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Blogue 1 - Loto-Québec rate la cible

Les actions de Loto-Québec sont scrutées à la loupe. Ce n’est pas nouveau.  Au moindre faux pas, elle fait la manchette. Ce qui est nouveau, c’est que la Société d’État, dont la mission est de gérer l'offre de jeux de hasard et d'argent de façon responsable en favorisant l'ordre, la mesure et l'intérêt de la collectivité québécoise, franchisse les  portes des Universités du Québec pour faire la promotion du jeu. Son mandat est pourtant clair : Offrir des produits destinés à un public âgés de 18 ans et plus.  En pénétrant dans le repère des étudiants sans y avoir été invitée, Loto-Québec rate la cible.

Le Casino de Montréal, le plus important établissement de jeu de Loto-Québec, est partenaire de l'Omnium universitaire de poker, un tournoi de poker en ligne organisé par PrincePoker et hébergé sur le site de jeux en ligne de Loto-Québec, Espacejeux. Des étudiants des 15 universités du Québec participent à une compétition  virtuelle dont les prix sont évalués à 20 000$. La finale se tiendra au Casino de Montréal, en mars 2013.

Le poker est un jeu populaire auprès des jeunes et les jeunes jouent, c’est un fait. Mais en affichant ses couleurs sur les murs d’établissements d’enseignement fréquentés par une jeune clientèle, on peut se demander si la Société d’État à transgressé son code d’éthique en matière de publicité.  C’est là que le bas blesse.  

Selon le code de publicité de Loto-Québec, le Matériel publicitaire ne doit s’adresser qu’aux personnes majeures et aucun matériel publicitaire ne doit être publié ans des magazines ou des journaux, ni annoncé lors d’événements, d’émissions de télévision ou de radio ni dans quelque média que ce soit si l’on estime que l’auditoire sera composé majoritairement de personnes mineures. [1] 

Ce n’est pas le fait que Loto-Québec fasse de la publicité pour faire connaitre ses produits qui est remis en cause. Ici, c’est la cible.

Dans  article signé  par Pascale Breton de le quotidien La Presse, le 4 février dernier,  la porte-parole de Loto-Québec Marie-Claude Rivet  affirmait : «  il n’y a pas de mal à étudier la philosophie et à jouer au Poker ». Or, lorsqu’ils  ont été mis au parfum, les représentants des Universités ont manifesté un malaise face aux pratiques de la Société et ont fait retirer les affiches.

Le geste est contestable non pas uniquement parce que  les  directions des Universités n’ont pas donné leur accord à ce que des affiches soient placardées sur les murs de leurs établissements, mais parce qu’au niveau social, le gouvernement a une responsabilité. Il est démontré que le jeu peut présenter un risque et aussi que les jeunes peuvent être influencés par la publicité. L’appât du gain peut les attirer. Donc, en exposant délibérément les étudiants au message,  sans leur avoir laissé le choix, le gouvernement a exposé les étudiants à un risque. L’initiative pourrait se comparer à une invasion de domicile.

Loto-Québec  doit générer un maximum de revenus. Chaque année, son actionnaire le Ministère des finances, encaisse chaque année les surplus. Dans son rapport annuel de 2012, Loto-Québec chiffrait à  1,196 milliard de dollars les dividendes remis au gouvernement du Québec. [2]  Surplus dont le gouvernement du Québec à grandement besoin pour contribuer au financement des opérations de l’État.

Or, depuis quelques années, le chiffre d'affaires annuel de la  Société d’État stagne. Les revenus sont sensiblement les mêmes qu'il y a 10 ans et  si la tendance se maintient, ils pourraient diminuer au cours des années à venir. En effet, les consommateurs vieillissent  et les générations X et Y ne consomment que très peu de loteries. Pour les stratèges de Loto-Québec, cela représente un véritable défi.

Mais est-ce que le développement de la clientèle et de nouveaux marchés doit nécessairement passer par les Universités ? Est-ce que ce sont des valeurs auxquelles  l’État veut être associé? Est-ce cette pratique est réellement responsable et dans l’intérêt de la collectivité québécoise?  Loto-Québec ne peut pas franchir certaine s limites. « Les organisations doivent se conformer aux valeurs, aux normes, aux règles et au croyances de la Société. [3]

Même si les administrateurs de Loto-Québec ont une grande latitude pour gérer leurs  opérations,  la Société d’État  demeure un organisme public. Les gestionnaires doivent respecter les limites que cela impose.  « Les managers de ces organisations travaillent donc au milieu et en vertu de règles à la fois habilitantes et limitatives qui imposent de nombreuses balises à leurs comportements. » [4]

Loto-Québec est un organisme public qui comme un funambule, se tient debout sur un fil. Elle doit continuer à générer des profits pour satisfaire les attentes du gouvernement mais ne peut pas faire tout ce qu’elle veut pour atteindre son objectif.

Le Ministre Marceau peut s’attendre à se faire questionner sur les pratiques de l’organisme dont il est responsable et trouver des justifications.

Loto-Québec doit exister. Sa légitimité  sociale n’est pas remise en cause et pour la maintenir, elle doit rester sur la cible.

Juliette Valois

Sources :

[1]CODE D’ÉTHIQUE EN MATIÈRE DE PUBLICITÉ,  Loto-Québec,  Articles 2.4 et 3.1

[2] RAPPORT ANNUEL DE LOTO-QUÉBEC, 2012, p.3.

[3] OUELLET, L. (1992). «  Le secteur public et sa gestion », dans Ronald Parenteau (dir), Management public. Comprendre et gérer les institutions de l’État, Canada, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, chapitre 2. P 37.

[4]HATCH, M.J. (2000). « L’Environnement », dans Théorie des organisations de l’intérêt de perspectives multiples, France, Paris, de Boeck Université,  chapitre 3. P.37

 

Commentaires

  • Je suis tout à fait d’accord! Loto-Québec va beaucoup trop loin. Dans son plan stratégique 2010-2013, Loto-Québec désirait cibler les jeunes « adultes » afin d'augmenter ses revenus et créer la notion de plaisir. Objectif qui m’inquiète énormément puisqu’il est contradictoire avec les messages que nous entendons à l’effet que ça doit rester un jeu ! Créer du plaisir et donner l’illusion d’un montant d’argent facile peut mener vers une dépendance.

    Loto-Québec a manqué de jugement en faisant la promotion de cet événement dans les établissements d'enseignements. Puisqu’elle est une Société d’État, elle doit agir dans l’intérêt de la collectivité québécoise et se conformer aux valeurs de la société.

    « À force de vouloir faire jouer tout le monde, notre société d'État est devenue elle-même une joueuse compulsive. » (citation de Pierre Desjardins, Philosophe, membre de la coalition Emjeu (éthique pour une modération du jeu) et auteur du Livre noir de Loto-Québec).

  • Voilà un super beau sujet de réflexion Mme Suzy. Le rôle de l'État doit-il aller jusqu'aux videopokers ??? Prof

  • Bon d'accord Loto Québec pousse sa chance en placardant les murs des Universités de publicités incitant au jeu. Éthiquement parlant on a déjà vu mieux, mais de là à comparer ce geste à une illégalité judiciaire (invasion de domicile) il y a un fossé à franchir. La clientèle visée, bien que très jeune, est composée de personnes majeures à 100%.
    Là ou l'on perd le contrôle à mon humble avis, c'est derrière l'écran! Cette publicité de gens heureux et dorés sur le Casino de Montréal, cette fête de Célébration annuelle ou l'on fait un millionnaire en direct, sans parler de cette poule country qui fait rêver tous les cowboys du Québec, comment contrôler le public cible? Une saine gestion de préparation de la relève?
    Si la SAAQ met l'emphase sur les images chocs pour prévenir et éduquer, à quand les images moins reluisantes des gens qui ressortent du Casino sans le sou?
    Peut-on réellement lever le nez sur cette tirelire?
    Alain

  • En effet, on ne peut pas en effet lever le nez sur cette tirelire. D'autant plus que si l'état ne le fait pas, il est évident, voir même absolument clair, et ce, sans être devin, que si l'état n'est pas là, ce sera le crime organisé qui prendra le contrôle. Qu'on ne pense qu'aux vidéos pokers à l'époque.

    Le manque de jugement de la Loto-Québec est clair. Mais comme Alain, je sursaute quand vous comparez ce geste à une invasion de domicile. Les invasions de domiciles sont des gestes brutaux, de violences dans le but de voler une personne. Là, on a fait de la pub à l'université pour viser des jeunes adultes...ces mêmes jeunes qui regardent la télé, s'informent sur le web et qui reçoivent régulièrement de la pub visant le jeu sur plusieurs sites populaires auprès de cette clientèle cible. Cette pub ne provient pas de Loto-Québec...

    Il y a eu quelques publicités sur les effets pervers du jeu, mais trop peu. Trop peu de programmes de prévention aussi auprès de cette clientèle cible et de la population en général. Le problème c'est que personne ne crie quand dans un tournoi de Pee Wee ont fait des moitiés-moitiés en faisant miroiter une belle cagnotte. Pourtant, cet aréna est rempli de jeunes, beaucoup plus jeunes que dans une université. Personne ne crie non plus, pour de la publicité des bars faite dans les universités où l'on incite de jeunes adultes et parfois des mineurs (pour les cégeps) à boire en grande quantité en annonçant des 2 pour 1, des "opens bar", des "spécial étudiant". Pourtant, dans les deux cas, ces gestes sont illégaux. Il y a des lois provinciales qui dictent ces deux cas.

    Oui, le jeu doit rester un jeu mais…
    « Le jeu, c'est tout ce qu'on fait sans y être obligé. » Mark Twain

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