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Le ministre Paradis doit-il démisionner?

Au début du mois d’octobre, selon un article du journal La Presse paru le 2 octobre 2010, le ministre Christian Paradis a dû accepter la démission de l’un de ses adjoints qui serait intervenu à quelques reprises dans le traitement normal de demandes d’accès à l’information. Selon ce que la journaliste Malorie Beauchemin rapporte, lesdites interventions pourraient s’avérer illégales.

De ce fait, les trois chefs des partis de l’opposition réclament la démission du ministre Christian Paradis en vertu du principe de la responsabilité ministérielle. Plusieurs questions à ce sujet se posent. Tout d’abord,  selon ma compréhension de l’article en question, l’adjoint du ministre Paradis aurait posé ces gestes au moment où M. Paradis était ministre des Travaux publics, alors qu’aujourd’hui et ce, depuis le 19 janvier 2010, il est ministre des ressources naturelles. Est-ce que de ce fait, le ministre Paradis se dégage de toute responsabilité, puisqu’il n’est plus ministre des travaux public aujourd’hui? À cet égard, je crois que non, d’autant plus qu’à ce jour l’adjoint en question était toujours à l’emploi du cabinet du ministre Paradis. Une question additionnelle se pose à savoir si l’on doit maintenant faire une distinction entre la responsabilité ministérielle pour un ministre lorsque des gestes répréhensibles ont été posés par un employé de son cabinet ou un employé de son ministère? Je suis plutôt d’avis que l’on ne devrait pas y faire de distinction, puisque dans un cas comme dans l’autre ces employés relèvent du ministre et ce dernier doit s’assurer que ses employés agissent en conformité avec les lois applicables et en vigueur au Canada.

Quelques jours après le dévoilement des agissements de son adjoint, le ministre Paradis s’est défendu de ne pas avoir été mis au courant des interventions de son adjoint en question, qui aurait agi afin de compromettre le processus d’accès à l’information (La Presse, le 5 octobre 2010). Le ministre aurait même ajouté jamais n’avoir commandé ces interventions. À cet argument, je dois avouer que même si le ministre a probablement eu raison de faire savoir qu’il n’était pas au courant de ces faits, j’imagine qu’il ne croyait certainement pas qu’en avouant l’ignorance de ces faits, il se dégagerait du principe de la responsabilité ministérielle. Le principe veut justement que le ministre soit la personne responsable face à diverses institutions telles que la Chambre des communes, les commissions parlementaires etc. afin de répondre des actes de son ministère. Si un ministre ne se sent pas responsable des actes posés dans son ministère dont il n’est pas au courant, sa responsabilité en serait grandement diminuée. En effet, avec la taille des ministères à ce jour ainsi qu’en raison de leur spécialisation et de leur autonomie, il est à mon avis impossible qu’un ministre ait une connaissance profonde de toute les problématiques sur lesquelles il peut être questionnées. Il appartient pourtant au ministre de faire figure d’autorité et d’aller chercher toute l’information qui lui est manquante pour répondre des actes de son ministère et en prendre la responsabilité.

Certains auteurs (Tremblay, 1997, p.115-116, Bourgault, Demers, Williams, 1997, p.33-34) prétendent que la responsabilité ministérielle a certaines limites dans le sens où les ministres ont tendance à démissionner seulement s’ils ont eux-mêmes commis une erreur. Si l’on se base sur cette tendance concernant la situation qui nous occupe, le ministre Paradis ne serait probablement pas porté à démissionner, puisqu’il a indiqué ne pas avoir été mis au courant des agissements de son adjoint politique.

Or, quelques jours plus tard, suite aux allégations initiales précédemment décrites, il a été révélé que non seulement un employé du ministre Paradis aurait interféré dans le processus de demandes d’accès à l’information, mais bien deux autres employés du cabinet du ministre Paradis auraient adopté le même genre de comportement face à ces demandes, qui pourrait également s’avérer illégal (La Presse, le 6 octobre 2010). Ces allégations soulèvent maintenant de nombreuses questions concernant le processus suivi lors de demandes d’accès à l’information considérant le fait que les pratiques alléguées aient été plus étendues et qu’elles aient potentiellement fait l’objet de discussions et de consensus parmi au moins trois employés du ministre. Dans ce même article, il est également rapporté que le ministre a coopéré avec la commissaire à l’information qui enquête présentement sur cette affaire.

On présume en effet que le ministre tente de dissiper tout doute quant à sa conduite dans cette affaire en offrant sa pleine collaboration à l’enquête présentement en cours. Maintenant, suite à la révélation de ces nouvelles informations, est-ce que le ministre Paradis devrait démissionner en vertu du principe de la responsabilité ministérielle? Mercier donne la définition suivante du principe de la responsabilité ministérielle :

« Ce principe, (…) suppose que le ministre connaisse en détail toutes les actions de son ministère; il est donc responsable des actions de ses fonctionnaires vis-à-vis du monde extérieur. Ce principe, qui maintient généralement les fonctionnaires dans une situation d’anonymat, renforce le caractère hiérarchique de leurs relations avec le ministre. (2002, p. 294) »

Compte tenu de cette définition et compte tenu du fait que les articles de La Presse du 2 et du 6 octobre 2010 rappelle que le premier ministre avait au printemps dernier fait circuler une directive à l’effet que dorénavant ce serait les différents ministres qui se présenteraient devant les divers comités de la chambre des communes au lieu de leurs adjoints et employés de cabinet en vertu du principe de la responsabilité ministérielle, il semble difficile à concevoir que le ministre ne prenne pas maintenant la responsabilité des actes dont il est question. En effet, l’on ne peut appliquer ce principe, lorsqu’il est favorable au gouvernement pour certaines situations et l’ignorer dans des situations plus délicates. Quelqu’un doit prendre la responsabilité et répondre de ces actes face au monde extérieur et en vertu du principe de la responsabilité ministérielle, cette personne est le ministre. Malheureusement, ce principe ne fait pas de distinction dans quelle situation il s’applique. Il doit en effet s’appliquer devant toutes et chacune des institutions et face au monde extérieur. Si les adjoints et employés des ministres ne se présentent plus devant les divers comités et que seuls les ministres sont redevables des actes de leur ministère respectif, ce principe doit s’appliquer devant tous les forums et face à toutes les situations sans exception.

À tout évènement, j’ajouterai tout de même qu’il sera fort intéressant de connaître les conclusions de l’enquête de la commissaire à l’information prochainement.

 

Par: Candidate 101

 

Références :

BEAUCHEMIN, Malorie (2010). « L’opposition réclame la démission du ministre Paradis », La Presse, 2 octobre, p. A25.

LA PRESSE CANADIENNE (2010). « Christian Paradis ignorait les intervention de son conseiller », La Presse, 5 octobre, p. A10.

BEAUCHEMIN, Malorie (2010). « La grogne s’accentue envers Paradis », La Presse, 6 octobre, p. A18.

TREMBLAY, Pierre P. (1997). « L’état administrateur, modes et émergences », Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 423 pages.

BOURGAULT, Jacques, DEMERS, Maurice, WILLIAMS, Cynthia (1997). « Administration publique et management public – Expériences canadiennes », Québec, Les publications du Québec, 440 pages.

MERCIER, Jean (2002). « L’administration publique : De l’école classique au nouveau management public », Sainte-Foy, Les Presses de l’université Laval, 518 pages.

 

 

 

 

 

 

 

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