Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog #2- Réforme du système de santé : impacts sur l’humain

Le 25 septembre dernier, le Ministre de la santé et des services sociaux, Gaétan Barrette, a rendu public le projet de loi 10 sur la réforme du système de santé actuel. Il vise principalement «l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux» par l’intégration régionale des services, la fusion d’établissements et l’abolition des agences de santé et des services sociaux [1]. Par l’adoption de ce projet de loi, le Ministre veut réduire la bureaucratie et les coûts élevés qui y sont associés. Il souhaite aussi favoriser et simplifier l’accessibilité aux services tout en améliorant la qualité et l’efficience dans la dispensation des soins.

Défis en perspective pour les gestionnaires de la santé

Au cours de la dernière décennie, il y a eu une augmentation d’environ 30% du nombre de cadres dans le réseau de santé québécois, alors que le personnel soignant n’a connu une hausse que de 6% [2]. Les fonctions administratives et d’encadrement se sont multipliées dans l’espoir de résoudre les difficultés inhérentes au système de santé. La nouvelle réforme prévoit l’abolition de 1200 postes de cadres. Certaines personnes touchées par ces coupures seront relocalisées, mais d’autres perdront leur emploi.

La fusion de 128 établissements en 28 centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) au travers de la province aura un impact important pour les cadres qui demeureront en poste. Leurs responsabilités seront plus nombreuses, ayant plus d’employés à gérer et un territoire plus vaste à couvrir. Dans quelle mesure pourront-ils remplir leurs mandats tout en tentant de maintenir une proximité auprès du personnel soignant de leurs équipes respectives? De quelle façon les intervenants seront-ils consultés et entendus en lien avec les problématiques rencontrées sur le terrain? 

Nous pouvons craindre qu’une distance plus grande s’installe entre les administrateurs et les professionnels de la santé suite à la fusion. Cette distance est susceptible de complexifier la communication qui s’avère déjà difficile dans le réseau. Bien que les moyens technologiques d’échanger de l’information soient plus nombreux aujourd’hui, la communication relève avant tout de l’humain. Dans le cadre de leur travail, les gestionnaires reçoivent, traitent et transmettent diverses information. Au sein d’une structure où plusieurs établissements seront fusionnés, nous pouvons penser aux défis d’adaptation qui les attendent. Ils devront non seulement revoir les canaux de communication pour faciliter la transmission de renseignements, mais aussi réviser les mécanismes de référence entre les établissements afin d’assurer une continuité de services pour les usagers.

Impacts sur les professionnels de la santé

Bien qu’une coupure de postes de cadres dans les établissements de santé puisse apparaître comme une piste de solution pour réduire les dépenses et améliorer les services, elle semble difficilement conciliable avec une fusion en parallèle des établissements qui occasionnera, à son tour, son lot de difficultés. Les répercussions de cette fusion affecteront les conditions de travail des gestionnaires, mais également celles des professionnels de la santé. Ces derniers pourront-ils conserver leur poste actuel ou joindront-ils des «méga-équipes» de travail réparties au sein des différents points de services? Rappelons-nous que suite à la création des centres de santé et des services sociaux (CSSS) en 2003, plusieurs intervenants ont dû être relocalisés dans un autre CLSC de leur territoire en raison d’une réorganisation de leur équipe de travail.  

Par cette réforme, le Ministre Barrette souhaite rapprocher les usagers des prestataires de soins de santé et améliorer l’accessibilité et la qualité des services. Nous savons toutefois que l’imposition d’un modèle centralisé d’organisation de services ne suffit pas à transformer la façon dont les soins sont dispensés par les intervenants, surtout s’ils ne se sentent pas considérés durant le processus. Ils pourraient être des leviers importants pour contribuer à l’amélioration des services, mais les débats de structures à venir avec ce projet de loi risquent de les désintéresser.

L’accessibilité aux services pour les usagers

Qu’en est-il de la population? Nous pouvons questionner les retombées de cette réforme sur les usagers qui nécessitent des soins. En quoi une structure centralisée va-t-elle améliorer leur expérience et tenir compte de leurs besoins? Le projet de loi s’avère un pari risqué en ce sens. Comme le souligne Lucien Albert, président de l’Unité de santé internationale, «plus on éloigne le pouvoir décisionnel du terrain, moins les décisions sont pertinentes, parce que ceux qui prennent les décisions ne sont pas bien au courant des besoins réels».[3] Avec la centralisation, il devient ainsi difficile de considérer les disparités locales des populations desservies.    

Par ailleurs, le Collège des médecins a souligné sa préoccupation de voir diminuer l’accessibilité à certains services en raison d’une fragmentation possible des soins de santé dans plusieurs sites d’une même région [4]. Les usagers pourraient ainsi devoir se déplacer davantage, ce qui compliquerait la situation pour certaines clientèles en perte d’autonomie et/ou celles demeurant en régions plus éloignées.  

Conclusion

À ce jour, le projet de loi 10 fait l’objet de plusieurs critiques et ne fait pas consensus au sein des acteurs du milieu de la santé qui, devons-nous le rappeler, n’ont pas été consultés  préalablement pour la majorité d’entre eux. La structure centralisée est sans aucun doute l’aspect le plus contesté dans cette réforme. Elle tend à créer une distance entre les instances et n’améliore pas l’accessibilité aux services, ni leur qualité. Elle s’éloigne surtout des besoins réels de la population. Dans une société démocratique où la santé constitue une des principales préoccupations des citoyens, ces derniers ont droit d’être entendus et consultés quand vient le temps de prendre des décisions qui les concernent.            

Nathalie Hurtubise

 

Sources

1. BARRETTE, Gaétan (Page consultée le 24 octobre 2014). Projet de loi n°10 : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, [en ligne],

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-10-41-1.html

2. LACOURSIÈRE, Ariane (Page consultée le 24 octobre 2014). Le nombre de cadres explose, [en ligne],

http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201009/27/01-4327179-le-nombre-de-cadres-explose.php

3. PAILLIEZ, Caroline (Page consultée le 26 octobre 2014). Le projet de loi 10 sème la grogne, [en ligne],

http://www.journaldemontreal.com/2014/10/19/le-projet-de-loi-10-seme-la-grogne

4. COLLÈGE DES MÉDECINS (Page consultée le 26 octobre 2014). Projet de loi no.10 : le Collège invite le gouvernement à trouver l’équilibre entre les impératifs budgétaires et la qualité des services, [en ligne],

http://www.cmq.org/fr/Public/Profil/Commun/Nouvelles/2014/2014-10-20.aspx

 

Commentaires

  • Je suis bien d'accord avec toi et la mise en place de conseil d'administration choisi par le ministre est inquiétant. En lien avec la distance entre celui-ci et les établissements concernés. Comment est-ce possible d'accorder un budget annuel sans connaître le fonctionnement d'un établissement et sans connaître les besoins des usagers? Et ce surtout pour les centres spécialisés. Dans mon cas, je travaille dans un centre de réadaptation et c'est une des préoccupations actuelles, en effet, des postes sont coupés, il y a non-remplacement des congés et plusieurs personnes chaque mois sont mise à pied. Cela en lien avec un gel des postes en santé et de la demande du respect des missions spécifiques de chaque établissement suite à l'annonce du projet de loi 10. De plus, l'établissement doit présenter un budget annuel équilibré avant la fusion en CISSS, ce qui entraîne plusieurs coupures entre autre dans des services aux patients qui étaient offerts dans le passé tel que le transport pour les rendez-vous ou les activités de loisirs. Il est donc primordiale d'après moi de nous opposé à cette reconfiguration du système de santé s'inscrivant dans les mesures d'austérité annoncées.

Les commentaires sont fermés.