BLOGUE 2
CHENARD, Nadia
Groupe du lundi soir
« Oui bonjour, j’aimerais avoir 3 rendez-vous avec mon médecin de famille SVP, si possible les 3 le même jour et sur des plages horaires consécutives. »
Hummmm! Quoi penser de cette histoire qui fait surface aujourd’hui dans les médias, mais qui est tellement peu surprenante... Les médecins de famille ne soigneraient qu’un problème de santé à la fois...
Alors que la population a de la difficulté à se trouver un médecin de famille, ceux qui en ont un, ont de la difficulté à se faire soigner pour tous leurs p’tits bobos. J’entendais ce matin, à la radio de Radio Canada (vendredi le 11 novembre 2011), un médecin expliquer que ses homologues sont débordés et que cette limitation, d’une consultation pour un seul problème, existerait pour permettre à plus d’individus d’avoir accès au médecin plutôt que pour faire plus d’argent sur chaque tête. Permettez-moi d’en douter!
En fait, est-ce que nous ne faisons pas que simplement déplacer le problème? Si j’ai trois bobos qui m’incitait à aller voir le médecin, croyez-vous que parce que mon médecin veut entendre parler d’un seul que je vais mettre les deux autres aux oubliettes... Bien sûr que non! Je vais tenter, autant que faire ce peut, de trouver réponse ou traitement à mes deux autres petits bobos. Je reprendrai un rendez-vous avec ce même médecin de famille ou j’irai dans une clinique sans rendez-vous ou même à l’urgence, donner un p’tit peu d’argent à un autre médecin pour mes consultations et enlever une place à un autre patient qui a besoin de soin... N’est-ce pas la logique même? OK, je n’aurai peut-être pas donné tous mes sous au même médecin, mais j’ai quand même donné trois fois le montant d’une consultation à des médecins différents qui, entre eux, au bout du compte, sont tous gagnants en s’échangeant les clients. Les médecins font plus d’argent, moi je perds temps, argent et patience dans les salles d’attente et la communauté est perdante aussi puisque j’ai beau ne pas payer directement ma consultation en présentant ma belle carte soleil, mais est-ce que comme contribuable, je ne paye pas pour cette consultation en impôt et ou en taxe?
Bon d’accord! Les médecins ne font pas une job facile, mais personne ne me fera dire qu’il n’y a pas une question d’argent derrière tout ça! Ça me rappelle le temps où l’assurance médicament est devenue publique. Tant et aussi longtemps que je payais ma boite d’anovulants de mes poches, elle coûtait 11$ et le jour où la réclamation s’est faite au gouvernement via ma fameuse carte soleil, elle a, comme par magie, augmentée du jour au lendemain à 17$. Est-ce que quelqu'un quelque part n’en mettait pas un peu dans ses poches en se disant que «de toute façon ce sont les assurances qui payent»? Mais qui paye les assurances? Moi! Qui paye la consultation? Moi! Vous! Pour reprendre les mots d’un de mes enseignants à la prestigieuse École nationale d’administration publique : « Il y a de la zizeloune dans la wazibang ».
Notre système de santé coûte une fortune et pourtant les services manquent. Tellement que depuis quelques années, nous sommes confrontés à un système à « deux vitesses ». Le Québec est choyé de programmes sociaux et de santé enviables, mais peut-être que les contrôles exercés, que ce soit par le vérificateur général, le contrôleur des finances ou toute autre forme de contrôle appliqués, ne sont pas suffisants pour assurer la légitimité de toute la « patente ». Une vérification plus approfondie de la tarification des services de santé pourrait donc peut-être amener le vérificateur général à découvrir les façons détournées, utilisées par les différents acteurs, afin de soutirer des sous injustifiés du gouvernement, que ce soit par l’augmentation du nombre des consultations médicales ou par l’augmentation subite du coût d’une boîte d’anovulants.
Auparavant, le rôle du vérificateur général était de s’assurer de la conformité des dépenses1. Cependant, tel que le rapporte Mercier2 dans son ouvrage, dans les années 1980, ce dernier a acquis le droit de procéder à une vérification intégrée ou de gestion (économie, efficience, efficacité) ( Gilles Lesage dans le Devoir, 1982, p.7). Les pouvoirs du vérificateur sont donc maintenant tellement étendus que celui-ci peut se prêter à des quasi enquêtes comme cela fût le cas pour la tarification des produits dans les SAQ. Marie-Soleil Tremblay3 convient donc que « le vérificateur général est un agent du Parlement dont la mission est de favoriser, par sa vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics, au bénéfice des citoyennes et citoyens ».
Cependant, le vérificateur général n’a pas les ressources suffisantes pour vérifier toutes les entités en une seule année4. De plus, s’il choisissait de le faire, il faudrait décider de l’allocation des fonds pour le faire. Effectivement, comme le rapporte Marie-Soleil Tremblay5, paradoxalement, plus nous exerçons des contrôles et vérifications qui coûtent cher, moins nous avons de fonds publics pour fournir ces mêmes services pour lesquels nous nous plaignons de manque de ressource. Cependant, j’aime encore mieux avoir moins de services mais savoir que l’argent que j’investis, via mes impôts et mes taxes, me rapporte à moi, en services, et non à un médecin ou à une compagnie pharmaceutique.
Étrangement cette vision correspond tout à fait à l’une des prémisses de base de l’idéologie du Public choice, idéologie très présente depuis quelques temps : l’individualisme. Chacun pour soi : Je paye en autant que ça me rapporte. Donc, le citoyen en veut plus pour son argent, mais le médecin et la compagnie pharmaceutique, voient l’opportunité de faire de l’argent sans que cela paraisse trop. Alors, dans leur esprit individualiste et capitaliste, mettant de côté leur éthique, ils abusent du système.
Mercier6 écrit : « les gens agissent pour maximiser leur valeur et si cela est assez facile à déceler dans le secteur privé, c’est par contre plus camouflé dans le secteur public, où il faut enlever une couche de vernis des discours officiels pour mieux saisir les intérêts en jeu ». Il dit encore que «on gère des biens qui appartiennent à tous, donc à personne, le secteur public est le lieu par excellence des distorsions, autant dans le discours que dans l’allocation des ressources de la collectivité ». D’autant plus que le domaine de la santé, comme le rapporte le même auteur7 est un problème sans fin et sans limite. Les gens voulant profiter de l’allocation des ressources ont le beau jeu, surtout qu’il est impossible de tout vérifier. Malgré que la santé soit un des domaines les plus vérifié dans un environnement économique où les transactions financières complexes se multiplient8, même si le maximum de contrôles étaient appliqués, ceux-ci ne sont pas infaillibles et les éléments que recherche le vérificateur général ne restent que « probants convaincants et non concluants »9.
On aurait tendance à croire que l’imputabilité, la responsabilité de chacun des acteurs puisse être une garantie de la justesse des gestes posés, cependant, il semble que le capitalisme individuel prenne encore une fois le dessus sur le bien-être collectif. Malgré que le ministre de la santé demeure responsable de ce qui se passe dans son ministère, il n’en demeure pas moins que le système de la santé est une grosse machine à gérer. Cette responsabilité de vérification se doit donc d’être partagée. Comme l’écrit Marie-Soleil Tremblay10 : « les divers intervenants ont un rôle à jouer pour dépister les failles des contrôles internes ». Nous sommes chanceux de vivre dans une société ouverte à la liberté d’expression car l’opinion publique est une forme de contrôle importante, encore faut-il qu’elle soit exprimée. Le citoyen a son rôle à jouer dans le contrôle exercé pour vérifier la légitimité des actions posées par les divers acteurs gouvernementaux.
Marie-Soleil Tremblay demande, dans Michaud et all11: « Est-il possible que malgré le renforcement du cadre de contrôle par les autorités gouvernementales et financières, d’autres individus profitent d’une mauvaise application des contrôles? » A cette question je réponds : Ben quein!
Références :
La presse, vendredi 11 novembre 2011, page A5, Deux bobos? Prenez un autre rendez-vous. Mise en garde aux médecins qui traitent u seul problème de santé par visite.
1. Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p 217.
2. Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p 217.
3. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.478.
4. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.481.
5. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.484.
6. Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p 316.
7. Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p 236.
8. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.465.
9. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.479.
10. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.483.
11. Michaud et all. (2011). Secrets d’états? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapitre 20 par Marie-Soleil Tremblay : Les contrôles, p.464.
Nadia Chenard
Groupe du lundi soir