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Blogue 2: La dette publique au lendemain d'une élection

À chaque élection, il m’apparait que le discours par rapport à l’ancien gouvernement reste le même : Nous ne pourrons pas remplir toutes nos promesses électorales puisque l’ancien gouvernement nous a caché de l’information financière et donc la dette est plus importante que prévue. L’élection du 7 avril dernier qui a mené de nouveau au pouvoir les libéraux de Philippe Couillard au détriment du parti Québécois de Pauline Marois ne fait pas exception. En effet, le nouveau premier ministre a donné mandat à des experts comptables de lui faire le portrait de la situation économique des finances publiques au lendemain de l’élection, par rapport au budget du 20 février 2014 présenté par le parti Québécois.

Ce rapport intitulé Rapport d’experts sur l’état des finances publiques du Québec[1] a été préparé par Luc Godbout et Claude Montmarquette. On y apprend notamment la même chose qu’à chaque élection : les revenus du gouvernement doivent être révisés à la baisse alors que les dépenses doivent être revues à la hausse et donc la dette publique sera plus grande que prévue.

État de la situation

En ce qui concerne les revenus, on y apprend que les revenus d’impôts des sociétés ainsi que ceux de loto-Québec devront être revus à la baisse et que la baisse des revenus des sociétés était en bonne partie connue depuis le rapport des opérations mensuelles de novembre 2013. L’autre partie de la baisse s’explique par le fait que la fin d’année fiscale de 45% des sociétés est le 31 décembre et donc les données n’étaient pas encore disponibles en février 2014.

De l’autre côté, les dépenses pour 2013-2014 doivent être revues à la hausse de 620 millions dont 523 millions pour l’augmentation du coût des régimes de retraite. Par ailleurs, un dépassement de 485 millions était déjà connu par le gouvernement péquiste depuis le Point sur la situation économique et financière du Québec à l’automne 2013. Cependant, ce qui choque le plus se sont les prévisions de 2014-2015. En effet, le déficit anticipé de 1.75 milliards de dollars doit être revu à 3.7 milliards selon les experts. Cet écart peut être expliqué en partie par le fait que les dépenses de programmes prévues et annoncées par le gouvernement péquiste conduisent à une croissance des dépenses de 6.1% alors que la cible de croissance des dépenses du budget du 20 février 2014 était de 2%. Il est difficile de comprendre cet écart de prédictions à si peu d’intervalle. S’agit-il d’un problème de calcul ou de prédictions optimistes compte tenu des élections qui étaient imminentes le 20 février dernier?

Les experts ont également fait un bilan des dépenses des dernières années y incluant les deux gouvernements qui ont été au pouvoir. Ils arrivent au constat que l’augmentation des dépenses des 10 dernières années a été en moyenne de 4.8% alors que le cadre financier était de 3.2%. Malgré cette constatation, les experts précisent que la croissance des programmes a été de 3% pour 2010-2011, 2.5% pour 2011-2012 et 1.2% pour 2012-2013 alors que les prévisions sont de 3.5% pour 2013-2014.

En résumé, le résultat de ce rapport est le constat que le Québec continue de s’endetter à grande vitesse. Cet accroissement de la dette signifie que chaque année, le Québec doit payer 11.6% de ses revenus seulement en intérêts sur la dette. Pour comprendre l’ampleur de la situation les experts expliquent que le service de la dette représente plus que les dépenses en éducation et est supérieur au budget de fonctionnement de 14 des 19 ministères. Par ailleurs, ils avertissent le nouveau gouvernement qu’une baisse de la cote du Québec par les agences de notation pourrait entraîner l’augmentation du taux d’intérêt et par le fait même une hausse du pourcentage du revenu servant à payer les intérêts de la dette. En conséquence, la conclusion des experts est que l’augmentation de la dette et des intérêts sur celle-ci a un impact direct sur le montant disponible pour financer les services publics. Ce constat doit, à mon avis, nous amener à réfléchir tous et chacun pour en arriver à la conclusion que des actions concrètes doivent être prises par le gouvernement pour faire concorder les programmes publics à ce que nous sommes capables de payer. Si rien n’est fait, il est fort possible que les impôts augmentent quand même, et ce, pour payer le service de la dette et non l’amélioration des services publics.

Principes et enjeux

Ce rapport d’experts est basé notamment sur la Loi de Wagner à l’effet que les dépenses de l’État augmentent toujours plus rapidement que les revenus. En effet, les auteurs constatent eux-mêmes que : «  Pour le gouvernement, le défi est en fait de régler de façon durable un problème de dynamique de croissance des dépenses supérieures à la croissance des revenus gouvernementaux. »[2] Par ailleurs, ils ajoutent que pour le Québec, le contrôle des dépenses est un enjeu majeur compte tenu du vieillissement de la population. À cet effet, ils concluent qu’à partir de 2014, contrairement aux décennies précédentes, le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans diminuera. Puisque le nombre de personne en âge de travailler diminuera : « la croissance économique reposera donc exclusivement sur la hausse des taux d’emploi et sur la productivité. »[3]

Solutions

Les experts ont proposés des gestes à court terme au nouveau gouvernement de Philippe Couillard pour l’année 2014-2015, soit notamment : un gel de la masse salariale de la fonction publique, la réduction de certains crédits d’impôt aux entreprises ainsi que l’utilisation de la tarification dont notamment des frais de garde. Par ailleurs, à long terme les solutions mises de l’avant sont : un examen systématique des programmes, des processus et des structures, une gestion pluriannuelle des dépenses, un réexamen de la fiscalité et un rapport sur l’état des finances publiques précédant les élections à date fixe.

On constate que le gouvernement a déjà mis en branle quelques unes de ces recommandations par l’institution d’une commission permanente de révision des programmes et en mettant en place une commission d’examen sur la fiscalité québécoise.

Conclusion

Il m'apparait évident que l’ensemble des coupures annoncées par le gouvernement de Philippe Couillard ne sont pas étrangères aux conclusions de ce rapport, lesquelles nécessitent à mon avis d’être suivies compte tenu des défis démographiques à venir combinés à des dépenses de programmes en perpétuelle croissance. L’heure n’est peut-être pas encore grave, mais je crois que le gouvernement actuel doit faire preuve de courage politique afin d’éviter une iniquité intergénérationnelle puisque quelqu’un devra payer le prix des services que l’on n’a pas les moyens de se payer aujourd’hui. Il reste à voir si la dernière recommandation à l’effet qu’un rapport neutre sur l’état des finances publiques soit préparé afin d’éviter la désillusion au lendemain de la prochaine élection en apprenant que les finances publiques du Québec sont plus problématiques que ce que l’ancien gouvernement avait annoncé. Par ailleurs, ce rapport permettrait un débat politique soutenu par des chiffres plus concrets afin de mesurer l’efficacité du gouvernement en place.

 

 Stéphanie Allard

 

 



[1] GODBOUT, Luc et Claude MONTMARQUETTE (2014), Rapport d’experts sur l’état des finances publiques du Québec, Québec, Gouvernement du Québec.

[2] Ibid p.23.

[3] Ibid p.29.

Commentaires

  • Stéphanie... Bien reçu pour nourrir nos connaissances et mieux se former une opinion. Bonnes suites.

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