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Résumé du chapitre 2 : La mondialisation (n’est) pas toujours coupable du livre « Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux pays scandinaves ». Présenté par Abraham Hervé MIDETON

Dans ce texte, l’auteur analyse les deux thèses majeures qui s’opposent lorsque nous abordons la question du recul de l’État face à la mondialisation : à savoir les approches déclinistes qui soutiennent que la mondialisation a eu pour effet le recul l’État-providence; et les approches transformationnistes qui affirment que l’État providence s’est adapté à la mondialisation. Pour étayer son propos, l’auteur analyse des études empiriques sur l’évolution de trois éléments : les dépenses publiques, les exportations et les investissements directs étrangers (IDE) dans les économies néolibérales et les économies sociales-démocrates. Il arrive à la conclusion que la mondialisation ne contribue pas au recul de l’État-Providence. Son exposé présente assez clairement pour un néophyte les différents concepts économiques qui sont abordés. Sa méthodologie aussi permet d’analyser dans le détail les différences de points de vue entre ces deux courants de pensée. Cependant, il ne nous permet pas de savoir si l’évolution du nombre d’États ayant adopté le modèle de l’État-providence a été influencée par la mondialisation. De plus, même si les déclinistes concluent trop vite à un déclin de l’État-providence, il nous semble un peu trop laborieux de conclure à une transformation de l’État-providence lorsqu’un sur trois des hypothèses de départ n’est pas vérifié. Ce texte a par contre le mérite de montrer qu’il existe une alternative au modèle néolibéral considéré à tort comme la seule option viable. Au moment où le tout libéral est tentant pour nos gouvernants en proie aux difficultés économiques de nos pays, il demeure que certains pays continuent à appliquer le modèle de l’État-providence avec un succès qui se confirme dans le temps.

Deux écoles se font face quant aux effets de la mondialisation sur le devenir de l’État providence : les déclinistes, dont la vision est la plus partagée, et les transformationnistes.

Pour les déclinistes, avec la mondialisation, la notion de l’État providence appartient au passé. Selon eux, les pays occidentaux ayant connu une très forte croissance durant les trente glorieuses et étant à l’abri de la concurrence ont mis en place des États providences très généreux. Avec la croissance démographique et les crises économiques des années 1970, il est devenu presque impossible pour ces États de soutenir le niveau de dépenses qu’impliquait un tel modèle social. Pour éviter le délitement de la structure publique, ces pays adoptent des politiques sociales basées sur le néolibéralisme (voir libéralisme) plus austère et gèlent ou compressent les effectifs de la fonction publique pour réduire les déficits, retrouver l’équilibre budgétaire et assainir les finances publiques. La mondialisation et la libéralisation des échanges vont créer une concurrence entre les États notamment avec les BRICS, mettant encore plus les Gouvernements occidentaux sous pression. Parmi ces États occidentaux, les plus en périls seraient ceux ayant des politiques sociales-démocrates comme le Québec et les pays scandinaves.

Pour les transformationnistes, l’État-providence et la social-démocratie ne sont pas en recul avec la mondialisation. Pour certains d’entre eux, ils seraient même le résultat de cette dernière. Ils estiment que les pays avec des États interventionnistes se portent mieux que ceux qui ont adopté le libéralisme, que les effets présumés de la mondialisation sur le retrait de l’État ne sont pas prouvés et souvent exagérés. De leur point de vue, l’ouverture économique favorise la concentration industrielle et la présence des syndicats qui eux contraignent l’État à mettre en place de fortes régulations pour réduire les risques et les inégalités sociales. En Europe, les pays les plus ouverts au commerce international sont ceux qui ont connu un plus rapide développement de l’État-providence. Jensen montre que les niveaux de taxation des entreprises n’ont pas un réel effet sur l’IDE et par conséquent la présence des entreprises étrangères. De plus, aucune preuve tangible n’est apportée au fait que la mondialisation a occasionné une baisse de la taxation des grandes entreprises (ou course vers le bas). Le modèle néolibéral ne s’est pas généralisé et les petits États interventionnistes s’adaptant assez bien à la mondialisation.

Mais qu’en est-il réellement? Assiste-t-on à une disparition programmée de l’État-providence avec l’avènement de la mondialisation comme le pensent les déclinistes? Ou, est-on en face d’une réadaptation, voire d’une résilience de l’État-providence qui se réinvente avec les changements structurels et conjoncturels amenés par la mondialisation?
Pour savoir si l’État-providence a reculé ou non, nous partons de 3 hypothèses :
H1 : La mondialisation a entrainé le retrait de l’État
H2 : La concurrence mondiale et les exportations
H3 : La fiscalité et les investissements étrangers.

Transformationnistes et déclinistes s’opposent sur le fait que la mondialisation a entrainé le retrait de l’État.
Pour mesurer ce retrait, nous proposons de mesurer l’évolution de la part des dépenses publiques et notamment des dépenses sociales par rapport au PIB.
Entre l’année 1960 considérée comme l’apogée de l’État providence et 2005, les dépenses publiques ont connu dans l’ensemble des pays de l’OCDE une augmentation en terme absolu et une croissance nette allant de 16 % à 108 % selon les pays, les pays dans lesquels la social-démocratie est en vigueur ayant la plus forte croissance. Même les pays chantres du libéralisme comme les États-Unis et le Royaume-Uni enregistrent une hausse de ces dépenses (respectivement 20 % et 16 %). Le Canada n’est pas du reste avec une croissance de 44 %. S’étant un peu ralentie dans les années 2000, cette croissance est devenue plus vigoureuse avec la crise économique de 2007-2008 du fait combiné du recul du PIB et de la hausse des dépenses publiques.
Les dépenses publiques sociales connaissent la même tendance. Pour le Danemark, un des pays, avec la France, ayant les mesures sociales les plus généreuses, le pourcentage des dépenses sociales par rapport au PIB est passé de 10,6 % en 1960 à 30,8 % en 2012. Les États-Unis et la Grande-Bretagne n’échappent pas à cette tendance (respectivement 13,2 % et 11,2 % en 1960, puis 19,7 % et 23,9 % en 2012).
Au regard de ces données, aucun pays n’a connu un recul de ses dépenses publiques entre 1960 et 2012. La croissance de ces dépenses semble attester d’une plus grande implication des gouvernements. Ce que soutiennent les transformationnistes.

Déclinistes et transformationnistes s’opposent également sur le fait que le niveau d’intervention de l’État dans le contexte de concurrence mondiale affecte les performances du pays à l’exportation. Les États interventionnistes, ayant tendance à recourir à une forte taxation pour financer les programmes sociaux, rendraient moins compétitifs leurs produits d’exportation.
Le classement des pays selon leur part dans les exportations mondiales et selon le pourcentage de leurs exportations par rapport à leur PIB est édifiant. Pour tous les pays pris en compte, le pourcentage des exportations par rapport au PIB a connu une croissance entre 1970 et 2011 (de 14 % à 1107 %). L’Allemagne et les Pays-Bas, pays sociaux-démocrates par excellence, arrivent en troisième (8,1 %) et cinquième (3,6 %) position des pays exportateurs. Les États-Unis et la Chine arrivent en tête en raison de la taille de leur économie. En prenant en considération le pourcentage des exportations sur le PIB, la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne et la Suède figurent dans le groupe des sept premiers avec des scores allant de 49,9 % à 84,3 %. Les États-Unis se classent derniers avec 14 % et le Royaume-Uni a enregistré une croissance de 32,5 %. Cependant, ces résultats sont à nuancer. L’organisation des entreprises multinationales (filialisation, optimisation fiscale), les réexportations et la question des composantes ne sont pas prises en compte dans ces données. La Belgique et les Pays-Bas étant des hubs portuaires, les réexportations gonflent leurs scores.
En admettant que le modèle social-démocrate ait un niveau de taxation des biens et services plus élevé que le modèle libéral, les pays l’ayant adopté auraient dû enregistrer des performances moins intéressantes que les pays à économie libérale. Contre toute attente, les États sociaux-démocrates arrivent en tête du classement des exportations par rapport au PIB; certains d’entre eux enregistrant des surplus de leur solde commercial depuis 20 ans. En effet, les données attestent que les pays avec le modèle de l’État-providence sont caractérisés par une plus grande ouverture aux échanges commerciaux. Ce qui conforte la thèse des transformationnistes.

Concernant la troisième hypothèse faisant le lien entre fiscalité et investissements étrangers, elle suppose qu’avec la mondialisation, les zones à fiscalité avantageuse ont la faveur des investisseurs étrangers.
Dans les années 1970 et 1980, la libéralisation des marchés financiers a accentué la mobilité des capitaux offrant des opportunités d’investissements à travers le monde. Avec cette libéralisation, il est tentant de penser que les États avec de forts niveaux de taxation et des salaires élevés vont peiner à attirer les investissements. Dans de telles circonstances selon la thèse des déclinistes, les IDE devraient plus converger vers les États nouvellement industrialisés comme les BRIC qui sont plus attrayants que les pays à économie néolibérale qui à leur tour seraient plus compétitifs que les États sociaux-démocrates.
En regroupant les différents pays en 3 groupes à savoir les BRIC (économie libérale), les néolibéraux (USA, G.B, Canada et les sociaux-démocrates [Suède, Danemark, Finlande], nous constatons que les pays sociaux-démocrates devancent les BRIC et les pays néolibéraux au cours des vingt dernières années sur les IDE en pourcentage du PIB et sur les IDE par habitant contrairement à la période allant de 1970 à 1990 au cours de laquelle les néolibéraux enregistraient de meilleures performances. Il faut souligner par contre que les données concernant les IDE comportent des insuffisances notamment à cause des paradis fiscaux et des mouvements entre les filiales des multinationales. Ces faiblesses ne permettent pas d’attester avec certitude de la relation entre fiscalité et IDE.

Pour autant, la thèse des transformationnistes nous semble être la plus plausible au regard de l’ensemble des trois hypothèses. Nous pouvons paraphraser Paul Krugman en disant que la mondialisation n’est pas toujours coupable. Les données empiriques prouvent au besoin que les pays sociaux-démocrates caractérisés par d’importants programmes sociaux arrivent à tirer leur épingle du jeu en s’adaptant à la mondialisation. Même si nous ne pouvons nier les effets de la mondialisation, force est de reconnaître que son impact sur le recul de l’État providence tient plus du mythe que de la réalité. La thèse des déclinistes, bien qu’étant la plus répandue, comporte des faiblesses qui résident dans le fait qu’elle sous-estime la capacité d’adaptation des pays sociaux-démocrates aux changements impliqués par la mondialisation.

BIBLIOGRAPHIE

Paquin, Stéphane [2014]. « La mondialisation n’est [toujours] pas coupable », Séphane Paquin et Pier-Luc Lévesque, Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux pays scandinaves, Les Presses de l’Université de Montréal, 369 pages, p. 49-73.

Commentaires

  • Regarder en dehors de sa propre cou...nous donne l'envie d'étirer le regard

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