Les médias et la commission Charbonneau
À l’aube du dépôt du rapport de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction communément appelée Commission Charbonneau, il est de mise de se poser des questions sur la suite des choses. Créée en octobre 2011, après des pressions soutenues sur le gouvernement libéral de Jean Charest, la Commissions a reçu plus de de 1400 personnes et tenu 261 jours d’audience selon la juge Charbonneau dans allocution de clôture, le 14 novembre 2014.
Quatre années plus tard, on peut dire que la commission Charbonneau a été un exemple parfait de l’influence des médias dans la perception de la population sur des dossiers d’envergure. La sortie du rapport final de la commission en a déçu plus et selon moi, a été à bien des égards, interprété comme un gros pétard mouillé ! Aucune accusation, aucun blâme individuel, simplement une multitude de recommandations pour éviter, entre autres, que la collusion dans l’attribution des contrats publics dans l’industrie de la construction ne se reproduise.
En effet, tout au long des audiences, témoin après témoin, plusieurs étaient convaincus que les amendes pleuvraient sur les têtes de ceux qui avouaient candidement avoir fermé les yeux sur des irrégularités de plusieurs entrepreneurs et que beaucoup seraient formellement accusés. Un grand cirque médiatique, alimenté entre autres, par les chaînes continues d'information et les médias sociaux, n’a cessé de nous mettre sur une faim de justice. Rarement parlait-on du rôle d’une commission et du mandat de celle-ci laissant planer au sein de la population que les pouvoirs des commissaires étaient illimités créant des attentes impossibles à combler puisque le mandat premier de la commission n'était pas d’identifier des coupables, mais d’émettre des recommandations pour que cesse ces irrégularités qui ont coûté des millions de dollars aux contribuables québécois.
Toujours à l’affut de sensationnalisme, certains journalistes ont contribué, à mon humble avis, à alimenter cette image « mafiosos » de plusieurs témoins qui sont passés devant la juge Charbonneau. Le tout ressemblait à la CECO (Commission d’enquête sur le crime organisé) de 1972 ! À qui la faute? Pourquoi de telles attentes?
C’est là où je me rapport aux propos tenus par Ian Lafrénière du Service de police de Montréal lors de la conférence à l’École nationale d’administration publique sur les communications publiques et les médias. Lorsque le média choisi de traiter une nouvelle selon un angle, il nous fait voir une partie de la réalité. C’est d’ailleurs ce que monsieur Lafrénière a si bien illustré avec son analogie de la pièce de 1 dollar : il y a toujours une face qui est teintée de l’interprétation du journaliste. Malgré le fait qu’il se veut le plus objectif possible, son propos «résultent aussi des schèmes de perception concurrents, socialement disponibles, à travers lesquels on donne sens à ce qui nous entoure, ainsi que des mises en forme langagières propres à la presse, qui contribuent elles aussi à «construire» l'information» (Delforce, 1996). Il contribue à fonder nos croyances, notre représentation (Lits, 2008).
Cependant, il est de mise de remarquer que ce communicateur aguerri joue un rôle important dans nos sociétés où les médias de toute sorte (électroniques, télévisuels, radiophoniques, etc.) prennent beaucoup de place dans notre quotidien. Les journalistes sont de plus en plus formés et informés. Ils contribuent à rendre nos administrations publiques plus transparentes. Rappelons leur rôle cruciale dans le scandale des commandites, la commission d’enquête sur le crime organisé ou récemment sur le déversement des eaux usées de la Ville de Montréal dans le fleuve St-Laurent.
En guise de conclusion, je comprends que la commissaire ait remercié les témoins pour l’honnêteté et la franchise lors de leur témoignage, mais franchement, avaient-ils le choix? Ne nous devaient-ils pas au moins cela après tout?
Bineta Gueye
SÉMINAIRE D’INTÉGRATION - AUT15
Sources
Internet
http://plus.lapresse.ca/screens/77a36f3a-9da2-49de-ab8c-e53623bf5da8%7C_0.html
http://www.com.ulaval.ca/fileadmin/contenu/Cahiers_Journalisme/PDF/2/02_DELFORCE.PDF
Monographies
Lits, Marc. 2008. Du récit au récit médiatique. Bruxelles : Éditions De Boeck Université. ISBN : 9782804155797 280415579X