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Blogue 2: La remise perpétuelle d’une stratégie de Santé publique pour les UDI. Le maire Coderre sans mêle !

Une des activités inscrite au programme national de Santé publique de 2002-2012, était l’ouverture de 4 sites d’injection supervisés à Montréal. Ces sites, ci-après nommé les SIS, ne sont toujours pas ouverts et ne verront pas le jour cette année.

 

Les UDI (usagés de drogue par injection) sont une population très à risque pour la transmission de l’hépatite C et du VIH. Les SIS, permettent aux usagers d’avoir accès à des seringues stériles et de pouvoir recevoir des soins en cas de surdose ou infections. L’endroit est supervisé par des médecins et infirmiers (ères) qui peuvent également diriger les usagers vers d’autres soins s’ils le désirent. [i]

 

Il existe plusieurs SIS à travers le monde et même ici au Canada à Vancouver. En effet, Insite, un des SIS de Vancouver, a vu le jour en 2003. Un grand procès a fait les manchettes en 2011 à propos de ce site. Pour pouvoir pratiquer, les SIS au Canada doivent obtenir du fédéral une exemption prévue à l’article 56 de la  Loi règlementant certaines drogues et autres substances (L.C.1996, ch.19).[ii] Une exemption temporaire et renouvelée jusqu’en 2008 avait été accordée à Insite. Cependant lors de leur requête en 2008 pour avoir la même exemption, le ministre de la Santé fédéral leur a refusé. L’histoire a donc fait toutes les instances judiciaires pour se terminer en Cour suprême en 2011. Dans le jugement, la Cour suprême a ordonné au ministre d’accorder sur-le-champ à Insite l’exemption prévue à la loi et a aussi précisé que « Dans les cas où, comme en l’espèce, l’existence d’un site d’injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère, sinon aucune preuve qu’elle aura une incidence négative sur la sécurité publique, le ministre devrait en règle générale accorder une exemption. »[iii]

 

Le maire Coderre a lors de sa campagne électorale mentionné être en faveur de l’ouverture de SIS à Montréal. Il a d’ailleurs réitéré en septembre dernier qu’il voulait aller de l’avant avec le projet. Cependant, malgré la demande ayant été fait depuis longtemps pour l’exemption à la Loi, le fédéral ne semble pas pressé de répondre à cette demande pour Montréal. Le maire Coderre a dit qu’il passerait à l’action même sans l’accord d’Ottawa mais la ministre déléguée à la Santé publique au Québec, la ministre Lucie Charlebois, ne semble pas vouloir court-circuiter  Ottawa. Après avoir posé la question au maire Coderre, le 27 octobre dernier à l’hôtel de ville de Montréal, sur son plan d’action afin d’éviter que le projet ne soit encore retardé, il nous a précisé que le projet était déjà en branle et que selon lui il n’avait pas besoin d’attendre après qui que ce soit pour le réaliser. [iv]

 

Alors monsieur Coderre va de l’avant avec un projet sans l’accord du fédéral ni même encore du provincial?? C’est qu’il se sent tout puissant ce maire!

 

L’analyse détaillée du jugement rendu par la Cour suprême du Canada a effectivement donné une orientation au ministre de la Santé fédéral pour des cas futurs. Cependant même si le projet est une question de Santé publique, le jugement a aussi spécifié :

 

« Les décisions relatives aux traitements offerts par des établissements de santé provinciaux ne font pas partie du contenu essentiel protégé du pouvoir conféré aux provinces en matière de santé et ne sont donc pas à l’abri d’une ingérence fédérale (…) Enfin, comme il est admis que, sans immunité constitutionnelle, les activités d’Insite sont assujetties à la loi fédérale et celleci a préséance sur la législation et les politiques provinciales incompatibles. »[v]

 

Le provincial et le municipal sont tenus à la Loi Fédérale [vi] et ce, malgré les compétences laissées aux provinces en regard du système de santé.[vii]  Je ne vois donc pas comment monsieur Coderre compte s’y prendre. Bien que la Cour suprême soit le plus haut tribunal d’instance au Canada et que nul peut appeler de son jugement,[viii] elle n’a pas dicté au Fédéral l’obligation de donner automatiquement l’exemption à qui la demande même si elle l’a fortement suggéré. Avec les conservateurs au pouvoir on peut penser qu’ils ne prônent certainement pas ce  genre d’endroits qui ont pourtant sauvé des vies et n’ont eu aucun effet négatif sur les populations que ce soit ici, à Vancouver ,ou en Europe.

 

Puisque le maire risque de frapper un mur s’il n’obtient pas l’exemption nécessaire pourquoi ne pas retourner en cours contre le ministre de la Santé fédérale qui, en retardant sa réponse joue avec la vie des UDI de Montréal.

 

Le projet est essentiel selon moi et il est temps qu’il cesse d’être remis d’année en année. En mai dernier il y a eu 15 décès de surdose à Montréal et 28 intoxications graves. Chez les UDI, usagers de drogues injectables, les surdoses étaient de 5 à 6 fois plus élevées en un mois qu’en temps normal. Il faut réagir et il faut le faire rapidement sinon tout porte à croire que d’autres vagues de surdoses mortelles surviendront chez cette clientèle qui est des plus vulnérable. [ix]

 

Il ne sert à rien de lancer des belles paroles en prétendant être le tout puissant dans un dossier si cela n’aide en rien la cause que l’on prône. Monsieur Coderre j’espère que vous avez un plan légal pour permettre à cette activité de Santé publique de voir enfin le jour.

 

Enfin, les SIS relèveront du ministère de la Santé et des services sociaux il est donc essentiel que l’administration Barrette accorde un budget à leur création. Peut-être est-il souhaitable d’insister avant le 15 décembre prochain, avant que la nouvelle réforme soit adoptée ou plutôt avant que les coffres ne soient scellés pour une autre année?

Nathalie Duranceau, Socio-demo ND


[iii] Jugement de la cours suprême du Canada https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/7960/index.do

 

[v] Jugement de la cours suprême du Canada https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/7960/index.do

 

[vi] Michaud Nelson et coll. (2011) Secrets d’États Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, PUL, p. 810.

 

[viii] Michaud Nelson et coll. (2011) Secrets d’États Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, PUL, p. 208.

 

 

 

 

Commentaires

  • À mon avis, la remise perpétuelle de l'ouverture des sites d'injection supervisés est le reflet de ce qui se passe globalement en matière de soins pour les personnes dépendantes aux substances. Malgré les coûts élevés directs et indirects occasionnés, les services à cette clientèle demeurent restreints et sous-financés. Ils ne font pas encore partie des priorités d'intervention de nos élus. Pendant ce temps, malheureusement, les dépendances continuent d'entraîner beaucoup de souffrance chez les consommateurs et leurs proches...Merci d'avoir abordé le sujet Nathalie.

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