Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pénurie d’infirmières : qu’en est-il réellement et comment en venir à bout?

Y a-t-il trop de cadres dans le réseau de santé du Québec ? Pourquoi a-t-on de la difficulté à y recruter le nombre nécessaire d’infirmières ? En fait, je crois qu’on peut relier ces deux questions en avançant l’hypothèse que si l’on embauche trop de cadres dans le réseau de santé du Québec, c’est en partie en raison de la pénurie d’infirmières. En effet, d’aucuns affirment que les effets négatifs de la rareté d’infirmières seraient probablement compensés, du moins en partie, par l’embauche de cadres effectuant des tâches à caractère clinico-administratif autrefois confiées au personnel infirmier. Cela permettrait au personnel clinique de se concentrer uniquement et entièrement sur leurs fonctions cliniques. Ceci dit, jusqu'à quel point la hausse sensible du nombre de cadres dans notre réseau de santé depuis quelques années pourrait être attribuable à la pénurie d’infirmières ? Difficile, bien sûr, de répondre spontanément à cette question… mais quel beau sujet de recherche ! Quoi qu’il en soit, la polémique entourant le nombre trop élevé de cadres dans le réseau, polémique reprise il y a quelques semaines par le Dr. Gaétan Barrette, constitue l’une des conséquences d’une problématique que nul n’oserait nier : le Québec doit composer depuis quelques années avec une pénurie d’infirmières. Qui plus est, il s’agit d’une tendance lourde puisque l’écart entre l’offre et la demande d’infirmières croît continuellement. Mais au-delà de ce fait généralement reconnu de tous, j’aimerais savoir ce qu’il en est exactement. D’abord, peut-on chiffrer la pénurie d’infirmières ?  Ensuite, cette pénurie est-elle généralisée dans tout le réseau de santé ou plutôt limitée à certaines régions du Québec ? Finalement, est-elle concentrée dans certains secteurs cliniques bien précis? Je crois qu’il importe d’obtenir réponse à ces questions puisque cela nous aidera à nuancer notre opinion par rapport à la question suivante : comment venir à bout de manière durable de la pénurie d’infirmières au Québec ?

 

1- À combien se chiffre la pénurie d’infirmières au Québec?

 

Selon les calculs du Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec[1], le recrutement nécessaire pour résorber complètement la pénurie d’infirmières se chiffrait à 1807 infirmières au 31 mars 2007.  On comptait alors 65 573 infirmières exerçant la profession au Québec en 2007. On peut donc estimer que le ratio « infirmières en pénurie versus infirmières actives » était d’environ 2.75% au Québec en 2007. D’autre part, certains chercheurs avancent que les chiffres du Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec surévaluent la pénurie d’infirmières. En effet, selon Laberge et Montmarquette[2], il suffirait « simplement » que toutes les infirmières actives du Québec travaillent le même nombre d’heures par année que leurs consœurs ontariennes (ce qui implique également le même nombre de journées de vacances et le même taux d’absentéisme qu’en Ontario) pour que le nombre d’infirmières à embaucher pour éliminer la pénurie passe de 1807 à 1277 au 31 mars 2007. Notre ratio  « infirmières en pénurie / infirmières actives » diminuerait alors à 1.95%. Conclusion : peu importe les méthodes de calculs utilisées, le taux de pénurie d’infirmières au Québec tournerait actuellement autour de 2 à 3%.

 

2- La pénurie est-elle généralisée dans tout le réseau de santé ou plutôt limitée à certaines régions du Québec ?

 

Toujours selon le Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec, les régions les plus touchées par le manque d’effectifs infirmiers en 2007 étaient Montréal (671 infirmières), la Montérégie (210), la Capitale-Nationale (142) et la Mauricie (108). Toutefois, le portrait diffère si l’on utilise notre ratio « infirmières en pénurie / infirmières actives » : le Nord-du-Québec (7.31%), la Maurice (4.54%), la Côte-Nord (4.44%) et la Gaspésie (4.11%) étaient les régions les plus durement touchées par la pénurie en 2007. À l’opposée, la Capitale-Nationale (1.61%), l’Estrie (1.75%), le Saguenay-Lac-St-Jean (1.77%) et Chaudière-Appalaches (1.77%) étaient les régions qui s’en tiraient le mieux pour combler les postes vacants d’infirmières.  Par ailleurs, les régions à proximité de Montréal (Montréal, Laval, Lanaudière, Laurentides et Montérégie) affichaient des taux se situant aux alentours de la moyenne du Québec de 2 à 3%.

 

Pour ce qui est de la situation par établissement de santé, le Québec comptait en 2007 une dizaine d’hôpitaux où la pénurie estimée était de quarante infirmières ou plus. Sans surprise, les cinq hôpitaux en tête de liste étaient situés à Montréal : le CHUM (121 infirmières), le CUSM (96), l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (66), le CHU Ste-Justine (65) et l’Hôpital général juif (53). On voit ici la relation positive évidente entre la taille d’un établissement et le nombre d’infirmières qui y sont en pénurie.

 

3- La pénurie est-elle limitée à certains secteurs cliniques ?

 

Il est faux de croire que le manque d’infirmières dans notre réseau de santé est un phénomène qui touche également tous les secteurs cliniques. Selon l’OIIQ[3], cinq domaines de pratique en particulier sont touchés par la pénurie d’effectifs en soins infirmiers, soient les soins critiques, les soins de première ligne dans la communauté, la santé mentale, les soins périopératoires ainsi que la prévention des infections.

 

Selon les données du 31 mars 2007, 22 224 infirmières exerçaient leur profession ce jour-là dans l’un de ces cinq secteurs, soit environ 30% des effectifs infirmiers totaux du Québec. Des raisons démographiques expliquent pourquoi ces secteurs sont plus affectés par la pénurie. Dans les domaines des soins de première ligne dans la communauté, de la santé mentale et des soins périopératoires, la moyenne d’âge des infirmières qui exercent la profession dépasse celle de l’ensemble des infirmières du Québec. Inversement, pour les soins critiques, la pénurie serait la conséquence d’un rajeunissement du personnel infirmier. Le défi à court terme pour ce domaine de pratique consistera à intégrer et à améliorer la rétention de cette main d’œuvre plus jeune que la moyenne québécoise, sans quoi il sera ardu de combler les postes disponibles. Finalement, on explique la pénurie d’infirmières spécialisées en prévention des infections par le fait qu’il s’agit d’un domaine qui occupe maintenant une place hautement prioritaire dans le système de santé québécois suite aux événements des dernières années tels que ceux liés au SRAS, au C. difficile ou à l’épisode de pandémie d’influenza H1N1.  

 

En conclusion : Comment venir à bout de manière durable de la pénurie d’infirmières au Québec ?

 

Je crois bien sûr que l’amélioration des conditions de travail de nos infirmières inciterait les jeunes à se tourner vers cette profession et limiterait le nombre d’infirmières qui, à bout de souffle, quittent le réseau de santé. Par contre, je ne pense pas que la solution réside simplement en des salaires plus élevés, en de meilleurs avantages sociaux ou en une hausse du nombre de journées de vacances annuelles. Il faut chercher les remèdes ailleurs.

                              

Premièrement, il semble exister une énorme différence entre la théorie enseignée au collège ou à l’université et la réalité des unités de soins. Un nombre très élevé d’étudiantes abandonnent leur programme d’étude avant d’obtenir leur diplôme ou délaissent la profession d’infirmière lors des premières années de pratique. Pour éliminer l’effet surprise de la « vraie vie », je pense qu’on doit mettre l’accent sur l’encadrement des nouvelles infirmières dans leur milieu de travail. Ces dernières se sentent souvent abandonnées, laissées à elles-mêmes dans leur nouvel environnement. Le recours systématique au mantorat permet d’éliminer ce sentiment d’abandon.

 

Aussi, le climat de travail est également un facteur qui influence grandement le taux de rétention des infirmières. Les hôpitaux qui veulent attirer et retenir des infirmières en nombre suffisant doivent leur permettre d’évoluer dans un milieu de travail stimulant et valorisant. Pour y arriver, il faut, par exemple, mettre à la disposition des infirmières un programme de formation continue, des locaux propres, de l’équipement médical adéquat, etc. Par-dessus tout, on doit s’assurer de la qualité des relations humaines, que ce soit avec les médecins, les gestionnaires ou l’ensemble du personnel clinique. Bref, il faut tout mettre en œuvre pour que les infirmières comprennent qu’elles ne sont pas considérées simplement comme du personnel de soutien aux soins. Démontrons-leur tout le respect qu’elles méritent !

 

Finalement, et contrairement à l’étude de Laberge et Montmarquette évoquée précédemment, je ne suis pas d’avis que l’adoption de règles qui viseraient à hausser le nombre d’heures travaillées par nos infirmières entraînerait une baisse de la pénurie. Au contraire, cela découragerait encore plus la pratique de la profession d’infirmière. En fait, les heures supplémentaires obligatoires sont un non sens, autant du point de vue de la valorisation de la pratique infirmière que de la sécurité des soins prodigués. À long terme, il faudrait que le recours au temps supplémentaire obligatoire devienne une mesure d’exception plutôt qu’une pratique établie pour palier au manque de personnel.

 

JFM

ENP-7328, jeudi PM,  automne 2010

Enjeux contemporains de gestion dans les organisations

des services de santé et de services sociaux



[1] Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec. (2008). Calcul de la pénurie d’infirmières par établissement au 31 mars 2007. Québec : Gouvernement du Québec.

[2] Mathieu Laberge et Claude Montmarquette. (2009). Portrait des conditions de pratique et de la pénurie des effectifs infirmiers au Québec. Centre universitaire de recherche en analyse des organisations.

[3] Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. (2007). Une nouvelle approche de planification des effectifs infirmiers : des choix à faire de toute urgence!

Commentaires

  • Jespere immigrer a canada je suis infirmiere Marocaine experience 3ans secteur prive vue le manque que connais ce pays plusieurs infirmiers marocains desirent immigrer au Canada

  • Vraiment pratique le dessin de votre blogging, nous l'aime beaucoup, l'avez-vous susciter vous même ?

Les commentaires sont fermés.