Blog #1 Le dernier Droit?
Blog # 1 Le dernier Droit
Toujours d'actualité, le suicide assisté et l'euthanasie font encore couler beaucoup d'encre.
On en parle encore et depuis bien des années. Il faut savoir que les deux sont semblables mais n'ont pas la même définition. Celle de l'euthanasie est la suivante : L'euthanasie consiste à donner la mort à une personne malade soit par compassion, soit à la demande de cette personne. L'aide au suicide est définie comme le fait d'aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les renseignements ou les moyens nécessaires, ou les deux. Peu importe, le but reste le même, le désir d'en finir avec la souffrance physique et mentale.
La mort est-elle un sujet encore tabou? Est-ce que les Québécois ont entamé des réflexions sur ce sujet? On parle de bien des choses dans les soupers de familles mais la mort n'y est pas un sujet très à la mode.
Il faut quand même relancer le débat puisque le malaise est toujours présent. D'ailleurs, nos politiciens vont déposer un projet de loi d'ici l'été (Le Devoir, janvier 2013). C'est un débat de société qui dure depuis plusieurs années, et c'est en lisant l'article du 16 janvier 2013 dans Le Devoir sur « Soins de fin de vie : un projet de loi avant l'été » que j'ai décidé d'écrire mon premier blog. Est-ce un rêve ou une réalité... Il semble qu'une éternité s'est écoulée et que nous en sommes toujours au même point. Pourtant en 2004, il y avait eu ce documentaire sur les derniers moments de la vie de Manon Brunelle (entrevue avec Dutrisac) qui nous avait tous ébranlés. À ce moment-là, une multitude de spécialistes s'étaient prononcés sur le sujet, soit des juristes, des médecins spécialistes, des psychologues. Il y avait eu un débat télévisé suite à ce documentaire qui relançait la question du droit d'assister quelqu'un à mourir. Et depuis, neuf ans se sont écoulés sans que le Québec ne se soit prononcé formellement.
Certains grands juristes diront qu'il faut avoir un débat de société, mais dans quelle direction veut-on aller? Que c'est un débat démocratique et qu'il faudra trancher un jour ou l'autre sur la question. Est-ce qu'un vote libre à la chambre des communes serait envisageable? Dans cet article, on vise à légiférer sur le droit des personnes mourantes et ce projet de loi s'inscrirait dans le continuum des soins de fin de vie. Ainsi les patients en fin de vie auraient un pouvoir décisionnel sur leur sort quant à vivre ou à mourir, du genre options à la carte dans le menu des soins palliatifs. En sommes-nous rendus là? En lisant la littérature sur les demandes faites depuis les années 80, tous sont unanimes pour dire que les patients souhaitent qu'on les aide à mourir et qu'on les accompagne dans leur dernier droit de fin de vie, pendant qu'ils en sont conscients et aptes à prendre une telle décision.
Le directeur du centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie Brian Mishara est arrivé à un constat sur les patients en Oregon qui avaient fait la demande de suicide assisté. Il a découvert que 37 % d'entre eux avaient changé d'idée finalement et qu'ils avaient choisi la vie. Le seul fait d'avoir un choix aurait fait en sorte d'amoindrir la souffrance et offrir une certaine paix intérieure. En 2010 en Oregon seulement 88 patients se sont suicidés avec l'aide de médecin. En ayant le vrai choix, les malades sortent-ils de leur impuissance?
Fait à noter, les pays qui ont déjà légalisé le suicide assisté tels que les Pays-Bas, la Belgique, les États-Unis (Oregon seulement), la Suisse (non légalisé mais dépénalisé) ont constaté que tout semble bien se dérouler. Faut-il donc se réapproprier sa propre mort?
Si le Québec décide d'aller de l'avant avec ce projet de Loi, l'avocat Jean-Pierre Ménard, qui présidait le comité de juristes experts est très clair, il faudra des conditions très strictes afin d'être admissible. Un encadrement très sévère des lois sera de mise afin d'éviter les bavures. Le pouvoir judiciaire qui origine de notre constitution sera très important à ce niveau. Ce sera aux législateurs d'établir les lois précises et adaptées… pas facile, et surtout, pas évident...
En Colombie-Britannique la Cour suprême a déclaré que la loi canadienne interdisant le suicide assisté est inconstitutionnelle (Radio-Canada/juin 2012). Le cas de Gloria Taylor, cette dame qui est atteinte de la sclérose latérale amyotrophique (maladie neurovégétative incurable), demande de pouvoir avoir recours au suicide assisté pour soulager ses souffrances. La juge sur ce cas a demandé d'invalider la loi canadienne sur le suicide assisté. Elle affirme que le suicide n'est pas illégal en soi. Une loi interdisant celui-ci enfreint l'article 15 de la charte des droits et libertés ainsi que l'article 7 qui donne le droit à la vie et la liberté. Elle obtient finalement une exemption. En octobre dernier, Ottawa fait appel d'un jugement de la juge Lynne Smith déclarant qu'elle a erré… Madame Taylor est décédé en octobre dernier sans avoir eu recours au suicide assisté.
On se souviendra de la cause de madame Sue Rodriguez qui avait fait une telle demande en 1993. À cette époque, on avait tranché sur la question qu'il ne pouvait y avoir exception à la loi (jurisprudence). Elle est quand même décédée en février 1994 avec l'aide d'un médecin anonyme… Dans les faits, les malades s'organisent en toute clandestinité quand ils ont encore la force de le faire et surtout l'autonomie. En étant clandestins, les risques sont beaucoup plus élevés et les critères mal définis. Ceci nous ramène à l'époque où l'avortement était illégal et où des femmes mourraient parce qu'elles avaient commis l'irréparable en tentant de s'avorter elles-mêmes avec les moyens du bord. Sommes-nous dans un débat semblable à celui de l'avortement qui a finalement été légalisé en 1988.
On sent par toutes les tentatives, rapports, articles de presse, documentaires, réflexions des politiciens sur le sujet qu'il est grand temps que l'on se positionne en tant que société. En discutant entre collègues, j'ai posé la question afin de savoir l'opinion des gens qui m'entourent quotidiennement et la réponse était positive à 100 % face au suicide assisté.
Pour ma part, je pensais avoir une opinion bien arrêtée sur le sujet et de respecter le choix des personnes qui sont atteintes de maladies graves et surtout sans perspectives de rétablissement. À la suite du visionnement du documentaire de Manon Le dernier Droit et de multiples lectures, mes certitudes de départ se sont quelques peu effacées pour laisser place à la perplexité de prendre une telle décision. Est-ce qu'on doit plutôt donner plus de services à ces personnes, ex : aide psychologique, soins palliatifs plus nombreux et adéquats? Dans le reportage, Manon disait ne plus avoir de valeur aux yeux de la société, Aurait-il fallu l'aider davantage et voir ce qui se cachait derrière sa colère? Je suis ambivalente quant à ma position mais une chose est certaine, il faut agir en tant que société car des êtres humains sont en souffrance dans tous les sens du mot.
B. St-Louis
Références:
Radio-Canada : 19 juin 2012, Un tribunal invalide la loi sur le suicide assisté au Canada.
Radio-Canada : 25 octobre 2012, Suicide Assisté : Ottawa fait appel d'un jugement
Radio-Canada : 22 mars 2012, Commission parlementaire : oui à l'euthanasie, si elle est bien encadrée
Le devoir : 16 janvier 2013, Soins de fin de vie : un projet de loi avant l'été
Radio-Canada : 15 novembre 2011, Des experts recommandent à Ottawa de légaliser l'eutahnasie
Manon : le dernier Droit: Québec-Zone 3 collaboration avec Télé-Québec 2004
Commentaires
Sujet particulièrement d'actualité où chacun doit se forger une opinion. Des principes et des...pratiques à convenir !!!
Prof. Et n'oubliez pas de me dire le secret de anonymat ???
Bonjour monsieur Trudel,
Je pensais l'avoir mis en brouillon car je n'avais pas terminé et surtout pas relu en profondeur pour l'orthographe... Enfin voici la version revue et corrigée:-)
Bonne semaine de relâche.
Brigitte
je pense que le Canada devrait plutôt adopter une loi en faveur l'euthanasie passive ou le "laisser-mourir"sur demande du patient car en France, c'est la loi Léonetti de 2005 l'a légitimé.
la loi prévoit notamment le cas où le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, tout en affirmant qu'il doit en avertir le malade ou, à défaut, ses proches.
Seuls les patients endurant des souffrances insupportables et atteints de maladies incurables peuvent en bénéficier
toujours à propos de l'euthanasie passive la loi de 2005 permet de ne pas renouveler les traitements cycliques chez les patients en phase terminale (moins six mois) mais il est interdit d’interrompre les traitements qui sont déjà en place
cette loi est l'une des lois les plus complexes et importantes au plan humain, de l'histoire de France pour la première fois , que des malades en phase terminale ou souffrant de douleurs atroces en ayant formulé le souhait au préalable, pourront ne pas être branchés à des appareils de respiration artificielle.
Il est vrai que «l'euthanasie passive ou le "laisser-mourir" peut être une alternative, mais je ne suis certaine que ceci répond tout à fait au besoin de notre société. Si je comprends bien, la loi en France à ce sujet, ne prend pas en considération les gens qui ont des handicaps physiques ou psychologiques, et qui n’acceptent pas de vivre avec leurs problématiques et leurs symptômes. Elle répond plus au besoin d’une personne qui est en fin de vie. Pour ma part, je crois qu’ici, pour arriver à un meilleur consensus entre tous les protagonistes, nous pourrions réfléchir davantage et proposer un choix qui pourrait répondre à un plus grand nombre de personnes. Je crois ainsi qu’une telle loi englobant un plus grand nombre de personnes souffrantes et dont la vie n’a plus de sens pour eux serait un meilleur choix sociétal. Toutefois, comme le mentionne le blogueur anonyme, une telle loi devrait définie et encadrée strictement et rigoureusement. En fait, uniquement après un passage devant un comité multidisciplinaire qui verrait à la légalité de l’action demandée. Il faudrait à tout prix que ceci n’enclenche pas de propagande de peur au sein de la société et des revendications sans fin quant à la légitimité d’une demande d’euthanasie ou de suicide assisté. Il est temps que notre société, de plus en plus à la prise avec le vieillissement de sa population, se penche sur cette question.
L’euthanasie et le suicide assisté sont des actions qui ont des impacts sur la personne qui en fait le choix, mais également sur l’entourage et toute la société. En raison de l’impact légal significatif dans une société de droit comme le Canada, le principe du choix de fin de vie, mais particulière l’arrêt d’une vie encore possible pour quelques jours, mois ou années devient alors problématique aux yeux de la population et de la législation. Une personne a le choix de mettre fin à ses jours, qu’il en soit légal ou non, mais ne peut demander l’assistance d’une tierce personne pour en faciliter l’action. La liberté d’une personne ne peut entraîner une autre personne dans la réalisation d’un acte illégal qu’est le meurtre dans notre pays dont les valeurs fondamentales font que l’action de tuer son prochain est illégale sauf exception encadrées par nos lois. C’est pourquoi ce débat en devient rapidement un de société qui passe d’un débat de liberté individuelle à un débat de groupe, de société.
Quotidiennement au Québec des personnes font le choix de limiter les modalités thérapeutiques en lien avec une maladie et une problématique de santé qui aura pour conséquence la mort à court, moyen ou long terme. Cette décision est prise individuellement et en lien direct avec la capacité d’une personne de prendre ses propres décisions. Il y aura alors réflexion sur la capacité de cette personne à prendre cette position, mais l’individu a toujours le dernier choix à ce niveau s’il est jugé apte à consentir ou non à ses soins de santé. L’ajout de l’aide d’une tierce personne va donc de soi lorsque cette personne ne présente pas les capacités physiques et qu’elle répond aux mêmes critères cliniques. Toutefois, cette situation cause régulièrement des maux de tête au monde médical. L’arrêt de l’alimentation pour une personne avec gavage répond par exemple à ce type de situation, elle choisit de cesser de s’alimenter. La nuance avec l’option du suicide assisté, c’est qu’il n’inclut pas seulement le fait d’arrêter un traitement et de côtoyer progressivement la mort, elle ajoute un principe d’arrêt immédiat de la vie avec l’aide d’une tierce personne. La société québécoise et canadienne est-elle prête à ajouter aux options de fin de vie celle du support d’une tierce personne pourvu que la personne demandant ce service soit apte à consentir à ses soins et à faire des choix éclairés? Si la réponse est oui, il faudra y être attentif, car la ligne est mince entre le suicide assisté chez une personne apte à consentir à ses soins et la fin de vie d'une personne qui n’a plus les capacités cognitives pour prendre des décisions. C’est peut-être au législateur de trouver la formule la plus appropriée au plan légal pour préserver le choix individuel, minimiser l’impact sur la tierce personne impliquée et de s’assurer que l’intégralité de l’essence même de la pratique médicale soit préservée.
Une autre question se posera alors soit celle du testament où serait écrit : « en cas de perte de mes capacités cognitives, j’autorise la société à mettre fin à ma vie » à suivre...
Il est tout à fait vrai que le suicide assisté et l'euthanasie sont des sujets d'actualité très controversés. Certains sont pour, d'autres sont contre, mais très peu d'entre nous demeurent insensibles face à cette question.
Je crois qu'une loi permettrait effectivement d'encadrer et de baliser le choix des personnes qui souffrent et n'ont aucune chance de guérison ou de rémission. Permettre à ces personnes de prendre une décision éclairée sur leur santé, ou ce qu'il en reste, permettre à ces personnes de choisir le moment de leur départ, c'est de respecter leur dignité, leur droit à la vie. Il s'avère par ailleurs nécessaire de ne pas tomber dans le piège inverse en incitant les gens à mettre un terme à leur passage sur terre pour des raisons économiques par exemples. Oui, définitivement, une loi permettrait de tracer des balises sur cette questions plus que controversée.
La mort a toujours été un sujet très difficile à aborder. Une Commission parlementaire, mourir dans la dignité, à aborder ce sujet difficile. La conclusion de son rapport (qui a été fait en collaboration avec toutes les parties de l’Assemblée nationale) approuvait la mise en place d’une loi pour encadrer les gens qui veulent mettre fin à leur jour, en cas seulement de personne sur le point de mourir, pour abréger ces souffrances. Je crois que le gouvernement va s’inspirer de ce rapport pour sortir son projet de loi. Cette loi est demandée depuis plusieurs années par les groupes de défense pour les personnes âgées. Je vais dans le même sens que toi, le Québec est prêt à mettre en place une loi pour permettre aux gens de mourir dans la dignité. Pour ceux qui sont contre, je vous demande d’aller dans un Centre de soins de longue durée, il y a plusieurs personnes qui sont entassées là et attendent de mourir. Ils n’ont plus aucune autonomie. Ils sont là et demandent de mourir.