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Gestion par résultats : plus que des indicateurs de performance et des cibles de résultats. L’exemple de l’accès aux services de santé mentale jeunesse au CSSS Pierre-Boucher.

Par Frédéric Beauregard

 

Lorsque l’on parle de gestion par résultats (GPR) en santé et services sociaux, il est fréquent d’entendre les travailleurs se plaindre des nombreuses statistiques qu’ils ont a tenir et du temps qu’ils y consacre. Dans la majorité des cas, la GPR entraîne frustrations et perte de temps pour les travailleurs. Cependant, la GPR est loin de se limiter à des indicateurs de performance et des cibles de résultats, comme c’est souvent perçu et ce, parce que mal mis en œuvre par les responsables de son implantation. Pour ce deuxième blogue, j’ai donc choisi de parler d’une initiative que je juge réussie de la mise en œuvre récente, au CSSS Pierre-Boucher, d’une initiative dans un secteur qui est souvent l’enfant pauvre des services en santé et services sociaux : la santé mentale jeunesse.

 

D’abord, il importe de comprendre que la GPR, telle qu’elle a été pensé par ses « idéateurs », n’est pas destinée à être un outil de contrôle et d’évaluation de la performance individuelle (Mazouz-Leclerc, 2008). La GPR, ce n’est pas la définition par le sommet hiérarchique (quand ce n’est pas par le gouvernement) d’une série d’indicateurs de performance pour lesquels on chiffre des cibles quantitatives, comme on le voit dans beaucoup d’établissements. La GPR, c’est d’abord et avant tout une philosophie de gestion axée sur une amélioration continue des services offerts à la population. En résumé, il s’agit d’une démarche selon laquelle on procède à une analyse des forces et des faiblesses de l’organisation, de sa capacité à livrer les services, de sa capacité à apprendre et à échanger (Mazouz-Leclerc, 2008). À partir de cette analyse on identifiera des priorités d’amélioration et des cibles de résultats, celles-ci n’étant pas, je le rappelle, une mesure pour évaluer le travail des gestionnaires ou des travailleurs, mais bien une mesure d’évaluation des processus et méthodes de travail mis en œuvre afin d’atteindre les améliorations souhaitées.

 

En outre, l’ensemble du processus de la GPR interpelle et implique l’ensemble des parties prenantes au projet d’amélioration, du bénéficiaire du service, aux techniciens et professionnels qui le dispense en passant par les gestionnaires et les partenaires internes et externes touchés par ce dernier. À la lumière de ce court résumé, on comprend que la GPR pratiquée dans la fonction publique, en particulier dans le secteur de la santé et des services sociaux, a souvent été dérivée de sa fonction première, ce qui explique probablement l’aversion profonde des travailleurs de la face à la GPR.

 

Heureusement, quelques mises en œuvre réussies de le GPR permettent de renverser cette perception négative. L’exemple du projet-résultats dans le secteur santé mentale jeunesse du CSSS Pierre-Boucher, auquel je faisais allusion dans mon introduction, en est un. Les responsables du programme ont fait, dès la création du CSSS, une analyse approfondie des forces et des faiblesses de ce secteur. Ils ont consulté les travailleurs, les partenaires, les bénéficiaires et leurs familles, tant sur le système en place à ce moment que sur des pistes d’amélioration des services. Des questionnaires ont été distribués et des focus-group ont été organisés. On a compilé et analysé ces données et identifié les problèmes les plus criants et les pistes de solutions les plus probantes. Un des problèmes majeurs qui a été identifié était l’accès aux services de santé mentale, dû à une méconnaissance tant à l’interne qu’à l’externe des services offerts et des portes d’entrées pour y accéder. Aussi, les référents se plaignaient, une fois le dossier entre les mains du CSSS, de ne pas être informés de la progression de la démarche. Au bout de la démarche, ce sont les travailleurs du secteur qui ont proposé de nouvelles avenues pour faire connaître et accéder aux services.

 

Dorénavant, une intervenante pivot reçoit toutes les demandes d’intervention, qu’elles proviennent du jeune concerné, de la famille ou de référents externes (organismes communautaires, écoles, etc.). Elle évalue la demande et la réfère, le cas échéant, à la personne la plus apte à intervenir : travailleur social, psychiatre, infirmière ou autre membre de l’équipe de santé mentale jeunesse. Sinon, elle réfère au secteur concerné. Les intervenants professionnels prennent en charge le jeune en fonction de l’urgence de sa situation. Tout au long de la démarche, le référent, s’il y a lieu, est informé de la progression du dossier jusqu’à ce que le jeune soit pris en charge. En outre, les intervenants ont innové en acceptant de se déplacer dans les ressources du milieu (organismes communautaires, école, etc.) afin réaliser les rencontres de suivi avec le jeune et en acceptant que le référent accompagne le jeune lors des premières rencontres d’évaluation.

 

Cette façon de faire, bien qu’il soit encore difficile d’en évaluer les résultats puisqu’elle est mise en œuvre depuis moins d’un an, démontre déjà ses avantages. Lorsque l’on sait que les problèmes de santé mentale sont encore tabous et qu’il est difficile d’amener un jeune consulter un spécialiste, l’ouverture des intervenants à venir rencontrer les jeunes dans leurs milieu de vie, accompagnés par leur référent avec qui le lien de confiance est déjà établi, il n’y a aucun doute que cette façon de faire est facilitante pour les jeunes et leurs référents. Également, les intervenants ayant grandement participés à l’élaboration du protocole de réception des demandes d’intervention, ils se le sont appropriés et sentent fier d’y avoir contribué. Il est visible que leur motivation est affectée positivement par cette participation et qu’ils ont une grande envie de contribuer à l’amélioration de la qualité des services offerts.

 

Évidemment, cette analyse en dit peu sur les indicateurs de performance et les cibles qui ont été fixées (probablement) par la direction, cependant on peut y voir une intéressante mise en œuvre de la GPR, qui permettra, sans aucun doute, d’améliorer le service. L’évaluation du projet-résultats, dans quelques mois, permettra sûrement de le démontrer, en autant que l’on aille plus loin que les statistiques et que l’on se fie davantage au qualitatif.

 

Bibliographie

 

Mazouz, Bachir, Leclerc, Jean, « La gestion intégrée par résultats » Presses de l’Université du Québec, Québec, 2008, 440 pages.

 

Pochette d’information « Guichet unique santé mentale jeunesse » Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, 2010

Commentaires

  • Ah, le merveilleux monde des indicateurs de gestion. Effectivement, dans le contexte actuel, les prefesssionnels qui travaillent sur le terrain sont bien lassés de se faire parler de statistiques, de l'importance d'atteindre les cibles et de se faire répéter de saisir leur paperasse dans les systèmes d'information. Ils y voient là l'évaluation de leur performance, en plus du travail supplémentaire que cela représente. Et ils ont peu de temps à y consacrer. Je travaille dans un Agence régionale, et je dois rendre compte à mes supérieurs de l'atteinte ou non de cibles liées à des indicateurs de gestion. Je ressens bien le mécontentement quand je dois aller chercher de l'information auprès du CSSS qui pourrait justifier des résultats moins favorables. Comment faire des ces indicateurs des sources de motivation? Selon moi, il faut trouver une façon d'impliquer les intervenants pour qu'il se sentent concernés par la situation, qu'ils sentent que les gestionnaires sont à l'écoute de ce qu'ils ont de précieux à dire sur le réalité du terrain, qu'ils connaissent mieux que quiconque.

    Dans l'exemple que vous présentez, on voit bien que la gestion par résultats peut se vivre d'autres manières. L'évaluation des programmes en santé mentale jeunesse a été une façon de prendre le poul de ce qui se passait auprès de tous les acteurs impliqués, et les résultats qui en ont émergés ont servi à l'émélioration des services à la population.

  • L’utilisation des indicateurs dans une dynamique de gestion par résultats ne se fait pas nécessairement en douceur. L’utilisation des indicateurs ne devrait plus servir seulement à porter un jugement sur la façon dont on dispense les services en bout de piste, mais également sur la façon de planifier et de gérer le réseau socio-sanitaire, et ce, à tous les niveaux. Les problèmes de qualité ne se posent pas seulement aux derniers dispensateurs dans la chaîne de soins. Des indicateurs permettant de mesurer les structures les plus adéquates peuvent être fort pertinents. Cela permet de mieux répartir les responsabilités et empêcher que l’on réagisse systématiquement à des situations qu’on a souvent les moyens de prévoir, à la condition de consentir à des évaluations a priori, ce qui curieusement demeure relativement rare.

    Un indicateur peut donc être vu différemment selon la personne qui le mesure et l’objectif qu’il cherche à atteindre. Donc, il faut se poser la question, veut-on mesurer en termes de qualité, de quantité, de montant, de temps…? Par exemple, dans l’urgence d’un hôpital, la performance sera perçue en termes de quantité par les préposés aux dossiers, en termes de qualité par le personnel médical, en termes de coût par le gestionnaire des budgets, et en termes de délais de temps d’attente par les patients. Pourtant, on parle du même service à l’urgence qui se donne au même moment.

    D'autant que l'on sait qu'il est beaucoup plus difficile de mesurer la performance au niveau des Services Sociaux, qu'on a aussi tendance à oublier quand on parle de la SANTÉ.
    Le quantitatif est difficile d'utilisation dans le cas de réinsertion sociale par exemple, alors il faut des essais, des programmes comme au CSSS Pierre Boucher, et je suis sure qu'avec un peu de temps, les choses seront plus claires, et on pourrait savoir ou chercher pour mesurer cette performance!

    Finalement et après tout, la performance d’une organisation se manifeste par sa capacité à réaliser sa mission, à s’adapter à son environnement, à produire des services de qualité avec productivité et à maintenir ou développer des valeurs communes. Elle se manifeste aussi par sa capacité à établir et à maintenir une tension dynamique entre la réalisation de ces quatre fonctions.

    vous êtes sur la bonne voie!

    conclusion:
    Une réalité reste pertinente, il n’ ya pas de formule magique dans la réforme des soins de santé. L’amélioration ne découle pas de l’élaboration de grands plans détaillés ou de la capacité des politiciens ou des fonctionnaires d’actionner les gros leviers politiques. Elle passe par des initiatives sur le terrain, qui permettent de comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Elle est conditionnée par l’engagement des fournisseurs de soins, des patients, des établissements, et des collectivités.
    Il faut préciser finalement que mesurer n’est pas évaluer. Un indicateur n’est pas la performance, il est plutôt une image codée d’une réalité ou d’un phénomène dans un contexte d’interprétation de la performance.
    Comme l’a cité un fameux statisticien américain, Aaron Levenstein: «Les statistiques, c'est comme le bikini. Ce qu'elles révèlent est suggestif. Ce qu'elles dissimulent est essentiel.»

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