La participation citoyenne
« Ne jamais douté du fait qu'un petit nombre de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde.
En vérité, c'est la seule chose que l'on n'a jamais fait».
Cette citation de Margaret Mead, anthropologue américaine, m’a été servie trois fois la semaine dernière. J’ai fini par comprendre que je devais aborder le sujet. Ma visite récente à l’Assemblée nationale m’avait confirmé dans mes préjugés à l’encontre du comportement théâtral des députés lors de la période des questions ainsi qu’envers le peu de respect démontré aux groupes présentant un mémoire durant les commissions.
Le cynisme ambiant dans la population à l’égard des élus pour leur code d’éthique flou tel que constaté lors de la Commission Charbonneau et pour leur peu d’habileté à représenter le point de vue des citoyens au Parlement ne semble qu’augmenter. Est-il encore possible de rétablir la situation? Comment ramener le citoyen à croire en son gouvernement et ses institutions? Nous aborderons la question de la participation citoyenne dans sa globalité selon la définition que nous en donne l’INM (Institut du Nouveau Monde, 2014) dans le document Etat des lieux des mécanismes de participation publique au Québec et relevé d’expériences inspirantes de participation publique hors Québec :
« La PARTICIPATION CITOYENNE est l’exercice et l’expression de la citoyenneté à
travers la pratique de la PARTICIPATION PUBLIQUE, de la PARTICIPATION
SOCIALE et de la PARTICIPATION ÉLECTORALE ».
Lorsqu’on porte un regard sur notre système politique, il est raisonnable de se demander si celui-ci se prête bien à l’écoute, voire la participation citoyenne. Nous vivons présentement dans un système parlementaire représentatif autant au Québec qu’au Canada qui est un héritage britannique. En fait, « des trois grands régimes politiques de l’occident- britannique, américaine et français-, c’est de loin le parlementarisme britannique qui fait la place la plus mince au citoyen ou à l’ensemble des citoyens qui constituent le peuple » (Larocque, 2014).
Présentement le citoyen québécois peut compter sur les outils suivants pour faire entendre sa voix; voter, participer à des consultations publiques lorsqu’il y est invité, lancer des pétitions et présenter un projet de loi privé. Le vote ne revient qu’à chaque élection, entre chacune il faut endurer ce qui est décidé pour soi ou opter pour d’agir avec les autres outils. Cependant, il est impossible de participer à une consultation publique sans y être invité et les citoyens doivent se regrouper et trouver un député prêt à présenter leur projet de loi privé pour le soumettre à l’Assemblée nationale. Tant qu’à la pétition, il faut aussi trouver un député pour l’endosser et le gouvernement n’a aucune obligation d’en tenir compte. On peut donc conclure que le pouvoir du citoyen ne tient pas un rôle proactif dans notre démocratie. Qu’est-il possible de faire? Nous explorerons deux sociétés aux prises avec le parlementarisme britannique et les solutions proposées par des organismes indépendants pour amener ce rôle positif sur l’avant-scène.
Le Québec et le Royaume-Uni semble suivre un cheminement parallèle quant au rôle à donner à tout individu de sa population. Les derniers changements apportés au rôle du citoyen ramène celui-ci à son rôle de consommateur plutôt qu’à son rôle partie prenante d’une démocratie. Ainsi au Royaume-Uni, ils ont vu la naissance de la Charte du citoyen apportée par John Major en 1991. Malgré son nom pouvant laissé croire à des pouvoirs accordés à l’intitulé mais on traite plutôt aux droits que possède le citoyen en tant que consommateur. Le Québec a suivi le mouvement en 2000 avec le gouvernement de Lucien Bouchard pour inclure dans la Loi sur l’administration publique (RLQ, chapitre A-6.01) la Déclaration de services aux citoyens. Il s’agit encore une fois de légitimer sur les droits du citoyen en tant que consommateur. Dorénavant chaque ministère ayant à fournir un service à la population doit produire sa déclaration de services aux citoyens et en informer sa clientèle. Si celle-ci n’est pas respectée, le client a des recours possibles. Ces nouveaux outils profitables aux citoyens s’apparentent plutôt à la protection du consommateur qu’à l‘élaboration de nouveaux pouvoirs pour le citoyen actif dans sa société. Autant que cela puisse être utile pour le citoyen-client cela ne satisfait pas la soif de participation du citoyen acteur dans sa démocratie.
Dernièrement, nous avons assisté à des lois améliorant le financement des partis politiques d’un point de vue éthique et l’importance de clarifier les questions référendaire. La transparence imposée pour le financement suppose qu’il sera plus facile de lutter contre la corruption des partis politiques. Au Québec, nous assistons toujours à l’étalage des méfaits à la Commission Charbonneau. Quant à la clarté de la question référendaire, le Québec se souvient toujours qu’elle devra l’être la prochaine fois. Le Royaume-Uni avait quant à lui bien délimité le critère de la clarté lors du référendum écossais. Cependant, ces outils tout aussi pratique soient-ils pour protéger le citoyen ne lui donne toujours pas plus de pouvoir participatif mis à part son vote lors de la consultation à grande échelle que représente un référendum appelé par un gouvernement.
Des deux côtés de l’Atlantique des organismes indépendants se sont penchés sur le pourquoi et le comment faire appel à une plus grande participation citoyenne. Au Québec, nous nous référerons à l’Institut du Nouveau Monde et le rapport du Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques tandis que pour le Royaume-Uni nous utiliserons les informations provenant de Power Inquiry dans son document intitulé, Beyond thé ballot.
Avant de voir comment faire, penchons-nous sur la question d’à quoi servirait une participation citoyenne accrue? Selon l’Institut du Nouveau Monde, les bénéfices seraient les suivants:
•Accroître la confiance des citoyens dans les institutions
•Améliorer la cohésion sociale
•Développer les capacités (empowerment) du public et l’aider à comprendre les enjeux
•Améliorer la qualité des décisions, des politiques et des services par l’apport de savoirs
diversifiés
•Accroître le soutien aux politiques publiques
•Créer les conditions d’émergence d’innovations
Ces bénéfices seraient-ils ressentis que par les citoyens? Clairement, les gouvernements en place profiteraient avantageusement d’un soutien accru des citoyens aux politiques publiques ainsi que de meilleures politiques satisfaisant les gens du peuple. Tandis qu’une meilleure cohésion sociale paraît toujours mieux pour un pays ou un état plutôt que des démonstrations à répétition de manifestants dans les rues faisant état d’une certaine instabilité.
Maintenant, comment pouvons-nous faire pour récolter ces bien faits? Au Québec, on a beaucoup parler dernièrement de la proposition citoyenne ou initiative populaire pour initier un référendum. Cette suggestion est poussée de l’avant par la Parti québécois visant un sujet bien spécifique, l’indépendance. Cette avenue de participation pourrait pourtant servir à bien d’autres sujets. C’est d’ailleurs une des solutions les plus populaires autour du monde pour stimuler la participation citoyenne. Elle est bien présente en Suisse et en Californie.
Une autre approche a dernièrement été soulevée et elle concerne plutôt la modernisation des élections. Les anglais nomment cette approche le « e-voting », c’est-à-dire le vote effectué par internet. Cette technique gagne du terrain mais surtout au niveau local ou municipal. Nous en avons témoigné avec les élections des municipalités de l’Ontario. Cette méthode se voit aussi à Genève en Suisse. Les opposants de cette méthode utilisent largement l’argument du peu de fiabilité des outils utilisés pour mener à bien l’élection de manière confidentielle. Cet outil est-il moins fiable lorsqu’ utilisé par des paliers supérieurs ou peut-on croire qu’est testé au niveau local? Il reste difficile de croire qu’en 2014, on ne peut obtenir d’outil fiable pour offrir de voter par internet quand les banques nous offrent de faire toutes nos transactions sur une application offerte en ligne pour téléphones intelligents?
Le Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques a publié son rapport en 2003 et y propose 14 recommandations allant de la réforme du mode de scrutin, en passant par l’élaboration d’une constitution québécoise votée par référendum telle qu’en Colombie-Britannique et un changement de la Loi sur la Consultation populaire (pour permettre l’initiative populaire (RLQ, chapitre C-64.1), d’une décentralisation des pouvoirs des régions pour en faire de vrais partenaires, améliorer et augmenter l’information disponible pour tous, revoir la pertinence de notre régime politique et le rôle des élus et l’intégration obligatoire dans le processus démocratique des groupes ciblés comme les femmes et les minorités ethniques, etc…
Toutes ces recommandations répondent à la demande de la population d’obtenir un rôle plus impliqué dans le processus décisionnel.
Power Inquiry suggère à peu de choses près les mêmes idées. Elles sont ici regroupées sous les sujets suivants; innover en matière d’élections, innover au sujet des modes de consultation, créer de nouveaux espaces où délibérer, innover en proposant de nouvelles approches de co-gouvernance (par exemple des comités de vigilance ou une budgétisation participative tel que ce se fait au Brésil), innover en matière de démocratie directe où le citoyen prends part à la décision et finalement innover par la création d’espace démocratique sur internet.
On constate que les recommandations de l’un et les suggestions de l’autre se ressemblent énormément. Ces rapports datent de 2003 et 2005 respectivement. Depuis a-t-on agit de manière significative à propos de la participation citoyenne au Québec?
En prenant le virage participatif, il serait possible d’établir une meilleure relation citoyen-gouvernement et diminuerait de beaucoup les disruptions sociales massives lors de la présentation. La participation citoyenne n’est pas que l’apanage du municipal, elle doit se transmettre aux autres paliers. Il ne s’agit pas que de mettre sur pied des commissions exposant des faits relatant des actes répréhensibles par nos représentants et pour lesquels il y a peu de conséquences pour les personnes concernées. Cet étalement de méfaits et de tromperie restent en partie responsable du climat de méfiance de la population envers ses élus.
Les dernières années ont été marquées par des mobilisations citoyennes importantes comme nous avons pu en témoigner lors du Printemps érable, les rassemblements populaires pour dénoncer les dangers de l’extraction du gaz de schiste et les dangers du transport du pétrole suite à l’accident de Lac-Mégantic. La grogne populaire ne semble pas vouloir se taire si l’on se fie aux réactions offertes aux propositions du premier ministre, M. Couillard, au sujet des frais de garderie. J’inviterais donc le Ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques, M. Jean-Marc Fournier, à penser offrir une place plus prépondérante au citoyen dans notre démocratie s’il tient à vivre dans une société où il y a une meilleure cohésion sociale et un plus grand soutien aux politiques publiques.
Le dynamisme des prochains gouvernements ne dépend que de l’implication citoyenne et plus celle-ci sera au coeur de l’action et plus le succès de celui-ci sera grand. Il reste qu’il faut être prudent et bien baliser chaque initiative mais faudra absolument voir à donner libre accès à plus d’informations et savoir stimuler l’action populaire.
Qui sera assez brave pour mener à bien cette nouvelle réforme?
LiL Line Laporte
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LAROCQUE, André (2014) « Le citoyen et l’État » dans Nelson Michaud (dir.), Secrets d’États?: Principes qui guident l’administration publique et ses jeux contemporains, Les Presses de l’Université Laval p. 228, 229.
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