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"Aplaventrisme..."

Dans la chronique « Les remèdes de Dr. Mintzberg » (La Presse, 4 octobre 2010), on demande à ce « Rock Star » du domaine de la gestion « comment régler les problèmes de gestion en santé » .   Il répond entre autres que « les organisations ont besoin de créer un esprit de communauté. Le leadership doit émaner de la communauté. Sans cela, chacun agira selon ses propres intérêts sans se préoccuper de l'amélioration de l'ensemble de l'organisation » et qu’il y a « beaucoup de bureaucratisme. Beaucoup d'affrontements. Des enjeux complexes. Et des réorganisations au bout desquelles des patients en prennent pour leur rhume et des travailleurs de la santé se retrouvent démotivés ».

C’est exactement ce qui arrive, depuis longtemps déjà : les travailleurs de la santé sont complètement écœurés, et les patients toujours pénalisés. Comment donc est-ce possible de créer « un esprit de communauté » et de faire embarquer le personnel dans la réorganisation quand ces derniers sont surchargés et dernièrement insécurisés par rapport à leur emploi ?

Les coupures dans les budgets : ce n’était pas supposé atteindre les services reliés directement à la clientèle. Entre les déficits à récupérer des CSSS et les compressions budgétaires, elles les ont très vite atteints. Des infirmières, infirmières auxiliaires et d’autres travailleurs/professionnels ! On répond au niveau des CSSS que c’est impossible de respecter les limites imposées d’une autre manière.  

Mais c’est absurde, complètement absurde quand on était déjà à court en ressources humaines. N’est-ce pas que cet enjeu est supposé être un des plus grands enjeux contemporains de la gestion dans le système de santé : la pénurie de la main d’œuvre et sa démotivation ? On ne prend pas du tout cela en considération : le premier reflexe, c’est couper là-dedans !

Dans mon entourage, un poste permanent à temps partiel en physiothérapie dans les soins à domicile a été coupé : un poste de 2 jours initialement, mais réellement, la physiothérapeute en question travaillait 4 jours par semaine, et ce depuis 11 ans(!), à aider et dépanner par ci et par là, tellement le besoin est présent. Est-ce que les gestionnaires se sont fiés sur quelques chiffres et statistiques peu pertinents, qui ne reflètent en rien la réalité ? Sur quoi se sont-ils basés pour couper ce poste ? 

Cette coupure est tellement absurde d’autant plus que les physiothérapeutes expérimentés ne courent pas vraiment les rues de nos jours, et surtout que ce même CSSS paye des sommes énormes, année après année, pour des physiothérapeutes d’agences (fraichement gradués= non rodés), pour combler le manque en professionnels, pour diminuer les listes d’attente et pour répondre aux besoins de la population dans des délais acceptables (principe d’accessibilité qu’on essayait de respecter ici !), et ce parce qu’ils affichent les postes, mais trouvent rarement preneur, à cause de la pénurie ! Sans mentionner la difficulté de trouver des remplaçants quand les physiothérapeutes du réseau prennent des vacances ou sont en maladie. Beaucoup de fois on est resté sans remplacement, à se débrouiller autant que possible, en se surmenant et en travaillant des heures supplémentaires pour pouvoir répondre aux besoins essentiels des patients.

Des histoires comme ça et même pire, il y en a beaucoup. On lit des comme ça tous les jours dans les journaux. Et on se demande pourquoi les travailleurs de la santé tombent en burn-out. Ah ! Tiens ! Burn-out = besoin de trouver un remplaçant= ne pas en trouver (car on vient juste de congédier l’employé du réseau qui aurait pu nous dépanner sans dépenses en sus) = payer un personnel de l’agence= dépenser doublement de l’argent.

Ça c’est vraiment avoir une bonne vision à court/moyen/long terme !

J’ai été vraiment outrée, comme beaucoup d’autres, à la sortie à la une de La Presse, (28 Septembre 2010), de l’article sur le nombre de cadres et d’agents administratifs dans le réseau de la santé au Québec.  Selon cet article, depuis 2000, le personnel administratif a crû de 52%, les cadres de 30% et le personnel soignant de 6,2%.

Vrai ou faux, ratio de 1 pour 1 ou pas, le problème n’est pas dans l’exactitude des chiffres, ni dans l’explosion du nombre du personnel administratif et cadres ; le problème est dans le principe : la population vieillit, les cas s’alourdissent, le nombre de patients augmente, les besoins en soins augmentent. Et cet enjeu là n’est pas momentané, cet enjeu est là pour rester ; cette situation va en augmentant, en empirant : comment ça se fait-il alors qu’on  coupe aujourd’hui dans les postes du personnel soignant, quand leur nombre a à peine augmenté de 6% depuis 10 ans !

Ironiquement, c’est l’argent des contribuables dont on dispose, et c’est eux qui sont toujours pénalisés ; en diminuant le nombre du personnel soignant, on oblige indirectement les travailleurs qui restent à diminuer l’offre de services pour pouvoir répondre au même nombre de demandes.

 

Combien peut-on encore pousser le personnel à faire plus avec moins ?

Combien peut-on encore tirer sur cet élastique avant que ça ne casse ?

Pourquoi perdre le peu de bien et de bon qui nous reste en prenant des actions pareilles ?

Le président de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, David Levine, a lui-même assuré « qu'aucun service à la population ne sera retranché et que seules les dépenses administratives seront touchées par la loi 100 ». D’où vient alors ce mouvement de coupure dans le personnel soignant ? Les cadres dans les CSSS, qui sont plus proche du terrain que le gouvernement, doivent savoir ce que ça engendre de couper encore à ce niveau (ou pas ! il parait qu’une certaine DG d’un certain CSSS a dit haut et fort que ce n’est pas grave de couper dans le personnel de nuit des résidences, car les patients dorment la nuit!!)

Pourquoi est-ce qu’on pratique cet « aplaventrisme » devant le gouvernement ? S’empresser de couper-à tort et à travers-pour satisfaire la commande gouvernementale.

Qu’est-ce qui arriverait si TOUS les directeurs des CSSS, après avoir fait leur possible dans les coupures administratives et la réorganisation, prennent alors position et rapportent que le maximum possible ait été fait et qu’il n’y a plus moyen de couper sans pénaliser la population déjà-très-pénalisée-depuis-belle-lurette? Quel est le pire qui pourrait arriver ?

 

P.S : Après avoir écris ce blog, j’ai trouvé cet article dans La Presse, « Un CSSS fait fi des compressions » (15 juin 2010). Quelques extraits :

« Dans une lettre envoyée au ministère de la Santé, le DG du CSSS Lucille-Teasdale, Gary Furlong, écrit que les cibles de compressions budgétaires ne peuvent être atteintes sans avoir un impact sur les services à la clientèle et c'est illusoire et malhonnête de dire autrement».

« De son côté, M. Tricot du CSSS Lucille-Teasdale espère que d'autres CSSS de l'île suivront la décision de boycotter les compressions budgétaires ».

«Pour les CSSS, les baisses demandées en frais de formation sont environ 50 % plus élevées que prévu, affirme Mme Massicotte, DG adjointe de l’ASSS. C'est pourquoi certains établissements craignent de ne pouvoir respecter cette cible sans sabrer les services à la population ».

 

Aline Germanos ENP7328

Commentaires

  • La frustration règne au sein du réseau de la santé, à tous les niveaux.
    Les critiques fusent: "quelle idiotie de couper tel poste!...Que les intervenants sont bornés et rigides, ils ne veulent pas s'adapter, ils résistent à tous changements!"
    En entendant cela, je partage l'avis de Mintzberg:
    « Il faut respecter les professionnels. Mais les professionnels doivent aussi respecter les gestionnaires" (La Presse, 4 octobre 2010)
    Arrêtons de chercher LE Coupable de tous nos maux!
    Travaillons plutôt ensemble à améliorer la situation.

  • À lire avec grand intérêt. Proftrudel

  • L'implantation partielle de la gestion par résultats (GPR) dans les CSSS est en grande partie responsable des irritants et frustrations que vous mentionnez.

    En effet, la GPR présume une plus grande responsabilisation des acteurs de la base dans l'organisation du travail et dans la prise de décision, ce qui n'est évidemment pas le cas dans la situation présente où la commande vient directement d'une loi.

    La loi définit non seulement les sommes à couper, mais où exactement elles doivent être coupées. On fait miroiter une plus grande responsabilité aux établissement, donc une plus grande autonomie de gestion, mais c'est sur papier seulement. Lorsque vient le temps de boucler le budget, on impose par le haut, ce qui est contraire à l'esprit de la GPR.

    C'est malheureusement ce genre de comportement qui rend la GPR si impopulaire aux yeux du personnel sur le terrain, alors qu'on ne lui a même pas réellement permis de remplir ses promesses. Il y a ici une contradiction nette entre deux politiques du gouvernement : la loi sur l’administration publique et la loi 100.

    Les directeurs généraux des CSSS, contraints par la loi, n’y peuvent pas grand-chose, sinon que de faire comme monsieur Furlong et informer les élus des impacts des politiques budgétaires votées à l’Assemblée nationale.

  • L'implantation partielle de la gestion par résultats (GPR) dans les CSSS est en grande partie responsable des irritants et frustrations que vous mentionnez.

    En effet, la GPR présume une plus grande responsabilisation des acteurs de la base dans l'organisation du travail et dans la prise de décision, ce qui n'est évidemment pas le cas dans la situation présente où la commande vient directement d'une loi.

    La loi définit non seulement les sommes à couper, mais où exactement elles doivent être coupées. On fait miroiter une plus grande responsabilité aux établissement, donc une plus grande autonomie de gestion, mais c'est sur papier seulement. Lorsque vient le temps de boucler le budget, on impose par le haut, ce qui est contraire à l'esprit de la GPR.

    C'est malheureusement ce genre de comportement qui rend la GPR si impopulaire aux yeux du personnel sur le terrain, alors qu'on ne lui a même pas réellement permis de remplir ses promesses. Il y a ici une contradiction nette entre deux politiques du gouvernement : la loi sur l’administration publique et la loi 100.

    Les directeurs généraux des CSSS, contraints par la loi, n’y peuvent pas grand-chose, sinon que de faire comme monsieur Furlong et informer les élus des impacts des politiques budgétaires votées à l’Assemblée nationale.

  • C'est la 2e fois que je lis votre blogue et celà me fait toujours aussi mal! C'est vrai que les travailleurs de la santé sont "royalement" écoeurés et que ce sont toujours les patients qui écopent. Et surtout, surtout, que ça ne devait pas toucher les patients...c'est exactement le contraire que l'on vit. J'aime profondément ma profession et les patients me tiennent à coeur, c'est ce qui me désole le plus dans le contexte actuel. La démotivation et la pénurie de personnel; qu'est-ce qu'on en fait?

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