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Dépôt du projet de Loi 49 = Amélioration d’un réseau?

Les ressources non institutionnelles (RNI), vous connaissez? Peut-être pas sous cette appellation mais si je vous parle de famille d’accueil, là je suis convaincue que vous savez de quoi il est question…Bien peu de personnes savent que ce réseau est en fait composé de Ressource de type familial (RTF) qui regroupe des résidences d’accueil (RA) pour les adultes et des familles d’accueil (FA) pour les enfants et de Ressources intermédiaires (RI). Ce réseau compte environ 11,000 ressources au Québec qui hébergent plus de 33,000 usagers qui, pour de multiples raisons, doivent quitter leur milieu naturel temporairement ou à plus long terme. Ces ressources constituent un maillon essentiel de l’offre de service en santé et services sociaux. Ce réseau existe depuis des décennies. Se rapprochant d’un milieu de vie naturel, sa contribution permet d’offrir à des personnes vulnérables, un milieu de vie adapté à leur situation et à leurs besoins. Le partenariat entre les établissements et les RNI est précieux et s’avère une formule gagnante.

 

Au fil des ans, ces ressources ont su s’adapter aux différents courants imposés par les mouvements sociaux, les nouvelles orientations ministérielles et les multiples demandes des différents groupes de représentants des usagers. Elles ont évolué dans des contextes et des structures en mouvement (création des CSSS). Souvenons-nous du phénomène de désinstitutionalisation au début des années 80 où les institutions qui offraient de l’hébergement fermaient leurs portes. Les usagers devaient retourner vivre en société. Sans la contribution des RNI, la désinstitutionalisation n’aurait pas été possible.

À partir des années 2000, souhaitant améliorer leurs conditions d’exercice, ces ressources se sont organisées, mobilisées et regroupées en différentes associations.

 

À cette époque, nous étions loin de nous douter que l’intervention de notre gouvernement (en déposant la Loi 7 et par la suite le projet de loi 49,) allait modifier de façon significative l’utilisation et le statut accordé aux RNI dans le réseau de la santé et des services sociaux. Les modifications qui s’amorcent actuellement laissent présager de grands bouleversements dans les relations entre les ressources et les établissements mais surtout elles risquent de perturber les services directs qui sont offerts aux usagers.

 

Pour aider à la compréhension de la problématique, permettez-moi un bref retour dans le passé.

 

Tout ce branle-bas de combat a connu son point de départ en 2000 alors que le syndicat des employés du Centre de réadaptation du Florès a déposé auprès du Commissaire du travail une demande en accréditation syndicale pour les RTF et les RI. Cette requête fut rejetée. Loin de se laisser abattre par ce refus, le syndicat a décidé de porter en appel cette décision devant le tribunal du travail. 2001 fut une année marquante pour les RNI puisque le tribunal du travail a accordé le statut de salarié aux RTF et RI du Centre Le Florès. L’établissement étant conscient des difficultés que cela représenterait, a contesté ce jugement. En 2002, la Cour supérieure se prononçait à son tour dans ce dossier et donnait raison aux RNI. Encore une fois, Le Florès a voulu contester mais sa demande fut rejetée par la Cour d’appel. C’est à ce moment que l’intervention du gouvernement fut demandé afin qu’il aide à stopper cet ouragan dévastateur, à mon sens, que représentait la reconnaissance du droit à la syndicalisation et la reconnaissance du statut d’employés des RTF et des RI. En toute urgence, juste avant le départ pour le congé des Fêtes, l’Assemblée nationale adoptait la Loi 7 qui apportait une modification majeure à la Loi SSSS en ajoutant l’article 302.1 :

Malgré toute disposition inconciliable, une ressource intermédiaire/ressource de type familial est réputée ne pas être à l'emploi ni être une salariée de l'établissement public qui recourt à ses services et toute entente ou convention conclue entre eux pour déterminer les règles et modalités de leurs rapports quant au fonctionnement des activités et services attendus de la ressource intermédiaire est réputée ne pas constituer un contrat de travail ».

Avec le recul, nous pouvons aujourd’hui nous demander si le gouvernement, en promulguant cette loi, a bien fait son travail alors qu’elle remettait en question des droits fondamentaux comme par exemple la liberté d’association pour ne citer que celui-ci? Il n’en fallait pas plus pour qu’une nouvelle vague de contestations s’amorce. En 2007, la juge Grenier donnait une fois de plus raison aux associations et aux syndicats en invalidant la loi 7.

 

Il aura fallu 7 ans de débats pour voir la fin de cette saga juridique. Mais la fin laisse un goût quelque peu amer. La bataille a fait place à une grande inquiétude pour les différentes associations qui représentent les RNI et les établissements qui sont utilisateurs et administrateurs de ces types de ressources d’hébergement puisque le gouvernement a réagi en déposant à l’Assemblée Nationale d’un nouveau projet de Loi : Le projet de Loi 49 intitulé Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives. Avec ce dépôt de projet de Loi, tout ce qui existait est à refaire.

 

Le projet de Loi 49 vise l’amélioration des conditions de travail des RTF et de certaines RI. Il est vrai qu’actuellement, le statut des RNI tel qu’il se présente peut sembler précaire. Les rétributions qu’elles reçoivent ne sont pas considérées comme des salaires. Ces rétributions ne sont pas garanties. Le nombre d’usagers qu’elles hébergent peut être diminué selon la décision de l’établissement. N’ayant pas de revenu garanti, il est parfois difficile d’obtenir des emprunts auprès les institutions financières. De plus, certaines ressources ont pu, par le passé subir des préjudices de la part des établissements avec lesquels elles étaient contractuelles (baisse du nombre d’usagers, baisse des montants accordés pour un usager, fermeture de la ressource, etc.).

Avec l’application du projet de Loi 49, tout ceci sera du passé. Et oui, les RNI pourront maintenant être représentées par des syndicats. Elles auront un statut de travailleur autonome. Une convention collective déterminera leurs conditions de travail. De modifications importantes seront apportées quant aux liens qui unissent la ressource à l’établissement. Finit le support professionnel direct à la ressource qui avait par le passé fait l’objet de tellement de demandes et de revendications de la part des ressources elles-mêmes.

 

Ce n’est pas uniquement ces modifications dans les conditions de travail des RNI qui mettront en jeu la survie de ce réseau puisque maintes fois, il s’est adapté aux différents changements imposés et pour plusieurs ces modifications semblent positives. La difficulté majeure de cette transformation, selon moi, sera la capacité de l’État à défrayer les coûts engendrés par l’application des conventions collectives. Avec le dépôt du projet de Loi 49, le gouvernement a spécifié aux différents comités de négociation que pour effectuer cette transformation, aucun budget supplémentaire ne serait ajouté à celui que détiennent globalement les établissements.

 

Parmi les différents sujets de négociation, il y a, vous l’aurez surement deviné, l’accès à une meilleure rémunération, à des congés de maladie, des vacances, des congés parentaux, l’accès au régime des rentes, à la CSST, etc. De plus pour avoir accès à ces différents programmes sociaux, les coûts seront à la charge des établissements. Vous direz sûrement que vous ne pouvez être contre, qu’il est tout à fait normal d’avoir accès à ces conditions mais si on ajoute qu’elles souhaitent avoir accès à tout ceci en gardant le privilège de ne pas être imposées, votre opinion sera peut-être alors différente!

 

Travaillant dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis plus de vingt ans et ayant œuvré auprès des RTF et RI durant toutes ces années, je suis la première à reconnaître l’importance et la nécessité de ce réseau pour l’accomplissement de la mission de nos établissements. Cependant, sans l’ajout de nouveaux budgets, il est utopique de croire que ces transformations pourront s’actualiser. Est-ce que ce projet de Loi 49 atteindra vraiment son objectif qui visait l’amélioration des conditions de travail des RNI ?

Peut-être que oui. Cependant, s’il faut respecter la ligne de conduite émise par notre gouvernement, et le faire sans aucun ajout budgétaire, la seule façon de s’en sortir sera de diminuer le nombre de places reconnues ce qui aura un impact majeur sur la disponibilité des services d’hébergement pour les usagers. Un choix lourd de conséquence…

 

Annie Richard

ENP-7505 (mardi soir)

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