Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

#1 - La paperasse et la taille de l’état

Les entreprises privées et le public en général se plaignent du trop grand contrôle de l’état sur leurs affaires. Ce contrôle se traduit par une multitude de formulaires et requêtes des différents paliers de gouvernement. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle semble s’amplifier avec le temps. Un article de « La Presse », section affaire du 21 janvier (1) dernier, vient ajouter une doléance au flot des récriminations. Le coût de la paperasse pour les entreprises canadiennes est de 31 milliards de dollars par année. À quoi sert cette paperasse au juste? Est-ce que l’état contrôle pour le plaisir?

Dans nos sociétés occidentales de l’après-Seconde-Guerre, l’État-providence, voulant répondre à l’ensemble des besoins des citoyens et des entreprises, voit sa taille augmenter de façon importante. Richard Godin, sociologue (2), dresse un bon portrait de cette mutation des années 1960 à 2000 au Québec.

L’augmentation de l’interventionnisme de l’état ne peut se faire sans contrôle. Chaque loi, chaque règlement relèvent de la responsabilité d’un ministre et sont administrés par un ministère. Or, afin de s’assurer de la bonne administration des lois et règlements, le législateur prévoit des structures permettant le contrôle de ses encadrements légaux.

La loi de Wagner vient confirmer que l’état ne cesse de croître au fur et à mesure que la société se civilise. On peut associer le degré de civilisation au degré de création de richesse d’un peuple. C’est donc dire que la taille de l’état croit avec le PIB ou même plus rapidement que le PIB si on considère que l’état providence cherche à satisfaire le plus de besoins possible chez ses citoyens. De même, on peut démontrer que l’état influence de plus en plus la croissance du PIB dans la mesure où la proportion qu’il représente sur celui-ci est de plus en plus importante.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont tenté de plusieurs façons de limiter la croissance de leur organisation respective.

Citons quelques exemples récents :

-          1996, adoption de la loi sur l’équilibre budgétaire.  Celle-ci vient limiter la croissance des dépenses de l’état à la croissance des revenus. L’avenir viendra nous dire que ceci n’est pas toujours possible et que le retour à l’équilibre est lié à de grands sacrifices quant à la prestation de service de l’état.

-          Le gouvernement de Jean Charest, au lendemain de l’élection de 2003, lors de son discours  inaugural, annonce l’instauration d’une  « réingénierie de l’état » visant à assouplir les règles de fonctionnement par la modernisation des structures. L’introduction des PPP par la suite vient semer le doute du public. Encore une fois, l’avenir nous indique que cette approche a ses limites.

-          Pour respecter l'engagement qu'il a annoncé dans le budget de 2010, le gouvernement du Canada a mis sur pied la Commission sur la réduction de la paperasse. La commission documente et analyse les systèmes de contrôle du gouvernement fédéral afin de lui faire des recommandations pour réduire la paperasse. Le 31 milliards de dollars invoqués plus tôt vient de l’analyse de cette commission.

-           Les compressions budgétaires, particulièrement auprès des ministères moins « importants », ont forcé une relecture des règlements et lois afin de rationaliser l’effort de contrôle de ces organismes.

-          Au tournant de l’an 2000, le gouvernement du Québec met en place une loi de l’administration publique qui vient encadrer la reddition de compte des organismes publics. Ceux-ci verront maintenant leur performance analyser au travers une loupe quasi privée. On parle maintenant de résultats attendus. La notion de service rendu à la population sera à l’avenir quantifiée et scrutée afin de s’assurer du meilleur rendement possible.

Force est de constater que les gouvernements ont tenté de plusieurs façons de contrôler la croissance de l’état. Il faut aussi constater que la loi de Wagner continue de s’appliquer malgré tous ces efforts. L’état continu de croître, c’est ce que les données nous disent (3).

 

« Le beurre et l’argent du beurre »

D’une part, les citoyens s’attendent au maximum de service de l’état. Ils ne sauraient tolérer une file d’attente un trop longue à l’hôpital où un taux de réussite trop bas à l’école. Les entreprises s’attendent à un support logistique et financier des paliers de gouvernement. Il leur faut subventions et missions internationales pour favoriser la croissance des profits à court et moyen termes.   

D’autre part, les entreprises ne doivent pas rendre de compte, le citoyen ne doit pas remplir trop de formulaires afin que l’on respecte sa vie privée et que l’on ne cause pas trop de coûts administratifs.

On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Nous voulons que les gouvernements se chargent de nos problèmes et nous souhaitons qu’ils s’acquittent de cette tâche de façon équitable. Voilà pour le beurre.

Les gouvernements doivent également se charger de dépenser les deniers publics de la meilleure façon possible. Toutefois, ils devront dépenser si nous voulons qu’ils s’assurent de l’équité des services rendus. Voilà pour l’argent du beurre.

 

La paperasse permet donc à la bureaucratie de s’assurer de la qualité et de l’équité des services rendus. Les efforts pour diminuer les tracasseries administratives doivent demeurer tout en restant conscient que jamais nous ne pourrons et ne voudrons éliminer toutes les structures de contrôle. Il est tout à fait normal de se plaindre des contraintes qu’exercent les gouvernements, car pour le plaignant, cela implique des obligations et des redditions de compte. Il est tout à fait normal pour les citoyens de s’attendre de ses gouvernements qu’ils administrent bien les deniers publics.


Sources :

1 : LA PRESSE, La presse canadienne, (page consulté le 10 février 2013), «La paperasserie coûte 31 milliards par an aux entreprises», [en ligne],  http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201301/21/01-4613544-la-paperasserie-coute-31-milliards-par-an-aux-entreprises.php

2 : GODIN, Richard, dans Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, (page consultée le 10 février 2013) «Développement de l’administration publique et démocratisation des services publics au Québec», [en ligne], http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-438/Développement_de_l’administration_publique_et_démocratisation_des_services_publics_au_Québec.html

 

4 : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (page consultée le 10 février 2013), « Aperçu démographique de la fonction publique fédérale, 2010», [en ligne],  http://www.tbs-sct.gc.ca/res/stats/demo-fra.asp


Jean Robitaille

Commentaires

  • Voilà un sujet bien d'actualité depuis...toujours M. Robitaille ! Votre réflexion va nous aider a progresser. Prof

  • La paperasse est un besoin dans un état de droit qui vise l'équité entre les citoyens. Les citoyens demandent des services et veulent une réponse rapide, de plus en plus rapide et équitable avec de plus en plus de service. Bien que des programmes s'ajoutent annuellement dans l'état Québécois, il m'apparaît essentiel que chaque employé de l'état ou gestionnaire se soucie de cette croissance constante de la paperasse. Plusieurs redditions de compte sont demandées annuellement et la gestion de la paperasse en terme de nombre devraient en faire partie et ce pour chaque organisme de l'état Québecois.

  • Au niveau de l’administration publique, la paperasse est essentielle afin d’exercer un contrôle à plusieurs niveaux. Rien ne peut encore remplacer ce concept de la bureaucratie classique. Bien sur, avec les avancées technologiques et à une époque ou le développement durable est une partie intégrante des organisations, le papier est de plus en plus remplacé par le virtuel. Or, l’économie d’échelle quant à la manipulation ne va pas de soi avec l’utilisation des formulaires virtuels et le suivi que le traitement des données implique et il serait intéressant de mesurer la véritable réduction du papier.
    Aussi, après des années où elles jouissaient d’une très grande autonomie, les organisations publiques doivent plus que jamais démontrer patte-blanche et pour ce faire, le contrôle interne peut parfois être abusif. Même les dépenses engagées pour le simple changement d’une ampoule ou d’un néon doivent maintenant obtenir de multiples autorisations. C’est le retour du balancier et à l’extrême, c’est aussi contestable.

Les commentaires sont fermés.