Blogue #1-Audet-La vie privée et les hommes d'état
La vie privée et les hommes d’état - Nathalie Audet
Les méfiances envers le gouvernement sont omniprésentes et à l’ère des communications infinies, il devient difficile pour les élus de cacher leur jeu. Les hommes et les femmes qui oeuvrent dans les postes les plus exposés de l’administration publique sont de plus en plus surveillés par les médias et la population. On relate et critique les moindres gestes, ces serviteurs de l’état doivent démontrer un comportement sans faille dans leur profession comme dans leur vie privée. Dans un monde où la désillusion politique s’affiche largement, on doit prévenir les dérapages.
Mais la question se pose : les politiciens sont-ils tenus d’avoir un comportement exemplaire? Peuvent-ils avoir être au-dessus de la loi ou de l’éthique? Un bon nombre d’électeurs diront que si ces gens qui adoptent les lois n’agissent pas eux-mêmes selon les lois qui régissent cette société, comment pouvons-nous leur faire confiance? Ces personnalités doivent inspirer positivement en incarnant des valeurs respectables. Leur intégrité est un élément essentiel pour la population qui les a nommés et en qui, on donne le pouvoir d’influencer notre quotidien et décider de notre avenir individuel et commun.
Les événements concernant la vie privée des personnalités politiques se bousculent au cours des derniers mois. Tout d’abord, on connaît les bévues du représentant démocrate des États-Unis, Anthony Weiner, qui a candidement envoyé à des inconnues des photos compromettantes de lui-même via un site internet. Il a d’abord nié mais devant les preuves et l’ampleur de la situation, il a admis sa culpabilité. Malgré tout, il n’avait pas l’intention de démissionner parce qu’il dit ne pas avoir enfreint la loi et que de toutes façons les photos osées n’ont pas été envoyées de son compte professionnel. Juridiquement, c’est vrai, mais ces hommes d’état ne sont-ils pas soumis par des règles d’éthique? D’ailleurs, une enquête de la commission d’éthique a été demandée par les démocrates afin d’éclaircir la situation. Il a finalement démissionné suite aux pressions des collègues démocrates qui craignaient probablement pour leur réputation à la veille des élections américaines.
La survie en politique dépend principalement de sa popularité. Les politiciens doivent soigner leur image, s’assurer de conserver un appui du peuple, il faut entre autres inspirer confiance. Parmi les qualités d’un bon représentant, on retrouve les compétences, l’honnêteté, la discrétion, la loyauté et non seulement envers les électeurs mais envers ses collègues et son parti. Quand le ministre croit que la présence de quelqu’un nuit à sa réputation ou à celle du parti, il est dans son droit de demander une démission.
L’affaire DSK a aussi occupé une bonne place dans l’actualité pour des actes indécents. Au moment de son arrestation, Dominique Strauss-Kahn était toujours le directeur du Fonds monétaire international et favori dans les sondages pour l’élection présidentielle en France. Il était accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol sur une femme chambre d’un hôtel de New York où il séjournait en vacances pour le week-end. Quand les policiers l’ont interpellé, il a évoqué l’immunité diplomatique pour qu’on arrête ce cirque. Or, l’événement ne serait pas arrivé dans le cadre de ses fonctions, l’immunité a ses limites et ne peut pas s’appliquer dans toutes circonstances ! C’est quand même le premier argument qu’il a instinctivement déposé. Ces individus travaillant pour une institution des Nations Unis sont-ils à l’abri de toutes accusations selon le droit international? Une décision en sa faveur serait décevante, on vit plutôt dans un mouvement de justice et d’égalité pour tous, aucun ne devrait être au-dessus de la loi, peu importe la position.
Plus proche de nous, un homme de confiance du gouvernement Harper, Bob Dechert, le secrétaire parlementaire du ministre des affaires étrangères a échangé des courriels à caractères amoureux avec une journaliste chinoise liée aux renseignements de son pays. Ces messages, anodins et assez inoffensifs ont été dévoilés sans gêne par les médias. Suite à une analyse de la situation par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), il semble qu’aucune information pouvant compromettre l’état n’aurait été transmise. Est-ce malgré tout un comportement acceptable? Peut-on faire confiance à cet homme? Son manque de jugement démontre une faille qui pourrait coûter cher dans une autre situation.
Dechert a déclenché une mobilisation d’organisations fédérales de haute sécurité pour examiner l’impact de ses actes personnels irresponsables. Ces gestes qui pourraient causer préjudice à l’institution gouvernementale coûte cher à l’état. Les citoyens n’ont pas à payer des investigations pour des bêtises d’hommes de pouvoir.
Connaissant leur statut dans la société, ces individus doivent être davantage prudents dans leurs échanges et actions liés à leur vie privée. Peut-être qu’ils ne sont pas assez bien encadrés à leur entrée en fonction. Un cours sur la prudence face aux réseaux sociaux et médiatiques ainsi qu’une leçon de discrétion devraient faire partie de leur programme d’accueil. Certains ne semblent pas connaître les risques des modes de communication émergents.
On pourrait aussi reprocher aux médias d’alimenter des histoires sans importance, qu’une certaine responsabilité leur revient. D’un autre côté, les médias ont eux aussi un devoir envers la population. Choisir de publier ou non est un atout précieux. Ce choix peut jouer un rôle important dans l’opinion public. Les nouvelles et les messages doivent faire l’objet d’une analyse avant leur diffusion. Est-ce que cette information est pertinente? Peut-elle éclairer l’électeur sur l’intégrité de la personnalité en tant que leader politique? Un jugement imprégné de professionnalisme est de mise. En cas de doutes, la diffusion de l’information s’impose. L’électorat a droit de savoir et on doit lui laisser l’opportunité de porter ses propres conclusions.
Profiter de sa popularité et de sa position stratégique pour agir de façon inappropriée mais sans impact catastrophique est une chose mais de profiter de son pouvoir pour enrichir ses avoirs personnels et ceux de ses proches est une faute grave. Utiliser le statut politique pour se permettre des actes non acceptables socialement est une question de valeurs morales plus que légales, utiliser son pouvoir pour en faire profiter sa propre vie privée est illégal. Les politiciens bénéficient de certains avantages que les fonds publics financent. Il peut être tentant d’abuser de ce privilège.
Les exemples d’abus sont nombreux, et imaginer ce qu’on ne sait pas…On s’est premièrement étonné de l’annonce des dépenses de Mme Michaëlle Jean, notre ex-gouverneure générale exemplaire qui aurait abusé des ressources publiques pour ses voyages et vacances personnelles. Elle aurait utilisé les avions gouvernementaux pour effectuer à maintes reprises ses déplacements personnels et ceux de sa famille pour des dépenses totalisant 500 000$. Selon le bureau du gouverneur général, ces avions ne servent normalement qu’aux déplacements officiels sauf exceptions qui sont étudiées cas par cas. À titre de justification, on a cité des raisons de sécurité pour Mme Jean, explication qui n’a pas satisfait l’opposition, à suivre…. Cette latitude que s’est donnée la gouverneure générale est assez surprenante compte tenu que ce n’est pas première fois qu’un gouverneur général se fait prendre à abuser des fonds publics pour des raisons personnelles. Il est temps que ceux-ci aient des comptes à rendre, que ces dépenses soient anticipées, approuvées et qu’elles fassent l’objet d’une reddition de comptes régulière. Les citoyens doivent comprendre pourquoi on utilise leurs impôts à ces fins, l’explication se doit d’être claire et accessible à tous. Heureusement que la loi d’accès à l’information existe et qu’il nous sera toujours possible d’identifier les fautifs et de dissuader d’autres de faire des abus semblables.
Autre cas récent, après avoir quitter promptement le parti libéral en mai dernier, l’ex-ministre de la famille M. Tomassi a été accusé en octobre de fraudes et d’abus de confiance. Il aurait accepté une récompense d’une firme ayant un lien d’affaire avec le gouvernement, il aurait accepté une récompense en échange d’influence auprès de son gouvernement et il aurait commis un abus de confiance dans le cadre de ses fonctions. Ces accusations découlent d’une enquête effectuée par la Sûreté du Québec. De plus, rappelons-nous qu’il a déjà été soupçonné de favoritisme dans l’attribution des places en garderie. Cette histoire n’est pas terminée, ce pourrait être que la pointe de l’iceberg. Cela justifie la décision du premier ministre qui l’a l’expulsé du caucus mais cela attise les craintes de la population face à la gestion des fonds publics et crée de la méfiance envers ceux qui restent. L’abus et la corruption ont probablement toujours existé mais aujourd’hui, les modes de communication permettent plus facilement les fuites, les dénonciations et les accusations.
La population se méfie, perd confiance, elle est désabusée. Mais peut-être aussi se réveillera-t-elle ! On peut espérer que l’intérêt à comprendre le fonctionnement gouvernemental va peut-être s’intensifier, que les taux de participation aux élections vont peut-être augmenter. Pour le moment, les conséquences directes de ces phénomènes grandissant de corruption, de déloyauté donnent une nouvelle définition au mot « éthique », amènent une plus grande place aux vérificateurs généraux et possiblement une explosion de commissions d’enquête publique.
Nathalie Audet
Principes et enjeux de l’administration publique
ENP 7505 - Mercredi matin
Bibliographie
Le Monde (13 juin 2011) : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/07/le-democrate-anthony-weiner-nouvelle-cible-des-tabloids-new-yorkais_1532760_3222.html
Lapresse.ca (13 juin 20110 : http://www.cyberpresse.ca/international/etats-unis/201106/12/01-4408563-anthony-weiner-chronique-dune-therapie-annoncee.php
http://www.lefigaro.fr/politique/affaire-dsk/
Globe and mail, 13 septembre 2011. « Bob Dechert is flirting with trouble »
http://fr-ca.actualites.yahoo.com/dechert-naurait-pas-viol%C3%A9-la-s%C3%A9curit%C3%A9-092224565.html « La Presse Canadienne, 19 septembre 2011 – Dechert n’aurait pas violé la sécurité ».
La Presse, Montréal, jeudi le 1er septembre 2011 « Michaëlle Jean en vacances avec les avions de l’État »
http://www.droit-inc.com/article6402-Trois-accusations-contre-l-ex-ministre-Tony-Tomassi
Michaud et al. (2011) Secrets d'États ? Les principes guident l'administration et ses enjeux contemporains. Les Presses de l'Université Laval. Chap 21 et 22.