Blog 2-Isabelle .....: Groupe du lundi soir, Isabelle Germain
Projet de loi C-10: pas besoin de consulter personne
Le gouvernement Harper, grand défenseur de la sécurité publique, déposait son projet de loi omnibus en septembre dernier. Cette Loi sur la sécurité des rues et des communautés vise à reprendre neuf anciens projets de loi que ce même gouvernement n’a pas réussit à adopter au cours des dernières années alors qu’il était minoritaire à la Chambre des communes. Plus spécifiquement, ce programme de lutte contre la criminalité concerne diverses mesures qui ont en commun le durcissement des sentences, que ce soit par le retrait de la possibilité des peines de prison avec sursis pour certains délits, par l’imposition de sanctions plus sévères pour des infractions à caractère sexuel contre des enfants et pour les délits relatifs au trafic de stupéfiants, ou par des sentences plus lourdes envers les jeunes contrevenants violents. Ce programme se caractérise donc par l’adhésion à une approche plus répressive de la gestion du phénomène de la criminalité. Qui plus est, ce projet de loi ne s'appuit sur aucune consultation.
Statistique Canada annonçait en 2010 que le taux de criminalité déclaré était à son plus bas depuis 1973. Le taux de criminalité est en baisse constante au Canada depuis 10 ans, dont notamment les crimes violents. Dans un contexte où il est bien démontré que la criminalité est en baisse, il est surprenant de constater une motivation aussi ferme à mettre en place des mesures plus lourdes et très coûteuses pour contrer la criminalité. La contradiction importante entre les intentions du gouvernement Harper et la situation réelle en regard à la criminalité au Canada est indéniable. Plusieurs ont tenté de faire valoir leur point auprès du gouvernement, mais il n'y a aucune ouverture de leur part à considérer d'autres options. Il y a donc lieu de questionner sérieusement les intentions de notre premier ministre du Canada alors que celui-ci semble vouloir mettre davantage à profit ses intérêts partisans et idéologiques que ceux des citoyens.
Malgré la baisse de la criminalité, nous devons reconnaître que les canadiens ne se sentent pas davantage en sécurité et expriment des insatisfactions en regard du système de justice. Le gouvernement s’attire donc inévitablement la popularité des électeurs en adoptant une approche répressive. Cependant, en agissant de cette façon, il renforce les citoyens dans leur vision biaisée du phénomène de la criminalité. Il aurait plutôt avantage à les éduquer en leur présentant un portrait réel de la situation. Par exemple, la société aurait avantage à savoir que le Service Correctionnel du Canada s’est doté d’un système de remise en liberté encadrant où chacun des délinquants peut bénéficier de programmes spécifiques lui permettant d’adresser les aspects qui ont contribué à sa criminalité. Ainsi, un individu qui commet des vols qualifiés pour payer sa consommation de drogues peut aisément représenter un risque acceptable pour la société si un programme en toxicomanie lui a permis de travailler sa dépendance de façon à ce qu’il ne consomme plus de drogues. Par surcroît, dans le cadre du programme de remise en liberté, diverses modalités de surveillance sont mises en place afin de gérer le risque efficacement : tests d’urine impromptus, imposition de conditions spéciales, vérifications de couvre-feu, obligation de demeurer dans une maison de transition, contacts avec la famille et l’employeur du délinquant, etc…. Une stratégie de surveillance est donc établie selon les besoins spécifiques et le risque de chaque libéré, et l’évaluation du risque que représente ceux-ci en collectivité s’effectue de façon continue. Ainsi, rapidement le délinquant perd le privilège de sa mise en liberté et se voit contraint de poursuivre sa peine en établissement s’il est déterminé que le risque qu’il présente pour la société est inacceptable.
Certes, l’idée d’imposer des peines plus sévères aux contrevenants a pour effet d’amener les citoyens à se sentir plus en sécurité. Cependant, ce sentiment de sécurité accrue est basé sur une croyance erronée puisqu’un des principes fondamentaux dans la science de la criminologie est que la sévérité des peine n’a pas d’effet dissuasif. En effet, non seulement les délinquants ne réfléchissent aucunement à la peine à laquelle ils s’exposent au moment de commettre leur délit, mais ils n’ont bien souvent aucune idée des peines minimales reliés à l’infraction criminelle qu’ils ont l’intention de commettre. Sans oublier que toutes infractions commises sous le fruit de l’impulsivité ne tient évidemment pas compte de la sentence pouvant être imposée. Donc comment peut-on croire que l’imposition de peines minimales plus lourdes risquent d’avoir une influence positive sur la criminalité? Celles-ci n’ont l’avantage que de bien paraître aux yeux des citoyens peu sensibilisés au phénomène de la criminalité.
Dans notre système législatif, il est établi que les juges possèdent l’expertise pour imposer la peine adéquate. Ils tiennent compte d’un ensemble de facteurs avant d’imposer une sentence (gravité de l’infraction, degré de responsabilité du délinquant, remords présentés, persistance de la criminalité, antécédents judiciaire, impact sur les victimes, etc…) De ce fait, nous devons leur laisser l’entière responsabilité d’imposer la sentence la plus juste selon les particularités de chacune des personnes condamnés. En les limitant par l’imposition de peines minimales, ou par le retrait de certaines sentences telle que le sursis, on leur enlève la possibilité d’avoir recours à la sentence la plus juste, et ceci risque d’être porteur d’injustice.
Par ailleurs, les données financières relatives à cette loi ne sont pas divulguées. Le prix à payer pour chacune de ces réformes législatives n’a pas été clarifié. Certains parlent de milliards de dollars. Nous savons à tout le moins que le bureau parlementaire des provinces et des territoires auraient à défrayer la majeure partie des coûts. Nous savons aussi que ces mesures auront inévitablement pour effet d’augmenter le nombre de personnes incarcérés, alors que l’incarcération d’un individu coûte très cher annuellement. Dans un contexte où les motivations réelles derrière la loi omnibus sont questionnables et que l’efficacité de telles mesures n’a pas été démontrée, comment pourrions nous accepter socialement qu’une bonne partie de nos fonds publics soit utilisée à cette fin. Il m’apparaît clair que des besoins plus criants se font sentir au niveau des soins de santé, de l’enseignement public, de l’aide aux victimes ou de la lutte à la pauvreté. Il serait grand temps que le gouvernement Harper revoir ses priorités.
Commentaires
Voilà un deuxième blogue à lire et analyser avec attention. Brovo pour avoir osée à nouveau. Bonne suite professionnelle Isabelle...!