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L’indépendance de la justice : mythe ou réalité ?

Écrit par Mamadou FANE, groupe du lundi soir

Il y a quelques jours, la nomination des juges défraie la chronique au Québec. En fait, en dépit de la mise en place d’une commission d’enquête sur le processus de nomination des juges au Québec, nous assistons à un tiraillement entre le Premier Ministre Jean Charest et son ancien ministre de la Justice Jean Marc Bellemare.

En effet, Mr Bellemare reproche à Mr Charest d’intervenir directement dans la désignation des juges à nommer, tandis que le premier ministre croit pouvoir intervenir dans le processus en vertu d’un règlement en la matière.

Dans tous les cas, ce spectacle importe peu pour moi car ma préoccupation est de savoir si cette ingérence du plus haut sommet de la hiérarchie dans le processus de nomination en question n’affecte pas la transparence et par ricochet l’indépendance des juges au Québec.

Avant de donner mon opinion sur la question, il sied au préalable de connaître le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs. Selon ce principe, il existe trois pouvoirs à savoir : le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.  Cette division classique confère à chacun d’eux une mission particulière. Dans la même logique, ce principe prévoit que chaque pouvoir conserve son autonomie, son indépendance ; il ne doit pas y avoir interférence dans le domaine d’autrui. Par exemple, les juges ne doivent faire l’objet d’aucune pression ; de surcroît ils doivent pouvoir décider en toute indépendance quand ils sont saisis d’une affaire.

Certes, la loi constitutionnelle du Québec prévoit cette identification classique des trois pouvoirs. Toutefois, est-ce que dans la pratique cette indépendance des juges est une réalité compte tenu des pratiques qui accompagnent la nomination de ces juges au Québec ?

En réponse à cette question, je dirai qu’un juge ne sera jamais indépendant dans un pays où sa nomination fait intervenir le pouvoir exécutif jusqu’au haut sommet.

Prenons l’exemple d’un juge qui a été nommé suivant recommandation du Premier Ministre. Si ce juge est saisit d’une affaire dans laquelle le Premier Ministre intervient pour une partie, celui-ci fera tout pour déclarer ce protégé du Premier Ministre gagnant de ce procès. Il le fera soit par devoir moral soit par crainte de perdre sa place. Ce faisant, on peut conclure que ce juge, en espèce, n’a pas jouit de son indépendance pour décider en son âme et conscience.

Comme solution à ce problème, je propose que le choix des juges à nommer soit exclusivement reconnu  à la commission d’enquête sur le processus de nomination des juges. Toutefois, le ministre de la justice doit être membre de ladite commission. Ce qui sera un gage d’une magistrature indépendante et impartiale pour le Québec.

Du reste, à l’état actuel des choses, l’interventionnisme du pouvoir exécutif dans le processus de nomination des juges au Québec ne signifie-t-il pas abus de pouvoir ?      

 

Commentaires

  • À lire avec grand intérêt. Proftrudel

  • Malheureusement, il n'y a pas de système parfait. La Presse (samedi, 2 octobre) publiait récemment un article sur les élections des juges en Ohio aux États-Unis et là, vraiment il y a des risques de partialité des juges. En effet, des sommes importantes pour les élections sont investies par les partis politiques, eux-mêmes financés par des entreprises privées qui se retrouveront tantôt devant ces mêmes magistrats.

    Dans le cas du Québec, les nominations partisanes servent au plus à remercier une personne morale ou physique pour avoir supporté le parti. Rares sont les dossiers en cour du Québec qui impliqueront des intérêts politiques. En effet, il faut se rappeler que la Cour du Québec comporte trois chambres: criminelle, civile et protection de la jeunesse. La juridiction de la chambre civile se limite à des causes dont l'objet du litige est inférieur à 70 000$. C'est la Cour supérieure qui brasse les grosses affaires!

    À l'issue de la Commission la confiance du public dans ses institutions judiciaires aura été d'ébranlée et c'est là une situation périlleuse pour les justiciables pour qui non seulement justice doit être rendue mais aussi paraître être rendue. L'apparence d'impartialité est aussi importante que la chose elle-même.

    Il faut lire les recommandations du Barreau qui apparaissent à son mémoire intitulé "Préserver la confiance" que l'on peut lire sur son site internet: http://www.barreau.qc.ca/actualites-medias/index.html. Parmi celles-ci, on retrouve la création d'un organisme indépendant pour la sélection des candidats et un processus plus rigoureux pour la nomination, soit la proposition d'un nom et la mise sous scellé du nom de deux autres candidats, au cas ou l'élu ne passe pas les tests de vérifications (casier judiciaire, dossier de discipline du Barreau etc.). En espérant qu'elles seront retenues et mises en application....

    Pascale Berardino

  • Malgré le fait que la commission Bastarache soulève de nombreuses questions et a malheureusement eu pour conséquence d'ébranler la confiance du public dans notre système judiciaire, je crois qu'il faut tout de même être prudent et ne pas sous-estimer le sens du devoir de notre magistrature actuelle.

    En effet, il ne faut pas oublier que, tel qu'il l'a été décrit à la commission Bastarache, un comité de sélection établi, en premier lieu, la liste d'avocats étant éligibles à une future nomination en tant que juge. Ces candidats ont donc réussi différentes étapes de sélection, ce qui fait que l’on peut conclure qu’ils sont compétents et qu’ils ont acquis, au cours de leur carrière, la notoriété nécessaire afin d’occuper éventuellement un tel poste.

    En conséquence, je crois qu’il est erroné de sauter à la conclusion qu’un juge nommé à la magistrature et dont la nomination a été appuyée par le premier ministre, sera automatiquement tenté de rendre une décision favorable à ce premier ministre qui a appuyé sa candidature, son gouvernement ou autre. Nos juges sont qualifiés et ils prennent très au sérieux leurs responsabilités ainsi que le principe de l’indépendance judiciaire. Ce principe est fondamental pour pallier aux situations énumérées précédemment. Il faut considérer à cet égard, selon le principe de l’indépendance judiciaire, qu’un juge ne peut être destitué de son poste à moins de motifs graves pour justement assurer aux juges la liberté et l’indépendance nécessaire afin qu’ils puissent rendre leurs jugements sans crainte de représailles. Pour plus d’information à ce sujet, je vous réfère à une publication sur le site web de la Cour du Québec intitulé « Être juge à la Cour du Québec » (Cour du Québec, page consultée le 21 octobre 2010) au lien suivant :

    http://www.tribunaux.qc.ca/c-quebec/CommuniquesDocumentation/depliant_etre_juge.html

    Malgré ma confiance en la magistrature, je suis tout à fait consciente que certains gestes devront être posés afin de rétablir la confiance en général du public dans notre système de justice, mais cela passe à mon avis par la diminution de l’intervention du politique dans le processus (notamment celle du premier ministre) et non pas en remettant en question l’intégrité de la magistrature.

    Référence:

    COUR DU QUÉBEC (Page consultée le 21 octobre 2010). « Être juge à la Cour du Québec », dans Juges, [enligne], http://www.tribunaux.qc.ca/c-quebec/CommuniquesDocumentation/depliant_etre_juge.html

  • Je suis d'accord sur trois faits : (1) La confiance du public semble sérieusement ébranlée, autant envers le système de justice (malheureusement), autant envers le parti au pouvoir (ça c'est beaucoup moins grave !), (2) Le politique ne devrait effectivement aucunement intervenir dans le processus de nomination des juges, peu importe le parti (ça ne devrait avoir aucun espèce de lien que ce soit !) et (3) malgré tout ce qui se passe, avec tous les serments prêtés et le sérieux que constituent les postes de juges, l'impartialité n'est pas ébranlée et le pouvoir judiciaire est préservé et ça, c'est à cause de la haute compétence et de la qualité des invididus qui composent la magistrature (aucun doute là-dessus !).

    Sachez que ce qui est le plus triste dans toute cette histoire, peu importe le résultat qui en ressortira, c'est que les juges prennent leur retraite et qu'actuellement AUCUNE nomination de juge ne se fait. Il y a des trous, des postes vacants à plusieurs endroits et c'est là où l'inaction "frileuse" du politique est dommageable. Des parents attendent désespérément des décisions d'adoption mais faute de juges, les causes sont mises au rôles dans plusieurs mois ou années. Des juges coordonnateurs et coordonnateurs-adjoints (qui doivent habituellement se concentrer à orchestrer les mises au rôles, fixer des priorités et tenter de réduire les délais, etc.) doivent se consacrer à entendre des causes pour remplacer des juges manquants ! Les conséquences, elles sont là et on le voit au quotidien. La population frustrée ou découragée, les dossiers avancent moins vite, etc.
    Qu'ils en finissent avec cette Commission, qu'ils en finissent de dilapider nos fonds publics pour "sauver leur honneur" et qu'on nomme les juges qui se sont qualifiés dans les processus pour faire avancer le règlement des vrais problèmes ! Dénominalisez les CV, faites des entrevues à visage caché, mais nommez-les ! Ils sont compétents.

  • Plus saints que le mot!
    La commission Bastarache nous aura, en fin de compte, coûté beaucoup d'argent et d'énergie pour accoucher d'une souris! Le problème avec le Québec c'est que nous nous croyons plus propres que le mot. Il ne faut pas oublier qu'à compétence égale, la nature humaine voudrait que l'on penche pour une personne que l'on connaît ou qui se trouve dans notre entourage immédiat. Avez-vous déjà entendu parler de Références?
    Je vous accorde le fait que pour une institution aussi précieuse que le pouvoir judiciaire, la société devrait prendre des mésures pour garantir sa neutralité. Mais il ne demeure pas moins que nous sommes avant tout des humains et comme tel, nous ne sommes pas à l'abri de certaines préférences.
    Le problème avec M. Charest et M. Bellemare, c'est qu'ils ont voulu régler leurs différends sur sur la place publique. Il est à mon avis tout à fait justifié que le premier ministre ait un droit de regard sur les nomminations aux hautes fonctions de l'État. Ne perdons pas de vue que selon le modèle britannique que nous reproduisons en tant que société, il n'existe en réalité qu'un ministre en l'occurence le premier minsitre. C'est ce dernier qui délègue aux autres membres de son cabinet le mandat qui, en réalité, est le sien. D'où vient-il que cela pose un problème qu'il exerce un droit de regard; je dis bien droit de regard et non pression!
    Par contre, M. Charest semble avoir la manie de composer avec le syllogisme:"Celui qui n'est pas avec moi est contre moi". Il n'est que d'en juger par sa manière cavalière de punir le député de Brome-missisquoi; Pierre Paradis!
    Nous pourons scpéculer comme bien nous semble, il ne demeure pas moins qu'au Québec, nous avons un des sytèmes judiciaires qui fonctionnent bien au monde.
    Alors, plutôt que de passer le temps à discréditer nos institutions, nous devrions au contraire nous sentir privilégiés de vivre sur un coin de la planète où la démocratie, tant bien que mal, fonctionne.
    Si Marc Bellemare s'offusque de l'intervention du premier ministre, à mon avis, il n'a rien compris à la politique. Si Jean Charest prétend ne jamais avoir exercé de pression sur certains de ses collaborateurs pour des dossiers délicats, c'est un sacré m.... Et la fin, on s'étonne qu'un magazine comme Mc lean's mousse ses ventes sur une supposée corruption du Québec.
    Je vous laisse sur deux pensée: à Charest et Bellemanre; "Les linges sales se lavent en famille."
    Et à tous: La main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit"

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