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Abolition de RECYC-QUÉBEC : faire plus avec moins ?

Par Mireille Poulin

Cours ENP 7505 (lundi soir)

Le 11 novembre dernier, Michelle Courchesne, ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, a présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi portant sur l'abolition, la fusion ou l'intégration des activités de plusieurs organismes et fonds dans le but de réduire les structures de l'État et de faire croître ses gains en termes d'efficacité. Parmi les 32 organismes et fonds qui verront leurs activités consolidées si ce projet de loi omnibus (Loi 130) est adopté figure RECYC-QUÉBEC, la Société québécoise de récupération et de recyclage.

RECYC-QUÉBEC a vu le jour en 1990 conformément à la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage (L.R.Q., c. S-22.01) dont le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) est responsable. Cette société d’État qui fête ses 20 ans cette année a pour mandat « de promouvoir, de développer et de favoriser la réduction, le réemploi, la récupération et le recyclage de contenants, d’emballages, de matières ou de produits, ainsi que leur valorisation dans une perspective de conservation des ressources. »[i] Avec le nouveau projet de loi, elle verra ses activités intégrées au MDDEP et le transfert de ses opérations financières au Fonds vert.[ii]

Cette décision a été prise dans le but de contribuer au retour à l’équilibre budgétaire en 2013-2014. Selon le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, M. Pierre Arcand « la décision d’intégrer RECYC-QUÉBEC au MDDEP découle d’une orientation gouvernementale visant à accroître l’efficacité de l’État et à réduire ses dépenses. Elle permettra, à terme, de réaliser des économies annuelles récurrentes de 2 M$ »[iii].

Les mesures annoncées dans ce projet de loi s’inscrivent dans le cadre de la réingénierie de l’État québécois entamée par le gouvernement libéral dès son accession au pouvoir en 2003. Cette réingénierie visait à revoir les structures et les programmes en répondant aux cinq questions suivantes, telles qu’indiquées dans un document intitulé « Guide à l’intention des ministères » sur la « révision des structures de l’État et des programmes gouvernementaux dans le cadre de la réingénierie de l’État québécois » :

-          Ce programme répond-il toujours à une mission de l’État ?

-          Atteint-il ses objectifs ?

-          Pourrait-on l’offrir autrement à moindre coût tout en préservant la qualité du service aux citoyens ?

-          Quelle est l’instance pour assumer la gestion du programme ?

-          A-t-on les moyens d’en assumer les coûts ou faut-il revoir la portée du programme »[iv]

Après analyse, notre gouvernement a opté pour l’abolition de cette société d’État et pour l’intégration des services qu’elle offre au sein d’un ministère dans un souci d’économie, d’efficacité et d’efficience, comme en font foi les propos du ministre Arcand qui assure à la clientèle que : « le niveau de service sera maintenu, voire même accru, puisque cette dernière pourra bénéficier d’un guichet unique pour tout ce qui concerne la gestion des matières résiduelles, en plus de bénéficier des services offerts par les directions régionales déjà implantées partout au Québec. »[v].

Les principaux programmes de RECYC-QUÉBEC ne devraient donc pas disparaître. Dans les milieux environnementaux on s’inquiète toutefois de la survie des projets en cours, dont le programme Ici on recycle.  On s’interroge aussi quant à la poursuite des projets de subvention et de partenariats qui avaient cours dans cette société. Seront-ils maintenus après le 1er avril 2011, moment où RECYC-QUÉBEC cessera d’exister ?  Le statut de société d’état conférait plus de souplesse et de marge de manœuvre pour mener à bien la mission de RECYC-QUÉBEC que n’en conférera l’intégration de ces activités au sein d’un ministère. À cet effet, Perry Niro, du Conseil des entreprises en services environnementaux, commentait dans La Presse : « On s'inquiète de l'efficacité opérationnelle de l'équipe de Recyc-Québec au MDDEP. Recyc-Québec avait une certaine agilité comme société d'État. On ne sait si cette agilité sera maintenue. En plus, le ministre se prive d'une deuxième source d'information crédible dans le dossier de la gestion des matières résiduelles. »[vi]

Les activités de RECYC-Québec seront intégrées au sein du ministère, une machine beaucoup plus lourde à déplacer selon moi. Les inquiétudes des  environnementalistes me semblent donc justifiées.

Le projet de loi 130, cherche le retour à l’équilibre budgétaire. Pour ce faire, le gouvernement préconise la décroissance de l’État grâce à la rationalisation de ses activités. Il vise principalement « l’obtention de gains en termes d’efficacité, avec moins de structures et plus de mises en commun. Des économies annuelles (…) seraient générées de façon récurrente provenant notamment de l’abolition de postes de direction des organismes visés, du replacement de personnel excédentaire et de la réduction des charges générales et administratives »[vii].  Compte tenu de la loi de croissance continue des dépenses publiques énoncée par Wagner, force est de croire que les besoins financiers du gouvernement tendront encore à croître dans les prochaines années. Sachant que les employés de la fonction publique et des sociétés d’État bénéficient de conventions collectives garantissant la sécurité d’emploi, les mesures annoncées permettront-elles vraiment de diminuer les dépenses publiques ? L’intégration des programmes et services gérés jusque-là par RECYC-QUÉBEC au sein du MDDEP entraînera-t-il vraiment des économies substantielles ? La clientèle sera-t-elle aussi bien servie à la suite de ces changements ?

L’abolition de RECYC-Québec n’aura, selon moi, que peu d’impact sur la santé financière du gouvernement. Louis Charest du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets affirme d’ailleurs que « RECYC-QUÉBEC n’est pas déficitaire ». Elle aurait même un surplus accumulé de plus de 43 millions de dollars et aurait réalisé, l’an dernier, un excédent budgétaire de quelque 500 000 $[viii].

Le Conference Board du Canada prédit que le déficit du Québec croîtra dès 2012-2013 et que cette croissance se poursuivra pour les deux prochaines décennies. Les mesures prévues dans le projet de loi 130 n’auront probablement pas d’impact significatif sur cette croissance annoncée. Si le gouvernement veut vraiment stopper la croissance des dépenses publiques et réduire le déficit, il devra imposer des mesures beaucoup plus draconiennes et ayant des impacts financiers plus importants que de simples restructuration de services. Il y a lieu de se demander si l’abolition de RECYC-QUÉBEC répond véritablement à l’objectif financier énoncé et, eu égard à la santé financière de cette société d’État et à l’efficacité reconnue de ses programmes, laquelle pourrait être compromise par l’intégration au MDDEP, le gouvernement ne devrait-il pas s’attaquer à d’autres cibles.   



[i] RECYC-QUÉBEC, site internet : http://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/client/fr/qui-sommes-nous/mission.asp

[ii]SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR,  Un pas de plus vers le retour à l’équilibre budgétaire, communiqué de presse, 11 nov. 2010 disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/ME/Novembre2010/11/c3445.html

[iii] CABINET DU MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES PARCS, Le mandat et les services de RECYC-QUÉBEC intégrés au MDDEP, communiqué de presse, 11 nov. 2010, disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://www.mddep.gouv.qc.ca/Infuseur/communique.asp?no=1796

[iv] Questions tirées du « Guide à l’intention des ministères et organismes » et citées dans ROUILLARD, GAGNON et al. « Réingénierie, rénovation et redéploiement de l’État québécois. Une démarche sous le joug du pragmatisme ou de l’idéologie » Le Devoir, Montréal, Édition du mardi 18 novembre 2003, page A7-idées. Disponible sur Internet : http://classiques.uqac.ca/contemporains/Rouillard_christian_et_al/reingenierie_Etat_quebec/reingenierie_Etat_texte.html

[v] MDDEP, op cit.

[vi] LA PRESSE, Recyc-Québec disparaît, article paru le 12 novembre 2010 et disponible sur Internet : http://www.cyberpresse.ca/environnement/201011/12/01-4342064-recyc-quebec-disparait.php

[vii] SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR,  op cit.

[viii] COLLECTIF QUARTIER, Le milieu environnemental préoccupé par l’éventuelle abolition de RECYC-QUÉBEC, 19 novembre 2010, tiré de l’Internet : http://www.collectifquartier.org/2010/11/19/le-milieu-environnemental-preoccupe-par-leventuelle-abolition-de-recyc-quebec/

 

 

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