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# 1 – L’abolition du Sénat… et pourquoi pas?

Suzy Sue

L’expulsion du sénateur Patrick Brazeau par le Parti conservateur a réanimé l’opposition de certains partis politiques et citoyens quant à l’existence du Sénat. Le Sénat a pour fonctions d'examiner et de modifier les lois ainsi que de défendre les intérêts des régions, des provinces et des minorités. Mais ces fonctions ne sont-elles pas aussi celles des représentants de la Chambre des communes ? Au même titre que les sénateurs, n’est-il pas vrais que les membres élus représentent, enquêtent, délibèrent et légifèrent ? Alors, pourquoi deux instances de pouvoir législatif dans le système gouvernemental canadien?

Rappelons tout d’abord que contrairement au Québec et aux autres provinces et territoires qui n’ont qu’une seule assemblée législative, le Parlement du Canada a une seconde chambre, le Sénat. Les pouvoirs du Parlement et du Sénat sont énoncés dans la Loi constitutionnelle. Suivant le modèle de Westminster (modèle du Parlement britannique – séparation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif), le Sénat a été créé en 1867 pour permettre l’égalité de la représentation régionale et pour examiner attentivement les projets de loi soumis par la Chambre des communes avant leur adoption. La Chambre des communes n’a donc pas un pouvoir absolu car le Sénat exerce un contrôle de la législation puisqu’il peut adopter, modifier, reporter ou rejeter un projet de loi adopté par la Chambre.

Contrairement à la Chambre des Communes, les sénateurs ne sont pas élus. Le Sénat compte depuis 1999, 105 membres nommés par le gouverneur général sur la recommandation du premier ministre. Les sièges sont divisés sur une base régionale et représentent toutes les provinces et territoires ainsi que divers milieux (autochtones, minorités, femmes). Ils sont généralement membres du parti politique au pouvoir mais quelques uns sont issus d’un parti de l’opposition et d’autres sont des canadiens qui ce sont démarquer dans leur milieu. 

Depuis 1965, les sénateurs peuvent siéger jusqu'à l'âge de soixante-quinze (75) ans. Un sénateur ne peut négliger d’assister aux séances du Sénat pour 2 sessions parlementaires consécutives sinon son siège devient automatiquement vacant.

Plusieurs gouvernements ont tenté de moderniser le Sénat mais sans succès. Le gouvernement Harper souhaite un Sénat élu et plus représentatif de la population. Il propose que les électeurs choisissent les candidats au Sénat lors des élections provinciales et que le premier ministre nomme les sénateurs à partir de cette liste. Pourtant n’est-ce pas les électeurs qui décident dans un État de droit démocratique ? Toutefois à mon avis, deux institutions élues paralyseraient le processus parlementaire et le bon fonctionnement du système gouvernemental.

Le gouvernement Harper propose également que les sénateurs soient nommés pour un mandat de 9 ans. Toutefois, un avis de la Cour Suprême sera nécessaire pour connaître si de tels changements nécessitent l’accord des assemblées législatives d’au moins les deux tiers des provinces et représentant 50 % de la population canadienne puisqu’un tel changement nécessiterait un amendement à la Constitution. Peu importe la durée du mandat, les sénateurs devraient à mon avis être choisis sur la base de leur compétence et expérience. Fini les nominations douteuses ! Fini les postes dorés destinés aux amis du parti au pouvoir !

Pour ma part, je me questionne plutôt sur la nécessité du Sénat puisqu’il ne détient pas plus de pouvoir que la Chambre des communes. Selon un sondage La Presse Canadienne-Harris Decima [2], près d’un tiers des canadiens partagent mon avis. Bien qu’une loi ne peut être adoptée sans l’approbation d’abord de la Chambre des communes et par la suite du Sénat, ce dernier s’oppose peu à la Chambre élus par les citoyens. Le Sénat va plutôt proposer des amendements aux projets de lois. Par ailleurs, ce sont les ministres qui sont ultimement responsable de l’application des lois et qui sont soumis à la reddition de comptes. Tous ces éléments démontrent l’importante dominance de la Chambre des communes. De plus, les tribunaux se chargent de rejeter, s’il y a lieu, les lois proposées par les élus qui outrepassent la Charte des droits, rôle également joué par le Sénat. Certains diront que c’est une chambre de réflexion ou un conseil de sages mais je dirais plutôt que c’est une institution dépassée et inutile qui coûte cher aux contribuables. Au lieu d’abolir le Sénat pour économiser, on préfère couper les prestations d’assurance-emploi des travailleurs saisonniers. Beau débat de Société !

Revenons maintenant au sénateur Patrick Brazeau qui siège maintenant comme indépendant. Qu’avait-il fait à 34 ans de si extraordinaire pour être nommé en 2009 à ce poste?

Après avoir été expulsé par le Parti Conservateur suite à des accusations de voies de fait simples et d’agression sexuelle, M. Brazeau vient d’être suspendu avec salaire du Sénat. Salaire annuel qui se chiffre à 132 300 $ en 2012 [3]. « S’il siégeait jusqu’à 75 ans, Patrick Brazeau pourrait coûter plus de 7 millions de dollars aux contribuables ». [4]

Un article publié dans la presse le 11 février 2013 [5] expose le fait que trois sénateurs, dont Patrick Brazeau, sont soupçonnés d’avoir menti sur l’emplacement de leur résidence principale afin de réclamer une allocation annuelle pouvant aller jusqu’à 21 000 $. Cela met en lumière une différence importante entre les sénateurs et les députés élus de la Chambre des communes. Les élus doivent retourner régulièrement dans la circonscription qu’ils représentent pour plaire et séduire les citoyens.  Quant aux sénateurs, même s’ils représentent une région ils n’ont pas cette préoccupation de plaire puisqu’ils n’ont pas à être élus.

Et que dire de son taux d’absences au Sénat. Un article de la Presse canadienne du 7 février 2013 indique qu’il a « manqué 25 % des 72 journées de séances du Sénat et 65 % des rencontres du comité sénatorial des affaires autochtones sur lequel il siège ». [4] Et il ne semble pas être le seul. C’est aberrant de payer pour des gens qui ne se présentent pas au travail ! Sénateur « honorable »… on passera !

De tels événements alimentent le désenchantement des canadiens à l’égard du gouvernement ainsi qu’en vers la légitimité du Sénat. Pourquoi maintenir une deuxième chambre non élu et non responsable alors que les vraies décisions sont prises par les représentants élus de la Chambre des communes ? Pourquoi le Sénat aurait le pouvoir d’en appeler de ces décisions alors que dans un État de droit démocratique comme le Canada, les citoyens ont choisis librement leurs représentants ?

Suzy Sue

 

Sources :

MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États ?, chap.7, p. 145 – 174.

[1] : Parlement du Canada, http://sen.parl.gc.ca/portal/about-senate-f.htm

[2] : LA PRESSE, La presse canadienne, 12 février 2013, «Près d'un Canadien sur trois veut l'abolition du Sénat» [en ligne], http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/201302/12/01-4620665-pres-dun-canadien-sur-trois-veut-labolition-du-senat.php

[3] : Parlement du Canada, http://www.parl.gc.ca/ParlInfo/Lists/Salaries.aspx?Section=b571082f-7b2d-4d6a-b30a-b6025a9cbb98&Language=F

[4] : LA PRESSE, La presse canadienne, 7 février 2013, «Patrick Brazeau se fait expulser du caucus conservateur» [en ligne], http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/201302/07/01-4619391-patrick-brazeau-se-fait-expulser-du-caucus-conservateur.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4619898_article_POS4

[5] : LA PRESSE, La presse canadienne, 11 février 2013, « Ménage au Sénat » [en ligne], http://recherche.lapresse.ca/cyberpresse/redirect/field/url/?document=wcm.lapresse.ca/article/4619898

Commentaires

  • Les incartades de la ...deuxième chambre portent toujours à questionner des principes de base des institututions ???
    On lira avec attention

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