Quand « le politique » s’ingère dans « l’administratif »
À la recherche d’un deuxième thème pour répondre aux exigences du cours, je n’arrivais pas à me décider. Après quelques semaines et la lecture de plusieurs articles, je me range finalement à l’idée de faire mon travail sur la question des relations entre le politique et l’administratif en administration publique. Comme laboratoire, j’ai opté pour le gouvernement Harper.
Il m’était impossible de traiter de l’ensemble des dossiers ou des sujets qui me venaient à l’esprit pour illustrer ce principe de l’État de droit. Je me suis donc attardée à trois exemples dans le cas desquels, lorsque ce principe n’est pas respecté, cela soulève des enjeux majeurs. Ces trois exemples sont la déroute de l’organisme Droits et Démocratie, la question du siège au Conseil de sécurité de l’ONU et celui des péripéties du lieutenant politique de Harper au Québec. Il y a un sérieux problème commun à tous ces dossiers. Et ce ne sont là que quelques exemples. À mon avis, ce problème est que, pour ce gouvernement, il n’y plus suffisamment de distance entre le politique et l’administratif.
Premier exemple : le changement de cap, assez radical, dans les orientations du conseil d’administration de l’organisme Droits et Démocratie, qui, en principe, encourage et appuie les valeurs universelles des droits humains et fait la promotion des institutions et des pratiques démocratiques partout dans le monde. Les prises de décisions récentes des membres du conseil d’administration laissent sous-entendre que cet organisme n’est plus du tout apolitique. Selon un article paru dans le journal Alternatives du 28 janvier 2010, c’est maintenant la vigilance envers les intérêts du gouvernement israélien qui préoccupe certains membres du conseil d’administration connus pour leur proximité avec le lobby pro-israélien. Sur le site Internet de Radio-Canada, j’ai retracé les propos de l'ancien ministre libéral, Warren Allmand, qui a accusé le gouvernement Harper de remplir le conseil d’administration de Droits et Démocratie avec des candidats « qui ont les mêmes biais politiques que le bureau du premier ministre ». D’après ce dernier, il s’agit « d’un précédent extrêmement alarmant et dangereux » et il y voit « une tentative délibérée d’affaiblir et de contrôler la dissension publique ». Ouch! Cela fait mal. Objectivement, si l’on revient à la mission de l’organisme, nous sommes loin du compte
Autre exemple : celui du refus d’accorder, au Canada, le siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Bien entendu, cette décision est la conséquence d’une série de prises de positions du gouvernement Harper dans sa politique étrangère. Tel que l’a mentionné Louise Fréchette, ancienne vice-secrétaire générale à l’ONU, dans un article du Devoir (16 octobre 2010), cet échec démontre que ce genre de siège « ne se gagne pas sur la réputation passée. Les pays votent en fonction des actions récentes… et l’impression qui se dégage du Canada… c’est que les débats de l’ONU ne l’intéressent pas ». Dans le même article, Alec Castonguay fait allusion au terme qui nous préoccupe, soit l’ingérence du politique dans le travail des fonctionnaires. Il cite d’ailleurs Denis St-Martin, directeur du Centre d’excellence de l’Union européenne des universités de Montréal et McGill, pour qui il apparaît clairement que le cabinet du ministre Harper interfère dans le travail de ses fonctionnaires. D’après ce dernier, « la politique est largement une affaire de patience, de prévisibilité et de routine. Ce n’est pas le lieu de la politique partisane. Les politiciens passent, mais les diplomates restent. » (Il me semble avoir déjà entendu cette phrase presque mot pour mot lors de notre premier cours avec M. Trudel.) Toujours est il que selon M. St-Martin, il est évident que le fond du problème réside dans le fait que les diplomates n’ont pas eu l’occasion de faire leur travail. Il appuie cette vision un peu plus loin dans l’article, en disant : « La réponse se trouve dans la mise à l’écart des diplomates professionnels du ministère des Affaires étrangères dans la conduite de la politique internationale. » Ainsi, même si le Canada siège à plusieurs comités et organismes internationaux, il y a des gens qui n’ont pas fait leur travail ou alors, c’est le gouvernement qui a fait de l’ingérence. Quand nous savons que la sélection des pays pour ce siège se fait à partir de critères comme l’indépendance, des positions nuancées et une attitude constructive dans les dossiers, nous pouvons bien comprendre pourquoi le Canada n’a pas été sélectionné. Aussi, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que ce positionnement du Canada diffère grandement de la vision décrite par Pierre P. Tremblay, dans son livre « L’état administrateur » écrit en 1997. Nous sommes maintenant loin de l’attachement aux Nations Unies qu’il décrit comme « une constante de la politique extérieure du Canada qui conduit le gouvernement canadien à rechercher une plus grande efficacité de l’ONU et à prôner son renforcement et sa réforme. » Admettons que pour un gouvernement minoritaire, ingérence ou pas du politique dans l’administration publique, il a grandement contribué à modifier négativement l’image du Canada sur le plan international.
Selon le modèle de Westminster, le politique et l’administratif sont étroitement liés dans le fonctionnement de l’État de droit. Alors, poursuivons avec un dernier exemple de l’ingérence des politiciens dans le travail des fonctionnaires, celui du lieutenant politique du gouvernement Harper au Québec. Les faits semblent nous démontrer que le bureau du ministre conservateur Christian Paradis a, à plusieurs reprises, fait de l’ingérence politique illégale dans la Loi sur l’accès à l’information. Son directeur des affaires parlementaires a même dû démissionner selon un article d’Alec Gastonguay dans Le Devoir (2 octobre 2010). Et maintenant, c’est la tête du ministre qui est réclamée par les partis d’opposition. Ce dernier aurait possiblement violé la loi « à au moins quatre reprises, notamment en bloquant la divulgation de documents ou en censurant abusivement certains passages ». Cela me donne des frissons dans le dos. Les enjeux liés à ces ingérences du politique dans le travail des fonctionnaires sont très importants. Entre autres, nous sommes en droit de nous demander comment, sans avoir accès à toutes les informations, les journalistes peuvent faire leur travail de recherche et bien informer la population. Quand un gouvernement fait entrave à la circulation de l’information, ne sommes-nous pas en droit de nous demander vers où s’en va notre démocratie?
Bien entendu, tel que l’a mentionné M. Trudel, professeur à la « prestigieuse » École nationale d'administration publique (ENAP), le politique et l’administratif sont obligatoirement et toujours en constante relation dans le fonctionnement de l’État de droit ». Ainsi, à partir de ces trois exemples, je démontre que le gouvernement Harper outrepasse les limites, et cela s’appelle de l’ingérence. Même si ces trois exemples réfèrent à des enjeux très différents, les fonctionnaires interpellés dans ces trois dossiers ont agi en bons soldats et ont répondu à l’appel du politique. Pouvaient-ils agir autrement? J’en doute fort, sauf dans l’exemple de la Loi sur l’accès à l’information où le ou les fonctionnaires peuvent refuser d’obéir à leur supérieur puisqu’il s’agit de la transgression d’une loi. Bref, avec leur libre arbitre et malgré leur imputabilité envers la population canadienne, ils ont fait le choix d’aller de l’avant et de ne pas dénoncer ces ingérences du politique, voire d’y participer. Et nous, citoyens, nous constatons que ce genre de situation peut induire des problèmes qui vont jusqu’à remettre en question notre démocratie et faire du Canada un pays que l’on ne reconnaît plus dans le monde. Vivement les prochaines élections!!!
Christine Guay
Commentaires
Les actions partisanes du gouvernement Harper ont entachés la politique internationale du pays, l'environnement, la recherche scientifique et le droit en général.
Un autre exemple d'ingérence politique parmis tant d'autres est la démotion de Marty Cheliak, le responsable du programme des armes à feu à la GRC en insinuant que ce dernier ne répondait plus aux exigences linguistiques de son poste.
Les années au pouvoir du gouvernement Harper sont un déshonneur pour le Canada et son régne sera considéré comme une période sombre.
Nicholas Borne
ENAP 7505
lundi soir