Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog 2 : Des soins de première ligne publics, accessibles et continus, réalité ou utopie?

Blog 2 : Des soins de première ligne publics, accessibles et continus, réalité ou utopie?
Par Geneviève Ling pour le cours ENP 7505

Introduction

Il est reconnu depuis des décennies qu’une approche de la santé globale, holistique de l’individu est importante. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relevait déjà en 1946 que la santé est un état complet de bien-être physique, mental, et social, pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité. En 1978, la conférence internationale sur les soins de la première ligne, Alma - Ata, concluait que l’objectif de la santé pour tous était primordial et passait par la promotion et la protection de la santé des gens. On sait également que les soins primaires, de proximité sont la base d’un système de services et des soins de santé efficace.
La santé et le bien-être sont déterminés non seulement par des déterminants biologiques, mais également par des facteurs comme les habitudes de vie, l’environnement socioculturel, économique et physique. L’intervention en amont de la maladie pourrait permettre de limiter les effets, voire éliminer certains facteurs précurseurs de maladies chroniques. Il parait donc évident qu’une approche proactive, de compréhension globale de l’individu doive redevenir l’enjeu du futur.

De l’approche curative aux agents communautaires de santé

À l’heure actuelle, au Québec comme dans bien des pays industrialisés, les systèmes de santé dont l’hôpital et les médecins sont la pierre angulaire, sont principalement organisés soit par maladie, soit par organe. Plusieurs pays dont le Canada bénéficient également de techniques et des compétences exceptionnelles de soins curatifs. Par contre, la réalité d’aujourd’hui, en partie reliée au vieillissement de la population fait en sorte que nous sommes davantage confrontés à des multi-morbidités : diabète, arthrose, troubles cardiaques, cholestérol, cancer, démence, … Cela devient parfois un parcours de combattant pour faire arrimer tous les spécialistes et centraliser toute l’information d’une seule personne. De l’avis de plusieurs, une telle approche « sectorielle » ne serait plus adaptée aux besoins d’aujourd’hui.
La difficulté d’accès à un médecin de famille et l’attente interminable dans les urgences sont souvent décriées au Québec et les dernières réformes du système de santé semblent vouloir miser principalement sur cet aspect. Et si le but visé était de désengorger les urgences non pas seulement pour réduire l’attente et les coûts, mais aussi pour agir en amont et retarder le plus possible ou carrément éviter aux citoyens l’entrée à l’hôpital, n’obtiendrions-nous pas le même effet mais avec l’individu comme principal intérêt? L’approche en amont de la maladie ou de l’hospitalisation ne date pas d’hier. Dès 1977, existaient dans plusieurs pays des agents de santé communautaire qui servaient alors de lien entre les besoins de la collectivité et les soins et services médico-sanitaires tout en encourageant l’auto-responsabilité. On mentionnait déjà l’importance de trouver de nouveaux moyens pour atteindre les couches les plus défavorisées de la population. Le rôle des agents de santé communautaire varie d’un pays à l’autre, ils sont bénévoles ou salariés, dans tous les districts ou dans les plus défavorisés seulement. Mais le but est commun : aller au-devant du citoyen afin de s’assurer de son bien-être et de son besoin, si cela s’avère, de soins ou services plus spécialisés.
Au Québec, le médecin de famille est le principal acteur dans les soins de première ligne. Il faut tout d’abord en trouver un, puis s’y rendre.

Petite histoire résumée de la santé au Québec

En 1928, le Canada jongle déjà avec l’idée de l’État providence. Mais lorsque le gouvernement tente de concrétiser l’approche en santé, ses plans sont contrecarrés car cela était considéré inconstitutionnel. En effet, il est écrit dans la constitution de 1867 que les établissements, l’entretien et l’administration des hôpitaux, asiles, institutions et hospices de charité dans la province, à l’exception des hôpitaux de la marine, sont de compétence provinciale. Ce n’est qu’après que les provinces de l’ouest se soient dotées de programmes de santé publique, la Saskatchewan en tête en 1947, que le Canada met en place à son tour une loi sur l’assurance hospitalisation et sur les services diagnostiques en 1957 suivie de la loi sur les soins médicaux en 1966. Le Canada s’engageait à défrayer la moitié des frais encourus par les provinces pour la santé dans la mesure où celles-ci respectaient les cinq principes fondamentaux que sont la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. Le Québec est la dernière province à se joindre à ce mouvement.
Anciennement, au Québec, la première ligne de santé était prise en charge par les médecins dans leurs cliniques privées. Ils étaient physiquement proches de leurs concitoyens, mais difficilement accessibles en raison du coût que cela impliquait pour les individus. Rapidement, par contre, le Québec est devenu un chef de file dans l’organisation communautaire. En 1960, le Dr H. Bergman fonda les cliniques médicales populaires et siégea sur la Commission Castonguay-Nepveu. En 1970, cette commission recommanda de modifier en profondeur l’organisation et la dynamique du système de soins de santé et des services. Les soins primaires devraient être complètement publics, comme les autres lignes de soins et devraient inclure un volet social. C’est la naissance des CLSC, les centres locaux de services communautaires. Ils sont issus des mouvements communautaires des années 1970 et suivent la vague mondiale de mise de l’avant d’une approche globale dans la communauté, en amont de l’hôpital et de la maladie. Les CLSC doivent offrir des soins curatifs mais également préventifs et d’assistance comme le maintien à domicile. Ils avaient été conçus pour être la porte d’entrée du système, le lien entre la communauté de proximité et les services. On planifiait avoir un CLSC par sous-région pour offrir une couverture intégrale du territoire. L’équipe de soins et services devait être multidisciplinaire et toutes devaient compter des médecins dans leur équipe. Le but visé était de décentraliser les soins primaires et de les rapprocher du citoyen.

Autopsie d’implantation chaotique

Il est vite devenu évident que certains aspects achoppaient dans l’implantation des CLSC. Il y a eu plusieurs inégalités de développement selon les régions; les médecins qui avaient eu jusqu’à ce moment toute autorité en matière de première ligne n’ont pas su se laisser convaincre par l’approche et n’acceptèrent pas facilement d’intégrer les centres; en même temps que se déroulait le développement des CLSC, on vit un réseau de clinique privées se créer. L’implantation se fit en dents de scie. Les CLSC étaient mal aimés du politique et du système de santé « curatif ». En 1975, une évaluation de la situation est faite. Il est alors constaté qu’il existait trois modèles de CLSC : ceux axés sur les services, d’une approche curative dans lesquels les médecins étaient rémunérés à l’acte; ceux axés sur le développement, d’une approche plus communautaire, moins curative et finalement ceux axés sur une approche mixte avec des médecins payés à salaire travaillant en soins mais aussi en prévention tant pour l’individu que pour les groupes. Plusieurs recommandations découlèrent de cette évaluation dont l’utilisation d’une approche mixte, la petite taille des centres pour favoriser la relation de proximité avec la population, la rémunération à salaire de tous les professionnels, la coordination des services assurée par des conseils régionaux et la limitation du développement de nouveaux CLSC par le MSSS. Un rapport minoritaire de cette même évaluation faisait également référence à l’importance de maintenir l’interaction entre les dimensions communautaire, sociale et de santé.
En 1980, la première ligne est officiellement transférée aux CLSC qui changent de paradigme pour favoriser l’action communautaire. Puisque les problèmes du système de santé ne disparaissent pas (engorgement des urgences, coûts élevés), une nouvelle commission voit le jour. La commission Rochon, en 1988, déclarait que le citoyen doit être replacé au centre du système qui ne doit pas être dominé par les professionnels et les associations d’établissement. Cela ressemble beaucoup à ce que la communauté mondiale dit depuis les années 1970! Les CLSC sont reconnus comme la base de la pyramide du système de santé et de services sociaux. La première ligne prend plus d’importance et son approche globale, près des citoyens est valorisée.
2000, un nouvel obstacle se dresse devant les CLSC. La Commission Clair, de laquelle fait partie Dr H. Bergman, constate l’échec des CLSC comme porte d’entrée dans le système. En effet, 80% de la clientèle passerait par les cliniques médicales privées. Dans la foulée, une nouvelle réforme du système de santé et de service sociaux voit le jour. Les centre de santé et de services sociaux CSSS, sont créés et englobent sous une même aile les centres hospitaliers, les CHSLD et les CLSC. Ils sont fondés sur l’approche populationnelle, et ont comme mandat de rapprocher les services de la population et faciliter le cheminement de toute personne dans le système. On recommande également la formation de groupes de médecine familiale, les GMF. Les CLSC se voient donner le rôle de service de première ligne sociale alors que les GMF deviennent la première ligne de santé. Les objectifs visés par l’élaboration du réseau des GMF sont de donner accès à un médecin de famille plus rapidement, de rendre les services plus accessibles, de permettre une prise en charge globale, d’améliorer la prestation des soins, d’assurer une plus grande complémentarité avec les services des CLSC et de valoriser le rôle du médecin de famille. Les GMF doivent être composés de médecins de famille travaillant en collaboration avec les infirmières et autres intervenants de la santé et offrant une gamme étendue de services. La clientèle s’y inscrit librement et doit profiter de facilitation offerte par les technologies d’information. Les GMF deviennent ni plus ni moins, du moins sur papier, un idéal de pratique avec la prise en charge globale de la clientèle, des services continus et une meilleure organisation des médecins. Les GMF devaient également favoriser le développement du lien de confiance avec le patient, prévenir et traiter les problèmes de santé en collaboration avec le CSSS et les pharmacies. Une autre réforme amène les CRI : les cliniques réseaux intégrées qui comprennent les cliniques privées, les CLSC et les GMF. Elles doivent être formées de 15 médecins, 15 membres provenant du personnel de la santé et de 15 membres appartenant au personnel du soutien. Chaque médecin devrait pouvoir supporter 2000 patients. La dernière réforme en date, la loi 10 fusionne des établissements de première, seconde et troisième ligne ainsi que des centres hospitaliers afin de faciliter l’accès et de mieux suivre un patient durant sa vie. (Voir section sur l’administration)
Cela devrait régler les problèmes d’engorgement dans les hôpitaux et l’accessibilité à un médecin de famille. On pourrait se demander ce qui est arrivé à l’importance d’être proactif, d’aller au-devant des maladies et auprès de la population.

L’exemple du Brésil

En 1988 au Brésil s’opérait un profond changement de paradigme afin d’offrir un meilleur filet social et de santé à sa population vulnérable. Pour ce faire, le pays s’est grandement inspiré de la loi canadienne d’universalité des soins. Naquit alors un système de santé public dans lequel la santé devient un droit du citoyen et un devoir d’État. Cela fait maintenant partie de leur constitution. La loi mentionne que le réseau public est l’unique autorité en matière de soins essentiels. La complexité de la réalité socio-économique du pays et la diversité des besoins de ses citoyens amènent des limites à l’organisation des services. Le Brésil a reconnu que pour assurer une bonne santé des individus, une importance capitale devait être accordée au renforcement des réseaux de solidarité et au développement de nouveaux outils pour favoriser un mode de vie plus sain. C’est ainsi que le ministère de la santé reconnut le rôle pivot des agents communautaires de santé (ACS). Ceux-ci doivent à la fois développer et garder le lien de confiance de la communauté vers l’équipe de soins et services mais aussi le lien de responsabilité de l’équipe envers les individus. Le programme des ACS (PACS) a pour but également de palier à la faible couverture des soins primaires, à l’accessibilité difficile aux soins, au manque d’information et il doit compenser une approche et un engagement limités de la part des professionnels de la santé.
Des équipes de santé de la famille sont mises sur pied et chaque équipe est rattachée à un centre médical. Ces équipes sont composées d’un médecin, qui n’est pas payé à l’acte, d’une infirmière, de deux auxiliaires de soins infirmiers et de six à huit ACS. Tous les habitants sont inscrits à un registre. La responsabilité du suivi des individus incombe aux ACS qui doivent s’assurer de visiter régulièrement les familles dont il a la charge. Chaque agent doit pouvoir s’occuper de 750 personnes. Afin de faire face aux défis d’aujourd’hui, les équipes ont un réseau de partenaires d’organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux.
Afin de favoriser le lien de confiance entre la population et les ACS, ceux-ci doivent être de la même communauté. Ils interviennent à la fois sur les déterminants sociaux, la promotion de la santé et le suivi des maladies chroniques. Il est intéressant de rappeler ici, comme nous l’avons mentionné plus haut, que nous aurons affaire de plus en plus à des troubles multi-morbides. De plus, il est accepté à l’heure actuelle que ce qui coûte cher en santé est le traitement des maladies chroniques. Il est donc encore plus intéressant de songer, comme le fait le Brésil, à une approche ou des ACS vont au-devant de la population ciblée en connaissant leur état de santé afin de tenter d’éviter une hyper-médicalisation du suivi. Cette approche par un suivi à domicile, proactif et centrée sur la personne permet une meilleure connaissance globale de l’individu de son environnement, sa communauté, son état chronique, social et affectif. Les ACS offrent un service d’accompagnement de l’individu de la conception au décès et non pas seulement un service d’accès aux soins et au traitement. Ils sont le pont entre les familles et les professionnels.
Il y a eu au Brésil en 1988, un réel désir et une volonté d’assurer la santé et le bien-être de la population non seulement en favorisant l’accessibilité aux soins mais surtout en accompagnant l’individu dans son milieu afin de prévenir les maladies, de promouvoir de saines habitudes de vie, de faciliter la réadaptation ou la réinsertion. L’action est orientée vers la famille et non pas seulement vers la personne malade.

Organisation et gestion des systèmes de santé

Peut-on comparer la gestion du système de santé de deux pays aussi différents que le Brésil et le Québec (quoique techniquement, on comparerait des oranges et des pommes mais pour fin de l’exercice, considérons-les comme deux entités politico-administrative semblables…)? Le Brésil, longtemps considéré comme un pays en voie d’émergence compte près de 200 millions d’habitants et on y retrouve encore d’importantes inégalités sociales et géographiques entre autres dans l’état de santé de la population. Le Québec, compte près de 8 millions d’habitants et fait partie du « plus meilleur pays au monde ». Voici un très court survol de l’organisation des soins de santé et de services sociaux des deux pays.

Le Brésil

Le Brésil est un pays complexe tant au niveau économique, social que démographique. Son système de santé public est en constante progression et a rapidement offert un meilleur accès aux soins et services à toute sa population. La réalité de santé des brésiliens a amené le gouvernement à considérer la décentralisation des soins et services afin de faire face aux besoins des différents secteurs. En 1990, une loi détermine que le système de santé sera structuré par trois paliers de conseils permanents soit 1 au niveau fédéral, 27 provinciaux (étatiques) et 5 500 municipaux. Ces comités, lors de rencontres qui se font aux 4 ans à chaque niveau, décident des orientations, des stratégies, des besoins et des politiques de chacune des régions. Les participants à ces conseils sont constitués de 50% d’utilisateurs, de 25% de professionnels de la santé et de 25% de prestataires de services.
Un lien particulier existe et n’est pas toujours bien défini entre les secteurs publics et privés. Bien que 75% du coût des soins soit supporté par les gouvernements des différents paliers, les secteurs secondaires et tertiaires ainsi que les hôpitaux sont financés en bonne partie par des fonds privés (à but lucratif ou non-lucratif) et sont parfois accessibles par des assurances privées. En 2011, on évaluait que 69% des hôpitaux étaient privés. À l’heure actuelle, on voit une diminution du pourcentage d’investissement du fédéral dans le programme public. En 1990, celui-ci prenait en charge 74% des coûts de la santé, contre 13% par le provincial et 12% par le municipal. En 2012, le fédéral prenait 45% de la facture, le provincial 25% et le municipal 28%.
De plus, le système n’est pas organisé en réseaux, il n’y a pas de réels mécanismes de régulation, ce qui fait qu’un individu est moins susceptible de pouvoir être admis dans un hôpital s’il vient d’une municipalité plus éloignée.

Le Québec

La santé au Québec est de compétence provinciale. À l’origine de la loi sur la santé et les services sociaux, le Canada s’engageait à prendre en charge 50% des coûts de la santé si la province respectait les cinq grands principes (voir section plus haut). À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral ne transfèrerait que 22,4% des frais encourus par la province.
La question du financement est un problème récurrent. Principalement public depuis des décennies, le système de santé devient peut-être malgré lui plus mixte. Les cliniques médicales de première ligne sont propriétés privées des médecins mais ils y sont payés à l’acte par le régime d’assurance maladie du Québec (RAMQ); on voit apparaître depuis quelques années des cliniques privées désaffiliées de la RAMQ qui offrent des interventions chirurgicales d’un jour et depuis peu, des interventions avec hospitalisation. Au Québec, comme au Canada, les citoyens profitent d’une assurance primaire, c’est-à-dire que tous les soins de base sont couverts par le gouvernement. Depuis l’arrêt Chaoulli en 2005, la possibilité d’une assurance privée duplicative est également devenue une réalité alors qu’elle était illégale une génération plus tôt.
De multiples réorganisations du système de santé ont créé une géométrie variable de l’approche en santé. Lors de la dernière réforme, la loi 10 en 2014, d’imposantes entités ont été créées en fusionnant les CLSC, les cliniques médicales, les GMF, les CHSLD, les centre de protection de l’enfance et de la jeunesse, les centres de réadaptation et parfois les centres hospitalier. 13 centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS), 9 centres intégrés universitaires de santé et services sociaux (CIUSSS) et 7 centres hospitaliers non-fusionnés couvrent l’ensemble du territoire québécois et les 18 régions socio-sanitaires. Les membres des CA sont en bonne partie désignés et nommés par le ministre de la santé. Les CISSS et CIUSSS ont pour mandat de « planifier, coordonner, organiser et offrir à la population de son territoire l’ensemble des services sociaux et de santé; de réaliser le suivi et la reddition de comptes auprès du MSSS en fonction de ses attentes; d’assurer la prise en charge de l’ensemble de la population de son territoire, notamment les clientèles les plus vulnérables, d’assurer une gestion de l’accès simplifié aux services et d’établir des ententes et des modalités en précisant les responsabilités réciproques et complémentaires avec les partenaires de son réseau territorial de services (RTS) comme les médecins, les organismes communautaires, les entreprises d’économie sociale, les pharmacies et les autres ressources privées, ainsi qu’avec d’autres établissements du réseau ». Parmi les objectifs clairs de toutes les réformes depuis 1990, l’accès rapide à un médecin, le désengorgement des urgences et la rationalisation des coûts sont sûrement les plus mentionnés.

Commentaire et conclusion

Depuis de nombreuses années, on reconnait mondialement l’importance des soins primaires dans la prise en charge de la santé globale de la population. Une approche favorisant la proximité des intervenants a maintes fois été démontrée comme ayant le meilleur impact sur le bien-être. Une approche holistique, valorisant l’individu dans son environnement plutôt que la maladie serait à favoriser. Avec le changement démographique, l’apparition des poly-morbidités est plus fréquente et une approche par maladie ou par organe ne peut plus répondre aux défis de la santé tels qu’ils se présentent déjà. Au Québec, depuis 1970 et à travers toutes les commissions et les réformes, on a toujours pris en considération l’importance de la première ligne de soin dans la prévention, le suivi et l’accès aux services de soins. En 2000, Philippe Couillard alors ministre de la santé parlait de « l’urgence d’agir en amont de l’hôpital par une solidification de la première ligne de façon à faire des soins de proximité au niveau local, la clef de voute du système de soin ». En 1970, Castonguay-Nepveu suggéraient une équipe de base mobile et souple, en contact avec les médecins spécialistes pour répondre aux besoins. Ils souhaitaient des interventions axées sur la prévention et la réadaptation qui tiendrait compte de l’aspect psychosocial de la maladie et favoriserait le travail d’équipe, les soins axés sur l’individu et sa famille. Le Dr Lamontagne disait en 2002 que « les patients méritent que nous travaillions tous ensemble à leur bien-être plutôt que de les traiter en pièces détachées ».
L’exemple du Brésil avec ses ACS nous confirme l’efficacité d’une première ligne proactive, d’une approche globale et communautaire. La santé n’est plus uniquement orientée vers les hôpitaux. Les effets ont été directs : une population en meilleure santé et moins de pression sur les hôpitaux. Bien entendu, tout n’est pas encore parfait. Les deuxième et troisième lignes ne sont pas facilement accessibles, surtout hors des centres urbains. Les installations sont souvent désuètes et il y a un manque de financement public.
Au Québec, nous semblons toujours favoriser une approche plus médicale. On s’éloigne de nouveau de l’environnement proche du citoyen pour favoriser une approche très structurée et standardisée. Toutefois, nos moyens techniques sont exceptionnels et accessibles pour la vaste majorité des québécois, d’où qu’ils viennent.
La question se pose donc, est-ce utopique d’espérer un système de santé et de services sociaux axé sur la personne dans tout ce qu’elle est : famille, communauté, maladie, antécédents, difficultés et ce de manière proactive et de proximité? Pouvons-nous aller au-devant des personnes afin d’assurer un suivi et pas seulement quand ça va mal? Pourrions-nous offrir à chaque individu un endroit où il trouverait la personne qui pourrait répondre à sa question sans nécessairement être obligé de déplacer tout le corps médical? Trouverions-nous au Québec les agents communautaires trop intrusifs? Il faudrait voir comment former ces personnes et comment financer le projet. Une implication municipale serait-elle souhaitable et possible? Comment trouver un moyen efficace de relier les préoccupations sociales et les services de santé et d’hygiène? La bonne gestion de la santé d’une population ne repose-t-elle pas sur la coordination de la continuation, de la proximité et de la collaboration des soins et services? Entre CLSC, GMF, CRI, les CISSS, … n’avons-nous pas tous les ingrédients en main pour assurer qu’un individu et sa famille soient supportés tout au long de leur vie et pour leur assurer un meilleur bien-être général? Peut-être serions-nous prêts pour une réforme remettant l’individu au centre des préoccupations, non pas la supra organisation de la coordination. Le vieil adage québécois ne dit-il pas : Une fois entré dans le système, tout va bien? Il nous apparaît que nous ne sommes vraiment pas loin du but! Et n’oublions pas de protéger notre accessibilité aux soins et services pour tous.



Commentaires

  • Un analyse comparative nécessaire. Bravo

Les commentaires sont fermés.