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Blog #1 - Comment à partir d’une noble intention il peut être facile de perdre ses repères.

Jean Tremblay

Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre au TVA/Nouvelles du 6 février dernier que l’enquête de J.E sur le présumé gourou Marcel Pontbriand avait eu des répercussions jusqu’à l’Assemblée nationale du Québec. La Coalition Avenir Québec, par l’entremise de sa porte-parole la députée d’Arthabaska, Mme Sylvie Roy déclarait « … qu’il était temps au Québec, que l’on s’occupe des gens qui ont des problèmes avec des groupes sectaires ». La députée faisait écho à un interview de J.E avec le présumé gourou Marcel Pontbriand, actuellement réfugié aux États-Unis, dont l’une des victimes, M. Bilodeau, fermier de sa profession et résidant du comté de la députée Roy, aurait été floué par la secte de Pontbriand, au point de « risquer de perdre sa ferme ».

 

Selon la députée Roy, l’État « … s’occupe des gens qui ont des problèmes d’alcool ou de toxicomanie, mais pas de ceux qui ont des problèmes avec des sectes ».

 

« Il y a des pays, par exemple, la Belgique, en Europe, qui le fait. Il est temps qu’au Québec, on le fasse », a affirmé la députée caquiste qui veut présenter d’ici Pâques, un projet de loi non partisan qui va régler le problème!

 

« C’est une dépendance, lorsqu’on entre dans un groupe comme ça. On aide au Québec, les personnes qui sont soient dépendantes de drogue ou d’alcool. Les sectes ou les mouvements sectaires lorsque quelqu’un sort de ce mouvement là, on se retrouve vraiment en isolement au niveau social, au niveau familial », d’ajouter Mme Roy.

 

Étonnamment, cette position tranchée de la part de la porte-parole d’un parti qui fait du tour de taille de l’État une préoccupation constante n’a été reprise par aucun quotidien de la Capitale nationale ou de la Métropole. Une chance diront certains que les projecteurs de l’actualité étaient braqués ailleurs.

 

À supposer que l’on taise cette apparente contradiction entre la prise de position récente de la députée et les positions plus traditionnellement à droite de sa formation politique, il faut peut-être chercher ailleurs la source de ses motivations.

 

À l’occasion d’une entrevue qu’elle donnait à l’hebdomadaire « La Nouvelle Union » à la mi-décembre 2012, la députée indiquait « qu’elle voulait rendre utile sa parole » en se faisant la porte-parole de ceux qui n’ont pas de voix : « Je veux amener un visage humain à la Coalition Avenir Québec ».

Quoi qu’il en soit, la proposition de la députée est une belle illustration de ce qu’il est convenu d’appeler la « zone primaire » des facteurs de croissance de l’appareil étatique.

 

Influencer par l’attention médiatique au sort de personnes vulnérables à l’emprise de gourous mal intentionnés, la députée, légitimement élue et partie de notre processus politique, porte le sort d’un nouveau besoin qui sied parfaitement à notre modèle social-démocrate du rôle de l’État.

 

Qui est contre la protection de ceux et celles qui se retrouvent en position de faiblesse et sans rapport de force par rapport à l’endoctrinement et la manipulation d’un tiers?

 

N’est-il pas de notre responsabilité collective d’utiliser le pouvoir d’intervention de notre État comme levier de prévention et de lutte à ces abus, tout en rendant disponible à ses victimes les services d’aide requis par leurs conditions?

 

L’annonce de la députée quoique bien intentionnée puisse-t-elle être, nous apparaît au minimum prématurée et requiert que nous réfléchissions d’abord aux aspects suivants :

 

1.      Tout comme le Canada, la Belgique (le Royaume) est un État fédéré (complexe). Le projet de loi fédéral Belge intitulé « Abus de la situation de faiblesse des personnes » avait comme objectif, d’inscrire dans le Code pénal fédéral, une nouvelle « arme contre les dérives des organisations sectaires nuisibles ». Reproduire ce modèle ici, en vertu de la Constitution canadienne, nécessiterait une intervention du gouvernement fédéral, puisque le droit criminel relève des compétences du parlement fédéral.

2.      La Charte canadienne des droits et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne garantissent sans la définir la liberté de conscience et d’expression religieuse. Il est à parier que les juristes de l’État devront passer plusieurs heures à réfléchir à cette difficulté particulière que représente la coexistence de ces deux chartes en territoire québécois.

3.      Sans jeu de mots, prétendre être en mesure de présenter un projet de la loi non partisan qui va régler le problème d’ici Pâques, relève du miracle. Pour y arriver, la Belgique y a consacré quatre ans de travaux et de consultations. Notre processus politique requiert un minimum de consultation et de réflexions pour pouvoir recevoir le soutien et la légitimité requise.    

4.      Si le projet vise à associer la dépendance à une croyance sectaire, à celle en regard du jeu ou de l’alcool, donnant ouverture à la protection du système de santé québécois, par exemple, il faudra alors, en cette période de pénurie des ressources, réfléchir et justifier ce choix en regard des groupes ressources, des mécanismes et des services déjà disponibles (santé – justice — services sociaux — ordres professionnels — Info secte — le Centre d’information sur les nouvelles religions [le CINR] — ou le Cent

re d’étude des religions de l’U de M [le CERUM] à titre d’exemple).

Réjouissons-nous à l’idée qu’au sein d’une structure de fonctionnement parlementaire où l’initiative législative d’un député qui n’est pas membre du gouvernement est limitée et qu’ainsi nous pourrons sérieusement examiner cette question complexe à l’abri de l’agenda esthétique d’une formation politique quelle qu’elle soit.

 

Jean Tremblay

Commentaires

  • Oui M. Tremblay...la bonne intention peut donner des effets pervers...on lira ça !

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