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Proftrudel2 - Page 61

  • Mon petit Québec

    «Le monde est un piège qui prend la forme de la parole»

    Jean d'Ormesson

     

    Lorsque j'étais plus jeune, le Québec était un lieu de grandes réalisations : Manic 5, l'invention des lignes de haute tension, la création d'une île au milieu d'un fleuve.  Aujourd'hui, mon Québec est un lieu où un viaduc peut à tout moment céder, où la mafia contrôle les appels d'offres d'un chantier de construction, où un projet avorte par pur opportunisme électoral (la re-fusion des villes) ou par les pressions de groupes minoritaires (le projet d'agrandissement du Casino de Montréal).  Lieu de scandales de tout acabit, le Québec se retrouve à la une d'un magazine anglais comme étant The most corrupt province in Canada![1]  Les dernières nouvelles ayant trait au trafic d'influence et aux enveloppes brunes dans le monde municipal doivent réjouir l'auteur de ce papier. 

     

    Dans un récent sondage, Auguste Reids (La Presse), 75%[2] des répondants disent être en accord avec ce sentiment de corruption généralisée.  Moins d’un Québécois sur dix croit le maire Vaillancourt.[3]  Une pétition sur Internet récolte plus de 200,000 noms en quelques jours, une première au Québec, pour demander la démission du premier ministre Jean Charest.  La droite semble être de mise un peu partout dans le monde politique, tant ici au centre du pays qu’à Québec où le gouvernement provincial libéral est dirigé par un ancien conservateur fédéral.  Comment en sommes-nous arrivés là nous qui avions de si grandes aspirations dans les années 60-70?

     

    En effet, les années 60 et 70 ont donné naissance à un peuple et à une  identité nationale forte.  Que nous ont donné les décennies suivantes? Deux référendums, la nuit des grands couteaux (entente constitutionnelle sans l’accord du Québec), des scandales politiques, une désaffectation de l’espace public entre autres aux urnes, une syndicalisation à outrance ressemblant étrangement à l’ancien régime patronal dénoncé à ses débuts, des déficits gênants et un état lamentable des infrastructures communes, hôpitaux, écoles, routes et viaducs.  Trop d’histoires en ce sens démontrent ces tristes énumérations.  Que sont devenus nos héros et où sont ceux en devenirs?

     

    Pierre Clame dans La démocratie en miettes dit que :

    « …dans la plupart des sociétés, l’adoption de valeurs et de règles communes est si importante qu’elles éprouvent le besoin de se référer à une transcendance ou à des mythes pour soustraire en quelque sorte ces valeurs et ces règles au jugement des contemporains»[4]

     

    Malgré les réformes substantielles entreprises par les gouvernements dans les années 70, Commission Cliche, Loi sur le financement des partis politiques, Charte des droits et libertés comment en sommes-nous arrivés à contourner des mesures que nous avions mis en place pour nous protéger d’un tel dérapage?  Comment en sommes-nous arrivés à ne plus croire en la parole des politiciens, pire à douter de nos institutions? 

     

    Philippe Breton, sociologue français, dans La parole manipulée pose la question suivante: «La sensation de vivre dans un "univers menteur" n'est-elle pas à l'origine de formes nouvelles d'individualisme et de repli sur soi?  L'auteur pousse encore plus loin sa réflexion en affirmant que : «L’homme met du sens partout et que s’accorder sur un minimum de points de vue communs nécessite un gigantesque travail pour des résultats toujours assez modestes  et toujours à recommencer.»

     

    Cela n’est pas sans nous rappeler le débat entourant le terme de «petit peuple » utilisé par Pauline Marois lors de la période de questions à l’Assemblée nationale?  A trop vouloir s’attarder au sens profond des mots, on finit par perdre l’essence même du discours que nous cherchions à communiquer.  Est-ce là le seul vrai enjeu de nos débats politiques?  Est-ce là le problème de notre politique actuelle?  Une difficulté de communication, de compréhension où l'information continue défile en boucle les mêmes nouvelles (qui n'a pas vu les tours jumelles s'effondrer?) réduisant ainsi la portée du vrai message pour ne retenir qu'un clip de 10 secondes à tendance sensationnelle?

     

    Cela me rappelle L'écran du bonheur de Jacques Goodbout dans lequel celui-ci mentionnait en 1986: «L'influence des vidéo-clips sur la démocratie a peut-être dépassé l'effet d'entraînement visé par l'industrie du disque.  L'impact audiovisuel fut au départ, fulgurant: un langage primaire au niveau des sons et des paroles, inlassablement repris, de courte durée, s'adressant aux adolescents et à ceux  qui le restent, fit rapidement croire qu'était venu le temps de tout penser en vidéo-clips.9

     

    Pour l'auteur Philippe Breton cela questionne les nouvelles sources de l'individualisme qu'on vit en ce moment.  Celles-ci se traduiraient par un effacement du lien et des tissus sociaux.   Ce qui pour l'auteur s'expliquerait par un désynchronisme social, le contraire d'une société holiste.  «Les sociétés individualistes cultivent pour le meilleur comme pour le pire, toutes les formes de la désynchronisation sociale, qui est le prix de l'autonomie des individus.»

     

    Il conclut que dans un monde où plus personne ne fait partie de rien, nous sommes « bien peu résistant devant la manipulation ».  En partant de ce constat, nous pourrions croire que toute forme d'éthique, ce qui semble lourdement manquée actuellement à beaucoup de nos politiciens, pourrait s’avérer impossible à appliquer.  En effet, si on se fie à la définition de Boisvert, Jutras, Legault Marchildon: « L'éthique est le seul mode de régulation des comportements qui provient d'abord du jugement personnel de l'individu »[5]. Cette part de jugement individuel ne pourrait exister en raison de cette désynchronisation sociale.  Toujours selon ces auteurs, c'est le caractère « autorégulatoire qui distingue l'éthique des autres modes de régulation parce qu'il laisse une grande place à l’autonomie et à la responsabilité individuelles[6].  Tenant compte de ces affirmations, la solution serait-elle de briser l’isolement en revenant à des projets collectifs et rassembleurs, tant politiques que sociaux, avec à leurs bases une vraie participation sociale du citoyen aux mécanismes décisionnels.  Ceci me rappelle la campagne référendaire du OUI de 95 qui proposait des projets de société comme nous n’en avons pas vus depuis. 

     

    Toutefois, à la base de tous projets de cette nature un état des lieux devrait être fait afin de faire place aux vrais échanges ayant comme assise l’éthique.  Sans celle-ci aucune réappropriation de l’espace public par le citoyen ne saurait être possible si celui-ci ne croit pas aux instances qu’il interpelle car « ...l'éthique nous fait comprendre que les divers modes de régulation des comportements sont à la fois distincts, emboités et complémentaires (...) elle interroge  les repères traditionnels - lois, règles, normes, mœurs vertus et valeurs »[7]

     

    Avec de grands « success stories » internationaux tels que le Cirque du Soleil, les mises en scène de Robert Lepage, les cinéastes tels que Arcand, Girard, Villeneuve, le Québec, entre autre l’administration publique, doit, pour ne pas se s’éteindre, innover et travailler à être parmi les meilleurs, et ce, dans une perspective de mondialisation. 

     

    Sans cette réussite, le Québec restera, selon moi, le parent pauvre de ce pays et pour plusieurs, un p’tit Québec, voir un petit peuple.  Petit, oui, mais si grand quand il se donne les moyens de porter sa parole et son identité au-delà de ses frontières.  Toutefois la dichotomie politique et identitaire propre à notre histoire de minoritaire ferait-elle de nous un perpétuel peuple en quête de l'impossible étoile?

     

    Est-ce que le Québec, bulle de langue française au nord d'un continent, serait en fin de compte comme le dirait Boris Cyrulnik à propos de la résilience:  Un merveilleux malheur...?[8]

     

     

    Sylvain Le May

    2e cycle

    École Nationale d'Administration Public



    [1] Macleans, septembre 2010

    [2] Journal La Presse 20 novembre 2010

    [3] Journal La Presse, 20 novembre 2010

    [4] Calame, Pierre, La démocratie en miettes (2003), Les fondements éthiques de la gouvernance et l’institution de la communauté, http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-312.html

    9 Godbout Jacques, L'écran du bonheur, La vie en vidéoclips, Boréal compact, Édition 1995, page 101

    [5] Boisvert, Jutras, Legault Marchildon, Petit manuel d'éthique appliquée à la gestion, 2003, Liber, chapitre 4, p.44.

    [6] ibid

    [7] Boisvert, Jutras, Legault Marchildon, Petit manuel d'éthique appliquée à la gestion, 2003, Liber, chapitre 4, p. 55

    [8] Un Merveilleux Malheur (Odile Jacob, 1999) Boris Cyrulnik est aussi l’auteur d’une douzaine d’autres livres, dont Naissance du sens (Hachette, La Villette, 1991) et L’ensorcellement du monde (Odile Jacob, 1997).

     

  • Financement des transports publics

    Il n’est pas facile pour un élu municipal de proposer une nouvelle taxe, quand bien même elle pourrait financer les services de transport en commun et améliorer le bien-être de tous les citoyens sur son territoire. Pour un ministre des Transports présenter un projet de réfection de l’ampleur de celui de l’échangeur Turquot s’avère tout aussi difficile. Doit-on voir dans l’annonce presque simultanée de ces 2 projets le fruit du hasard? Comment pourrait-on investir massivement dans le transport collectif et trouver les financements?

    Le 8 novembre, le maire Gérald Tremblay a proposé une taxe spéciale rehaussant, dès janvier 2011, les frais d’immatriculation pour les automobilistes résidant sur Montréal. L’objectif affiché est le financement du transport en commun. Le 9 novembre, le ministre des affaires municipales Laurent Lessard regardait positivement cette demande de taxe, relayé par le ministre des Finances Raymond Bachand qui affirmait son soutien au projet du maire Tremblay. Le 11 novembre lors d’une assemblée de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), l’administration Tremblay était suivie sur cette décision des autres villes à l’exception des maires de Laval et Longueuil. Le montant de cette taxe spéciale reste à définir même si on parle « de moins de 50 $ ».

    Le 9 novembre, le ministre des Transports Sam Hamad et le ministre des Finances ont dévoilé les nouveaux plans pour la réfection de l’échangeur Turcot. Cette annonce a mis fin à 2 ans de travail du ministère des Transports du Québec (MTQ) afin de bonifier le projet initial critiqué sévèrement par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Dans ce projet évalué à 3G$, la capacité de l’échangeur construit plus près du sol est maintenue à 300 000 véhicules par jour. Même s’il respecte 37 des 39 recommandations du BAPE, il s’avère cependant moins ambitieux que ce que souhaitaient ses détracteurs (tram-train non budgété par exemple). Concernant le transport en commun, le MTQ a prévu une voie réservée au covoiturage et aux autobus dans l’axe est-ouest. La reconstruction de l’échangeur entraînera aussi l’expropriation de 106 logements. Le maire Gérald Trembay appuie ce projet Turcot.

    Les usagers des transports publics tout comme les automobilistes mettent de plus en plus la main au portefeuille pour contribuer au financement des transports publics. On observe une tendance à la hausse des taxes et tarifs. La taxe sur le stationnement a été introduite en 2010. La taxe provinciale sur l’essence est en hausse de 1,5 cents et sera augmentée de 1 cent par année jusqu’en 2013. La taxe régionale pour Montréal s’élève aussi à 3 cents le litre cette année. Actuellement 30 $ de la taxe d’immatriculation sont déjà consacrés au transport en commun. Du côté de la carte CAM de transport STM, le tarif mensuel est rendu à 70$.

    L’État intervient significativement et augmente les investissements dans de grands projets d’infrastructure. Le 11 avril 2000, le ministre des Transports Guy Chevrette proposait un Plan de gestion des déplacements de la région métropolitaine de Montréal (PGDM) et prévoyait une quarantaine de grands projets afin de relancer Montréal. Son objectif était de mieux gérer et planifier les grands réseaux de transport en facilitant le déplacement de marchandises, en baissant la congestion routière et en augmentant la fréquentation du transport collectif. L’investissement dans les grands réseaux de transport s’élève à 6,7 milliards de dollars dont pratiquement 60% a été consacré à l’amélioration des routes à Montréal et dans ses banlieues. Les 40% ont été investis dans les réseaux de transports collectifs, soient 2,7 milliards de dollars destinés aux trains de banlieue, au métro Laval, à l’achat d’autobus et au maintien des infrastructures. 

    Cependant la liste des 40 projets a évolué dans la dernière décennie. La Presse a publié le 6 novembre 2010 une estimation du MTQ sur les coûts des projets de transport en commun en cours ou à l’étude actuellement dans la grande région métropolitaine (1). Ainsi cette estimation liste 14 projets de 100 millions de dollars et plus qui représentent 11,1 milliards de dollars. Or 25% de ces dépenses devront être financées par les municipalités desservies et leurs sociétés de transport (hormis les projets de prolongement du métro et la navette aéroportuaire). C’est un effet du transfert des responsabilités lié à la décentralisation du gouvernement du Québec vers les municipalités.

    Á ces dépenses publiques, il faudra ajouter les coûts des projets de moins de 100 millions (rénovations du métro, remplacement du matériel roulant, aménagement des voies réservées aux bus par exemple). La STM confirme bien cette « accélération des investissements » au cours des prochaines années. Elle prévoit des dépenses d’immobilisation de 2,1 milliards de dollars de 2010 à 2012 alors qu’elles s’élevaient à 1,6 milliards de dollars entre 2003 et 2009.

    L’intervention de l’État par ces investissements a déjà permis d’augmenter de 15% la fréquentation des transports publics entre 2003 et 2008. C’est aussi le résultat d’engagements pris au niveau fédéral avec les cibles de réduction des gaz à effet de serre, au provincial grâce à la politique du transport public et sur les changements climatiques, et au municipal par le plan sur le transport et du développement durable.

    Malheureusement cet investissement reste encore insuffisant. Les personnes et les marchandises dépendent encore beaucoup des transports routiers en Amérique du Nord. Selon la plus récente Enquête origine-destination de 2003 à 2008, la population de Montréal a augmenté de 5% alors que le parc automobile a crû de 10%. La domiciliation se développe 5 fois plus vite dans les couronnes que sur l’île. De plus les personnes ont la capacité financière d’acheter et de maintenir un véhicule (ou s’endettent) afin de favoriser des déplacements de plus longue distance. Dans ces conditions, le déplacement pour aller travailler se fait en auto souvent seul (auto-solo) face à une offre de services de transports publics encore insuffisamment adaptée et attractive.

    Cependant les priorités ne manquent au budget du gouvernement. Il n’a pas d’autres choix que de rationaliser ses arbitrages en envisageant des coupures dans les budgets ministériels. Il n’est donc pas facile de faire des choix audacieux. Le transfert des compétences lié à la décentralisation donne une autonomie aux municipalités, voire aux arrondissements. Cependant des responsabilités accrues, notamment en matière de taxe, nécessitent du courage politique car les décisions peuvent rendre les élus impopulaires. L’annonce de la hausse de taxe du maire G.Tremblay a fait réagir. Dernièrement, la préparation du transfert de la responsabilité du stationnement aux arrondissements a suscité la mobilisation des commerçants du Plateau contre la politique de stationnement de son maire d’arrondissement Luc Ferrandez. Les commerçants s’opposent à la hausse des coûts de stationnement et les décisions associées prévues en 2011. On constate que la congestion des routes ou des transports publics et la pollution associée peut finir d’agacer les électeurs mais pas à n’importe quel prix quand vient le moment de contribuer aux dépenses qui augmentent et dont les formes se multiplient en diverses taxes! 

    Pour trouver l’adhésion des contribuables, il faudrait donner des messages clairs afin que les ponctions soient perçues comme utiles et justes. Le contribuable accepte mieux une contrainte quand il est assuré que la taxe va servir réellement à améliorer les routes ou les transports en commun. Or, on sait que les revenus vont dans un fond unique et consolidé. L’État doit soigner sa communication sur les objectifs et les résultats obtenus. Taxer seulement les résidents de Montréal pour améliorer les transports alors qu’ils sont empruntés par les résidents d’autres municipalités qui ne contribuent pas à l’effort financier est loin de paraître juste. La multiplication des décisions prises en matière de transport, qu’il s’agit du nombre de taxes ou de leurs hausses, font peser des doutes quant à l’efficacité des organisations publiques. Certains citoyens se questionnent sur les chevauchements des mandats et la réelle concertation entre tous les acteurs au Québec: MTQ, CMM, AMT, Municipalités, arrondissements… Lier les taxes au principe de pollueur-payeur ou utilisateur-payeur permettrait d’agir plus précisément sur le geste attendu tout en étant perçu comme plus équitable. Enfin, pour trouver l’engagement des citoyens, il faudrait aussi intégrer des incitations pour encourager les « bons gestes » plutôt que de chercher systématiquement des mesures dissuasives à l’auto-solo. 

    Ainsi, je pense que l’on doit se diriger vers des politiques provinciales innovantes de planification des transports et de tarification avec une mise en œuvre au niveau régional et local. Comptons sur des Partenariats Publics Privés afin de partager le financement de ces projets d’envergure. Avec les investissements à venir dans le nouveau plan de la mobilité durable du MTQ qui devrait sortir en 2012, il est fort à parier que cela sera insuffisant et que les ponctions devront être encore plus élevées pour le contribuable.

    Trois conditions me semblent essentielles pour faire renoncer à l’auto-solo. Les mesures incitatives et dissuasives devront apparaître équitables pour à la fois sceller l’adhésion des citoyens aux projets de transport, et recouvrer la confiance dans la gouvernance de son administration publique. Ces mesures devront aussi représenter un certain poids fiscal pour le citoyen afin de donner à l’État la capacité de financer et de s’engager plus rapidement dans les investissements planifiés. Enfin, l’État devra développer les réseaux de transport et offrir une offre attractive de transports publics en rendant les résultats observables à la population. En attendant cette alternative, on voit déjà poindre d’autres propositions de financement tels que des accès payants aux ponts ou des péages sur nos autoroutes par exemple. Qui dit mieux?

    Sources journal La Presse du 1er novembre, 2 novembre, 3 novembre, 6 novembre et du 10 novembre 2010

    Ludovic Forêt 

    Étudiant ENAP 

    ENP 7505 groupe 23

     

  • Le contrôle des dépenses publiques

                                           Le contrôle des dépenses publiques ?      

            Il y a quelques jours, nous avons appris par la presse que le Gouvernement du Québec souhaite réduire ses dépenses publiques d’ici 2014. À ce sujet, la question que nous nous posons est de savoir si un État démocratique peut réduire ou limiter ses dépenses.

            Comme on le dit dans le langage courant, l’argent est le nerf de la guerre.  Abondant dans le même sens, Paul Marie GAUDEMET/JOËL MOLINIER dans leur livre intitulé «Finances Publiques : Budget/Trésor» soutiennent que « l’argent est cet esprit universel qui, se répandant partout, anime et remue tout, il est virtuellement toutes choses : c’est l’instrument des instruments ; il sait enchanter l’esprit le plus large et calmer la fureur des plus féroces»[1]. En effet, pour que l’État puisse fonctionner et réaliser ses grandes orientations, il lui faut avoir les ressources financières nécessaires à cet égard. Cependant, la possession de ces ressources par l’État justifie-t-il une mauvaise utilisation ?

            Retenons, tout d’abord, que l’État de droit est un État où l’administration doit respecter le droit comme les particuliers doivent le faire. Autrement dit, tout doit être conforme à la loi au sens général du terme. Il s’en suit que tout doit être approuvé, tout sans exception. C’est pourquoi dans la pratique chaque processus budgétaire en administration publique (ensemble des revenus et des dépenses de l’État) obéit à quatre principes fondamentaux à savoir : l’unicité d’un fonds consolidé, l’approbation annuelle de tous les crédits et dépenses par le législateur, l’unité du budget et l’utilisation spécifique des crédits de dépenses. C’est ce qui explique le fait que tout doit faire l’objet de reddition de comptes.

           Toutefois, Il nous a été donné de constater que les fonds mis à la disposition de nos administrations ne sont pas parfois utilisés à bon escient parce que, soit ils sont investis dans des projets non porteurs d’avenir, soit ils sont utilisés à des fins autres que la destination initiale. Pour mettre fin à cette situation, le législateur Québécois avait instauré un système de contrôle des organismes publics notamment par le truchement du Vérificateur Général. En dépit de ce contrôle, le budget d’État Québécois connaît de nos jours d’énormes déficits.

           Compte tenu de l’échec de cette forme de contrôle, ne faut-il pas envisager une nouvelle forme de contrôle des dépenses ?

          Pour réponse à cette question, analysons le titre du journal de Montréal du 29 octobre 2010 intitulé ``CONSEIL DU TRESOR : nouvelle tactique pour contrôler les dépenses’’. En effet, ce journal mentionne que «pour resserrer le contrôle sur les dépenses, le ministère des Services gouvernementaux fusionnera bientôt avec le Conseil du Trésor». En réalité, il ne s’agit ni moins ni plus que la volonté du gouvernement de réduire son déficit budgétaire. Cette thèse trouve sa confirmation dans le Journalmetro.com du Week-end 12-14 novembre 2010 qui indiquait que : «La présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a détaillé hier son plan pour combler le déficit des finances publiques au cours des trois prochaines années…». Au fait, le gouvernement du Québec entend appliquer un nouveau mode de contrôle des dépenses pour ralentir la croissance des dépenses publiques. Pour le gouvernement, cela passe par la lutte contre l’évasion fiscale, la révision des programmes et la fusion entre certains services publics.

              À propos de la fusion que le gouvernement se propose de réaliser entre certains services, nous soutenons qu’elle n’est pas une panacée dans la mesure où elle entraine de facto un autre problème qui est l’élimination de certains emplois. Ce faisant, quel sera le sort des employés qui verront leurs postes supprimer ?   

             Aussi, par la nouvelle tactique de contrôle des dépenses, le gouvernement souhaite confier des opérations bien déterminées à des organismes privés. Dans cette perspective, il faut que le gouvernement sache les moyens de contrôle dont il dispose à l’endroit de ces organismes. 

              Par ailleurs, nous nous demandons jusqu’à quel niveau le gouvernement compte aller. Il ne nous semble pas que ce soit la première fois que le gouvernement du Québec passe par la fusion de structures pour combler ses déficits budgétaires. Les précédentes fusions ont-elles prospérées ? Aussi, la nouvelle tactique envisagée sera-t-elle provisoire ou définitive ?

     

          

    À notre avis, il est impossible de contrôler les dépenses de l’État car les États de droit ne diminuent jamais leur budget et conséquemment les dépenses publiques s’accroissent toujours. Par exemple, si l’Économie de l’État augmente de 3%, les dépenses s’accroissent de 4,3%. Cette vision est partagée par l’économiste allemand Wagner (1909) qui affirme que «si l’on observe les dépenses publiques, on est frappé par le phénomène de leur croissance continue.» (Confère chapitre premier intitulé ``l’extension des opérations sur deniers publics’’). Les causes de l’augmentation des dépenses sont nombreuses. Parmi celles-ci, nous pouvons cités : le renouvellement continuel des matériels et équipements de travail, la survenance d’un cas de force majeur (épidémie, guerre, tremblement de terre, etc.), la construction d’écoles, d’hôpitaux, etc. Pour faire face à toutes ces dépenses, l’État est obligé de s’endetter de façon récurrente. 

           Ce qui est important pour nous, c’est de s’interroger sur les conséquences de l’accroissement des dépenses puisqu’il peut contraindre les États à se regrouper pour faire face aux dépenses. Tel n’est-il pas le cas de l’Union Européenne et de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine ?

            En grosso modo, pour réduire son déficit budgétaire, le gouvernement du Québec doit :

    -          accompagner la réduction de ses dépenses de l’augmentation des recettes et ;

    -          réduire son train de vie en passant par le changement des façons de faire, les habitudes des agents. Aussi, ne serait-il pas opportun de mettre fin à la bureaucratie ?

     

     



    1-GAUDEMET (Paul Marie) & MOLINIER (Joël), Finances publiques : Budget/Trésor, Paris, 7e édition, Tome I, 1996, Montchrestien, p.11

  • Gestion par résultats : plus que des indicateurs de performance et des cibles de résultats. L’exemple de l’accès aux services de santé mentale jeunesse au CSSS Pierre-Boucher.

    Par Frédéric Beauregard

     

    Lorsque l’on parle de gestion par résultats (GPR) en santé et services sociaux, il est fréquent d’entendre les travailleurs se plaindre des nombreuses statistiques qu’ils ont a tenir et du temps qu’ils y consacre. Dans la majorité des cas, la GPR entraîne frustrations et perte de temps pour les travailleurs. Cependant, la GPR est loin de se limiter à des indicateurs de performance et des cibles de résultats, comme c’est souvent perçu et ce, parce que mal mis en œuvre par les responsables de son implantation. Pour ce deuxième blogue, j’ai donc choisi de parler d’une initiative que je juge réussie de la mise en œuvre récente, au CSSS Pierre-Boucher, d’une initiative dans un secteur qui est souvent l’enfant pauvre des services en santé et services sociaux : la santé mentale jeunesse.

     

    D’abord, il importe de comprendre que la GPR, telle qu’elle a été pensé par ses « idéateurs », n’est pas destinée à être un outil de contrôle et d’évaluation de la performance individuelle (Mazouz-Leclerc, 2008). La GPR, ce n’est pas la définition par le sommet hiérarchique (quand ce n’est pas par le gouvernement) d’une série d’indicateurs de performance pour lesquels on chiffre des cibles quantitatives, comme on le voit dans beaucoup d’établissements. La GPR, c’est d’abord et avant tout une philosophie de gestion axée sur une amélioration continue des services offerts à la population. En résumé, il s’agit d’une démarche selon laquelle on procède à une analyse des forces et des faiblesses de l’organisation, de sa capacité à livrer les services, de sa capacité à apprendre et à échanger (Mazouz-Leclerc, 2008). À partir de cette analyse on identifiera des priorités d’amélioration et des cibles de résultats, celles-ci n’étant pas, je le rappelle, une mesure pour évaluer le travail des gestionnaires ou des travailleurs, mais bien une mesure d’évaluation des processus et méthodes de travail mis en œuvre afin d’atteindre les améliorations souhaitées.

     

    En outre, l’ensemble du processus de la GPR interpelle et implique l’ensemble des parties prenantes au projet d’amélioration, du bénéficiaire du service, aux techniciens et professionnels qui le dispense en passant par les gestionnaires et les partenaires internes et externes touchés par ce dernier. À la lumière de ce court résumé, on comprend que la GPR pratiquée dans la fonction publique, en particulier dans le secteur de la santé et des services sociaux, a souvent été dérivée de sa fonction première, ce qui explique probablement l’aversion profonde des travailleurs de la face à la GPR.

     

    Heureusement, quelques mises en œuvre réussies de le GPR permettent de renverser cette perception négative. L’exemple du projet-résultats dans le secteur santé mentale jeunesse du CSSS Pierre-Boucher, auquel je faisais allusion dans mon introduction, en est un. Les responsables du programme ont fait, dès la création du CSSS, une analyse approfondie des forces et des faiblesses de ce secteur. Ils ont consulté les travailleurs, les partenaires, les bénéficiaires et leurs familles, tant sur le système en place à ce moment que sur des pistes d’amélioration des services. Des questionnaires ont été distribués et des focus-group ont été organisés. On a compilé et analysé ces données et identifié les problèmes les plus criants et les pistes de solutions les plus probantes. Un des problèmes majeurs qui a été identifié était l’accès aux services de santé mentale, dû à une méconnaissance tant à l’interne qu’à l’externe des services offerts et des portes d’entrées pour y accéder. Aussi, les référents se plaignaient, une fois le dossier entre les mains du CSSS, de ne pas être informés de la progression de la démarche. Au bout de la démarche, ce sont les travailleurs du secteur qui ont proposé de nouvelles avenues pour faire connaître et accéder aux services.

     

    Dorénavant, une intervenante pivot reçoit toutes les demandes d’intervention, qu’elles proviennent du jeune concerné, de la famille ou de référents externes (organismes communautaires, écoles, etc.). Elle évalue la demande et la réfère, le cas échéant, à la personne la plus apte à intervenir : travailleur social, psychiatre, infirmière ou autre membre de l’équipe de santé mentale jeunesse. Sinon, elle réfère au secteur concerné. Les intervenants professionnels prennent en charge le jeune en fonction de l’urgence de sa situation. Tout au long de la démarche, le référent, s’il y a lieu, est informé de la progression du dossier jusqu’à ce que le jeune soit pris en charge. En outre, les intervenants ont innové en acceptant de se déplacer dans les ressources du milieu (organismes communautaires, école, etc.) afin réaliser les rencontres de suivi avec le jeune et en acceptant que le référent accompagne le jeune lors des premières rencontres d’évaluation.

     

    Cette façon de faire, bien qu’il soit encore difficile d’en évaluer les résultats puisqu’elle est mise en œuvre depuis moins d’un an, démontre déjà ses avantages. Lorsque l’on sait que les problèmes de santé mentale sont encore tabous et qu’il est difficile d’amener un jeune consulter un spécialiste, l’ouverture des intervenants à venir rencontrer les jeunes dans leurs milieu de vie, accompagnés par leur référent avec qui le lien de confiance est déjà établi, il n’y a aucun doute que cette façon de faire est facilitante pour les jeunes et leurs référents. Également, les intervenants ayant grandement participés à l’élaboration du protocole de réception des demandes d’intervention, ils se le sont appropriés et sentent fier d’y avoir contribué. Il est visible que leur motivation est affectée positivement par cette participation et qu’ils ont une grande envie de contribuer à l’amélioration de la qualité des services offerts.

     

    Évidemment, cette analyse en dit peu sur les indicateurs de performance et les cibles qui ont été fixées (probablement) par la direction, cependant on peut y voir une intéressante mise en œuvre de la GPR, qui permettra, sans aucun doute, d’améliorer le service. L’évaluation du projet-résultats, dans quelques mois, permettra sûrement de le démontrer, en autant que l’on aille plus loin que les statistiques et que l’on se fie davantage au qualitatif.

     

    Bibliographie

     

    Mazouz, Bachir, Leclerc, Jean, « La gestion intégrée par résultats » Presses de l’Université du Québec, Québec, 2008, 440 pages.

     

    Pochette d’information « Guichet unique santé mentale jeunesse » Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, 2010

  • LE TEA PARTY: LE PUBLIC CHOICE ULTIME

    Les américains, beaucoup plus que les québécois méritent la maxime «Je me souviens». Ils se rappellent bien mieux que nous des origines de la naissance de leur pays qu’ils ont obtenu en versant de leur sang. Pour comprendre la politique américaine contemporaine, il faut se rappeler de leur passé.

     

    L’indépendance des Etats-Unis fut le fruit du combat d’un peuple qui s’est rebellé contre le joug de la Grande Bretagne[1]. Les brittaniques qui possédaient plusieurs colonies partout dans le monde, menaient pour en délimiter les frontières, des guerres coûteuses, dont la guerre des Indes (1754-1763).  Après cette période, ils maintinrent une armée en Amérique. Pour la financer, ils imposèrent une succession de taxes et d’impôts sur les documents légaux, les journaux et surtout les denrées dont une taxe d’importation sur le thé. Les colons réagirent à cette imposition en alléguant qu’ils ne devaient pas subir cette imposition car ils n’étaient pas représentés au parlement de la Grande-Bretagne. De là le slogan «No taxation without representation».

     

    Plusieurs événements d’insurrection menèrent à la guerre d’indépendance. Le dernier élément déclencheur fut le fameux «Boston Tea Party». En 1773, Une centaine de colons déguisés en autochtones abordèrent trois navires brittaniques ancrés dans le port de Boston et jetèrent leurs cargaisons de thé par-dessus bord. Ensuite, pendant deux ans, des patriotes tels Thomas Jefferson, travaillèrent à la Déclaration d’Indépendance qui fut signée et lue en public le 4 juillet 1776. Jefferson a toujours prétendu que la résistance civile était justifiée lorsque les politiques du gouvernement sont tyranniques. C’est pourquoi le libellé de la Déclaration d’Indépendance en fait longuement mention.

     

    Permettez-moi une libre traduction du second paragraphe de la Déclaration d’Indépendance si chère au peuple américain :

     

    «Nous tenons ces vérités comme étant évidentes -  Que tous les hommes sont créés égaux, qu’ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables - Que parmi ceux-ci sont le droit à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur - Qu’afin d’assurer ces droits, les Gouvernements sont institués parmi les Hommes, détenant leur juste pouvoir du consentement des gouvernés – Que lorsque toute forme de Gouvernement devient destructif de ces fins, c’est le Droit du Peuple de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau Gouvernement appuyant ses fondements sur ces principes et organisant ses pouvoirs de telle manière qu’ils puissent favoriser la sécurité et le bonheur du Peuple.»   

     

    Maintenant voyons ce qui a donné naissance au Tea Party des temps modernes. Ce mouvement est né dans un mouvement du peuple révolutionnaire : contre les impôts, les élites, les intellectuels, le gouvernement fédéral,  le déficit, les banques, le gouvernement et j’en passe[2]. Rappelons brièvement le contexte. Pour sortir l’économie américaine de l’impasse financière dans laquelle elle se dirigeait, le gouvernement américain a accordé des sommes importantes aux banques/courtiers financiers et aux compagnies automobiles. Le gouvernement a aussi investit dans les infrastructures faisant monter la dette américaine à des sommets inégalés. Et maintenant Obama propose un plan santé qui implique encore que le fisc vienne plonger ses mains dans les poches des contribuables américains sans même que ces derniers aient pu voter pour ce programme (no taxation without representation… ça vous dit quelque chose?). Dans certains états, le Tea Party est soutenu par de riches corporations conservatrices  (au sens d’un retour au libéralisme original) mais dans plusieurs, ce sont les payeurs de taxes qui se révoltent.

     

    Comme pour les tenants du Public Choice, les partisans du Tea Party ne prennent pas l’existence du gouvernement pour acquis. Ils voient les solutions à l’allocation de ressources de la même façon : altruisme, anarchie (absence de règles), règles du marché et ultimement et seulement le gouvernement[3]. Ce sont des tenants de la non-contribution  ce qui implique que chacun paye pour les services qu’il requière. Ils ne veulent pas être imposés  même si c’est pour donner des services qui serviront à l’ensemble de la population. Ils désirent un rôle réduit de gouvernement[4]. Ce sont les tenants de l’individualisme, «méfiant(s) envers la planification étatique et envers une élite administrative à l’européenne, non élue, qui la guiderait»[5].

     

    Tous les américains ne sont pas des tenants du Tea Party, au contraire. Dans un sondage pré-électoral, la firme de sondage Gallup a démontré que les américains sont très partagés quant à la taille de l’État souhaité. En effet, cinq courants se distinguent dans l’opinion publique[6]. Le spectre varie dans la population d’une extrême à une autre; entre ceux qui veulent que le gouvernement sorte de leur vie (dont plusieurs tenants du Tea Party) (22%) et ceux qui endossent l’idée d’un gouvernement élargi, qui protège ses citoyens des aléas de la vie (20%) (voir le schéma ci-après).

      

    État maximal

    (Bigger is better)

    20%

    

     Néo-libéraux d'Obama

    24%

     

     

     Au Centre

    17 %

     

     

     

    Tendences du Tea Party

    22%

     

     Droite religieuse

    17%

     

     

     

    Aucun mouvement ne lutte autant contre la Loi de Wagner[7] que la droite américaine et pourtant…la taille de l’État américain ne cesse de s’accroître[8]. Le plan de santé d’Obama s’insère dans un mouvement d’augmentation des dépenses de l’État mais aussi de la bureaucratie puisqu’il faut bien des fonctionnaires pour gérer cette assurance étatique. Or il semblerait qu’Obama ait perdu sa fenêtre d’opportunité qui s’était présentée aux alentours des élections qui l’ont amené à la présidence. Les américains étaient alors près du modèle décisionnel de Kingdon [9]: il y avait concordance de problèmes, de solutions et d’orientations. Mais pour ces dernières, il n’y avait pas de consensus sur l’ensemble des  d’orientations. Les divergences se sont creusées au fil du temps et sont maintenant devenues irréconciliables.

     

     Ainsi de compromis en compromis pour passer aux travers des chambres (Sénat et Chambre des représentants - dont il a perdu la majorité aux dernières élections), Obama se fera probablement jouer le même tour que son prédécesseur démocrate, Bill Clinton, et la réforme tant attendue ressemblera à une petite souris.

     

    Obama avait oublié ce dont plusieurs américains se sont rappelés : ils vivent sur la terre de la liberté (land of the free).

     

     

     

    Pascale Berardino

    22 novembre 2010.



    [1] Les références historiques américaines de ce texte sont tirées de l’ouvrage de référence «Great American Documents» éditions Quercus, Londres, 2007, pages 24 à 30.

    [2] Référence sur la création du Tea Party : National Post du 3 novembre 2010, p. A13, article intitulé : Tea parties ride the wave of anti-government support; «they just shredded the constitution»  par Abel.

    [3] MERCIER, Jean, L’administration publique, PUL, Québec, 2002, p. 299-300.

    [4] Id., p.157.

    [5] Id., p.158.

    [6] Sondage conduit par USA Today et Gallup, paru à la une du USA Today du 11 octobre 2010.

    [7] GAUDEMET et MOLINIER, Finances publiques (1992), T.1, 6e éd., Paris, Montchrestien, p.95.

    [8] Tableau de l’OCDE, id. p.98.

    [9] MERCIER, précité note 3, p.155.

  • LA SAGA DU STADE OLYMPIQUE

    LA SAGA DU STADE OLYMPIQUE

     

     

    Cela fait maintenant huit ans que le processus de changement du nouveau toit du stade olympique dure. La régie des installations olympiques (RIO) lance des appels d’offres sur appel d’offre, s’interroge sur le type de toit, son coût et son mode d’exploitation. Toutes ces questions montrent bien la difficulté de la RIO à trouver une solution définitive et durable à ce problème. Elles font également ressortir toute la complexité de l’administration publique dans un état de droit.

     

    Le stade olympique, joyau architectural héritage des jeux olympiques de Montréal de 1976, constitue par son toit un véritable casse-tête chinois pour les Québécois. Depuis l’origine, le sort du toit n’a cessé d’alimenter l’opinion publique et concentrer les efforts de la RIO. La gestion de ce dossier met en lumière deux principes fondamentaux de l’administration publique avec les enjeux qui en découlent.

    En effet, quand on lit entre les lignes de la saga du stade on s’aperçoit vite  que toutes les décisions de la RIO ont été préalablement approuvées par le gouvernement avant leur mise en œuvre. Ce qui met en relief le principe de l’approbation gouvernementale ou encore,  en administration publique; tout doit être approuvé. Ainsi le gouvernement a été toujours en amont et en aval des décisions de la RIO. C’est lui qui en 1984 met fin au moratoire de 1982 sur l’arrêt des travaux du stade donnant ainsi son accord à la RIO pour poursuivre les travaux. Elle signe donc un contrat avec la SNC-Lavalin pour le premier toit qui sera hissé en 1987. C’est un toit mobile de kevlar.

    Le 27 juin 1991, des vents violents provoquent la déchirure de la toile de kevlar, ce qui oblige la RIO à remettre en cause le concept même du toit rétractable. Le 05 mai 1993, le gouvernement approuve la recommandation de la RIO et l’autorise à entreprendre le processus de remplacement du toit. Elle lance alors un appel d’offre public en 1997 auquel participe entre autre le consortium Birdair-RSW et SNC-Lavalin. La proposition de Birdair-RSW est retenue par la RIO. Cette décision sera entérinée encore une fois par le gouvernement par la voix du ministre d’état à la métropole Serge Ménard. Il annonce la nouvelle à la presse le 10 juillet 1997 en insistant sur le coût de la facture qui s’élève à 37 millions de dollars. Supposée tenir pour 25 ans, la toile céda sous le poids de la neige le 18 janvier 1999 soit moins de un an après sa construction. Revoilà notre stade avec un toit défectueux. Les activités y sont donc interdites du 01 décembre au 31 mars. A partir de 2002 le gouvernement autorise la RIO a lancé un nouvel appel d’offre à la suite de laquelle la proposition de SNC-Lavalin est retenue. Il s’agit d’un toit fixe d’une durée de vie de 50 ans à 300 millions de dollars. Mais l’idée de toit fixe enlève la vocation sportive du stade, avec un stade totalement clos on ne pourra y organiser les jeux du Commonwealth, ni les jeux panaméricains, ni même les jeux du Canada et les rencontres de L’IMPACT, l’équipe de soccer locale. Les vives critiques  poussent le gouvernement et la RIO à renoncer à ce projet. Depuis, Québec se donne le temps de mieux réfléchir à la question du toit entrainant du coup la RIO dans une certaine inertie. C’est seulement en 2010 que la RIO obtient l’autorisation de lancer des appels d’offre. En matière de gestion publique cette situation est jugée chaotique, ce qui interpelle Gérard Deltell chef de L’ADQ, le deuxième groupe parlementaire de l’opposition. Dans un point de presse tenu le 26 septembre2010 sur le site même du stade, il réclame d’abord une commission parlementaire sur l’avenir du stade avant de fustiger le comportement de la RIO en ces termes : << tout ce qu’on fait, c’est qu’on gère à la RIO, urgence par-dessus urgence. On gère quasiment à la petite semaine, alors que c’est un édifice qui mérite une vision d’avenir>>. Cette déclaration illustre bien la complexité de l’administration publique. En réalité cette administration est beaucoup plus complexe que le secteur privé car ici la RIO ne peut faire autrement que ce qu’elle fait. C'est-à-dire faire des propositions au gouvernement qui lui a le dernier mot.

    D’un autre coté, ce dossier permet de mettre en lumière un deuxième principe fondamental de l’administration publique qui est la responsabilité des gestionnaires publiques et des ministres. C’est au nom de ce principe que la RIO n’a pas hésité à intenter des poursuites judiciaires contre Birdair après la déchirure de son toit posé en 1998. En effet l’entreprise avait promis que son toit de fibre de verre teintée de téflon aurait une durée de vie de 25 ans et ne serait pas déneigé. Mais voilà, moins d’un an après son installation  soit le 18 janvier 1999, le toit de Birdair cède sous le poids de la neige. Pour défendre les intérêts publics la RIO réclamera à l’entreprise 50 millions pour le toit et 13 millions de dollars pour les dommages subis suite à l’annulation des contrats de location comme le salon de l’automobile. La RIO obtient gain de cause 8 ans plus tard par une entente à l’amiable. Conscient de sa responsabilité de gérer de façon rentable et utile l’argent des contribuables, la RIO introduit désormais de nouvelles dispositions dans ses appels d’offre sous la forme d’un partenariat public-privé. Ainsi le prochain fournisseur devra être propriétaire et responsable du toit pendant au moins 15 ans avant de le remettre à la RIO. Aussi le paiement de la facture sera échelonné : la moitié sera versée dès l’acceptation des travaux, 25% dans les 5 années suivantes et 25% dans les 25 années suivantes.

    Toutes ces dispositions sont l’expression de la responsabilité de l’administration publique de gérer les fonds le plus efficacement possible dans l’intérêt de l’ensemble des populations.

     

    Au terme de notre analyse une seule question demeure. A quand le nouveau toit du stade olympique?  Pour moi, la solution du toit du stade se trouve entre les mains des pouvoirs publics qui ne doivent  ménager aucun effort pour faire de l’œuvre de Roger Taillibert, le  symbole de Montréal et non l’expression de la plus belle bêtise collective en terme de gestion publique.

     

    DIBY K. ACHILLE.

  • De Bombardier à PotashCorp

    Principes et enjeux de l’administration publique

    Blog 2

     

    Titre : De Bombardier à PotashCorp

     

     

    En prenant la route 117 vers Mont-Laurier, un panneau a attiré mon attention. Un citoyen avait fait installer l’écriteau suivant sur le bord de la route :

    « Croire que des intérêts privés peuvent mieux gérer nos ressources et nos bien publics relève de la démence » [1]

    L’histoire n’indique pas si ce cri du cœur est en lien avec le dossier des gaz de schistes mais une chose demeure : l’actualité des derniers mois nous a démontré que lorsque les intérêts nationaux et les ressources sont en jeu, même les entreprises les plus puissantes sont affectées  par l’omniprésence de l’état de droit. La saga  entourant le consortium Bombardier-Almstom   au Provincial et  l’offre d’achat hostile pour PotashCorp au fédéral en sont la démonstration.

     

    Au niveau Provincial, les étudiants de la prestigieuse ont eu la chance d’être au cœur du débat entourant la loi 116 qui accorde directement au consortium Bombardier-Almstom le contrat pour la construction des voitures de métro de Montréal. En effet, lors de notre visite à l’Assemblée Nationale le 5 octobre dernier, la chef de l’opposition officielle, Mme Pauline Marois, tout en appuyant la loi 116 a fait part de ses inquiétudes  face à la gestion cahoteuse du processus d’appel d’offres et des répercussions possibles de cette décision. Cette  loi met fin à une saga qui a duré plus de 4 ans où M. Charest aura accordé pour une deuxième fois cet énorme contrat sans appels d’offres. Le temps commençait aussi à presser dans ce dossier car nos voitures de métro se classent 2ième au monde quant à leur âge.

     

    La compagnie perdante dans cette histoire est la CAF(Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) qui prétend être en mesure d’offrir la même voiture à 1 million de dollars de moins, soit un total de 500 millions pour l’ensemble du contrat. D’un coté, il est compréhensible que l’Espagne fasse ressortir le manque de transparence de notre gouvernement dans le mécanisme d’attribution. De l’autre, le ministre du développement économique, M. Clément Gignac, a  démontré le principe de solidarité ministérielle en défendant la décision de son cabinet en affirmant que le municipal n’est pas soumis aux règles de l’OMC(organisation mondiale du commerce). M. Sam Hamad, ministre des transports s’est montré solidaire en clamant que Québec paye le ‘juste prix’.

     

    Les points suivants ont fort probablement été ceux qui ont été pris en compte par  M. Charest dans sa décision.

    -          Le coût supplémentaire déboursé  par wagon versus les retombées économiques positives de faire faire le travail en région

    -           L’effritement de la réputation et de la transparence du Québec à l’international versus l’appât du gain d’un siège vacant dans la  circoncription Kamouraska-Témiscouata

     

    Par cette intervention législative, l’exécutif nous démontre toute la portée et l’autorité des décisions de l’Assemblée Nationale dans l’exercice de ses pouvoirs souverains. Cette loi fait aussi ressortir les limites de l’autorité municipale  et nous montre que le siège ultime des décisions importantes réside à l’Assemblé Nationale , surtout quand les intérêts nationaux sont affectés. La ligne est donc mince et  l’équilibre complexe à trouver entre la décision pour l’État d’intervenir ou non. Tout en étant en plein accord avec la décision de M. Charest, il est clair  qu’une répétition trop rapprochée dans le temps de ce type d’intervention aura des répercussions sur les opérations de nos sociétés à l’étranger.

     

    Le fédéral nous présente l’interventionisme de l’État au niveau des entreprises d’une autre façon. La  société australienne BHP Billeton a offert, il y a près de 3 mois, la somme de 38,6 milliards US afin d’acquérir PotashCorp, une compagnie de la Saskatchewan spécialisée dans la production d’engrais  (potasse, phosphate et nitrate) pour l'agriculture. Rappelons que le Canada compte environ la moitié des réserves mondiales de potasse et représente 30% de la production internationale. Pour saisir l’importance de cette offre d’achat, le journal des affaires indiquait que le dollar canadien a bondi de 1% lors du dévoilement de l’offre d’achat en raison du phénomène de rareté sur la demande pour la devise canadienne.

     

    En vertu de la loi sur Investissement Canada, le gouvernement peut empêcher une transaction de 300M$ ou plus  si elle juge qu’elle n’apporte aucun bénéfice net au pays.

    Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, en juin 1985, le gouvernement  fédéral a approuvé 1637 acquisitions et en a rejeté qu’une seule. Le 3 novembre dernier, le ministre  de l’industrie Tony Clément a rejeté l’offre de BHP  sur Potash leur donnant toutefois 30 jours pour « bonifier leur offre ». Selon moi, il a fort à parier que c’est à contre cœur que  M. Harper a rejeté l’offre et l’a surtout fait en raison des  protestation du premier ministre de la Saskatchewan et de l’importance des circonscriptions à garder dans cette province.

     

    Deux choses m’agacent dans cette histoire. Pourquoi le ministre fédéral de l’industrie n’est-il pas capable de boutonner ses culottes au complet et de refuser l’offre d’achat catégoriquement. Pourquoi jouer la carte du bon joueur en donnant à BHP la possibilité de bonifier son offre? Ceci est aussi un pied de nez et un rappel à Québec et ses ministres de leur complaisance dans l’achat hostile d’Alcan en 2007 par  Rio Tinto pour 38,1 milliards $. Québec, contrairement à la Saskatchewan, avait approuvé l’achat et rendait la tâche encore plus facile au fédéral.

     

    A quand le réveil collectif qu’une gestion des ressources naturelles d’un pays fort d’un état de droit par des multinationales étrangères est contraire au bon sens? La décision de refuser l’achat pour seulement la 2ième fois  sur 1637 acquisitions   nous démontre que l’État, bien qu’il en ait tous les pouvoirs, interprète parfois ses lois plus en fonction du marché et des intérêts privés  qu’en fonction du bien commun.

     

    Nicholas Borne

    7505 lundi soir

    [1] image

    [2] Les affaires numéro du document : NEWS-20101103-ZW-0

    Down Jones Newswires Nov 4 2010

    Le droit Carrière et professions, 6 oct 2010

    Le Soleil Affaires, 7 ocotbre 2010

  • Commission d'enquête sur la construction: Jean Charest doit écouter ou partir

     Commission  d’enquête sur  l’industrie de la construction : Jean Charest doit écouter ou partir !

    Des rumeurs de malversations, de copinage et de conflits d’intérêt ne cessent de déferler la chronique. Chaque jour qui passe apporte son lot de révélations sur des prétendus rapports sinon illicites, du moins suspects entre certains élus, et ce à quelque niveau de la vie politique du Québec que ce soit, et les entrepreneurs du milieu de la construction. Un peu comme à l’époque du triste épisode des accommodements raisonnables, le Québec se réveille chaque jour avec de nouvelles révélations de corruptions touchant l’industrie de la construction. Dans un cœur, toute la classe sociale, ou presque, réclame la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction. Des sondages d’opinions aux tribunes téléphoniques en passant par des pétitions et motions des partis d’opposition à l’Assemblée nationale, des manœuvres sont légion. Et pourtant, le gouvernement Charest continue à faire la sourde d’oreille, maintenant mordicus que c’est l’enquête policière qui est la mieux placée pour élucider ce mystère.

    Crédibilité, transparence et imputabilité

    La crédibilité et la transparence doivent en tout caractériser le mandat de tout gestionnaire de l’administration publique. C’est du peuple que le gouvernement reçoit sa légitimité pour  gouverner. C’est donc à ce dernier que celui-ci devrait rendre des comptes. Nous ne sommes pas dans les types de régimes à caractère dictatorial dans lesquels seule la volonté d’un homme et sa bande d’apparatchiks suffit pour mener à bien la chose publique. Tout comme nous ne concevons aucunement  que la logique de coup d’État soit la plus indiquée pour démettre un gouvernement démocratiquement élu. Cependant, nous devons reconnaître que le rôle du premier ministre d’un gouvernement dans un État de droit consiste à gérer dans la transparence. Ce qui est loin d’être le cas actuellement.  En effet, ce matin encore, on apprenait que plus de 200 000 personnes ont signé la pétition en ligne à l’Assemblée nationale exigeant la démission de Jean Charest, à défaut de vouloir répondre aux attentes du peuple sur la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction et d’adopter un moratoire sur les gaz de schiste. Un tel record d’impopularité ne signifie rien d’autre, à notre avis, qu’un désaveu du gouvernement par les citoyens. Le gouvernement Charest n’a plus que deux options possibles : ou il accepte de se montrer transparent dans la gestion de ces dossiers, surtout celui de l’industrie de la construction ou il décide de partir!  Est-il nécessaire de rappeler que dans les forts moments du malaise sur les accommodements raisonnables que nous avons vécu, le Gouvernement a mis en place la Commission Bouchard-Taylor! De même, les allégations sur des prétendues influences sur le processus de nomination de juges au Québec nous a valu la tenue de la Commission Bastarache  alors même qu’en tant que peuple nous ne l’avions pas demandée!  Jean Charest a cru se servir de cette dernière comme un arbre qui cacherait la forêt par rapport à l’industrie de la construction. Doit-on lui rappeler que le peuple ne se trompe jamais! Qu’a-t-il réellement à cacher en s’obstinant de ne pas donner suite à la pression populaire!

    Savoir parler à son peuple

    Nous nous permettons d’affirmer qu’en sa qualité de premier ministre, Charest est le gestionnaire en chef de l’administration publique du Québec. En de pareilles circonstances, le premier ministre devrait, plutôt que de se retrancher derrière un mutisme tout aussi inquiétant que coupable, s’adresser à son peuple afin de lever le voile sur ces rumeurs de collusion. Nous estimons que le premier ministre du Québec devrait s’adresser clairement à la population pour au moins dissiper le malaise créé par toutes les révélations que nous ne cessons d’apprendre chaque jour. Visiblement, Jean Charest, en tant que  gestionnaire, ne sait pas parler à son peuple. Alors, pourquoi devrait-il continuer à nous diriger s’il ne sait ni nous parler ni nous écouter!

    Légitimité et autorité morale et leadership

    Ayant  été élue avec une certaine majorité, l’équipe Charest détient toujours, sans conteste, toute la légitimité de continuer à diriger la province. Mais cela ne semble pas être  le cas en ce qui concerne l’autorité morale. À  notre avis, le gouvernement Charest a perdu toute autorité morale pour continuer à présider aux destinées de la province à cause de son refus obstiné de donner suite à notre demande. Enfin,  n’oublions pas que la légitimité nous vient            de la nomination, élection dans ce cas-ci, alors que le leadership nous est reconnu par ceux que nous  dirigeons. Visiblement, celui de Jean Charest dans ce dossier est soumis à rude épreuve.

    Tout compte fait, nous constatons que le béton de l’industrie de la construction est lentement, mais sûrement, en train d’entraîner l’insubmersible vaisseau Charest dans les profondeurs de l’abîme politique. Et en bon capitaine, le premier ministre  choisit visiblement de chavirer avec tout le bateau plutôt que de sauver la vie de certains passagers; les deux mains, bien entendu, sur le gouvernail!

     

    Par : Yves Ciriaque Monka, ENP 7505, groupe 23, mardi soir.

    Référence :

    Éthier, Gérard (1994); L’administration publique : Diversité de ses problèmes et complexité de sa gestion, Presse de l’université du Québec.

    Gortner, Harold F; Mahler, J; Nicholson Bell(1998) : La gestion des organisations publiques, Presse de l’université du Québec.

    Mercier, Jean (2008) : L’administration publique; De l’école classique au nouveau management public, Presse de l’université Laval.

    Proulx, Denis(2008) «  La décision en administration publique » dans  Management des organisations publiques : théories et applications,  Québec PUQ

    Tremblay, Pierre (2009) : L’État administrateur, mode et émergence, Presse de l’université du Québec.

     

     

     

  • Quand « le politique » s’ingère dans « l’administratif »

    À la recherche d’un deuxième thème pour répondre aux exigences du cours, je n’arrivais pas à me décider. Après quelques semaines et la lecture de plusieurs articles, je me range finalement à l’idée de faire mon travail sur la question des relations entre le politique et l’administratif en administration publique. Comme laboratoire, j’ai opté pour le gouvernement Harper.

    Il m’était impossible de traiter de l’ensemble des dossiers ou des sujets qui me venaient à l’esprit pour illustrer ce principe de l’État de droit. Je me suis donc attardée à trois exemples dans le cas desquels, lorsque ce principe n’est pas respecté, cela soulève des enjeux majeurs. Ces trois exemples sont la déroute de l’organisme Droits et Démocratie, la question du siège au Conseil de sécurité de l’ONU et celui des péripéties du lieutenant politique de Harper au Québec. Il y a un sérieux problème commun à tous ces dossiers. Et ce ne sont là que quelques exemples. À mon avis, ce problème est que, pour ce gouvernement, il n’y plus suffisamment de distance entre le politique et l’administratif.

    Premier exemple : le changement de cap, assez radical, dans les orientations du conseil d’administration de l’organisme Droits et Démocratie, qui, en principe, encourage et appuie les valeurs universelles des droits humains et fait la promotion des institutions et des pratiques démocratiques partout dans le monde. Les prises de décisions récentes des membres du conseil d’administration laissent sous-entendre que cet organisme n’est plus du tout apolitique. Selon un article paru dans le journal Alternatives du 28 janvier 2010, c’est maintenant la vigilance envers les intérêts du gouvernement israélien qui préoccupe certains membres du conseil d’administration connus pour leur proximité avec le lobby pro-israélien. Sur le site Internet de Radio-Canada, j’ai retracé les propos de l'ancien ministre libéral, Warren Allmand, qui a accusé le gouvernement Harper de remplir le conseil d’administration de Droits et Démocratie avec des candidats « qui ont les mêmes biais politiques que le bureau du premier ministre ». D’après ce dernier, il s’agit « d’un précédent extrêmement alarmant et dangereux » et il y voit « une tentative délibérée d’affaiblir et de contrôler la dissension publique ». Ouch! Cela fait mal. Objectivement, si l’on revient à la mission de l’organisme, nous sommes loin du compte

    Autre exemple : celui du refus d’accorder, au Canada, le siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Bien entendu, cette décision est la conséquence d’une série de prises de positions du gouvernement Harper dans sa politique étrangère. Tel que l’a mentionné Louise Fréchette, ancienne vice-secrétaire générale à l’ONU, dans un article du Devoir (16 octobre 2010), cet échec démontre que ce genre de siège « ne se gagne pas sur la réputation passée. Les pays votent en fonction des actions récentes… et l’impression qui se dégage du Canada… c’est que les débats de l’ONU ne l’intéressent pas ». Dans le même article, Alec Castonguay fait allusion au terme qui nous préoccupe, soit l’ingérence du politique dans le travail des fonctionnaires. Il cite d’ailleurs Denis St-Martin, directeur du Centre d’excellence de l’Union européenne des universités de Montréal et McGill, pour qui il apparaît clairement que le cabinet du ministre Harper interfère dans le travail de ses fonctionnaires. D’après ce dernier, « la politique est largement une affaire de patience, de prévisibilité et de routine. Ce n’est pas le lieu de la politique partisane. Les politiciens passent, mais les diplomates restent. » (Il me semble avoir déjà entendu cette phrase presque mot pour mot lors de notre premier cours avec M. Trudel.) Toujours est il que selon M. St-Martin, il est évident que le fond du problème réside dans le fait que les diplomates n’ont pas eu l’occasion de faire leur travail. Il appuie cette vision un peu plus loin dans l’article, en disant : « La réponse se trouve dans la mise à l’écart des diplomates professionnels du ministère des Affaires étrangères dans la conduite de la politique internationale. » Ainsi, même si le Canada siège à plusieurs comités et organismes internationaux, il y a des gens qui n’ont pas fait leur travail ou alors, c’est le gouvernement qui a fait de l’ingérence. Quand nous savons que la sélection des pays pour ce siège se fait à partir de critères comme l’indépendance, des positions nuancées et une attitude constructive dans les dossiers, nous pouvons bien comprendre pourquoi le Canada n’a pas été sélectionné. Aussi, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que ce positionnement du Canada diffère grandement de la vision décrite par Pierre P. Tremblay, dans son livre « L’état administrateur » écrit en 1997. Nous sommes maintenant loin de l’attachement aux Nations Unies qu’il décrit comme « une constante de la politique extérieure du Canada qui conduit le gouvernement canadien à rechercher une plus grande efficacité de l’ONU et à prôner son renforcement et sa réforme. » Admettons que pour un gouvernement minoritaire, ingérence ou pas du politique dans l’administration publique, il a grandement contribué à modifier négativement l’image du Canada sur le plan international.

    Selon le modèle de Westminster, le politique et l’administratif sont étroitement liés dans le fonctionnement de l’État de droit. Alors, poursuivons avec un dernier exemple de l’ingérence des politiciens dans le travail des fonctionnaires, celui du lieutenant politique du gouvernement Harper au Québec. Les faits semblent nous démontrer que le bureau du ministre conservateur Christian Paradis a, à plusieurs reprises, fait de l’ingérence politique illégale dans la Loi sur l’accès à l’information. Son directeur des affaires parlementaires a même dû démissionner selon un article d’Alec Gastonguay dans Le Devoir (2 octobre 2010). Et maintenant, c’est la tête du ministre qui est réclamée par les partis d’opposition. Ce dernier aurait possiblement violé la loi « à au moins quatre reprises, notamment en bloquant la divulgation de documents ou en censurant abusivement certains passages ». Cela me donne des frissons dans le dos. Les enjeux liés à ces ingérences du politique dans le travail des fonctionnaires sont très importants. Entre autres, nous sommes en droit de nous demander comment, sans avoir accès à toutes les informations, les journalistes peuvent faire leur travail de recherche et bien informer la population. Quand un gouvernement fait entrave à la circulation de l’information, ne sommes-nous pas en droit de nous demander vers où s’en va notre démocratie?

    Bien entendu, tel que l’a mentionné M. Trudel, professeur à la « prestigieuse » École nationale d'administration publique (ENAP), le politique et l’administratif sont obligatoirement et toujours en constante relation dans le fonctionnement de l’État de droit ». Ainsi, à partir de ces trois exemples, je démontre que le gouvernement Harper outrepasse les limites, et cela s’appelle de l’ingérence. Même si ces trois exemples réfèrent à des enjeux très différents, les fonctionnaires interpellés dans ces trois dossiers ont agi en bons soldats et ont répondu à l’appel du politique. Pouvaient-ils agir autrement? J’en doute fort, sauf dans l’exemple de la Loi sur l’accès à l’information où le ou les fonctionnaires peuvent refuser d’obéir à leur supérieur puisqu’il s’agit de la transgression d’une loi. Bref, avec leur libre arbitre et malgré leur imputabilité envers la population canadienne, ils ont fait le choix d’aller de l’avant et de ne pas dénoncer ces ingérences du politique, voire d’y participer. Et nous, citoyens, nous constatons que ce genre de situation peut induire des problèmes qui vont jusqu’à remettre en question notre démocratie et faire du Canada un pays que l’on ne reconnaît plus dans le monde. Vivement les prochaines élections!!!

    Christine Guay


  • Dépôt du projet de Loi 49 = Amélioration d’un réseau?

    Les ressources non institutionnelles (RNI), vous connaissez? Peut-être pas sous cette appellation mais si je vous parle de famille d’accueil, là je suis convaincue que vous savez de quoi il est question…Bien peu de personnes savent que ce réseau est en fait composé de Ressource de type familial (RTF) qui regroupe des résidences d’accueil (RA) pour les adultes et des familles d’accueil (FA) pour les enfants et de Ressources intermédiaires (RI). Ce réseau compte environ 11,000 ressources au Québec qui hébergent plus de 33,000 usagers qui, pour de multiples raisons, doivent quitter leur milieu naturel temporairement ou à plus long terme. Ces ressources constituent un maillon essentiel de l’offre de service en santé et services sociaux. Ce réseau existe depuis des décennies. Se rapprochant d’un milieu de vie naturel, sa contribution permet d’offrir à des personnes vulnérables, un milieu de vie adapté à leur situation et à leurs besoins. Le partenariat entre les établissements et les RNI est précieux et s’avère une formule gagnante.

     

    Au fil des ans, ces ressources ont su s’adapter aux différents courants imposés par les mouvements sociaux, les nouvelles orientations ministérielles et les multiples demandes des différents groupes de représentants des usagers. Elles ont évolué dans des contextes et des structures en mouvement (création des CSSS). Souvenons-nous du phénomène de désinstitutionalisation au début des années 80 où les institutions qui offraient de l’hébergement fermaient leurs portes. Les usagers devaient retourner vivre en société. Sans la contribution des RNI, la désinstitutionalisation n’aurait pas été possible.

    À partir des années 2000, souhaitant améliorer leurs conditions d’exercice, ces ressources se sont organisées, mobilisées et regroupées en différentes associations.

     

    À cette époque, nous étions loin de nous douter que l’intervention de notre gouvernement (en déposant la Loi 7 et par la suite le projet de loi 49,) allait modifier de façon significative l’utilisation et le statut accordé aux RNI dans le réseau de la santé et des services sociaux. Les modifications qui s’amorcent actuellement laissent présager de grands bouleversements dans les relations entre les ressources et les établissements mais surtout elles risquent de perturber les services directs qui sont offerts aux usagers.

     

    Pour aider à la compréhension de la problématique, permettez-moi un bref retour dans le passé.

     

    Tout ce branle-bas de combat a connu son point de départ en 2000 alors que le syndicat des employés du Centre de réadaptation du Florès a déposé auprès du Commissaire du travail une demande en accréditation syndicale pour les RTF et les RI. Cette requête fut rejetée. Loin de se laisser abattre par ce refus, le syndicat a décidé de porter en appel cette décision devant le tribunal du travail. 2001 fut une année marquante pour les RNI puisque le tribunal du travail a accordé le statut de salarié aux RTF et RI du Centre Le Florès. L’établissement étant conscient des difficultés que cela représenterait, a contesté ce jugement. En 2002, la Cour supérieure se prononçait à son tour dans ce dossier et donnait raison aux RNI. Encore une fois, Le Florès a voulu contester mais sa demande fut rejetée par la Cour d’appel. C’est à ce moment que l’intervention du gouvernement fut demandé afin qu’il aide à stopper cet ouragan dévastateur, à mon sens, que représentait la reconnaissance du droit à la syndicalisation et la reconnaissance du statut d’employés des RTF et des RI. En toute urgence, juste avant le départ pour le congé des Fêtes, l’Assemblée nationale adoptait la Loi 7 qui apportait une modification majeure à la Loi SSSS en ajoutant l’article 302.1 :

    Malgré toute disposition inconciliable, une ressource intermédiaire/ressource de type familial est réputée ne pas être à l'emploi ni être une salariée de l'établissement public qui recourt à ses services et toute entente ou convention conclue entre eux pour déterminer les règles et modalités de leurs rapports quant au fonctionnement des activités et services attendus de la ressource intermédiaire est réputée ne pas constituer un contrat de travail ».

    Avec le recul, nous pouvons aujourd’hui nous demander si le gouvernement, en promulguant cette loi, a bien fait son travail alors qu’elle remettait en question des droits fondamentaux comme par exemple la liberté d’association pour ne citer que celui-ci? Il n’en fallait pas plus pour qu’une nouvelle vague de contestations s’amorce. En 2007, la juge Grenier donnait une fois de plus raison aux associations et aux syndicats en invalidant la loi 7.

     

    Il aura fallu 7 ans de débats pour voir la fin de cette saga juridique. Mais la fin laisse un goût quelque peu amer. La bataille a fait place à une grande inquiétude pour les différentes associations qui représentent les RNI et les établissements qui sont utilisateurs et administrateurs de ces types de ressources d’hébergement puisque le gouvernement a réagi en déposant à l’Assemblée Nationale d’un nouveau projet de Loi : Le projet de Loi 49 intitulé Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives. Avec ce dépôt de projet de Loi, tout ce qui existait est à refaire.

     

    Le projet de Loi 49 vise l’amélioration des conditions de travail des RTF et de certaines RI. Il est vrai qu’actuellement, le statut des RNI tel qu’il se présente peut sembler précaire. Les rétributions qu’elles reçoivent ne sont pas considérées comme des salaires. Ces rétributions ne sont pas garanties. Le nombre d’usagers qu’elles hébergent peut être diminué selon la décision de l’établissement. N’ayant pas de revenu garanti, il est parfois difficile d’obtenir des emprunts auprès les institutions financières. De plus, certaines ressources ont pu, par le passé subir des préjudices de la part des établissements avec lesquels elles étaient contractuelles (baisse du nombre d’usagers, baisse des montants accordés pour un usager, fermeture de la ressource, etc.).

    Avec l’application du projet de Loi 49, tout ceci sera du passé. Et oui, les RNI pourront maintenant être représentées par des syndicats. Elles auront un statut de travailleur autonome. Une convention collective déterminera leurs conditions de travail. De modifications importantes seront apportées quant aux liens qui unissent la ressource à l’établissement. Finit le support professionnel direct à la ressource qui avait par le passé fait l’objet de tellement de demandes et de revendications de la part des ressources elles-mêmes.

     

    Ce n’est pas uniquement ces modifications dans les conditions de travail des RNI qui mettront en jeu la survie de ce réseau puisque maintes fois, il s’est adapté aux différents changements imposés et pour plusieurs ces modifications semblent positives. La difficulté majeure de cette transformation, selon moi, sera la capacité de l’État à défrayer les coûts engendrés par l’application des conventions collectives. Avec le dépôt du projet de Loi 49, le gouvernement a spécifié aux différents comités de négociation que pour effectuer cette transformation, aucun budget supplémentaire ne serait ajouté à celui que détiennent globalement les établissements.

     

    Parmi les différents sujets de négociation, il y a, vous l’aurez surement deviné, l’accès à une meilleure rémunération, à des congés de maladie, des vacances, des congés parentaux, l’accès au régime des rentes, à la CSST, etc. De plus pour avoir accès à ces différents programmes sociaux, les coûts seront à la charge des établissements. Vous direz sûrement que vous ne pouvez être contre, qu’il est tout à fait normal d’avoir accès à ces conditions mais si on ajoute qu’elles souhaitent avoir accès à tout ceci en gardant le privilège de ne pas être imposées, votre opinion sera peut-être alors différente!

     

    Travaillant dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis plus de vingt ans et ayant œuvré auprès des RTF et RI durant toutes ces années, je suis la première à reconnaître l’importance et la nécessité de ce réseau pour l’accomplissement de la mission de nos établissements. Cependant, sans l’ajout de nouveaux budgets, il est utopique de croire que ces transformations pourront s’actualiser. Est-ce que ce projet de Loi 49 atteindra vraiment son objectif qui visait l’amélioration des conditions de travail des RNI ?

    Peut-être que oui. Cependant, s’il faut respecter la ligne de conduite émise par notre gouvernement, et le faire sans aucun ajout budgétaire, la seule façon de s’en sortir sera de diminuer le nombre de places reconnues ce qui aura un impact majeur sur la disponibilité des services d’hébergement pour les usagers. Un choix lourd de conséquence…

     

    Annie Richard

    ENP-7505 (mardi soir)

  • Abolition de RECYC-QUÉBEC : faire plus avec moins ?

    Par Mireille Poulin

    Cours ENP 7505 (lundi soir)

    Le 11 novembre dernier, Michelle Courchesne, ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, a présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi portant sur l'abolition, la fusion ou l'intégration des activités de plusieurs organismes et fonds dans le but de réduire les structures de l'État et de faire croître ses gains en termes d'efficacité. Parmi les 32 organismes et fonds qui verront leurs activités consolidées si ce projet de loi omnibus (Loi 130) est adopté figure RECYC-QUÉBEC, la Société québécoise de récupération et de recyclage.

    RECYC-QUÉBEC a vu le jour en 1990 conformément à la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage (L.R.Q., c. S-22.01) dont le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) est responsable. Cette société d’État qui fête ses 20 ans cette année a pour mandat « de promouvoir, de développer et de favoriser la réduction, le réemploi, la récupération et le recyclage de contenants, d’emballages, de matières ou de produits, ainsi que leur valorisation dans une perspective de conservation des ressources. »[i] Avec le nouveau projet de loi, elle verra ses activités intégrées au MDDEP et le transfert de ses opérations financières au Fonds vert.[ii]

    Cette décision a été prise dans le but de contribuer au retour à l’équilibre budgétaire en 2013-2014. Selon le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, M. Pierre Arcand « la décision d’intégrer RECYC-QUÉBEC au MDDEP découle d’une orientation gouvernementale visant à accroître l’efficacité de l’État et à réduire ses dépenses. Elle permettra, à terme, de réaliser des économies annuelles récurrentes de 2 M$ »[iii].

    Les mesures annoncées dans ce projet de loi s’inscrivent dans le cadre de la réingénierie de l’État québécois entamée par le gouvernement libéral dès son accession au pouvoir en 2003. Cette réingénierie visait à revoir les structures et les programmes en répondant aux cinq questions suivantes, telles qu’indiquées dans un document intitulé « Guide à l’intention des ministères » sur la « révision des structures de l’État et des programmes gouvernementaux dans le cadre de la réingénierie de l’État québécois » :

    -          Ce programme répond-il toujours à une mission de l’État ?

    -          Atteint-il ses objectifs ?

    -          Pourrait-on l’offrir autrement à moindre coût tout en préservant la qualité du service aux citoyens ?

    -          Quelle est l’instance pour assumer la gestion du programme ?

    -          A-t-on les moyens d’en assumer les coûts ou faut-il revoir la portée du programme »[iv]

    Après analyse, notre gouvernement a opté pour l’abolition de cette société d’État et pour l’intégration des services qu’elle offre au sein d’un ministère dans un souci d’économie, d’efficacité et d’efficience, comme en font foi les propos du ministre Arcand qui assure à la clientèle que : « le niveau de service sera maintenu, voire même accru, puisque cette dernière pourra bénéficier d’un guichet unique pour tout ce qui concerne la gestion des matières résiduelles, en plus de bénéficier des services offerts par les directions régionales déjà implantées partout au Québec. »[v].

    Les principaux programmes de RECYC-QUÉBEC ne devraient donc pas disparaître. Dans les milieux environnementaux on s’inquiète toutefois de la survie des projets en cours, dont le programme Ici on recycle.  On s’interroge aussi quant à la poursuite des projets de subvention et de partenariats qui avaient cours dans cette société. Seront-ils maintenus après le 1er avril 2011, moment où RECYC-QUÉBEC cessera d’exister ?  Le statut de société d’état conférait plus de souplesse et de marge de manœuvre pour mener à bien la mission de RECYC-QUÉBEC que n’en conférera l’intégration de ces activités au sein d’un ministère. À cet effet, Perry Niro, du Conseil des entreprises en services environnementaux, commentait dans La Presse : « On s'inquiète de l'efficacité opérationnelle de l'équipe de Recyc-Québec au MDDEP. Recyc-Québec avait une certaine agilité comme société d'État. On ne sait si cette agilité sera maintenue. En plus, le ministre se prive d'une deuxième source d'information crédible dans le dossier de la gestion des matières résiduelles. »[vi]

    Les activités de RECYC-Québec seront intégrées au sein du ministère, une machine beaucoup plus lourde à déplacer selon moi. Les inquiétudes des  environnementalistes me semblent donc justifiées.

    Le projet de loi 130, cherche le retour à l’équilibre budgétaire. Pour ce faire, le gouvernement préconise la décroissance de l’État grâce à la rationalisation de ses activités. Il vise principalement « l’obtention de gains en termes d’efficacité, avec moins de structures et plus de mises en commun. Des économies annuelles (…) seraient générées de façon récurrente provenant notamment de l’abolition de postes de direction des organismes visés, du replacement de personnel excédentaire et de la réduction des charges générales et administratives »[vii].  Compte tenu de la loi de croissance continue des dépenses publiques énoncée par Wagner, force est de croire que les besoins financiers du gouvernement tendront encore à croître dans les prochaines années. Sachant que les employés de la fonction publique et des sociétés d’État bénéficient de conventions collectives garantissant la sécurité d’emploi, les mesures annoncées permettront-elles vraiment de diminuer les dépenses publiques ? L’intégration des programmes et services gérés jusque-là par RECYC-QUÉBEC au sein du MDDEP entraînera-t-il vraiment des économies substantielles ? La clientèle sera-t-elle aussi bien servie à la suite de ces changements ?

    L’abolition de RECYC-Québec n’aura, selon moi, que peu d’impact sur la santé financière du gouvernement. Louis Charest du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets affirme d’ailleurs que « RECYC-QUÉBEC n’est pas déficitaire ». Elle aurait même un surplus accumulé de plus de 43 millions de dollars et aurait réalisé, l’an dernier, un excédent budgétaire de quelque 500 000 $[viii].

    Le Conference Board du Canada prédit que le déficit du Québec croîtra dès 2012-2013 et que cette croissance se poursuivra pour les deux prochaines décennies. Les mesures prévues dans le projet de loi 130 n’auront probablement pas d’impact significatif sur cette croissance annoncée. Si le gouvernement veut vraiment stopper la croissance des dépenses publiques et réduire le déficit, il devra imposer des mesures beaucoup plus draconiennes et ayant des impacts financiers plus importants que de simples restructuration de services. Il y a lieu de se demander si l’abolition de RECYC-QUÉBEC répond véritablement à l’objectif financier énoncé et, eu égard à la santé financière de cette société d’État et à l’efficacité reconnue de ses programmes, laquelle pourrait être compromise par l’intégration au MDDEP, le gouvernement ne devrait-il pas s’attaquer à d’autres cibles.   



    [i] RECYC-QUÉBEC, site internet : http://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/client/fr/qui-sommes-nous/mission.asp

    [ii]SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR,  Un pas de plus vers le retour à l’équilibre budgétaire, communiqué de presse, 11 nov. 2010 disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/ME/Novembre2010/11/c3445.html

    [iii] CABINET DU MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES PARCS, Le mandat et les services de RECYC-QUÉBEC intégrés au MDDEP, communiqué de presse, 11 nov. 2010, disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://www.mddep.gouv.qc.ca/Infuseur/communique.asp?no=1796

    [iv] Questions tirées du « Guide à l’intention des ministères et organismes » et citées dans ROUILLARD, GAGNON et al. « Réingénierie, rénovation et redéploiement de l’État québécois. Une démarche sous le joug du pragmatisme ou de l’idéologie » Le Devoir, Montréal, Édition du mardi 18 novembre 2003, page A7-idées. Disponible sur Internet : http://classiques.uqac.ca/contemporains/Rouillard_christian_et_al/reingenierie_Etat_quebec/reingenierie_Etat_texte.html

    [v] MDDEP, op cit.

    [vi] LA PRESSE, Recyc-Québec disparaît, article paru le 12 novembre 2010 et disponible sur Internet : http://www.cyberpresse.ca/environnement/201011/12/01-4342064-recyc-quebec-disparait.php

    [vii] SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR,  op cit.

    [viii] COLLECTIF QUARTIER, Le milieu environnemental préoccupé par l’éventuelle abolition de RECYC-QUÉBEC, 19 novembre 2010, tiré de l’Internet : http://www.collectifquartier.org/2010/11/19/le-milieu-environnemental-preoccupe-par-leventuelle-abolition-de-recyc-quebec/

     

     

  • Taxer dignement...

    Taxer dignement…

     

    « Montréal pourrait imposer une nouvelle taxe aux automobilistes »

     

    Première réaction : Encore?, deuxième réaction : pourquoi?, troisième réaction : celui qui fait des efforts va payer encore …

    Revenons sur quelques faits qui amènent le maire de Montréal à faire cette déclaration :

     Congestion qui perdure aux heures de pointe pour entrer et sortir de l’île de Montréal.

    • Près de 1,5 million de citoyens vivent dans la métropole[1] du Québec. En effet, le projet de loi 22  a introduit dans la charte de Montréal la reconnaissance du terme métropole : elle lui reconnaît qu’elle est un de ses principaux acteurs en matière de développement économique.
    • Il y aurait pour environ 11 milliards de dollars de projet de transport en commun soit en chantier ou à l’étude dans la grande région métropolitaine[2].
    • De plus, depuis juin 2008, la loi modifiant diverses dispositions législatives concernant Montréal, projet de loi 22, accorde également à la ville un nouveau pouvoir de taxation l’autorisant à imposer, par règlement, des taxes municipales directes sur son territoire.

    Le maire de Montréal, dans une suite logique d’analyse sans nuance s’est dit : « nouvelle taxe pour (financer) le transport en commun et pas seulement aux automobilistes de Montréal mais aussi à ceux des couronnes Nord et Sud ». N’est-ce pas une façon simpliste de trouver du financement? On ne peut froidement imposer une taxe sans avoir fait préalablement l’analyse de quelques variables qui pourront peut être faire prendre une décision différente.

     Voici un blogue en trois mouvements : premièrement, un portrait de situation des besoins; deuxièmement, comment se traduira cette nouvelle taxe pour le citoyen et finalement, les principaux problèmes.

     Besoin

    Petite analogie avec le réseau de la santé dans lequel je travaille : ici aussi, le financement était et est toujours criant et le ministère a proposé différentes méthodes pour augmenter ses sources de revenus. Par ailleurs, le ministère de la santé et des services sociaux a reconnu que ces citoyens n’avaient pas tous les mêmes maladies et les mêmes besoins et il s’est ajusté et a même reculé devant des annonces qu’il avait fait (ticket modérateur par exemple).

    Au niveau municipal, les citoyens ont ou non des voitures et en font usage selon leur besoin.   Première question à se poser, pouvons-nous imposer de manière généralisée cette taxe à tous les automobilistes pour financer le transport collectif qu’il soit ou non résident de l’île de Montréal?  La réponse est non. Posséder ou non une voiture demeure un choix mais ce n’est plus un luxe.  La société avec son rythme ultra structuré et la métropole dans lequel le citoyen tourbillonne ne lui permettent pas toujours de prendre le transport en commun pour faire ses activités de la vie quotidienne.  Tout citoyen responsable (et pas seulement celui qui réside à Montréal) reconnaît les avantages du transport collectif et voudrait y contribuer le plus possible, en autant que le service soit efficace et réponde aux besoins de déplacements.  Le gouvernement reconnaît-il les citoyens qui font des efforts pour aider à financer le transport collectif?

     Pour le citoyen, ça va couter combien?

    Pour le citoyen sans voiture, il n’aura pas à subir la nouvelle taxe, sa façon de contribuer au financement du transport collectif si l’utilise, c’est en achetant un titre de transport.

    Pour le citoyen qui possède une voiture et qui n’utilise pas le transport collectif, il aura à payer la nouvelle taxe pour financer le transport collectif et s’il demeure sur l’île, il paie déjà un montant dédié au transport en commun via ses immatriculations plus une taxe sur le stationnement et une hausse récente de 1,5 cents de la taxe sur l’essence.

    Pour le citoyen qui possède une voiture et qui utilise le transport collectif aux heures de pointe, il aura à payer la nouvelle taxe, plus son titre de transport plus les autres taxes s’il réside sur l’île.  Donc le citoyen responsable qui fait des efforts pour réduire la congestion automobile aux heures de pointe en utilisant le transport en commun n’a aucune reconnaissance de la part de la Ville et des sociétés de transport. Il est taxé dignement.

     Principaux problèmes

    Revenons aux deux principaux problèmes avant de prévoir taxer tous les automobilistes de la grande région de Montréal, soit la congestion aux heures de pointe et le fait qu’il y a un manque de transport collectif.

    La mise en place d’une Agence métropolitaine de transport (AMT) relevant du ministère du Transport pour les banlieues de la ville de Montréal et la Société de transport de Montréal (STM) n’ont-elles pas dans leurs mission et mandats respectifs de trouver des solutions durables qui donneront le goût aux citoyens de contribuer davantage plutôt que de se faire imposer une nouvelle taxe pour financer leurs projets.  Le transport collectif, c’est un projet de société, tous et toutes  doivent y contribuer et ceux qui font plus d’effort devraient y retrouver un gain car ils risquent à un moment donné de changer d’idée et d’habitudes de transport.

    La congestion automobile et le temps passé en voiture augmentent avec les années (le temps passé en voiture est même devenu une donnée statistique pour la satisfaction de la qualité de vie et du bonheur!). Plusieurs facteurs ont été identifiés responsables de cette congestion et du temps en voiture, dont par exemple: étalement des banlieues, manque de transport collectif, individualisme, horaire incompatible, accès très tôt à la propriété automobile…est-ce un choix d’être dans le trafic ?

    L’AMT et la STM n’ont-elles pas proposées des idées de projet pour réduire la congestion aux heures de pointe? La cour est pleine de projets, dont celui du péage pour entrer/sortir de la ville de Montréal (utilisateur-payeur), le tramways, le prolongement des lignes de métro, etc. C’en est rendu où?

    Nous sommes à même de constater que ce sont de très gros dossiers, très complexes, qui nécessitent une vision globale à long terme, tellement complexes que même les acteurs principaux semblent avoir des difficultés à prioriser et à faire des choix, avec en plus la question du financement qui vient complexifier la prise de décision. 

    Ces dossiers de milliards de dollars, qui touchent directement la qualité de vie des citoyens; ceux-ci voudraient peut-être participer autrement que de suivre cela passivement dans les journaux. Il faut augmenter la participation des citoyens dans le processus! 

     

     

     

    Nadine Bergeron

     

     



    [1] Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant Montréal, éditeur officiel du Québec, 2008

    [2] Cyberpresse.ca/actualités/régional en date du 6 novembre 2010

  • Les garderies: Un changement pour le mieux?

    Peut-on croire qu’encore aujourd’hui en 2010, les nouveaux parents qui veulent envoyer leurs petits à la garderie doivent avant même la naissance de l’enfant, s’inscrire sur une liste d’attente pour être sûr d’avoir une place le moment venu. Mais pire, comment peut-on ne pas réagir quand certaines gens réussissent à contourner la liste par favoritisme et que les autres, souvent les plus démunis, se trouvent à rester sur la liste à attendre que leur tour arrive.

    C’est à la lecture d’un article dans Le Devoir, paru samedi le 6 novembre dernier que je pris conscience de la problématique qui perdurent depuis plusieurs années et ne pu faire autrement que de me questionner sur le processus. Dans cet article 1 : ‘’Fini le favoritisme dans les garderies’’, la ministre de la famille et des aînés du Québec, Yolande James, a annoncé le dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi 126. Ce projet de loi prévoit un nouveau processus d’attribution des places subventionnées, un mécanisme pour stopper les chaînes de services de garde et contrer la garde illégale, la responsabilisation des actionnaires et un nouveau régime de sanctions efficace et dissuasif.

    Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur tous ces changements, je m’attarderai que sur le nouveau processus d’attribution des places subventionnées.  Le projet de loi propose d’inclure dans la loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance le processus de consultation des milieux régionaux pour l’attribution des places à contribution réduite. Les Directions régionales du Ministère mettront en place des comités régionaux, qui seraient formés d’intervenants des milieux régionaux et locaux. Ces comités auraient pour tâche d’analyser, sur le territoire déterminé, les projets admissibles qui répondent le mieux aux besoins des familles et  de recommander des projets à la ministre.

    En fait, ce ministère avec ces régions de coordination donne une impression fausse d’être un ministère décentralisé alors que dans les faits ce ne sont que de la coordination qui se fait et que toutes les décisions sont prises par le ministère pour l’ensemble de la province et non  selon les besoins de chaque région. Il en est de même pour ce fameux processus de consultation. Cela donne  l’impression que chaque comité aura la décision dans l’attribution des places subventionnés alors qu’en fait, comme le mot le dit, ce sont des comités de consultation qui feront que des recommandations au ministre. Ainsi la décision finale sera prise par le ministère.

    Et pourtant, ce processus aurait mérité d’être décentralisé puisque certaines régions ont des besoins plus criants que d’autres. Juste à penser à la région de Lanaudière où on observe une augmentation de l’arrivé de jeunes familles ou  encore dans les régions de l’Abitibi-Témiscaminque et la Côte-Nord où  le taux de natalité a aussi beaucoup augmenté2. Le gouvernement devrait en tenir compte pour planifier le développement de nouvelles places en service de garde. Il reste à espérer que les recommandations des comités seront prises en compte et que la décision finale de la ministre reflètera vraiment bien les besoins de chacun.

    La venue de ce projet de loi ne fait pas exception aux principes de l’administration publique. Un des principes fondamentaux est que tout en administration publique doit faire l’objet de reddition  de compte. C’est dans cette optique que la ministre prévoit faire connaître ses orientations et priorités et cela en toute transparence. Tout un défi, c’est certain.

    Quant aux principes d’universalité et d’équité, ils sont  en pratique loin d’être aux rendez-vous selon l’Institut économique de Montréal3. Effectivement ce modèle coûte de plus en plus cher et restreint de façon considérable le choix de milliers de familles. Dans un article de Cyberpresse paru le 20 octobre 2010 4 :’’ Discrimination dans les services de garde en milieu familial’’, il est expliqué la difficulté de se trouver une place alors que certaines garderies font de la discrimination en sélectionnant leur future clientèle telle que recevoir les enfants des enseignants seulement.  C’est à espérer que ce projet de loi changera les choses pour le bien des parents. C’est semble-t-il la volonté du gouvernement, de mettre de l’avant ces principes de l’administration publique tel que la transparence, l’équité, l’universalité et la sécurité des tout-petits.

    L’Association québécoise des Centres de la petite enfance  (AQCPE) 5, semble satisfaite de ce projet de loi mais ajoute que des problèmes importants demeurent non résolus. Entre autre, pour que les comités fonctionnent, il faudrait qu’Il y ait plus de places à attribuer.   Effectivement, le gouvernement promet  depuis deux ans 15000 places supplémentaires mais aucune annonce concrète n’a encore été faite6. 

    Pire, il semblerait que selon l’Institut de la statistique du Québec, basées sur des données de Statistique Canada, qu’on vivrait une recrudescence du taux de natalité plus élevée que ce qui a été estimée soit près de 25000 de plus que la première projection. Que va-t-il se passer? Qu’est-ce que le gouvernement va faire de plus pour ajuster le tir.

    Présentement les parents sont à bout, l’intolérance s’installe, la révolte est proche. Une lettre ouverte envoyé à la ministre Yolande James, écrite par un parent a paru dans le Devoir le 11 novembre dernier8. On est rendu à y mettre des propositions d’amélioration qui sont tout même  très sensées. Il reste que cela exprime bien la crainte des parents et des futurs parents sur ce qui risque d’arriver dans un futur pas si lointain.

     Des changements pour le mieux? Espérons que les changements annoncés par la ministre Yolande James seront suffisant afin que les parents trouvent une place pour leur progéniture de façon équitable et où leur demandes seront traitées avec transparence et intégrité.

     

    Référence :

    1-      Article paru le 6 novembre 2010, Le Devoir.com, Fini le favoritisme dans les garderies.

    2-      Statistique Canada.

    3-      Notes économique de L’Institut économique de Montréal, octobre 2006.

    4-      Article paru le 20 octobre 2010, Cyberpresse, Discrimination dans les services de garde en milieu familial.

    5-      Association québécoise des Centres de la petite enfance (AQCPE)

    6-      Article paru le 5 novembre 2010, Économie sociale du Québec.

    7-      Article paru le 22 septembre 2010, Cyberpresse, Un système défectueux.

    8-      Lettre paru le 11 novembre 2010. Libre opinion-Le Devoir.com, Urgent besoin de places en garderie.

  • L’état de droit est – il en danger?

    L’état de droit est – il en danger ?

    (Urgence dans nos hôpitaux et…..dans  notre classe politique)

     

     

                                                                                                 Par Sylvie Mbiga

     

    En ce mois de Novembre ce sont  nos politiciens qui attirent l’attention des médias et du public une fois encore, non pas par des prises de position constructives ou par l’annonce de mesures salutaires pour notre économie, notre santé ou notre éducation, mais par des allégations portées à l’ endroit de certains politiciens parfois par leurs propres confrères.  L’affaire Bellemare, dont on ne connaît pas encore l’issue et la commission Bastarache qui en découle, ont laissé un gout d’inachevé et de vérités non dévoilées. Etait-ce à Jean Charest de nommer le juge qui devait présider une commission où il était lui-même mis en cause ? On peut y répondre par la négative car il est évident que le risque d’un manque de transparence est bel et bien présent. On ne saura par ailleurs peut être jamais qui de Jean Charest et de Marc Bellemare dit vrai. La conclusion  des travaux est du reste toujours attendue après une note salée pour les contribuables de plus d’un million de dollars profitant en grande partie aux avocats des deux parties. Toute porte à croire qu’on aura une suite de recommandations sur le processus de nomination des juges dont on espère néanmoins qu’on en tiendra compte.

    Les dernières semaines ont été marquées par une succession d’ événements dans la classe politique (surtout municipale) qui laissent un goût tout aussi fort désagréable, laissant croire que rien ne va en ce moment et que peut être nos politiciens, censés pourtant protéger l’ état de droit, seraient les premiers à en bafouer les principes élémentaires comme la transparence dans la gestion des biens publics, la séparation du politique et de la bureaucratie et le non recours aux méthodes de corruption.   Il ya eu le maire de Mascouche, Richard Marcotte, qui a été éclaboussé il y a quelques semaines par des révélations mettant en évidence ses rapports avec une entreprise de construction qui aurait bénéficié pendant plusieurs années de contrats importants de la municipalité. En retour l’entrepreneur aurait financé les travaux à la résidence de M. Marcotte. Ce dernier a entretemps été expulsé de son parti. Quelques jours plus tard, une joute verbale par medias interposés s’installe cette fois ci entre M. Gérard  Deltell, chef hautement plébiscité de l’ADQ, et le Premier Ministre Jean Charest, le premier ayant qualifié le second le samedi 14 Novembre de « bon parrain du parti libéral ». Il n ya qu’un pas à faire ici pour rapprocher ces propos de l’actualité dans le milieu de la construction et plus encore dans le milieu mafieux lui-même. C’était en effet mercredi dernier que le patriarche  de la mafia montréalaise Nicolo Rizzuto a été assassiné dans sa résidence dans des circonstances pour l’ instant non élucidées. Si certains n’y voient aucun lien entre ces événements, Jean Charest  n’a pas pour sa part apprécié l’allusion voilée. Presque simultanément, un autre fait politique retient l’attention médiatique: M. Serge Menard, actuel député du Bloc Québécois à  Ottawa soutient avoir reçu une enveloppe blanche contenant 10 000$ du maire Gilles Vaillancourt de Laval il y a 17 ans alors qu’il était candidat du Parti Québécois pour des élections dans une circonscription de Laval. M Vincent Auclair, députe libéral, se souvient également s’être fait proposé une enveloppe du maire de Laval. Si dans ce cas l’enveloppe est toute aussi blanche, M. Auclair ne peut affirmer qu’elle contenait de l’argent. Ici encore, comme dans l’affaire Bellemare, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre. Il n y a pour l’ instant aucun moyen de savoir où se trouve la vérité.  Un sentiment de méfiance et de malaise vis-à-vis de la classe politique ne cesse de grandir. Aucun électeur ne souhaite confier la gestion des biens publics aux personnes à la moralité un peu douteuse. Les allégations de tentative de corruption  ou de soudoiement  plongent l’opinion public dans la perplexité puisque chaque concerné jouit  à date d’une bonne réputation. Si elles sont fondées, quel aurait été le but recherché par M. le maire ? Et que dire alors de l’opinion que le reste du monde a du Québec ? Elle s’en trouverait certainement entachée s’il s’avérait que les accusations de tentative d’influence sont vraies. Ceci constituerait sans aucun doute un terreau fertile pour les auteurs prompt à peindre un tableau négatif de la société québécoise dans leurs articles (voir l’article controversé paru dans l’édition du 04 octobre du magazine Maclean ‘s).  Il est temps que les élus continuent davantage (pour ceux qui le font déjà) ou commencent (pour ceux qui ne le font pas encore pleinement) à se concentrer sur l’objectif premier qui doit être le leur : protéger l’état de droit et servir les électeurs en réfléchissant notamment aux moyens de résoudre la multitude de problèmes dont ils sont confrontes tous les jours. A ce propos ils pourraient recentrer leurs efforts sur un problème bien particulier qu’un événement triste nous a rappelé hier : la pénurie de médecins et l’engorgement des urgences. Une patiente de 79 ans est décédée aux urgences après des heures d’attente à l’hôpital Saint Luc Thérèse de Repentigny en début de semaine.  Le 30 septembre dernier, c’était un homme qui décédait dans les bras de sa sœur  à l’hôpital Maisonneuve Rosemont après 7h d’attente aux urgences sans aucun soin. Ça c’est un des problèmes que, nous les électeurs, on aimerait bien ne plus voir surgir. Pour ce faire, les élus et surtout le ministère de la sante pourrait par exemple se pencher sans tarder sur le rapport de la commission des droits de la personne. Une des conclusions importantes de l’enquête approfondie qu’ils ont menée en se basant surtout sur l’année 2007, a été rendue publique mardi le 16 Novembre, mais a été malheureusement éclipsée dans les medias par les « l’affaires » Deltell et Vaillancourt. La commission accuse en effet les facultés de médecine de discrimination à l’ endroit des médecins formés à l’étranger qui peinent, malgré l’obtention de l’examen d’équivalence du collège des médecins au Québec, à se voir attribuer des places de résidents en médecine. Ces places de résidents constituent pourtant la dernière étape avant  l’obtention du permis d’exercer. Donc, d’ un cote il ya pénurie de médecins et des patients meurent aux urgences mais de l’autre, on est réticent a alléger les processus de reconnaissance des compétences acquises a l’étranger.

    Ceci est un exemple de problème requérant l’entière attention des élus.

  • le gaspillage intellectuel

     

    Est-on conscient du gaspillage intellectuel qui se fait au Québec? Est-on conscient du gâchis des compétences quotidien qui a lieu devant nos yeux? Dans une société d’accueil, en pénurie dans plusieurs secteurs fondamentaux, je trouve inacceptable qu’il y ait si peu d’effort pour profiter des connaissances des professionnels d’ailleurs, par contre, toutes les raisons sont bonnes pour ne pas en profiter.

     

    Les personnes qui sont choisies en fonction de leurs qualifications professionnelles se confrontent à des difficultés majeures pour l’obtention d’un emploi dans leur domaine d’expertise, pourtant, ils ont été « sélectionnés » justement à cause de leur expertise, ou du moins, c’est ce qui leur est dit. 

     

    Le ministère de l’Immigration met à la disposition de ces professionnels une série d’ateliers pour faciliter leur intégration dans la société d’accueil, surtout en emploi, mais qu’en est de la préparation de la société d’accueil? Cette société, est-elle ouverte à recevoir du sang neuf parmi les siens, d’accepter d’autre manière de faire, de se mouvoir de la stagnation identitaire? Pourquoi attendre un « conformisme » dans les manières de faire d’ici pour les intégrer? Le nouvel arrivant apprend à faire son CV selon le modèle d’ICI, apprend la recherche d’emploi active, comme on fait ICI, et pourtant le travail leur est refusé parce qu’ils ne savent pas comment ça marche ICI !!!!!!!!! Comment voulez-vous qu’ils le sachent si personne ne leur donne une chance? 

    Comment voulez-vous qu’ils s’intègrent et se sentent utiles si le délai d’attente pour leurs équivalences de diplômes est d’une moyenne de 6 mois? Que font-ils pendant tout ce temps? Comment voulez-vous qu’ils maintiennent leurs motivations? Et encore plus, comment voulez-vous qu’ils vivent? Est-ce en faisant des « Jobines » qui sont loin de leurs champs d’expertise et de leurs domaines de compétences qu’ils vont avoir l’expérience québécoise? Vous ne trouvez pas que c’est un énorme gaspillage intellectuel

     

    La contribution d’un enjeu majeur élargit encore plus ce gaspillage, cette contribution est généreusement offerte par les ordres professionnels. Une fois les équivalences en main, il faut compter encore quelques mois pour une étude d’un dossier dans un ordre professionnel, évidemment avec une bonne somme d’argent. Résultat : on n’est pas assez bon pour faire partie de cet ordre! SI le dossier est accepté, il faut reprendre des cours et cela pour quelques années (ça dépend des ordres). Suivre des cours de déontologie, des cours qui sont propres aux situations et au contexte du Québec, c’est normal, mais refuser un dossier d’un professionnel quand le besoin est omniprésent, c’est de l’ordre du non-sens. Est-ce que le cœur ne bat pas de la même manière au Québec qu’ailleurs dans le monde? Est-ce que les émotions ne sont pas pareilles qu’ailleurs dans le monde? Les circonstances peuvent être différentes, mais les émotions, elles, sont identiques partout dans le monde. Les muscles sont-ils placés ou formés différemment au Québec? Non, la composition des muscles est, elle aussi, pareille dans le monde, et je peux continuer pour longtemps. Pourquoi ne pas donner la chance à ces professionnels (en santé, éducation, physiothérapie, psychologie…) d’exercer dans leurs champs d’expertise? Pourquoi pas une évaluation des compétences au lieu d’une évaluation des diplômes? Si la personne n’a pas les compétences, un retour aux études pour quelques années sera pertinent, à voir, élémentaires, mais pour la personne qui possède les compétences, pourquoi la réduire à un niveau d’un étudiant sans compétences et sans expériences? Pourquoi s’empêcher de profiter de ces connaissances,  avec l’option d’une mise à niveau? 

    Le cursus académique est en perpétuel mouvement en fonction de l’évolution des recherches scientifiques et des méthodes d’applications. Il y a 5,10, 15 ans les enseignements et les techniques d’intervention dans la plupart des domaines n’étaient pas pareils ni comparables à celle de nos jours, que ça soit au Québec ou ailleurs dans le monde, et pourtant, les professionnels des ordres d’ICI continuent à exercer avec une mise à niveau continu. Par contre, les nouveaux arrivants sont évalués sur leurs niveaux académiques et se voient enlever le droit de pratique, entre autres pour cette raison. 

     

    Cette société, qui accueille 34000 nouvelles personnes par année, attend, dans les meilleurs des cas une année et en moyenne 3 à 5 ans, pour profiter des expertises, souvent déjà acquis, des professionnels qui ont choisi de vivre au Québec et qui sont sélectionnés en fonction de leurs professions. Je trouve que c’est beaucoup de gaspillage intellectuel qui se fait et que le terrain n‘a pas été préparé pour mélanger les grains. Cela me mène à se questionner sur les attentes de cette société d’accueil envers ces professionnels. L’intégration dans une société se fait sur deux plateaux, celui de la préparation des arrivants et celui de la préparation du  lieu d’accueil. L’investissement du lieu d’accueil équivaut-il à celui du nouvel arrivant? C’est une question que je ne peux m’empêcher de me poser, plusieurs fois par jour, d’autant plus que c’est une réalité que je confronte au quotidien, étant donné que je travaille dans un organisme qui accueille les nouveaux arrivants dans un quartier d’une grande concentration de nouveaux arrivants.

     Nadine Gharios

    ENP 7328