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Blogue #2 - Turgeon, P. - Le droit de mourir dans la dignité.

Le 14 novembre dernier, Mme Gloria Taylor, une canadienne atteinte de la maladie de Lou Gehrig a demandé à la Cour Suprême de la Colombie-Britannique de lui donner le droit de mourir par euthanasie volontaire.  La maladie de Lou Gehrig est une maladie dégénérative incurable, qui impose au malade une perte d’autonomie graduelle, aboutissant à une mort cruelle où la personne n’a plus l’usage de son corps, mais a toutes ses facultés intellectuelles.  Elle est donc prisonnière de son corps, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus assurer les fonctions vitales, comme par exemple respirer.  La personne est alitée, et dépend d’un respirateur artificiel pour rester en vie.  Je ne souhaiterais pas cette situation à mon pire ennemi.  Je ne voudrais surtout pas me la faire imposer par une autre personne, encore moins par le gouvernement.  Pourtant c’est exactement ce qui s’applique dans le cas de Mme Taylor, et de toutes les autres personnes atteintes de maladies dégénératives incurables.  Regardons quelque considérations importantes de ce débat d’actualité au Canada.

 

En 2011, la société canadienne a beaucoup évolué sur ce genre de questionnement, particulièrement ceux touchant les droits et libertés individuelles.  Ceci est consistant avec le modèle ‘‘public choice’’ misant sur la liberté de choisir des individus qui est en ce moment l’approche privilégiée de l’administration publique au Canada.  De plus, avec la venue de mille et un médicaments, thérapies, ou programmes médicaux permettant de prolonger la vie jusqu’à des limites sans précédent dans l’histoire de l’humanité, le débat de fin de vie qui semblait plutôt théorique dans le passé s’impose maintenant comme une réalité à adresser.  La qualité de vie elle, est devenue un facteur critique de la vie même des canadiens, et plusieurs réfléchissent bien aux choix et conséquences pour eux ou quelqu’un qui leur est cher si celle-ci consistait seulement à survivre à l’aide de machines ou encore avec des souffrances physiques et psychologiques extrêmes amenées par la maladie.  C’est donc sans surprise que 76% des canadiens appuient maintenant le suicide médicalement assisté. Au Québec, c'est un impressionnant 84 pour cent.  L’appui au suicide médicalement assisté semble aussi de plus en plus grand dans d’autres pays similaires au Canada; ainsi quatre pays européens (les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique et la Suisse) et 2 États américains (Oregon, Washington) permettent l’aide au suicide.


Le système judiciaire et le gouvernement canadien pourraient influencer et même changer la réalité des personnes en fin de vie qui veulent la liberté de faire leur propre décision.  Actuellement les dispositions du Code criminel canadien statuent que l’aide au suicide est un acte criminel, passible d’un maximum de 14 ans de prison.  L’argument des avocats de Mme Taylor et des autres demandeurs dans cette cause repose sur le fait que ces dispositions du code criminel seraient inconstitutionnelles.  C’est à dire que de limiter le droit à l’assistance au suicide violerait les articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, traitant du droit à la liberté, la dignité et à la sécurité. Ainsi le système judiciaire pourrait, par un jugement à la faveur des plaignants, permettre le suicide assisté ou l’euthanasie volontaire au Canada.  Par contre cela ne garanti pas un encadrement judicieux de la façon dont cette assistance sera prodiguée; on statu simplement que les clauses sont inconstitutionnelles et que toute personne portant assistance au suicide ne sera pas tenue criminellement responsable de ses actes.  Si le Gouvernement du Canada décidait ou devait modifier le code criminel pour permettre l’assistance au suicide, non seulement on pourrait décriminaliser l’aide au suicide, mais aussi s’assurer que la législation et la réglementation afférente soient très détaillées afin d’encadrer avec beaucoup plus de détails les circonstances dans lesquelles l’euthanasie volontaire ou le suicide assisté peuvent être prodigués.  De cette façon, on peut minimiser les chances d’abus, les mauvaises applications, ou encore enlever du processus tous les intérêts de tierce partie afin de ne garder seulement que les volontés exprimées par la personne en fin de vie. La fonction publique canadienne (particulièrement le département de Justice), ou encore un comité parlementaire, sera responsable de développer le nouveau texte de Loi qui devra être approuvé par le parlement canadien, ainsi que les règlements associés.


Trois conditions semblent fondamentales dans la mise en place de loi et règlement adressant l’euthanasie volontaire et le suicide assisté.  Premièrement que la personne voulant s’en prévaloir soit un adulte.  Ceci évitera des situations fort complexes impliquant des enfants.  Deuxièmement, que la procédure soit faite exclusivement dans un cadre médical.  En effet le médecin est capable de statuer sur le pronostic du malade, sur ses facultés cognitives, et est capable de prodiguer les substances nécessaires pour assister le malade dans sa décision de fin de vie.  Troisièmement, que la volonté de mourir de la personne soit clairement indiquée et documentée. 


L’aval de deux groupes en particulier serait essentiel si jamais l’euthanasie volontaire ou le suicide assisté devenaient possibles au Canada.  D’abord il serait important d’impliquer les provinces dans la décision, puisque bien que le code criminel soit de juridiction exclusivement fédérale, ce sont généralement les provinces qui intentent des poursuites pour des infractions au code criminel.  Également les médecins sont appelés à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre des décisions de fin de vie.  Eux qui sont formés pour sauver des vies, sont évidemment peu enclin à en terminer.  Il faudra sensibiliser la communauté médicale dans son ensemble et faire un véritable changement de culture.  Il faudra aussi rendre disponible aux médecins qui choisissent d’accompagner les personnes en fin de vie un réseau de support des pairs, et d’information.


Il faut éviter deux pièges faciles lorsqu’on parle du suicide assisté ou d’euthanasie volontaire, soit la religion, et l’argent.  Dans une société laïque comme au Canada, trop souvent le débat sur l’euthanasie volontaire ou le suicide assisté a dévié du vrai questionnement sur les droits individuels vers des débats où les idées et filtres religieux reliés à la mort s’affrontent dans l’arène de l’opinion publique.  Il va de soit que même si les valeurs religieuses d’une personne peuvent teinter ses décisions de vie de mort, ces croyances ne sauraient empêcher les choix individuels des autres canadiens et canadiennes selon leur propres valeurs et croyances.  Au niveau monétaire, les médicaments de fin de vie sont souvent couteux, et à doses relativement importantes, et donc les compagnies pharmaceutiques font des profits sur ces médicaments.  L’impact financier des soins de longue durée sont certainement importants sur un système de santé universel où l’on manque de lits et de ressources en général.  Avec le vieillissement de la population on soupçonne que ces pressions seront de plus en plus importantes.  Mais ces considérations budgétaires bien qu’intéressantes doivent rester en marge du vrai débat, soit le droit d’une personne malade de mourir avec dignité, comme elle l’a choisit.


Je crois que l’euthanasie volontaire et le suicide assisté sont une évolution normale des droits humains pour laquelle la société canadienne est aujourd’hui prête.  Madame Taylor est l’incarnation même d’une femme lucide, digne, et très malade qui comme elle le mentionne n’est pas encore prête à prendre une telle décision, mais ne veut pas être obligé de s’exiler dans un autre pays le moment venu.  On ne peut que souhaiter à Mme Taylor que son appel à la compassion humaine soit entendu, et que son combat aujourd’hui profite à des malades dans le futur, trop faibles pour entreprendre comme elle une telle croisade.  Peut-être pourrez vous également vous prévaloir de ce droit dans le futur si tel était votre désir...

 

 

http://www.aqdmd.qc.ca/page45.php

 

http://www.bccla.org/dying/medically_assisted_dying_FAQ.html

 

http://agora.qc.ca/thematiques/mort.nsf/Dossiers/Le_suicide_assiste_au_Canada

 

http://www.radio-canada.ca/regions/colombie-britannique/2011/11/14/001-suicide-assiste-gloria-taylor-cour-supreme.shtml

 

http://www.bccla.org/dying/medically_assisted_dying.html

 

http://www.cyberpresse.ca/international/etats-unis/200903/06/01-833836-le-suicide-medicalement-assiste-legalise-dans-un-deuxieme-etat.php

 

http://www.parl.gc.ca/About/House/compendium/web-content/c_g_legislativeprocess-f.htm

Commentaires

  • Voilà une deuxième courageuse publication. Maintenant
    sous l'oeil correctif du prof. Bonne suites professionnelles
    Paryse.

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