis la nuit des temps mais la pratique en interne leur devenait plus difficile (c’est le rôle d’interne qui a le plus de gratification des chirurgiens). Il va sans dire que les infirmières étaient en complet désaccord avec cette ingérence des infirmières-auxiliaires dans leur champ de pratique. Nous avons dû leur expliquer les raisons et en démontrer les bienfaits. Ce projet-pilote, qui ouvrait le service externe aux infirmières-auxiliaires, nous a apporté certaines problématiques qui nous ont permis d’identifier de d’apporter des correctifs afin que cette collaboration soit fonctionnelle, sécuritaire et qu'elle respecte les limites des champs de pratique réciproque. Les résultats ont été des plus que concluants, malgré tout nous ayons dû défendre notre projet auprès d'instance telles que la direction générale du CHUM, la FMSQ (Fédération des Médecins Spécialistes du Québec), l'OIIQ (Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec), l'OIIAQ (Ordre des Infirmières et Infirmiers-Auxiliaires du Québec) et la CIISOQ (Corporation des Infirmières et Infirmiers en salle d'Opération du Québec). Toutes ces instances à l'exception de la CIISOQ n'ont pu que se rallier à notre démarche. Depuis ce temps, nous avons refait nos devoirs et sommes arrivés à des possibilités de partage des tâches et d’une dynamique de travail en dyade entre les infirmières et les infirmières-auxiliaires. Pour ce qui est de l'OIIQ, de l'OIIAQ, de la FMSQ, ils nous suivent de près! Car nous allons beaucoup plus loin que n’importe quelle organisation dans la révision et le partage des tâches entre les professionnelles des blocs opératoires. La CIISOQ, quant à elle, refuse toujours d'intégrer les infirmières-auxiliaires dans ses rangs, pourtant sa raison d'être est de s'assurer d'une transmission d'informations, des connaissances pour que les infirmières des blocs opératoires donnent des soins sécuritaires aux patients. Il est important de noter qu'il s'agit d'une association volontaire (pour les infirmières de bloc) et qui a bon an mal an environ un peu plus de 200 membres sur une possibilité de 1600 infirmières (nombre décroissant depuis plusieurs années). Plutôt que de s’ouvrir au partage des tâches et de légitimer cette collaboration interprofessionnelle, elle s’entête à promouvoir le rôle essentiel des infirmières en salle d’opération. Chose que nous n’avons jamais remis en doute dans toute notre démarche.

Donc, depuis septembre 2009, les infirmières-auxiliaires pratiquent dans les blocs du CHUM en service interne et en service externe. Elles détiennent 30% des postes des blocs opératoires. Grâce à cette collaboration entre les infirmières et les infirmières-auxiliaires, nous n'avons plus de pénurie sur 2 des 3 sites et ce n'est qu'une question de mois pour que nous puissions fonctionner à plein (soit 28 salles de chirurgies quotidiennement). Les infirmières ne sont plus épuisées comme auparavant, elles font du temps supplémentaire volontaire (pas de temps supplémentaires obligatoires), elles ne font pratiquement plus de soirs ni de nuits, etc. Je suis sûr que si vous leur demandiez de revenir en arrière, elles vous diraient non...car maintenant elles peuvent se concentrer sur leurs tâches, compter sur de l'aide et assurer de rendre des soins sécuritaires aux patients. Il a beaucoup moins de tension interprofessionnelle avec les autres catégories de professionnels œuvrant dans les blocs opératoires car chacun peut procéder à son travail en sachant que l'équipe est là toute entière! Donc la collaboration interprofessionnelle et le partage des tâches c'est faisable, utile et viable mais pour que cela fonctionne, il faut que les acteurs connaissent les limites de leurs champs de pratique et qu'is soient à l'aise au sein de celle-ci. Notre travail nous a permis de trouver une nouvelle manière de faire, d’assurer un service de qualité et sécuritaire à la population tout en favorisant la rétention du personnel et une meilleure qualité de vie au travail. Que demander de plus?

 

Éric Tétreault

ENP-7328

Commentaires

  • Bravo, pour cette réalisation d'amélioration des processus. Cette expérience unique a permis, non sans heurt, d'apporter une collaboration interprofessionnelle efficace et efficiente. Notre réseau a besoin de telles initiatives novatrices. L'adoption en 2003 de la loi 90 modifiant le code des professions avait pour but un décloisonnement des champs de pratique de différents professionnels. Toutefois, la compréhension de cette loi et surtout son application entraîne encore après 7 ans des échanges interprofessionnels laborieux.
    Une des résistances au changement au niveau des réorganisations du travail, passe par la compréhension du rôle de chacun selon leur champ d'expertise.
    Sans l'application du Code des professions, du partage des activités réservées par la bonne personne au bon moment, nous serons encore à se demander comment nous en mesure de faire face à la pénurie de main-d'oeuvre.

    Lucie Dion
    2010-11-19
    Groupe ENP 7328

Les commentaires sont fermés.