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L’indien malcommode - partie 2

Par Marie-Monique Jean-Baptiste
Suite de la première partie

L’auteur explique que «Si vous ne comprenez rien d’autre à propos de l’histoire des Indiens en Amérique du Nord, vous devez comprendre ceci : que la seule chose qui compte vraiment, c’est la terre». (P.195)

L’importance de la terre pour les peuples autochtones c’est que : «La terre a toujours fait partie de la définition de la culture autochtone. La terre abrite les langues, les récits, les histoires des peuples. Elle vous assure l’eau, l’air, le gîte et le couvert. La terre est partie intégrante des cérémonies et des chants. La terre, c’est votre chez-vous. » (P.196)

La question des sables bitumineux de l’Alberta
«Les sables bitumineux de l’Alberta illustrent parfaitement la compréhension non autochtone de la terre. Sur le plan environnemental, c’est sans le moindre doute le projet d’extraction énergétique le plus polluant et le plus cinglé de toute l’Amérique du Nord, probablement du monde entier, mais les entreprises qui dévastent le pays et les cours d’eau de l’Alberta poursuivent allègrement leur œuvre de destruction parce qu’il y a des milliards à gagner. Le public s’est montré remarquablement discret sur cette question, et ni les politiciens de l’Alberta ni les responsables à Ottawa ne sont intervenus pour dire « C’est assez ! » parce que, dans la société nord-américaine, quand il s’agit d’argent, on n’en a jamais assez.» (P.196)

Le problème de la question des traités
«Dans toute discussion sur les terres indiennes, un des problèmes tient au fait qu’il faut toujours parler des traités. Dans l’histoire des Indiens d’Amérique du Nord, les terres et les traités sont tellement imbriqués les uns dans les autres qu’il est impossible de les séparer. Alors que les rapports des Autochtones avec le Canada et les États-Unis comportent des aspects historiques et sociaux propres à chaque pays, ce n’est pas une coïncidence si la relation entre les uns et les autres demeure essentiellement de nature juridique.» (P.200)
Selon l’auteur, les traités ont réussi à dépouiller les Indiens de leurs terres au profit des Blancs.
«Un des griefs qu’ont les Blancs à l’égard des Autochtones, c’est qu’ils ne savent que faire de leurs terres, ou qu’ils ne mettent pas leurs terres en valeur pour en tirer suffisamment parti. Et l’Amérique du Nord a été rapide à faire sien l’aphorisme « Use it or lose it » (« Si ça ne sert pas, ça se perd »). Chose ironique, le Canada se trouve dans une position pseudo-autochtone dans l’Extrême-Nord. Sachant que l’Arctique est un trésor regorgeant de gaz et de pétrole, de minerai et de métaux précieux, sans parler du poisson qu’on y trouve, les États-Unis ont repoussé les frontières internationales, faisant valoir que le passage du Nord-Ouest faisait partie des eaux internationales et non du Canada. » (P.202)

La crise d’Oka : une histoire si proche aux racines lointaines, d’un dépouillement de terres
«On est en 1717. Voltaire est embastillé parce que ses écrits sulfureux dérangent les puissants de ce monde, un tremblement de terre dévaste Antigua au Guatemala, et la France cède une bande de terre sur l’Outaouais à la Société missionnaire des Sulpiciens. La France n’était pas propriétaire du terrain, mais pour la Couronne française, la question n’était pas là. (P.208)
«Le don ne plut guère aux Mohawks, étant donné qu’il s’agissait de leurs terres, et pendant les cent cinquante et un ans qui suivirent, cette bande de terre empoisonna les rapports entre Mohawks et Sulpiciens. »
«En 1868, un an après le début de la Confédération, Joseph Onasakenrat, un chef mohawk, écrivit aux Sulpiciens pour exiger qu’on rende la terre dans les huit jours. Les Sulpiciens firent la sourde oreille, et Onasakenrat marcha avec les siens sur le séminaire de Saint-Sulpice, les armes à la main. Après un affrontement bref mais plutôt déplaisant, les autorités locales intervinrent et forcèrent les Mohawks à battre en retraite. Puis, en 1936, les Sulpiciens vendirent la propriété et déménagèrent leurs pénates. Les Mohawks contestèrent la légalité de la vente, mais encore une fois, leurs protestations n’aboutirent à rien. » (P.208)
«Vingt-trois ans plus tard, en 1959, on aménagea un terrain de golf de neuf trous sur cet emplacement, le Club de golf d’Oka, juste à côté du cimetière de la bande. Cette fois-ci, les Mohawks firent appel aux tribunaux, espérant que la justice les protège désormais contre les empiétements des Blancs. Les autorités et les tribunaux tergiversèrent et de leur côté, les promoteurs allèrent de l’avant avec l’aménagement du terrain de golf. Aussitôt, les golfeurs heureux se mirent à rouler sur les verts au volant de leurs petits chariots. » (P.208)
«Finalement, en 1977, les Mohawks déposèrent une requête auprès du Bureau des revendications autochtones pour récupérer leur bien foncier. Neuf ans plus tard, ils furent déboutés par le fédéral au motif que leur requête ne respectait pas certains critères juridiques. Manière gentille de dire aux Mohawks qu’ils étaient incapables de prouver qu’ils étaient les propriétaires légitimes du terrain, du moins qu’ils ne pouvaient pas le prouver de la façon dont les Blancs reconnaissent un titre de propriété. » (P.208)
«Pendant les onze années qui suivirent, les relations entre la municipalité d’Oka et les Mohawks furent tumultueuses. Puis, en 1989, le maire d’Oka, Jean Ouellette, annonça la bonne nouvelle : le vieux terrain de golf allait être élargi à dix-huit trous et on construirait en bordure soixante condominiums de luxe. Pour gérer cette expansion, la municipalité s’en prit aux Mohawks afin de s’emparer d’un pan supplémentaire de leurs terres, mais cette fois en rasant un bois que les Mohawks appelaient la « Pinière » et en aménageant de nouveaux verts et des condominiums sur l’emplacement même du cimetière mohawk. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Après quelque deux cent soixante-dix ans d’arrogance et d’indifférence de la part des Européens, après avoir tenté tous les recours judiciaires imaginables, les Mohawks en avaient plein le dos. Le 10 mars 1990, les Autochtones occupèrent la Pinière pour protéger leurs arbres et leurs sépultures. Leur terre. » (P.209)
«Cinq mois plus tard, dans la touffeur de juillet, l’affrontement dégénéra en conflit armé. Ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral ne voulaient se mêler de l’affaire. Jean Ouellette n’avait nulle intention de discuter avec les Mohawks, ce qu’il affirma sans ambages à la télévision. Il réclama plutôt que la province dépêche la Sûreté du Québec, et celle-ci intervint massivement, s’attaquant aux barricades à coups de gaz lacrymogènes et de grenades traumatisantes. Des coups de feu furent échangés. Personne ne sait qui fit feu le premier. Pas que cela aurait fait une grande différence. Quand la fumée se dissipa, le caporal Marcel Lemay fut retrouvé mourant, et un ancien des Mohawks, Joe Armstrong, avait succombé à une crise cardiaque en tentant d’échapper à une foule blanche en colère. »
«Ainsi commença la crise d’Oka » (P.209)

Peut-on juger le passé en fonction du présent ?
À cette question, l’auteur nous répond que : « Dans l’histoire des relations Indiens-Blancs, il est évident que les politiciens, les réformateurs, le clergé, l’armée – en fait, tout le monde et son frère étaient conscients des ravages que leurs décisions et leurs actes auraient sur les communautés autochtones. Ils pariaient que quelque chose de bon sortirait de toute cette dévastation. Et ils pouvaient prendre ces décisions en toute confiance parce qu’ils ne pariaient pas un sou de leur argent. Ils ne pariaient pas l’avenir de leur communauté. Ils ne pariaient pas avec leurs enfants.
«L’ignorance n’a jamais été le problème. Le problème était et reste la confiance aveugle dans la civilisation occidentale et les certitudes injustifiées du christianisme. Et l’arrogance. Il est peut-être injuste de juger le passé en fonction du présent, mais cela est aussi nécessaire. » (P.234)

Pour l’auteur, la solution réside chez les Autochtones.
« […] les Autochtones ont bien peu à gagner à ne rien faire. Tant que nous posséderons un seul élément de souveraineté, tant que nous posséderons une seule parcelle de terre, l’Amérique du Nord va nous courir après, et la question à laquelle nous devrons répondre sera de savoir si nous tenons vraiment à ces idées que sont la souveraineté et l’autodétermination. S’il est vraiment important pour nous de maintenir nos foyers communaux. Si nos traditions et nos langues valent la peine qu’on se batte pour les conserver. Chose certaine, le plus facile et le plus commode serait d’oublier simplement qui nous sommes et ce que nous voulons être, vendre tout ce que nous avons pour argent comptant et nous fondre dans le creuset nord-américain.» (P.235)

Le constat de Thomas King sur 500 ans d’occupation européenne
«Peu importe comment l’on définit l’histoire autochtone, la seule constante inéluctable est le fait que les Autochtones d’Amérique du Nord ont beaucoup perdu. Nous avons cédé beaucoup, on nous a pris beaucoup et, si nous ne faisons pas attention, nous allons continuer de perdre des parties de nous-mêmes – comme Indiens, Cris, Pieds-Noirs, Navajos ou Inuits – avec chaque génération. Mais cela ne doit pas nécessairement arriver. Les cultures autochtones ne sont pas statiques. Elles sont dynamiques, adaptables et souples, et pour un grand nombre d’entre nous, les variantes modernes des vieilles traditions tribales continuent d’apporter un ordre, une satisfaction, une identité et une valeur à nos vies. Mieux que cela, après cinq cents ans d’occupation européenne, les cultures autochtones ont déjà prouvé qu’elles sont d’une résilience à toute épreuve.» (P.235)

Références du livre :
L’Indien malcommode- Un portrait inattendu des Autochtones d’Amérique du Nord,(2014),Traduction de Inconvenient Indian, Thomas King, 318 pages, Les Éditions du Boréal, ISBN 978-2-7646-2259-9.

À propos de l’auteur :
Thomas King est un auteur américano-canadien et un présentateur d'émissions qui a beaucoup écrit sur les Premières Nations de l'Amérique du Nord. Il est un ardent défenseur des causes touchant aux Premières Nations. Il s’identifie comme étant de descendance Cherokee et Grec/Allemand-Americain. Il est né le 24 avril 1943 (72 ans) à Sacramento, Californie, États-Unis. Il étudié à l’Université de l’Utah. Il est membre du NPD.
Sa filmographie : I’m Not The Indian You Had In Mind, Medicine River.
Ses livres : The Inconvenient Indian: A...2012; Green Grass, Running...
1993; The Truth about Stories 2003; The Back of the Turtle 2014; Medicine River
1989

Commentaires

  • On serait toujours l'indien de quelqu'un...donc ! Y réfléchier

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