Blogue 2 : Aide médicale à mourir, divergence de position entre le fédéral et le provincial
En 2011, deux femmes de la Colombie-Britannique ont entrepris des recours devant les tribunaux de cette province demandant d’obtenir le droit à un soutien médical afin de s'enlever la vie. Dans cette cause, la Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est positionnée en 2012, affirmant que le Code criminel canadien enfreignait les droits des patients. De ce fait, elle a laissé un an au gouvernement fédéral pour qu’il apporte des changements à la loi. À cette demande, le gouvernement Harper avait décidé de porter la cause devant la Cour suprême du Canada, préférant plutôt traiter le sujet devant les tribunaux que sur le plan politique. Ainsi, depuis le 15 octobre 2014, la Cour suprême canadienne se penche sur la question du suicide assisté pour les patients en fin de vie. Dans son jugement, celle-ci aura à se positionner sur deux enjeux. D’abord, celui concernant les droits des patients, ensuite, celui s’adressant aux compétences exclusives des provinces quant aux soins de santé et aux lois qu’elles promulguent sur le sujet.
Contrairement au Canada, le gouvernement du Québec à, pour sa part, décidé de se pencher sur le sujet de l’aide médicale à mourir au cours des dernières années. En juillet 2013, l'Assemblée nationale du Québec a d’ailleurs adopté le projet de loi 52 qui aborde les conditions permettant à une personne malade d'obtenir une aide médicale à mourir. Le Québec est la première province à adopter une loi encadrant ceci. Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral n'a pas mentionné s'il envisageait de contester la constitutionnalité de la loi 52. Toutefois, il m'apparait clair que le provincial et le fédéral ne s’entendent pas sur qui doit légiférer sur le sujet.
Certaines questions sont à se poser en lien avec les actions du gouvernement ainsi que l’évolution des débats et des décisions entourant l’aide médiale à mourir. D’abord, ne devrait-il pas être, plutôt, le rôle des élus et de l’État de débattre du sujet et non seulement des tribunaux? Si l’on considère un sondage demandé par Mourir dans la dignité Canada, il semblerait que 90% des répondants canadiens désiraient que le gouvernement se penche sur la question. À cet effet, il m’apparaît que la population soit davantage prête à lancer la question que son propre gouvernement qui fait actuellement la sourde oreille. Bien entendu, j’en conviens que le sujet demeure très délicat et que les enjeux éthiques et moraux qui y sont reliés sont majeurs. Pourtant, il est nécessaire, selon moi, de tenir compte notamment de deux faits lorsqu’on aborde la question. D’abord, celui voulant que le gouvernement et son administration publique ont la responsabilité d’assurer la primauté des droits des individus et de leur qualité de vie. Ensuite, le fait que l’État et son administration publique demeurent responsables des impacts des décisions prises dans les soins de santé. Considérant les réactions actuelles du gouvernement Harper, je m'interroge à savoir jusqu’ou celui-ci pourra-t-il se dégager ainsi de ses responsabilités, éviter la question et se positionner en utilisant la voie légale? À cet effet, la décision de la Cour suprême du Canada pourrait bien entendu influencer la position du gouvernement et l’obliger à donner des suites sur la question.
En ce qui a trait au Québec, il sera intéressant de suivre comment la province se positionnera en lien avec sa loi et la façon dont la Cour statuera sur le dossier. Pour le moment, il semble que bon nombre de médecins ne voudraient pas être impliqués personnellement dans l’administration ou l’acte de donner la mort à leurs patients, notamment dans le contexte actuel de la position du fédéral. Toutefois, bien qu’il puisse être interprété que ces actes contreviennent au Code criminel, Québec envoi par sa loi un message clair à ses médecins quant au fait qu’ils ne seront pas poursuivis par la province. En tenant compte de ces aspects, il sera fort intéressant de voir comment l’État québécois accompagnera ses médecins et à son personnel médical afin de s’assurer de respecter les orientations de la loi et les demandes de la population y ayant trait.
En guise de conclusion, n’oublions pas que le secteur public doit œuvrer au bien de l’intérêt général et tous ses gestes doivent être approuvés et contrôlés. La décision des juges sera donnée l’année prochaine et la suite de celle-ci nous guidera fort probablement sur les rôles et responsabilités que les gouvernements devront prendre. D’ici là, je pense qu'il s’avèrera primordial de prendre en considération l’importance de faire ce débat de façon responsable et d’être prudent dans la façon d’adresser la question afin de ne pas en faire un enjeu politique. À cet effet, il apparait donc que la loi lancée par Québec soit à l’heure actuelle non pas une finalité sur la question abordant cet enjeu de société, mais bien le début d’une importante démarche de changement.
Katherine G.
RÉFÉRENCES :
HUFFINGTON POST (page consultée le 20 octobre 2014). «Loi sur les soins de fin de vie: des conservateurs réclament un débat», [En ligne], http://quebec.huffingtonpost.ca/2014/06/11/loi-soins-fin-de-vie-conservateurs-reclament-debat_n_5484571.htm
GENTILE, David (page consultée le 20 octobre 2014). «Les députés adoptent le projet de loi Mourir dans la dignité », dans Radio-Canada, [En ligne], http://ici.radio.canada/nouvelles/politiques/2014/06/05/002-vote-assemblee-nationale-projet-loi-mourir-dignite.shtml
ARNOULD, Frédérick (page consultée le 22 octobre 2014). «Le suicide assisté ressurgit en Cour suprême», dans Radio-Canada, [En ligne], http://ici.radio.canada.ca/nouvelles/societe/2014/10/15/003-cour-supreme-suicide-assiste-gloria-taylor-sue-rodriguez.shtml
GENTILE, David (page consultée le 25 octobre 2014). «Aide médicale à mourir : un vote favorable sur le principe, mais divisé», dans Radio-Canada, [En ligne], http://ici.radio.canada/nouvelles/politiques/2013/10/29/002-assemblee-nationale-vote-projet-loi-aide-medicale-mourir.shtml
Commentaires
Il n'est de toutes les façons pas simple de trancher sur des sujets aussi tabous que très intimes. Je trouve votre argumentation assez neutre Katherine et c'est justement là que vous montrez votre discernement de la situation...même après 20ans, les points de vues seront toujours aussi divergeants, que ce soit directement au sein des familles des personnes voulant cette aide ou au plus haut de l' échelle parmis nos dirigeants comme vous le mentionner si bien:le Fédéral et le Provincial. Merci pour ce sujet sensible.
L'aide médicale à mourir soulève plusieurs enjeux comme tu le dis bien Katherine. Il sera intéressant de voir comment la Cour Suprême va se positionner, d'un point de vue juridique, mais aussi éthique. Pour ou contre, les élus s'en remettront à cette décision rendue, mais ce débat aura au moins permis de réaborder le sujet et de susciter des réflexions personnelles et sociales sur la question. À suivre avec intérêt...Bravo pour ton article.
La question de mourir dans la dignité est devenue une priorité exprimée par la population québécoise. En juin 2013, un projet de loi a vu le jour. Il comporte deux volets:
Les droits, l'organisation et l'encadrement relatifs aux soins de fin de vie, lesquels comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir;
La reconnaissance de la primauté des volontés exprimées clairement et librement, par la mise en place du régime des directives médicales anticipées.
L'application de la loi se réserve aux situations très précises où la souffrance en fin de vie devrait être épargnée et bien encadrée et ne se veut en aucun cas être une facilité. L'approche du cas par cas permettra éventuellement de mieux encadrer les situations, du moins c'est ce que je pense. Merci d'aborder ce sujet qui peut toucher tant la sphère éthique, politique que religieuse.
Cette question soulève bien des enjeux. Des sujets comme celui-ci sont nombreux, je pense notamment au droit à l'avortement qui était auparavant condamné. Ça prend du courage pour aborder une question aussi complexe! Merci beaucoup votre Blogue est instructif. Les points de vue concernant cette question sont si différents d'une personne à l'autre qu'ils rendent son positionnement difficile. Cependant, le désir qu'a une personne de mourir lui est propre et nous devons le respecter. Personne ne sait mieux qu'elle ce qui est bon pour elle. Je pense à Pierre Mayence, qui est mort de faim après 61 jours de souffrance... Cet exemple montre la volonté qu'il avait de quitter ce monde et que s'il avait pu bénéficier d'une aide à mourir, il aurait au pu mourir dans la dignité.