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Financement des transports publics

Il n’est pas facile pour un élu municipal de proposer une nouvelle taxe, quand bien même elle pourrait financer les services de transport en commun et améliorer le bien-être de tous les citoyens sur son territoire. Pour un ministre des Transports présenter un projet de réfection de l’ampleur de celui de l’échangeur Turquot s’avère tout aussi difficile. Doit-on voir dans l’annonce presque simultanée de ces 2 projets le fruit du hasard? Comment pourrait-on investir massivement dans le transport collectif et trouver les financements?

Le 8 novembre, le maire Gérald Tremblay a proposé une taxe spéciale rehaussant, dès janvier 2011, les frais d’immatriculation pour les automobilistes résidant sur Montréal. L’objectif affiché est le financement du transport en commun. Le 9 novembre, le ministre des affaires municipales Laurent Lessard regardait positivement cette demande de taxe, relayé par le ministre des Finances Raymond Bachand qui affirmait son soutien au projet du maire Tremblay. Le 11 novembre lors d’une assemblée de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), l’administration Tremblay était suivie sur cette décision des autres villes à l’exception des maires de Laval et Longueuil. Le montant de cette taxe spéciale reste à définir même si on parle « de moins de 50 $ ».

Le 9 novembre, le ministre des Transports Sam Hamad et le ministre des Finances ont dévoilé les nouveaux plans pour la réfection de l’échangeur Turcot. Cette annonce a mis fin à 2 ans de travail du ministère des Transports du Québec (MTQ) afin de bonifier le projet initial critiqué sévèrement par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Dans ce projet évalué à 3G$, la capacité de l’échangeur construit plus près du sol est maintenue à 300 000 véhicules par jour. Même s’il respecte 37 des 39 recommandations du BAPE, il s’avère cependant moins ambitieux que ce que souhaitaient ses détracteurs (tram-train non budgété par exemple). Concernant le transport en commun, le MTQ a prévu une voie réservée au covoiturage et aux autobus dans l’axe est-ouest. La reconstruction de l’échangeur entraînera aussi l’expropriation de 106 logements. Le maire Gérald Trembay appuie ce projet Turcot.

Les usagers des transports publics tout comme les automobilistes mettent de plus en plus la main au portefeuille pour contribuer au financement des transports publics. On observe une tendance à la hausse des taxes et tarifs. La taxe sur le stationnement a été introduite en 2010. La taxe provinciale sur l’essence est en hausse de 1,5 cents et sera augmentée de 1 cent par année jusqu’en 2013. La taxe régionale pour Montréal s’élève aussi à 3 cents le litre cette année. Actuellement 30 $ de la taxe d’immatriculation sont déjà consacrés au transport en commun. Du côté de la carte CAM de transport STM, le tarif mensuel est rendu à 70$.

L’État intervient significativement et augmente les investissements dans de grands projets d’infrastructure. Le 11 avril 2000, le ministre des Transports Guy Chevrette proposait un Plan de gestion des déplacements de la région métropolitaine de Montréal (PGDM) et prévoyait une quarantaine de grands projets afin de relancer Montréal. Son objectif était de mieux gérer et planifier les grands réseaux de transport en facilitant le déplacement de marchandises, en baissant la congestion routière et en augmentant la fréquentation du transport collectif. L’investissement dans les grands réseaux de transport s’élève à 6,7 milliards de dollars dont pratiquement 60% a été consacré à l’amélioration des routes à Montréal et dans ses banlieues. Les 40% ont été investis dans les réseaux de transports collectifs, soient 2,7 milliards de dollars destinés aux trains de banlieue, au métro Laval, à l’achat d’autobus et au maintien des infrastructures. 

Cependant la liste des 40 projets a évolué dans la dernière décennie. La Presse a publié le 6 novembre 2010 une estimation du MTQ sur les coûts des projets de transport en commun en cours ou à l’étude actuellement dans la grande région métropolitaine (1). Ainsi cette estimation liste 14 projets de 100 millions de dollars et plus qui représentent 11,1 milliards de dollars. Or 25% de ces dépenses devront être financées par les municipalités desservies et leurs sociétés de transport (hormis les projets de prolongement du métro et la navette aéroportuaire). C’est un effet du transfert des responsabilités lié à la décentralisation du gouvernement du Québec vers les municipalités.

Á ces dépenses publiques, il faudra ajouter les coûts des projets de moins de 100 millions (rénovations du métro, remplacement du matériel roulant, aménagement des voies réservées aux bus par exemple). La STM confirme bien cette « accélération des investissements » au cours des prochaines années. Elle prévoit des dépenses d’immobilisation de 2,1 milliards de dollars de 2010 à 2012 alors qu’elles s’élevaient à 1,6 milliards de dollars entre 2003 et 2009.

L’intervention de l’État par ces investissements a déjà permis d’augmenter de 15% la fréquentation des transports publics entre 2003 et 2008. C’est aussi le résultat d’engagements pris au niveau fédéral avec les cibles de réduction des gaz à effet de serre, au provincial grâce à la politique du transport public et sur les changements climatiques, et au municipal par le plan sur le transport et du développement durable.

Malheureusement cet investissement reste encore insuffisant. Les personnes et les marchandises dépendent encore beaucoup des transports routiers en Amérique du Nord. Selon la plus récente Enquête origine-destination de 2003 à 2008, la population de Montréal a augmenté de 5% alors que le parc automobile a crû de 10%. La domiciliation se développe 5 fois plus vite dans les couronnes que sur l’île. De plus les personnes ont la capacité financière d’acheter et de maintenir un véhicule (ou s’endettent) afin de favoriser des déplacements de plus longue distance. Dans ces conditions, le déplacement pour aller travailler se fait en auto souvent seul (auto-solo) face à une offre de services de transports publics encore insuffisamment adaptée et attractive.

Cependant les priorités ne manquent au budget du gouvernement. Il n’a pas d’autres choix que de rationaliser ses arbitrages en envisageant des coupures dans les budgets ministériels. Il n’est donc pas facile de faire des choix audacieux. Le transfert des compétences lié à la décentralisation donne une autonomie aux municipalités, voire aux arrondissements. Cependant des responsabilités accrues, notamment en matière de taxe, nécessitent du courage politique car les décisions peuvent rendre les élus impopulaires. L’annonce de la hausse de taxe du maire G.Tremblay a fait réagir. Dernièrement, la préparation du transfert de la responsabilité du stationnement aux arrondissements a suscité la mobilisation des commerçants du Plateau contre la politique de stationnement de son maire d’arrondissement Luc Ferrandez. Les commerçants s’opposent à la hausse des coûts de stationnement et les décisions associées prévues en 2011. On constate que la congestion des routes ou des transports publics et la pollution associée peut finir d’agacer les électeurs mais pas à n’importe quel prix quand vient le moment de contribuer aux dépenses qui augmentent et dont les formes se multiplient en diverses taxes! 

Pour trouver l’adhésion des contribuables, il faudrait donner des messages clairs afin que les ponctions soient perçues comme utiles et justes. Le contribuable accepte mieux une contrainte quand il est assuré que la taxe va servir réellement à améliorer les routes ou les transports en commun. Or, on sait que les revenus vont dans un fond unique et consolidé. L’État doit soigner sa communication sur les objectifs et les résultats obtenus. Taxer seulement les résidents de Montréal pour améliorer les transports alors qu’ils sont empruntés par les résidents d’autres municipalités qui ne contribuent pas à l’effort financier est loin de paraître juste. La multiplication des décisions prises en matière de transport, qu’il s’agit du nombre de taxes ou de leurs hausses, font peser des doutes quant à l’efficacité des organisations publiques. Certains citoyens se questionnent sur les chevauchements des mandats et la réelle concertation entre tous les acteurs au Québec: MTQ, CMM, AMT, Municipalités, arrondissements… Lier les taxes au principe de pollueur-payeur ou utilisateur-payeur permettrait d’agir plus précisément sur le geste attendu tout en étant perçu comme plus équitable. Enfin, pour trouver l’engagement des citoyens, il faudrait aussi intégrer des incitations pour encourager les « bons gestes » plutôt que de chercher systématiquement des mesures dissuasives à l’auto-solo. 

Ainsi, je pense que l’on doit se diriger vers des politiques provinciales innovantes de planification des transports et de tarification avec une mise en œuvre au niveau régional et local. Comptons sur des Partenariats Publics Privés afin de partager le financement de ces projets d’envergure. Avec les investissements à venir dans le nouveau plan de la mobilité durable du MTQ qui devrait sortir en 2012, il est fort à parier que cela sera insuffisant et que les ponctions devront être encore plus élevées pour le contribuable.

Trois conditions me semblent essentielles pour faire renoncer à l’auto-solo. Les mesures incitatives et dissuasives devront apparaître équitables pour à la fois sceller l’adhésion des citoyens aux projets de transport, et recouvrer la confiance dans la gouvernance de son administration publique. Ces mesures devront aussi représenter un certain poids fiscal pour le citoyen afin de donner à l’État la capacité de financer et de s’engager plus rapidement dans les investissements planifiés. Enfin, l’État devra développer les réseaux de transport et offrir une offre attractive de transports publics en rendant les résultats observables à la population. En attendant cette alternative, on voit déjà poindre d’autres propositions de financement tels que des accès payants aux ponts ou des péages sur nos autoroutes par exemple. Qui dit mieux?

Sources journal La Presse du 1er novembre, 2 novembre, 3 novembre, 6 novembre et du 10 novembre 2010

Ludovic Forêt 

Étudiant ENAP 

ENP 7505 groupe 23

 

Commentaires

  • Je ne peux être qu'en accord avec ton raisonnement et ton questionnement. Il est vrai que ce n'est pas uniquement aux Montréalais à payer pour les infrastructures autoroutières, mais ce n'est pas non plus aux Shawiniganais de la Mauricie de le faire. Donc la logique se résume au principe utilisateur/payeur. Tu habites en banlieue ou ailleurs et tu endommages le réseau routier pour venir travailler ou acheter de la belle viande à la Maison du rôties ! Tu passes, tu payes ! Pour les économes dans leur VUS, une solution s'offre à vous ! Le covoiturage, ca ne vous coutera que 0,25$/jour pour venir en ville par les ponts au lieu de 1,00$.

    Est-ce que la stratégie de reconstruction de l'échangeur Turcot est pour faire plaisir à l'électorat des automobilistes ou pour favoriser le transport collectif ? Quand nous sommes rendu à devoir convaincre le MTQ pour l'instauration de voies réservées dans le projet Turcot, la réponse est simple !

    Ou est la volonté politique et les projets d'avenir dans le domaine du transport pour le Québec ? On s'en reparle avec l'échangeur Turcot 3 dans 50 ans.


    Maxime – Principes et enjeux de l'administration publique (mardi soir)

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