Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

De Bombardier à PotashCorp

Principes et enjeux de l’administration publique

Blog 2

 

Titre : De Bombardier à PotashCorp

 

 

En prenant la route 117 vers Mont-Laurier, un panneau a attiré mon attention. Un citoyen avait fait installer l’écriteau suivant sur le bord de la route :

« Croire que des intérêts privés peuvent mieux gérer nos ressources et nos bien publics relève de la démence » [1]

L’histoire n’indique pas si ce cri du cœur est en lien avec le dossier des gaz de schistes mais une chose demeure : l’actualité des derniers mois nous a démontré que lorsque les intérêts nationaux et les ressources sont en jeu, même les entreprises les plus puissantes sont affectées  par l’omniprésence de l’état de droit. La saga  entourant le consortium Bombardier-Almstom   au Provincial et  l’offre d’achat hostile pour PotashCorp au fédéral en sont la démonstration.

 

Au niveau Provincial, les étudiants de la prestigieuse ont eu la chance d’être au cœur du débat entourant la loi 116 qui accorde directement au consortium Bombardier-Almstom le contrat pour la construction des voitures de métro de Montréal. En effet, lors de notre visite à l’Assemblée Nationale le 5 octobre dernier, la chef de l’opposition officielle, Mme Pauline Marois, tout en appuyant la loi 116 a fait part de ses inquiétudes  face à la gestion cahoteuse du processus d’appel d’offres et des répercussions possibles de cette décision. Cette  loi met fin à une saga qui a duré plus de 4 ans où M. Charest aura accordé pour une deuxième fois cet énorme contrat sans appels d’offres. Le temps commençait aussi à presser dans ce dossier car nos voitures de métro se classent 2ième au monde quant à leur âge.

 

La compagnie perdante dans cette histoire est la CAF(Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) qui prétend être en mesure d’offrir la même voiture à 1 million de dollars de moins, soit un total de 500 millions pour l’ensemble du contrat. D’un coté, il est compréhensible que l’Espagne fasse ressortir le manque de transparence de notre gouvernement dans le mécanisme d’attribution. De l’autre, le ministre du développement économique, M. Clément Gignac, a  démontré le principe de solidarité ministérielle en défendant la décision de son cabinet en affirmant que le municipal n’est pas soumis aux règles de l’OMC(organisation mondiale du commerce). M. Sam Hamad, ministre des transports s’est montré solidaire en clamant que Québec paye le ‘juste prix’.

 

Les points suivants ont fort probablement été ceux qui ont été pris en compte par  M. Charest dans sa décision.

-          Le coût supplémentaire déboursé  par wagon versus les retombées économiques positives de faire faire le travail en région

-           L’effritement de la réputation et de la transparence du Québec à l’international versus l’appât du gain d’un siège vacant dans la  circoncription Kamouraska-Témiscouata

 

Par cette intervention législative, l’exécutif nous démontre toute la portée et l’autorité des décisions de l’Assemblée Nationale dans l’exercice de ses pouvoirs souverains. Cette loi fait aussi ressortir les limites de l’autorité municipale  et nous montre que le siège ultime des décisions importantes réside à l’Assemblé Nationale , surtout quand les intérêts nationaux sont affectés. La ligne est donc mince et  l’équilibre complexe à trouver entre la décision pour l’État d’intervenir ou non. Tout en étant en plein accord avec la décision de M. Charest, il est clair  qu’une répétition trop rapprochée dans le temps de ce type d’intervention aura des répercussions sur les opérations de nos sociétés à l’étranger.

 

Le fédéral nous présente l’interventionisme de l’État au niveau des entreprises d’une autre façon. La  société australienne BHP Billeton a offert, il y a près de 3 mois, la somme de 38,6 milliards US afin d’acquérir PotashCorp, une compagnie de la Saskatchewan spécialisée dans la production d’engrais  (potasse, phosphate et nitrate) pour l'agriculture. Rappelons que le Canada compte environ la moitié des réserves mondiales de potasse et représente 30% de la production internationale. Pour saisir l’importance de cette offre d’achat, le journal des affaires indiquait que le dollar canadien a bondi de 1% lors du dévoilement de l’offre d’achat en raison du phénomène de rareté sur la demande pour la devise canadienne.

 

En vertu de la loi sur Investissement Canada, le gouvernement peut empêcher une transaction de 300M$ ou plus  si elle juge qu’elle n’apporte aucun bénéfice net au pays.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, en juin 1985, le gouvernement  fédéral a approuvé 1637 acquisitions et en a rejeté qu’une seule. Le 3 novembre dernier, le ministre  de l’industrie Tony Clément a rejeté l’offre de BHP  sur Potash leur donnant toutefois 30 jours pour « bonifier leur offre ». Selon moi, il a fort à parier que c’est à contre cœur que  M. Harper a rejeté l’offre et l’a surtout fait en raison des  protestation du premier ministre de la Saskatchewan et de l’importance des circonscriptions à garder dans cette province.

 

Deux choses m’agacent dans cette histoire. Pourquoi le ministre fédéral de l’industrie n’est-il pas capable de boutonner ses culottes au complet et de refuser l’offre d’achat catégoriquement. Pourquoi jouer la carte du bon joueur en donnant à BHP la possibilité de bonifier son offre? Ceci est aussi un pied de nez et un rappel à Québec et ses ministres de leur complaisance dans l’achat hostile d’Alcan en 2007 par  Rio Tinto pour 38,1 milliards $. Québec, contrairement à la Saskatchewan, avait approuvé l’achat et rendait la tâche encore plus facile au fédéral.

 

A quand le réveil collectif qu’une gestion des ressources naturelles d’un pays fort d’un état de droit par des multinationales étrangères est contraire au bon sens? La décision de refuser l’achat pour seulement la 2ième fois  sur 1637 acquisitions   nous démontre que l’État, bien qu’il en ait tous les pouvoirs, interprète parfois ses lois plus en fonction du marché et des intérêts privés  qu’en fonction du bien commun.

 

Nicholas Borne

7505 lundi soir

[1] image

[2] Les affaires numéro du document : NEWS-20101103-ZW-0

Down Jones Newswires Nov 4 2010

Le droit Carrière et professions, 6 oct 2010

Le Soleil Affaires, 7 ocotbre 2010

Commentaires

  • Très bonne réflexion Nicholas ! Je dois dire que tu soulève là se que moi j’appelle les « dessous de la mondialisation ». Selon ce que nous avons constaté ces derniers jours, en affaire d’économie, les lois sur le commerce international ne sont pas toujours respectées par les Etats de droit. Certains Etats comme le Canada se disent avoir atteint un certain niveau de puissance qui leurs permet de passer outre la loi. Sauf qu’ils le font sans tenir compte du fait que la mondialisation de l’économie est un fait réel qui implique des conséquences quand des gouvernements veulent jouer au petit malin.
    Il est vrai que le municipal n’est pas soumis aux règles de l’OMC. Cependant le municipal fait partie du gouvernement qui est soumis lui aux règles de l’OMC… A l’extérieur du Canada, beaucoup savent que Bombardier est une entreprise Canadienne. Personne ne fait cette distinction entre municipal et gouvernement du Canada comme le Ministre du développement économique tante d’expliquer. Ne soyons donc pas surpris qu’après cette affaire Bombardier, les entreprises Canadiennes se voient également victimes de tels agissements à l’extérieur du Canada. En ce moment là il ne faudra pas se plaindre de la faible croissance de l’économie Canadienne.

    Rosine NGUEMPI MELOU

Les commentaires sont fermés.