Blogue # 2 EFFO Judith : La décentralisation pour un meilleur service aux citoyens? Cas de la ville de Montréal
La décentralisation tire son origine dans la crise des finances publiques ainsi que dans la perte de confiance en l’État qui va incité les gouvernements centraux, dans la majeure partie des pays occidentaux, à se délester de certaines attributions au profit des administrations locales. C’est alors qu’un nouveau mode de prestations des services publics, plaçant le citoyen au centre des préoccupations administratives, sera mis en place [1]. Le nouvel ordre organisationnel de la Ville de Montréal s’inscrit dans ce courant. Amorcée au début des années 2000, à l’initiative du gouvernement provincial et en vertu de la Loi sur l’organisation territoriale municipale, la réorganisation des municipalités du Québec avait comme objectif la fusion de plusieurs municipalités québécoises. L’île de Montréal, se verra ainsi fusionnée avec vingt huit autres villes, cités et paroisses. La nouvelle ville de Montréal sera dotée d’un système à trois paliers : la Communauté métropolitaine de Montréal comme palier supra-municipal, la Ville de Montréal comme organe central et les arrondissements comme palier infra-municipal [2].
L’une des principales lignes directrice de la réorganisation structurelle de la Ville de Montréal, était de fournir aux citoyens des services de qualité au meilleur coût et de rapprocher la prestation de services des citoyens [3]. Ainsi en 2003, une révision sera opérée dans la charte de la Ville de Montréal, afin de décentraliser des pouvoirs de gestion, de prestation des services et pour assurer l’autonomie et le respect de la spécificité et de l’identité des arrondissements. La décentralisation va entrainer un affaiblissement des services centraux de la Ville de Montréal, au profit des arrondissements qui se verront confiés l’ensemble des services de proximité [4]. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il serait intéressant d’analyser les retombées, de ce nouveau mode de gestion publique, sur les citoyens. Cette redéfinition du pouvoir opérée par la Ville de Montréal, représente-t-elle vraiment un avantage pour le service au citoyen ? La décentralisation a-t-elle permis l’amélioration du rapport entre les décideurs et les citoyens ?
L’équité fiscale représentait l’un des plus grands défis de la fusion [5]. En effet, l’instauration d’un taux unique d’imposition sur tout le territoire devait permettre d’assurer une meilleure équité pour les contribuables, en termes de rapport qualité-prix. La nouvelle Ville de Montréal s’est orientée vers un taux d’imposition harmonisé et commun. Jusqu’en 2002, le «central» assurait le financement des investissements effectués par les arrondissements, en répartissant le coût selon son assiette fiscale. Ce mode de fonctionnement favorisait la mise à niveau des infrastructures de la ville, puisque des enveloppes plus importantes étaient accordées aux quartiers les moins fortunés mais désireux de moderniser leurs infrastructures. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, les arrondissements doivent assumer eux-mêmes les services de la dette des financements effectués par la Ville, en leur faveur. Les arrondissements ayant une faible base fiscale, et indirectement leur citoyens par l’augmentation des taxes, se retrouvent ainsi pénalisés [6].
Par ailleurs, le partage des compétences entre le niveau local et central a conduit à une complexité dans la gestion publique, en raison notamment, de l’enchevêtrement des structures et des compétences au niveau du palier central et local. Un rapport datant de 2004 de l’OCDE soulignait que la région de Montréal est l’une des métropoles les plus fragmentées politiquement. On avance même que, malgré les fusions, la région métropolitaine demeure, sur le plan institutionnel, plus fragmentée qu’il y a 25 ans. Les difficultés de communication entre les instances, qui peuvent en découler, nuisent grandement à la qualité de services offerts aux citoyens. Cette prolifération des structures administratives nécessite l’instauration de règles decoordination entre chacune des instances pour être plus efficaces.
En outre, la réorganisation municipale sera accompagnée, majoritairement dans les grandes villes, de la mise en place de nouveaux mécanismes de démocratie participative [7]. Désormais, les citoyens peuvent faire valoir leurs points de vue via les commissions des instances politiques ou même l’Office de consultation publique de Montréal. Ces derniers peuvent également poser directement des questions aux élus lors des séances publiques du conseil municipal, du conseil d’agglomération et des 19 conseils d’arrondissement. Aussi, les technologies de l’information, particulièrement Internet, permettent un accès direct et rapide des citoyens aux documents des instances politiques [8].
Cette implantation de réformes participatives dans le secteur municipal vise la promotion de l’implicationdes citoyens dans la formulation des politiques, afin d’assurer le caractère démocratique et d’encourager la pertinence des politiques. La participation des citoyens à la vie politique demeure, malgré tout, presque marginale. En effet, bon nombre d’analystes sont unanimes à constater que cette restructuration municipale n’a pas réussi à faire adhérer les citoyens au concept de région métropolitaine, ni à y développer un sentiment fort d’appartenance. L’idée d’une citoyenneté métropolitaine reste utopique. La communauté métropolitaine demeure ainsi un espace public de délibération politique, mais uniquement pour les élus et n’arrive pas à rejoindre efficacement les citoyens [9].
Il revient donc aux gestionnaires et aux élus municipaux de remédier à la situation, en repensant la démocratie municipale, pour permettre aux citoyens intéressés de construire leur milieu de vie et leur ville, plutôt que d'avoir uniquement des outils pour s'opposer et bloquer aux volontés politiques [10]. De plus, une meilleure coordination par le « central » qui serait chargé d’édicter des lignes directrices relatives aux méthodes dans la prestation des services aux citoyens permettrait d’assurer une meilleure uniformité entre les arrondissements. En effet, une organisation qui se décentralise doit rechercher une certaine homogénéité dans l’organisation de l’offre. L’adaptation aux contraintes et particularités locales ne doit donc pas se faire au détriment de l’efficacité et de l’équité dans les services reçus.
[1] BEAUGARD, Claude (2003) « La gestion municipale dans un monde en ébullition », Gestion 3/2003 (Vol. 28), p. 10-12 [en ligne], http:// www.cairn.info/revue-gestion-2003-3-page-10.htm (Page consulté le 29 novembre 2011).
[2] FOUROT, Aude-Claire (2006). « Processus de « fusions » et « défusions » municipales : témoins d’une tension entre métropolisation et démocratie locale. » Les refontes institutionnelles municipales au Canada, Paris, Institut de recherche et débat sur la gouvernance [En ligne], http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-170.html (Page consultée le 04 novembre 2011).
[3] QUÉBEC (2005). La décentralisation, Projet gouvernemental d’autonomie régionale et municipale», Bibliothèque nationale du Québec.
[4] FOUROT, Aude-Claire (2006). « Processus de « fusions » et « défusions » municipales : témoins d’une tension entre métropolisation et démocratie locale. »
[5] OCDE, (2004), « Examens territoriaux de l’OCDE –Montréal, Canada », OCDE, 2004, 193 pages.
[6]CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN (2010). Une métropole à la hauteur de nos aspirations, Rapport.
[7] BHERER, Laurence et autres (2005). Jeux d’échelle et transformation de l’État : le gouvernement des territoires au Québec et en France, Québec, Presses de l’Université Laval, 527 p.
[8] http://www2.ville.montreal.qc.ca/archives/democratie/democratie_fr/expo/fusions/nouvelle-ville/index.shtm
[9] CLICHE, Paul (2008). Montréal dans la perspective d’un Québec décentralisé, Colloque organisé par la section montréalaise de la Coalition pour un Québec des régions, Libérer les Québec.
[10]L'ALLIER, Jean-Paul (2011). « Quel avenir pour Montréal? Penser autrement », La Presse, [En ligne] http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201111/01/01-4463415-quel-avenir-pour-montreal-penser-autrement.phpl (Page consultée le 30.11.2011)
Commentaires
Voilà un deuxième blogue à lire et analyser avec attention. Brovo pour avoir osée à nouveau. Bonne suite professionnelle Judith