Le Chômage des Maghrébins Immigrants au Québec
Le sujet dont je veux traiter, et celui du chômage des Maghrébins immigrants au Québec. Pourquoi ce sujet ? Pourquoi pas. Certains diront « elle doit être immigrante et maghrébine » c’est absolument vrai. Cependant, ce n’est pas la seule raison. C’est aussi parce que je pensais avoir fuit l’hypocrisie politique de mon pays d’origine, mais je me rends compte que même dans les démocraties occidentales on n’est pas moins hypocrite. Commençons par le commencement :
Un petit rappel historique :
Jusqu’aux années 1980, les immigrants qui arrivent au canada sont majoritairement d’origine européenne, dès le XIX siècles, certains immigrants viennent d’ailleurs, comme par exemple les Chinois, les Grecs et les Juifs. Jusqu’aux années 1960 les politiques d’immigration restreignaient la possibilité d’immigration au Canada aux personnes de race européenne exclusivement. (Choix, IRPP vol.15, n°3, mars 2009).
Ce n’est qu’en 1962 qu’on abolit la politique d’immigration fondée sur la race et l’introduction en 1967 de critères objectifs dans le processus de sélection des immigrants (Choix, IRPP vol.15, n°3, mars 2009).
Quelques chiffres :
Statistiques Canada, au cours du recensement de 2006, avait compté 200 origines ethniques différentes. Les canadiens d’origine maghrébine notamment marocaine et algérienne, représentaient respectivement 0.49% et 0.34% de la population québécoise. Par ailleurs, 82.2% de marocains et 89.6% des algériens résident à Québec. (Choix, IRPP vol.15, n°3, mars 2009).
Toujours selon Statistiques Canada, on constate une augmentation relative des admissions (CSQ) au Québec de marocains et d’algériens[1] que je récapitule dans le tableau ci-dessous :
Pays |
1969 |
1989 |
1999 |
2008 |
Maroc |
492 |
1031 |
1538 |
3579 |
Algérie |
158 |
430 |
2006 |
3670 |
De plus, en 2001 le Maroc se classait au 10e rang des principaux pays d’origine de l’immigration au Québec alors que l’Algérie occupait le 12e rang, selon le site du Ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration (MRCI). En 2008, ils occupaient respectivement le 3e et le 1e rang.
Le recensement de 2001, effectué par Statistiques Canada, montrait que 97.6% des Marocains et 98.5% des Algériens, qui résident au Québec parlent français. 60.5% de Marocains et 50.1% des Algériens affirmaient parler les deux langues officielles du pays. Toujours en 2001, 29.9% de Marocains et 50.1% d’Algériens âgés de 15 ans et plus détenaient un diplôme universitaire. Un taux beaucoup plus élevé que celui que l’on observe dans la population québécoise en générale, 14% ou même, dans la population immigrante dans son ensemble 21.8%.
Malgré toutes ces données sur la connaissance de la langue et le niveau d’étude, le taux de chômage chez les Marocains est de 17.5% et il est de 27.2% chez les Algériens, en 2001. La moyenne de chômage dans la province du Québec est de 8.2% !
Pour les Marocains et les Algériens établis au Québec depuis moins de cinq ans les taux respectifs sont de 33.6% et 35.4%[2].
Sachant que, parmi les critères de sélection établis par le Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC) figure en premier plan, le niveau d’étude et la connaissance de la langue française. En plus du nombre d’années d’expérience. Alors comment expliquer que les immigrants maghrébins au Québec éprouvent de grandes difficultés pour intégrer le marché de l’emploi québécois et pourquoi ils sont défavorisés par rapport aux immigrants en général ?
Si les immigrants du Maghreb « ne font pas l’affaire du Québec » pourquoi alors le Canada et le Québec organisent-ils des activités promotionnelles à l’étranger dont l’objectif est d’attirer les personnes qui répondent aux critères recherchées pour migrer vers le Québec ? À travers, ces séances, à travers la documentation et les medias, on décrit le Canada et le Québec comme des sociétés dont le niveau de vie est élevé, où l’activité économique est prospère, qui sont respectueuses de leurs citoyens, et ouvertes à l’immigration, et qui valorisent la diversité culturelle et le dialogue multiculturel.
Pour ces immigrants, une foi sur place la réalité est toute autre !
Les obstacles à l’embauche :
· La méconnaissance de l’anglais ;
· Les difficultés à faire reconnaitre les diplômes et les titres de compétences acquis hors du Québec et notamment s’ils ont été obtenus dans les pays dits en développement,
· Ou encore si la reconnaissance de ces diplômes est réglementée par un ordre professionnel,
· L’absence de la reconnaissance, par les employeurs, des expériences de travail acquises à l’étranger et le manque d’expérience de travail au canada,
· La pratique de recrutement des entreprises de bouche à l’oreille,
· Comme la région d’origine semble le seul critère qui rend l’accès à un emploi qualifié plus difficile pour certains groupes, de nombreux chercheurs affirment qu’il existe une discrimination à l’égard des maghrébins. Le MICC émet aussi cette hypothèse.
· Les chercheurs s’entendent également pour dire que les événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont induit le Québec dans un climat propice au renforcement de pratiques discriminatoires envers les Arabo-musulmans (Girard-Hurtbuise 2002 ; Helly2004 ; Vatz Lararoussi 2002).
Voilà les conséquences :
· Les immigrants maghrébins sont plus pauvres que tous les autres. En effet, afin d’évaluer la pauvreté Statistiques Canada privilégie les mesures statistiques de « seuil de faible revenu » et de « mesure de faible revenu » qui établissent le seuil en deçà duquel un ménage doit affecter à des besoins essentiels, comme se nourrir, se loger, se vêtir, une portion importante de ses revenus 20% ou plus et supérieur à la moyenne nationale (Giles 2004). En 2004, c’était le cas de 21,5% des immigrants récents, comparativement à 9.3% pour les canadiens nés au pays (Fleury 2007). Parmi ces immigrants récents, le groupe le plus à risque était celui des Arabes avec 34%, devant les Asiatiques 29.4% et les Noirs 19.9%. (Choix, IRPP vol.15, n°3, mars 2009).
· Comme il en ressort du rapport Bouchard-Taylor ; des ingénieurs ou des architectes devenus chauffeurs de taxi, des avocats commis, des juges terrassiers, des enseignants plongeurs ou livreurs. Ces personnes affirment s’en trouver très humiliés, gênés qu’ils soient dépendants de l’aide sociale, alors que leurs antécédents professionnels les avaient préparés à être des citoyens autonomes et responsables. Ce déclassement entraîne souvent des tensions, des ruptures familiales et des problèmes de santé psychologique.
· Le Québec, perd « ses immigrants ». En effet, il y une proportion qui migre vers d’autres provinces (Ontario, Alberta, Colombie-Britannique) –comme le confirme une étude du groupe CIRANO selon laquelle « ces immigrants ont deux fois plus de mal à se trouver du travail au Québec que dans les autres provinces- une autre proportion, « écœurée » refait ses valises et rentre chez elle, ou encore d’autres familles se redirigent vers les Etats-Unis.
Il est beau le rêve Américain! ….
Personnellement ce qui me dérange c’est le silence qui rode autour de ce sujet, certes on peut lire rarement des articles de journaux par ci, par là. Mais on ne voit pas d’actions véritablement mises en application. Ni de la part du gouvernement, ni de la part des employeurs. La situation ne s’améliore pas, je pense même que les choses s’empirent, dans la mesure où : Même après avoir suivi des cours ici au Québec, souvent après avoir refait tout un cursus de cours entier, parfois même après s’être complètement réorienté- je connais des femmes qui étaient enseignantes chez elles se sont réorientées vers des études d’infirmières, des médecins devenus techniciens de laboratoires, et la liste est longue …mais qui sont toujours à la recherche d’emploi. Et quand ils s’en trouvent, ils sont sous-payés par rapport à leurs pairs.
Des discours politiques dieu sait que j’en ai entendu depuis que je suis à Montréal, cependant, je n’ai pas entendu, ne serai-ce qu’une seule fois un responsable, un candidat, un membre de parti politique, évoquer les problèmes et surtout les solutions à poser pour améliorer la situation socio-économique des immigrants maghrébins du Québec. «En 1981, le ministre Gérald Godin voulait faire passer la représentation des minorités dans l'appareil public de 1,9% à 9% pour l'année 1986. En ce moment, ce chiffre n'atteint que 3%» (Olivier Bourque, LAPRESSEAFFAIRES.COM).
Nous sommes en 2010 ! 29 ans après on n’a pas réussi à atteindre le taux fixé, à mon avis ça veut dire beaucoup de choses…
Je finirai mon article par une citation « I have a dream » du grand M. Martin Luther King, je rêve qu’un jour il y aura les mêmes chances d’emploi, de respect, de dignité, qu’on soit né Lapierre, Villeneuve…ou encore Mohamed, Samira, Chérif….!