Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blogue 2 Beuleu E. Enjeux d'un État de Droit après Kadhafi en Libye

La Libye après Kadhafi : les conditions d’établissement d’un État de droit

De nombreux scenarii sont actuellement possible quant à l’évolution de la situation en Libye au cours des prochains mois. L’arrivée au pouvoir du nouveau régime libyen ne doit pas masquer la réalité. La Libye reste un pays fragile et instable. Afin qu’elle remplisse les principaux critères d’un État dit de droit, il lui faut reussir à asseoir le principe fondamental en administration publique : tout doit être approuvé. De nombreuses études ont insisté sur la configuration sociologique de la Libye qui est un conglomérat s’appuyant sur une structure tribale fractionnée en plusieurs centaines de groupes. Au sein de ce conglomérat, les tribus dites arabes sont majoritaires, mais au sud de la Libye il existe des tribus non arabes (Touaregs et Toubous). Souvent méprisés par les arabes, les Touaregs et Toubous vivent en marge de la société. Au déclenchement de la rébellion, la fracture était nette entre tribus de l’Est de la Libye très engagée dans la lutte contre Kadhafi et celles de l’Ouest demeurées majoritairement loyales.  Le jour où la Libye commencera à faire la distinction entre les pouvoirs législatif, exécutif, et judiciaire et assurer l’indépendance de chacune de ces trois parties, nous commencerons à parler de la Libye comme un État où règne le droit.

Les atrocités commises avant et après la chute de Kadhafi ont renforcé les tensions communautaires déjà très vives. Les prochains mois seront cruciaux. La communauté internationale doit maintenir un regard attentif sur la période actuelle et jouer sa partition dans les domaines de la sécurité, de l’économie et de la coordination de la réponse humanitaire. Le nouveau régime doit prendre des décisions courageuses dans les registres de la sécurité, de la justice, du dialogue politique, du redémarrage économique et intégrer un élément de réconciliation dans chacun de ces domaines. La Libye doit reussir à asseoir un État où règne l’information, la prévision, la planification, la programmation, l’exécution et le contrôle des activités de l’État. L’État Libyen doit arriver à présenter sur le plan économique comme producteur, investisseur, consommateur, régulateur, employeur ainsi que leader et promoteur.

Le premier défi pour le nouveau pouvoir est celui de la sécurité. Les évènements meurtriers qui se sont déroulés entre février et octobre 2011 ont fait voler en éclats l’appareil de sécurité. Les forces armées ont été divisées entre défenseurs acharnés et violents de l’ancien régime et les insurgés. Pour le moment, la création des nouvelles forces armées reste un projet aux contours très flous. Fusionner l’armée régulière et plusieurs milliers d’éléments des insurgés au sein de ce nouvel appareil de sécurité doit être la priorité. Les forces rebelles sont mal formées et désordonnées. Si le nouveau régime n’arrive pas à rétablir totalement l’ordre dans les mois à venir, sa crédibilité sera fortement diminuée. De plus, la crise a laissé derrière elle des tonnes d’armes à feu qu’il est impératif de neutraliser. Cet arsenal est une menace immédiate et grave pour la Libye et ses voisins. Le nouveau pouvoir doit reussir à instaurer les principes fondamentaux du fonctionnement de l’exécutif (le gouvernement) à savoir la responsabilité ministérielle, la solidairité ministérielle, les organismes centraux qui filtrent tout, la centralisation et la décentralisation de l’application des décisions et la dévolution ou le principe de la subsidiarité.

Dans un pays où des milliers de personnes ont été tuées en quelques mois, souvent de manière atroce et hors combats, la réconciliation et la justice sont des impératifs et constituent la seconde priorité du nouveau pouvoir. Une justice de vainqueur ne doit pas être mise en place. Plusieurs proches de Kadhafi ont été arrêtés et la justice enquête sur les crimes commis par son clan. Il n’y a aucun doute sur l’extrême gravité des actes posés par les principaux alliés militaires et civils de l’ancien président et sur la nécessité d’enquêter sur ces crimes. Mais, alors que des crimes graves ont été également perpétrés par des membres des forces favorables au nouveau régime, aucune mise en accusation n’a été jusque-là annoncée.

Le troisième défi du nouveau régime est de résister à la tentation d’un pouvoir trop fort qui ne laisserait aucune place à une opposition politique. Les fonctionnaires doivent être considérés comme des employés de l’État et non d’un gouvernement en particulier. Ils doivent se mettre au service du gouvernement du jour et le servir objectivement, de manière impartiale, non partisane et loyalement.  Défait militairement les partisans de Kadhafi sont en état de choc. Le nouveau régime doit créer les conditions d’une normalisation progressive de la vie politique en ménageant un espace d’expression pour ceux qui, anciens partisans de Kadhafi ou non, voudraient s’inscrire résolument dans l’opposition. Toutes les forces politiques, à condition qu’elles renoncent à la violence et aux propos haineux, doivent pouvoir s’organiser.

La relance d’une économie qui a durement souffert de la guerre est le quatrième défi du nouveau régime. Les bailleurs de fonds sont prêts à aider un pays au potentiel conséquent, producteur de pétrole depuis des décennies et disposant d’une base d’infrastructures intéressante. Le nouveau régime doit abandonner les pratiques anciennes qui freinent depuis plusieurs décennies le développement économique du pays et alimentent les frustrations. La communauté internationale doit aider la Libye à traverser sans heurts la délicate période actuelle. Il est essentiel pour la Libye de reussir à instaurer le fonds unique et consolidé du revenu comme seule unité comptable du gouvernement. L’annualité des crédits de dépenses  l’unité du budget et la spécificité des crédits de dépenses doivent y être respectées. Enfin, le nouveau régime doit travailler conjointement avec les partenaires internationaux de la Libye et le gouvernement sur la remise sur pied rapide de l’économie.

                                                                                                            Erica Beuleu

 

 

Commentaires

  • Voilà une deuxième courageuse publication. Maintenant
    sous l'oeil correctif du prof. Bonne suites professionnelles
    Érica.

Les commentaires sont fermés.